Intervention de Alain Milon

Réunion du 15 juin 2010 à 14h30
Débat sur « la loi hôpital patients santé et territoires un an après » — Débat

Photo de Alain MilonAlain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la loi HPST :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vient de le rappeler Mme la présidente de la commission, c’est le 24 juin 2009, soit voilà près d’un an, que nous avons adopté définitivement le projet de loi dit « HPST », publié le 21 juillet 2009.

Un an après, un an déjà, ce premier anniversaire méritait de ne pas passer inaperçu. Nous remercions donc Mme la présidente de la commission des affaires sociales d’avoir demandé l’organisation de ce débat, d’autant que nous sommes encore, pour l’instant, plus près du temps des interrogations que de celui des bilans. Un texte aussi important mérite d’ailleurs que l’on porte attention à la façon dont il se traduit peu à peu dans les faits.

Le projet de loi HPST avait fait l’objet de larges débats au sein du Parlement. Il avait aussi mobilisé tous les acteurs de la santé et, au-delà, il n’avait pas, je crois, laissé indifférent un seul de nos concitoyens.

Ces débats se poursuivent dans le cadre de la concertation sur les décrets d’application, si j’en crois les échos qui nous en parviennent. À ce propos, madame la ministre, je regrette que les projets de décret ne nous soient pas communiqués et que nous soyons réduits à suivre leur parution au jour le jour au Journal officiel.

Nous nous réjouissons de la mise en place du comité de suivi demandé par le Sénat. La commission des affaires sociales a entendu l’autre jour son président, notre collègue Jean-Pierre Fourcade, dont nous regrettons, autant que lui sans doute, qu’il ne puisse être parmi nous aujourd’hui, ainsi que son rapporteur général et ses rapporteurs.

Nous avons constaté, sans nous en étonner, que le comité partageait nos interrogations et nos préoccupations. Je ne prétends pas, madame la ministre, vous les exposer toutes. Je me limiterai simplement à des observations sur quelques points qui avaient plus particulièrement retenu l’attention de la commission des affaires sociales.

Tout d’abord, j’aborderai l’hôpital, et sa nouvelle gouvernance, dont la mise en place commence à s’organiser dans le cadre, notamment, des premiers décrets parus entre décembre 2009 et avril 2010.

Comme l’avait fort bien observé le rapport Larcher, avec l’expérience du conseil exécutif, l’ordonnance de 2005 avait offert un cadre propice à une alliance médico-administrative pour la gestion de l’hôpital et ouvert la voie à une coopération associant le pouvoir médical au pouvoir administratif.

Cette coopération nécessaire s’était plutôt bien engagée et, sur le terrain, directeur et président de la commission médicale d’établissement, la CME, avaient appris à travailler ensemble.

La loi HPST déplace les lignes en donnant au directeur d’importants pouvoirs propres et en lui permettant de décider seul, en dernier ressort, de questions essentielles à la vie de l’établissement, même si ses décisions doivent être précédées de concertations ou de consultations.

Entendu par la commission des affaires sociales, Jean-Pierre Fourcade a fort bien analysé cette situation en posant, comme nous l’avions fait lors des débats, la question essentielle du changement de positionnement des acteurs de l’hôpital. En particulier, l’organisation de l’établissement en pôles, la nomination des chefs de pôle, le contenu des contrats de pôle et les délégations de moyens qu’ils prévoiront exigeront la définition rapide – cela ne sera pas facile – de nouveaux rapports entre le directeur, les membres de la communauté médicale et le président de la CME.

Le fait que, dans une conjoncture difficile, l’Agence régionale de santé, l’ARS, sera omniprésente dans la détermination et la mise en œuvre de la politique de l’établissement pèsera aussi sur la recherche de ces nouveaux positionnements.

Dans ce contexte, le conseil de surveillance pourrait jouer un rôle important. L’implication des élus et le choix des personnalités qualifiées seront à cet égard déterminants, en particulier, mais pas uniquement, dans les anciens hôpitaux locaux. L’Assemblée nationale et le Sénat avaient souhaité renforcer les pouvoirs de ce conseil, et nous regrettons que le Gouvernement ne les ait pas toujours suivis sur ce point. Nous espérons cependant que, en usant pleinement, notamment, de sa capacité à se prononcer sur la stratégie de l’établissement et à exercer le contrôle permanent de sa gestion, le conseil de surveillance saura prendre toute sa place dans la nouvelle gouvernance de l’hôpital.

J’évoquerai maintenant – ce sera le deuxième point de mon intervention – les coopérations entre établissements.

