Séance en hémicycle du 15 juin 2010 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle le débat sur « la loi hôpital, patients, santé et territoires, un an après », organisé à la demande de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36 du règlement du Sénat.

La conférence des présidents a décidé, à la majorité, que le débat sur « la loi hôpital, patients, santé et territoires, un an après » aurait lieu non dans l’hémicycle, mais dans la salle Médicis.

Nous nous étions opposés à cette décision et nous entendons le faire savoir une nouvelle fois aujourd’hui, même si cela ne sert à rien.

Rien ne justifie qu’une partie de nos débats ait lieu ailleurs que dans l’hémicycle, d’autant que ce dernier n’est pas occupé, à moins de considérer que certaines discussions ne méritent pas d’être menées dans les mêmes conditions que d’autres. C’est à croire que, pour vous, il y aurait des sujets qui mériteraient toute l’importance et la solennité de l’hémicycle, alors que d’autres pourraient se contenter de cette salle, dont nous savons que certains projettent de la transformer durablement en un « petit hémicycle ».

L’avenir de nos hôpitaux et les difficultés que rencontrent les femmes à accéder à l’interruption volontaire de grossesse ne sont pas, visiblement, des sujets d’importance.

Une telle pratique constitue – personne ne peut dire le contraire – un véritable affaiblissement de la démocratie parlementaire. C’est ainsi que le vivent, et douloureusement, les membres de notre groupe.

D’une certaine manière, la décision de la conférence des présidents est parfaitement cohérente avec l’un des objectifs de la loi HPST dont nous devons tirer le bilan, à savoir la diminution de l’ensemble des contre-pouvoirs.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Monsieur Fischer, tout d’abord, nous siégeons ici non pas dans le « petit hémicycle », mais dans la « salle Médicis ».

Ensuite, je vous renvoie au compte rendu in extenso de la conférence des présidents du 27 avril et du 19 mai. J’y vois trace non pas d’un vote, mais d’un accord consensuel pour tenir une séance plénière dans la salle Médicis à l’occasion d’un débat demandé par Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Cette séance, organisée à titre expérimental, ainsi que cela a été indiqué au cours d’une réunion du Bureau, se déroule comme les autres séances publiques, avec les mêmes attributs et selon le même protocole.

Je comprends très bien que vous souhaitiez rappeler votre opposition à cette expérimentation. Reste que le lieu idéal pour faire ce genre de déclaration eût été la conférence des présidents.

Quoi qu’il en soit, je vous donne bien volontiers acte de votre rappel au règlement, et je renvoie chacun au compte rendu de la conférence des présidents, dont vous êtes membre.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, permettez à un parlementaire qui n’est pas membre de la conférence des présidents, et qui n’en saisit donc pas toutes les subtilités, de vous poser quelques questions à la faveur de ce rappel au règlement.

Pourquoi organiser ici un débat qui a été inscrit à l’ordre du jour officiel du Sénat et qui aurait pu tout à fait avoir lieu dans l’hémicycle ? Quelle en est la justification ? Y a-t-il désormais deux statuts pour les séances publiques du Sénat ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Monsieur Sueur, si vous n’appartenez pas à la conférence des présidents, vous avez fait partie du groupe de travail « révision constitutionnelle et réforme du règlement ». Comme j’ai une excellente mémoire, je me rappelle que, lorsque ce sujet y avait été abordé, vous n’aviez pas émis ce type d’interrogation. L’idée, je le rappelle, est de rendre plus interactifs nos débats.

MM. Jean-Pierre Godefroy et Jean-Pierre Sueur protestent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je peux vous garantir que ma mémoire est exacte. Pour preuve, je vous renvoie au compte rendu du groupe de travail.

Nous ferons le bilan de cette expérimentation le moment venu.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous abordons maintenant le débat sur « la loi hôpital, patients, santé et territoires, un an après ».

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite introduire en quelques mots ce débat et expliquer pourquoi la commission des affaires sociales en a demandé l’organisation.

Voilà tout juste un an, le Sénat achevait l’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.

Ce texte reste pour nous un souvenir très particulier, non seulement en raison de son ampleur et de l’importance du sujet traité – la politique hospitalière se trouve au confluent des préoccupations légitimes de nos concitoyens et de l’implication des collectivités territoriales –, non seulement parce que les travaux de notre assemblée ont profondément marqué le texte définitif adopté, mais aussi parce que ce fut la première occurrence, pour notre commission, de mise en œuvre des nouvelles procédures d’examen des projets de loi en commission résultant de la révision constitutionnelle de 2008.

Je ne doute pas que Mme la ministre se souvienne également de l’énergie considérable que nous avons mobilisée, les uns et les autres, pour venir à bout de l’examen de ce projet de loi : 1 420 amendements déposés en commission, 1 373 en séance publique, quatre semaines de débats éprouvants ont marqué nos mémoires.

Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales a jugé indispensable de demander en séance publique l’inscription d’un débat de contrôle afin que nous puissions établir, ensemble, un premier bilan de ce texte emblématique.

Nous avons suivi la mise en route des agences régionales de santé, nous avons pris acte de la publication progressive des mesures d’application – pas moins de 196 décisions étaient expressément attendues à ce titre – et, si nous devions constater la nécessité d’ajustements législatifs pour parvenir aux objectifs assignés à la loi, ce débat nous fournirait, j’en suis sûre, l’occasion de les identifier et d’y pourvoir.

Les discussions seront engagées par nos deux spécialistes reconnus des questions hospitalières : Alain Milon, qui fut le rapporteur émérite du texte, et Alain Vasselle, notre rapporteur général des projets de loi de financement de la sécurité sociale, expert en matière budgétaire hospitalière.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vient de le rappeler Mme la présidente de la commission, c’est le 24 juin 2009, soit voilà près d’un an, que nous avons adopté définitivement le projet de loi dit « HPST », publié le 21 juillet 2009.

Un an après, un an déjà, ce premier anniversaire méritait de ne pas passer inaperçu. Nous remercions donc Mme la présidente de la commission des affaires sociales d’avoir demandé l’organisation de ce débat, d’autant que nous sommes encore, pour l’instant, plus près du temps des interrogations que de celui des bilans. Un texte aussi important mérite d’ailleurs que l’on porte attention à la façon dont il se traduit peu à peu dans les faits.

Le projet de loi HPST avait fait l’objet de larges débats au sein du Parlement. Il avait aussi mobilisé tous les acteurs de la santé et, au-delà, il n’avait pas, je crois, laissé indifférent un seul de nos concitoyens.

Ces débats se poursuivent dans le cadre de la concertation sur les décrets d’application, si j’en crois les échos qui nous en parviennent. À ce propos, madame la ministre, je regrette que les projets de décret ne nous soient pas communiqués et que nous soyons réduits à suivre leur parution au jour le jour au Journal officiel.

Nous nous réjouissons de la mise en place du comité de suivi demandé par le Sénat. La commission des affaires sociales a entendu l’autre jour son président, notre collègue Jean-Pierre Fourcade, dont nous regrettons, autant que lui sans doute, qu’il ne puisse être parmi nous aujourd’hui, ainsi que son rapporteur général et ses rapporteurs.

Nous avons constaté, sans nous en étonner, que le comité partageait nos interrogations et nos préoccupations. Je ne prétends pas, madame la ministre, vous les exposer toutes. Je me limiterai simplement à des observations sur quelques points qui avaient plus particulièrement retenu l’attention de la commission des affaires sociales.

Tout d’abord, j’aborderai l’hôpital, et sa nouvelle gouvernance, dont la mise en place commence à s’organiser dans le cadre, notamment, des premiers décrets parus entre décembre 2009 et avril 2010.

Comme l’avait fort bien observé le rapport Larcher, avec l’expérience du conseil exécutif, l’ordonnance de 2005 avait offert un cadre propice à une alliance médico-administrative pour la gestion de l’hôpital et ouvert la voie à une coopération associant le pouvoir médical au pouvoir administratif.

Cette coopération nécessaire s’était plutôt bien engagée et, sur le terrain, directeur et président de la commission médicale d’établissement, la CME, avaient appris à travailler ensemble.

La loi HPST déplace les lignes en donnant au directeur d’importants pouvoirs propres et en lui permettant de décider seul, en dernier ressort, de questions essentielles à la vie de l’établissement, même si ses décisions doivent être précédées de concertations ou de consultations.