En ce qui concerne, d’abord, la coopération entre établissements publics, pourriez-vous, madame la ministre, nous donner quelques éclaircissements sur les conditions de la mise en place des communautés hospitalières de territoire ?

Je ne vous cacherai pas que, actuellement, notre inquiétude porte plutôt sur le devenir de la coopération entre établissements publics et établissements privés, plus spécialement sur celui des groupements de coopération sanitaire, les GCS. Le Sénat, vous vous en souvenez, avait émis de nombreuses réserves à l’égard des GCS-établissements de santé tels qu’ils étaient définis dans le projet de loi initial. Les aménagements que le Gouvernement avait introduits dans son texte ne nous avaient pas entièrement convaincus : ils laissaient en effet subsister des problèmes de fond quant au statut de ces nouveaux établissements et à leurs moyens.

Surtout, nous ne comprenions pas la logique – c’est d’ailleurs toujours le cas – ayant conduit à transformer un outil de coopération en un nouvel établissement par nature très spécialisé et dont la création priverait ceux qui ont voulu coopérer des fruits de cette coopération. Cela nous paraissait pour le moins paradoxal, en termes tant d’organisation de l’offre de soins que d’incitation à la coopération.

Nos interrogations sont aujourd’hui partagées, semble-t-il, et il paraît difficile que les décrets d’application comblent les lacunes de la loi.

Ne serait-il donc pas opportun, madame la ministre, de remettre l’ouvrage sur le métier ? Nous regrettons un peu que l’ordonnance de coordination prévoie l’extension du nouveau dispositif aux GCS médico-sociaux, d’autant que ladite extension nous semble être plus qu’une simple mesure de coordination.

Le troisième sujet que j’aborderai peut paraître plus ponctuel, mais il est en fait essentiel car, avec le décloisonnement du secteur médico-social, l’adéquation, dans ce secteur, de l’offre aux besoins à la fois quantitatifs et qualitatifs était un enjeu essentiel de la loi HPST. À cet égard, la nouvelle procédure d’appel à projets nous tient à cœur : nous attendons beaucoup des garanties qu’elle offre aux promoteurs de ces projets et du soutien qu’elle devrait permettre d’apporter dans des domaines expérimentaux ou innovants.

Or, vous le savez, madame la ministre, en l’état actuel, les projets de textes réglementaires organisant cette procédure suscitent des inquiétudes. Ces dernières portent d’abord sur les délais prévus. Les établissements publics craignent en effet d’être désavantagés, car ils devront procéder à des appels d’offres pour bâtir leurs projets, ce qui risque de les empêcher d’être prêts à temps. Les petits établissements, qu’ils soient privés ou publics, redoutent également d’avoir du mal à respecter les délais, mais surtout de n’avoir pas les ressources nécessaires pour monter des dossiers de qualité.

Par ailleurs, tous les acteurs de terrain, qui sont au plus près des besoins et qui sont donc souvent les mieux placés pour faire des propositions innovantes, redoutent que les cahiers des charges ne restent trop administratifs. Certains souhaitent qu’un dialogue qualitatif puisse s’engager avec tous les promoteurs de projets avant la rédaction de ce cahier des charges. Cela ne nous paraît a priori pas une mauvaise idée, car cela permettra de stimuler la créativité administrative et de favoriser le mûrissement des projets. Qu’en pensez-vous, madame la ministre ?

Avant tout, nous souhaitons être assurés que les procédures seront organisées afin de garantir l’égalité des chances entre tous les porteurs de projets et de favoriser la qualité et la diversité de l’offre sur l’ensemble du territoire.

Permettez-moi enfin d’aborder une question qui est au cœur de la problématique « patients, santé et territoires », à savoir le devenir de la médecine générale. Nous savons tous que les médecins généralistes exerçant en ville sont une espèce en voie de disparition, alors même qu’ils sont la clé de l’accès aux soins et de la coordination des parcours de soins.

La loi HPST n’a pas méconnu cette réalité. À cet égard, elle contient des dispositions intéressantes pour encourager les pratiques innovantes, améliorer l’organisation des professions de santé, inciter à l’installation dans les zones désertées et repenser la formation médicale continue.

Ces signaux étaient d’autant plus nécessaires qu’il est en vérité plus tard encore que nous le pensions. La publication récente par le Conseil national de l’Ordre des médecins des vingt-trois atlas régionaux de la démographie médicale nous en fait prendre conscience. En 2008, dix-neuf régions sur vingt-deux ont enregistré une baisse des effectifs inscrits au tableau de l’Ordre. Les disparités territoriales s’accroissent, même au sein des régions les mieux dotées.

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