Entendu par la commission des affaires sociales, Jean-Pierre Fourcade a fort bien analysé cette situation en posant, comme nous l’avions fait lors des débats, la question essentielle du changement de positionnement des acteurs de l’hôpital. En particulier, l’organisation de l’établissement en pôles, la nomination des chefs de pôle, le contenu des contrats de pôle et les délégations de moyens qu’ils prévoiront exigeront la définition rapide – cela ne sera pas facile – de nouveaux rapports entre le directeur, les membres de la communauté médicale et le président de la CME.

Le fait que, dans une conjoncture difficile, l’Agence régionale de santé, l’ARS, sera omniprésente dans la détermination et la mise en œuvre de la politique de l’établissement pèsera aussi sur la recherche de ces nouveaux positionnements.

Dans ce contexte, le conseil de surveillance pourrait jouer un rôle important. L’implication des élus et le choix des personnalités qualifiées seront à cet égard déterminants, en particulier, mais pas uniquement, dans les anciens hôpitaux locaux. L’Assemblée nationale et le Sénat avaient souhaité renforcer les pouvoirs de ce conseil, et nous regrettons que le Gouvernement ne les ait pas toujours suivis sur ce point. Nous espérons cependant que, en usant pleinement, notamment, de sa capacité à se prononcer sur la stratégie de l’établissement et à exercer le contrôle permanent de sa gestion, le conseil de surveillance saura prendre toute sa place dans la nouvelle gouvernance de l’hôpital.

J’évoquerai maintenant – ce sera le deuxième point de mon intervention – les coopérations entre établissements.

En ce qui concerne, d’abord, la coopération entre établissements publics, pourriez-vous, madame la ministre, nous donner quelques éclaircissements sur les conditions de la mise en place des communautés hospitalières de territoire ?

Je ne vous cacherai pas que, actuellement, notre inquiétude porte plutôt sur le devenir de la coopération entre établissements publics et établissements privés, plus spécialement sur celui des groupements de coopération sanitaire, les GCS. Le Sénat, vous vous en souvenez, avait émis de nombreuses réserves à l’égard des GCS-établissements de santé tels qu’ils étaient définis dans le projet de loi initial. Les aménagements que le Gouvernement avait introduits dans son texte ne nous avaient pas entièrement convaincus : ils laissaient en effet subsister des problèmes de fond quant au statut de ces nouveaux établissements et à leurs moyens.

Surtout, nous ne comprenions pas la logique – c’est d’ailleurs toujours le cas – ayant conduit à transformer un outil de coopération en un nouvel établissement par nature très spécialisé et dont la création priverait ceux qui ont voulu coopérer des fruits de cette coopération. Cela nous paraissait pour le moins paradoxal, en termes tant d’organisation de l’offre de soins que d’incitation à la coopération.

Nos interrogations sont aujourd’hui partagées, semble-t-il, et il paraît difficile que les décrets d’application comblent les lacunes de la loi.

Ne serait-il donc pas opportun, madame la ministre, de remettre l’ouvrage sur le métier ? Nous regrettons un peu que l’ordonnance de coordination prévoie l’extension du nouveau dispositif aux GCS médico-sociaux, d’autant que ladite extension nous semble être plus qu’une simple mesure de coordination.

Le troisième sujet que j’aborderai peut paraître plus ponctuel, mais il est en fait essentiel car, avec le décloisonnement du secteur médico-social, l’adéquation, dans ce secteur, de l’offre aux besoins à la fois quantitatifs et qualitatifs était un enjeu essentiel de la loi HPST. À cet égard, la nouvelle procédure d’appel à projets nous tient à cœur : nous attendons beaucoup des garanties qu’elle offre aux promoteurs de ces projets et du soutien qu’elle devrait permettre d’apporter dans des domaines expérimentaux ou innovants.

Or, vous le savez, madame la ministre, en l’état actuel, les projets de textes réglementaires organisant cette procédure suscitent des inquiétudes. Ces dernières portent d’abord sur les délais prévus. Les établissements publics craignent en effet d’être désavantagés, car ils devront procéder à des appels d’offres pour bâtir leurs projets, ce qui risque de les empêcher d’être prêts à temps. Les petits établissements, qu’ils soient privés ou publics, redoutent également d’avoir du mal à respecter les délais, mais surtout de n’avoir pas les ressources nécessaires pour monter des dossiers de qualité.

Par ailleurs, tous les acteurs de terrain, qui sont au plus près des besoins et qui sont donc souvent les mieux placés pour faire des propositions innovantes, redoutent que les cahiers des charges ne restent trop administratifs. Certains souhaitent qu’un dialogue qualitatif puisse s’engager avec tous les promoteurs de projets avant la rédaction de ce cahier des charges. Cela ne nous paraît a priori pas une mauvaise idée, car cela permettra de stimuler la créativité administrative et de favoriser le mûrissement des projets. Qu’en pensez-vous, madame la ministre ?

Avant tout, nous souhaitons être assurés que les procédures seront organisées afin de garantir l’égalité des chances entre tous les porteurs de projets et de favoriser la qualité et la diversité de l’offre sur l’ensemble du territoire.

Permettez-moi enfin d’aborder une question qui est au cœur de la problématique « patients, santé et territoires », à savoir le devenir de la médecine générale. Nous savons tous que les médecins généralistes exerçant en ville sont une espèce en voie de disparition, alors même qu’ils sont la clé de l’accès aux soins et de la coordination des parcours de soins.

La loi HPST n’a pas méconnu cette réalité. À cet égard, elle contient des dispositions intéressantes pour encourager les pratiques innovantes, améliorer l’organisation des professions de santé, inciter à l’installation dans les zones désertées et repenser la formation médicale continue.

Ces signaux étaient d’autant plus nécessaires qu’il est en vérité plus tard encore que nous le pensions. La publication récente par le Conseil national de l’Ordre des médecins des vingt-trois atlas régionaux de la démographie médicale nous en fait prendre conscience. En 2008, dix-neuf régions sur vingt-deux ont enregistré une baisse des effectifs inscrits au tableau de l’Ordre. Les disparités territoriales s’accroissent, même au sein des régions les mieux dotées.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Seuls 10 % des nouveaux inscrits au tableau de l’Ordre en 2008 ont choisi l’exercice libéral. Entre 1995 et 2009, le nombre des médecins généralistes a augmenté de 8, 20 %, mais celui des généralistes libéraux de 0, 6 % seulement, contre près de 40 % pour les salariés hospitaliers et plus de 15 % pour les autres formes de salariat. Plus grave encore, certaines mesures incitatives manquent leur but : en Picardie, 50 % des étudiants en médecine venus d’autres régions pour bénéficier de la forte augmentation des places à l’examen national classant sont retournés chez eux une fois diplômés.

Madame la ministre, la seule application de la loi HPST ne permettra pas de résoudre ce problème. Nous regrettons que le décret sur le développement professionnel continu paraisse enlisé et que la montée en charge prévue des créations de postes d’enseignants universitaires de médecine générale s’amorce bien lentement.

Permettez-moi de faire une suggestion : au-delà des lois, des incitations, des rapports, ne faudrait-il pas tout simplement que le Gouvernement lui-même prenne conscience de tout ce que la médecine générale peut apporter à la politique de santé et qu’il fasse davantage appel à sa réelle expertise ?

Je me garderai d’anticiper sur les conclusions de la commission d’enquête sur la grippe H1N1. Permettez-moi cependant, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en guise de conclusion, de vous citer un propos entendu dans le cadre de cette commission, lequel ne me paraît pas totalement idiot : « en un mois, entre la publication de la loi HPST et celle des circulaires sur la grippe, la médecine de premier recours est devenue la médecine de dernier recours ».

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

M. Alain Milon, rapporteur pour la loi HPST. Voilà qui en dit plus, je crois, que la plus longue des lois !

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà un an, le Sénat était tout entier mobilisé par le vote de la loi HPST. Il est sans doute encore un peu tôt pour tirer les enseignements de cette loi et pour faire un bilan complet de sa mise en œuvre mais, comme vient de le dire Alain Milon, les agences régionales de santé sont désormais en état de marche et les décrets d’application de la loi sont, pour les plus importants, déjà publiés.

Il serait d’ailleurs souhaitable que, dans la mesure du possible, le Gouvernement, chaque fois qu’il dépose un projet de loi, communique également au Parlement les décrets d’application les plus importants d’un texte. Certes, une telle mesure n’est pas facile à mettre en œuvre, car, en cas de modification du texte par le Parlement, un décret d’application peut ne plus avoir aucun sens et nécessiter une réécriture complète.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Néanmoins, un échange sur les décrets les plus importants permettrait peut-être d’éviter certaines initiatives des parlementaires et de faciliter l’application pratique des lois.

Notre collègue Jean-Pierre Fourcade, chargé de piloter le comité de suivi de la loi pour son volet sur l’hôpital, a procédé de son côté à un grand nombre d’investigations. Je tiens à saluer ici à la fois son engagement et la très grande qualité du travail qu’il a déjà accompli avec son équipe. Il a engagé une véritable évaluation de la loi, démarche encore trop rare sur les lois que nous votons, et naturellement extrêmement utile pour nous, parlementaires. Il est en effet essentiel qu’un texte aussi capital que la loi HPST soit rapidement et intégralement mis en œuvre, dans l’esprit souhaité par la majorité des deux chambres du Parlement. Et si des éléments empêchent son application, il convient que nous puissions procéder sans tarder aux ajustements nécessaires.

J’ai bien noté, monsieur le président, que, dans le cadre des réunions de la conférence des présidents, vous procéderiez à une évaluation de la première année d’application de la réforme constitutionnelle, notamment du volet « Évaluation des lois et contrôle du Parlement ». Pour ma part, je pense que nous pourrions faire beaucoup mieux et beaucoup plus que ce que nous faisons aujourd'hui. S’il est intéressant de discuter avec le Gouvernement des textes qui sont en cours d’application, rien ne vaut un contrôle sur pièces et sur place pour évaluer l’application d’une loi. À l’issue d’un tel contrôle, nous pourrions présenter un rapport et engager un dialogue avec le Gouvernement pour lui faire connaître les difficultés d’application rencontrées sur le terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

En effet, aussi intéressant soit-il, le débat que nous avons aujourd'hui ne saurait avoir la même valeur que si nous étions allés au préalable à la rencontre des acteurs chargés d’appliquer la loi sur le terrain.

L’essentiel de mon propos aujourd’hui portera sur l’hôpital et sur les enjeux financiers de la réforme, et vous n’en serez pas étonnée, madame la ministre.

La semaine dernière, la commission des comptes de la sécurité sociale a arrêté les comptes pour 2009. Elle a mis en évidence un dépassement de 620 millions d’euros sur la part de l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, consacrée aux établissements de santé.

Pour 2010, le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie a également constaté un risque de dépassement de l’ONDAM de 600 millions d’euros, dont 400 millions d’euros pour les établissements de santé, sous l’effet conjugué d’un accroissement des volumes et de la nouvelle tarification des séjours mise en place au mois de mars 2009.

Réagissant assez rapidement, madame la ministre, vous avez d’ores et déjà pris des mesures correctrices – nous ne pouvons que nous en féliciter –, notamment à travers des ajustements dans la campagne tarifaire de 2010 afin de réduire de 250 millions d’euros le dépassement potentiel des crédits destinés aux établissements de santé. Ces mesures sont bien entendu nécessaires pour contenir les dépenses d’assurance maladie. La situation actuelle impose en effet une très grande vigilance, car il est impératif d’éviter un accroissement des déficits, qui atteignent des montants encore inégalés.

Dans le cadre des auditions auxquelles je procède à l’occasion de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale, toutes les fédérations, que ce soient la Fédération hospitalière de France ou les fédérations privées, dénoncent l’insuffisante visibilité de la pratique des tarifs dans le temps. Certes, la situation du Gouvernement n’est pas très confortable, car il faut bien ajuster les comptes de la sécurité sociale, notamment lorsqu’un dérapage des dépenses est constaté. Cependant, pour conduire une politique la plus efficiente possible, les établissements doivent avoir de la visibilité. Les tarifs ne doivent pas changer au gré du vent, en fonction des évolutions. L’exercice n’est certes pas facile, mais – ne le prenez pas comme une critique, madame la ministre – une attention maximale devrait être portée à cette question. À cet égard, le travail effectué par M. Briet devrait aider le Gouvernement à mieux maîtriser l’évolution de l’ONDAM et à lui conserver un caractère réaliste.

Cela étant, sait-on d’où viennent précisément les dépassements ? On invoque un nombre de séjours hospitaliers supérieur aux prévisions, mais qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Constate-t-on réellement une augmentation de l’activité de l’hôpital ou bien assiste-t-on tout simplement à une optimisation de l’utilisation de la T2A et de la tarification des groupes homogènes de séjour, les GHS ? Nous savons que les hôpitaux se sont structurés pour que la codification soit la meilleure possible. La mise en œuvre de la V11 n’a certainement pas facilité votre tâche, madame la ministre, en raison d’un meilleur calage entre les actes réalisés et la tarification qui doivent les accompagner.

La quasi-absence de comptabilité analytique sérieuse à l’hôpital est un problème récurrent. Que dire de nouveau sur ce sujet que nous n’ayons déjà maintes fois dit et écrit, et alors qu’on ne compte plus le nombre de circulaires ministérielles sur cette question ? Il est impératif de mettre en place une comptabilité analytique fiable dans les établissements de santé. C’est le seul moyen de progresser en matière de gestion des coûts et de pouvoir procéder à des comparaisons entre établissements, sans parler même de la gestion des pôles au sein de l’hôpital. S’agissant de ce dernier point, il serait normal que chaque pôle au sein des hôpitaux puisse connaître ses coûts, mesurer son efficacité et se comparer à d’autres pôles. Or, c’est presque impossible dans le contexte actuel.

C’est la raison pour laquelle la Cour des comptes a fait de cette question une priorité dans son rapport de septembre dernier.

Selon elle, il est plus que temps d’intégrer « un calendrier de déploiement d’une comptabilité analytique pertinente et des tableaux de bord associés », de faire « une analyse des secteurs d’activité présentant des surcoûts, afin de corriger les dysfonctionnements et de réduire les écarts de productivité » et de « donner aux responsables de pôle les outils de connaissance sur leur activité et les compétences appropriées ».

Sans de tels outils, comment expliquer les constats de la Cour des comptes, qui, toujours dans le même rapport, mentionne des écarts de coûts allant de un à dix selon les hôpitaux pour des actes identiques ?

Dans son analyse, la Cour identifie clairement un problème d’autorité. La question est donc de savoir comment obliger les établissements à mettre en place sur le terrain le fonctionnement le plus efficient possible ? Qui doit exercer cette autorité ? À ce jour, ni la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, la DHOS, ni les agences régionales de l’hospitalisation, les ARH, n’y sont parvenues ! Ce sont désormais les agences régionales de santé, les ARS, qui devront assumer cette responsabilité et s’attacher à rendre accessibles les éléments de comparaison entre établissements.

Le préfet Ritter, le président de la nouvelle Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux, l’ANAP, créée à bon escient par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, constate de son côté un problème de compétence au sein des établissements hospitaliers. Surtout, il déplore un manque de volonté au niveau central en faveur de la performance.

C’est sans doute la raison pour laquelle on observe une si grande lenteur dans les évolutions, notamment lorsqu’il s’agit de généraliser des bonnes pratiques. Or cette diffusion est primordiale aujourd’hui. Elle permettrait d’enregistrer des progrès dans tous les établissements, notamment dans ceux qui sont en retard, et il y en a.

Depuis sa création, dans le cadre du plan « hôpital 2007 », la fameuse mission nationale d’expertise et d’audit hospitaliers, la MEAH, s’est attachée à définir et à mettre en exergue les bonnes pratiques. Pourquoi les établissements ne s’appuient-ils pas davantage sur ses travaux et ne sont-ils pas plus encouragés à le faire, hier par les ARH, aujourd'hui et demain par les ARS ?

Or, comme le souligne la Cour des comptes – c’est même le message principal de son enquête –, il y a des efforts à faire partout, y compris à l’intérieur d’un même établissement.

L’insuffisance actuelle des statistiques ne doit donc pas servir de prétexte à une absence de préoccupation sur les coûts. Il est temps de favoriser une approche médico-économique au sein de l’hôpital.

Une telle démarche est directement liée à celle de l’amélioration de l’organisation. Une bonne organisation contribue pratiquement toujours à améliorer la qualité des soins ; les deux sujets sont étroitement corrélés.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Absolument !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

De très nombreux champs d’expérimentation existent. Je pense par exemple à la gestion des urgences ou des plateaux techniques chirurgicaux.

Dans un autre ordre d’idées, une meilleure gestion de la facturation peut être source de recettes supplémentaires appréciables. Ainsi, l’ANAP a évalué que l’absence de facturation d’un certain nombre d’éléments dans les CHU représentait une perte d’au moins 5 % des recettes ; certains parlent même de 10 % des recettes. La même absence de rigueur touche les services chargés des recouvrements.

Certains établissements ont pris conscience de telles défaillances. C’est le cas du centre hospitalier universitaire de Lille, où j’ai eu la chance d’effectuer récemment un stage de deux jours pleins. J’ai pu y mesurer la très grande qualité de la gestion de cet établissement, qui apparaît exemplaire à bien des égards – il y a un directeur hors pair ! – pour les relations nouées entre les professionnels de santé et les responsables administratifs, la coordination entre les soins de ville et l’hôpital ou encore les relations avec les établissements privés voisins. En outre, cet établissement présente un budget pratiquement à l’équilibre.

Madame la ministre, comme je l’ai indiqué lors de la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale que vous présidiez, il faudrait que la gestion d’un tel établissement puisse servir de modèle à d’autres hôpitaux et fournir des référentiels et des éléments de comparaison que l’ANAP serait chargée de promouvoir.

Il ne faut plus retomber dans les errements des dernières années, quand l’utilisation des aides à la contractualisation permettait d’éponger les déficits, sans aucune incitation à faire des progrès compte tenu des faibles contreparties exigées de la part des établissements.

C’est pourquoi nous aimerions que vous nous fassiez connaître votre « feuille de route » pour l’hôpital, madame la ministre.

Comment comptez-vous parvenir au rétablissement de l’équilibre des hôpitaux, qui connaissent en 2009 un déficit global – je l’ai mentionné tout à l’heure – de l’ordre de 600 millions d’euros ?

Ne faut-il pas faire une pause dans l’évolution incessante des modalités de tarification qui sont transmises chaque année, au mois d’avril ou de mai – à mon sens, c’est trop tardif –, aux établissements hospitaliers ? Ne faut-il pas faire preuve d’un plus grand volontarisme à l’égard de réformes susceptibles de produire de réelles économies ?

Je pense d’abord au développement de la chirurgie ambulatoire. À cet égard, des progrès extrêmement importants ont été réalisés dans notre pays. Vous y avez largement contribué, madame la ministre, et le Parlement également. Je me souviens notamment d’amendements que nous avions déposés en ce sens. Nous avions eu des échanges un peu vifs avec le ministre de l’époque, qui n’était pas particulièrement favorable à un développement aussi rapide de l’ambulatoire.

Certains pays, comme la Belgique et l’Italie, ont un taux de pénétration de 90 %, contre 50 % en France. Or, dans les pays comparables au nôtre, on estime aujourd’hui que 85 % des malades peuvent être pris en charge chirurgicalement par l’ambulatoire. Des incitations tarifaires ont certes été mises en place ces dernières années, mais il existe encore un potentiel de développement important, comme le montre le rapport de la commission des comptes de la semaine dernière.

La chirurgie ambulatoire présente en effet de nombreux avantages par rapport à la chirurgie traditionnelle, notamment des bénéfices en termes de satisfaction des patients et de qualité des soins, ainsi que des économies de temps et de ressources.

Une autre source d’économies doit également faire l’objet d’une action plus volontariste : la coordination des soins à la sortie de l’hôpital. Trop de séjours hospitaliers se prolongent du fait de l’absence de solutions de prise en charge adaptée. Des expérimentations sont actuellement menées pour les sorties de maternité. À mon sens, il est impératif de continuer à explorer ce type de réponses.

Vous connaissez, madame la ministre, mon attachement au triptyque « convergence, transparence, concurrence ». Vous avez décidé, au moment du vote de la loi HPST au Sénat, voilà un an, de reporter l’échéance de la convergence intersectorielle à 2018. Je l’ai regretté – vous le savez –, car je crois que, en éloignant cet objectif, on se prive du seul moyen de parvenir à proposer, quel que soit l’établissement, une offre de soins au meilleur coût. Je sais que nous ne sommes pas tous d'accord sur ce point, mais cette idée est tout de même partagée par une majorité d’entre nous.

À l’occasion du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous avez envisagé de mettre en place une convergence ciblée sur quelques groupes homogènes de séjour, ou GHS. Pouvez-vous nous indiquer ce qui a été fait à ce jour et quelles leçons vous en tirez ?

Enfin, vous vous souvenez des craintes que j’avais exprimées l’année dernière sur la question de la gestion du risque. C’est en effet un élément indispensable pour la maîtrise des dépenses d’assurance maladie. La mise en place des ARS nécessitait une clarification des responsabilités, ce que nous avons tenté de faire lors des débats au Sénat voilà un an, en compagnie d’Alain Milon et de Nicolas About, alors président de la commission des affaires sociales. Cela a été laborieux, mais nous sommes parvenus à une rédaction qui, je l’espère, a satisfait tous les acteurs concernés – à moins qu’elle ne les ait tous mécontentés.)…

Madame la ministre, où en est donc la négociation de la convention nationale entre l’État et l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, l’UNCAM ? Comment s’effectuera le partage entre l’assurance maladie et les ARS ? Quelle sera son articulation entre les niveaux national et régional ?

Nous attendons tous beaucoup des ARS, à commencer, me semble-t-il, par le Gouvernement. Ces agences se mettent aujourd'hui en place, en faisant d’abord face à des difficultés d’ordre logistique. Il faut bien en passer par là… Quand pourront-elles être pleinement efficaces et jouer le rôle que nous avons voulu leur confier, c'est-à-dire favoriser une meilleure organisation et une régulation plus performante de l’offre sanitaire et médico-sociale sur un territoire ?

Rendre plus cohérent et plus efficace notre système reste, un an plus tard, une priorité renouvelée et renforcée. Je souhaite que les résultats soient au rendez-vous et que nous n’ayons pas à souffrir de déficits aussi importants de l’assurance maladie, parce que nous aurons réussi la réforme des ARS.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe de l’Union pour un mouvement populaire : 33 minutes ;

Groupe socialiste : 26 minutes ;

Groupe de l’Union centriste : 10 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche : 10 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 8 minutes ;

Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe : 3 minutes.

Dans la suite du débat, la parole est à M. François Autain.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, je commencerai par faire part de la satisfaction de notre groupe et par féliciter Mme la ministre d’avoir promulgué, le 20 mai dernier, un décret relatif aux établissements de santé privés collectifs, qu’on appelait « participant au service public hospitalier », ou PSPH, avant la promulgation de la loi HPST.

Cette suppression était d’ailleurs cohérente avec celle du chapitre relatif au service public hospitalier dans le code de la santé publique, que vous avez malheureusement refusé de rétablir.

Néanmoins, nous nous réjouissons que le Gouvernement, en publiant ce décret, reconnaisse le rôle irremplaçable joué dans notre système de santé par de tels établissements. Nous pensons même que ces derniers devraient constituer un modèle vers lesquels pourraient converger tous les établissements privés.

Pour le reste, la mise en œuvre de ce texte confirme les craintes que nous avions formulées lors de son examen et qui nous avaient conduits à voter contre ce texte.

La logique comptable qui inspirait votre réforme est aujourd’hui à l’œuvre. L’Assistance publique-hôpitaux de Paris, l’AP-HP, qui négocie actuellement avec sa tutelle pour ses budgets à venir, prévoit pour l’année 2010 la suppression de 685 emplois non médicaux, de 50 emplois de personnels médicaux, et la disparition de 25 hôpitaux de l’AP-HP, puisqu’il ne devrait plus rester que 12 sites au terme de cette opération.

Parmi les fermetures les plus importantes, je souhaite mentionner les hôpitaux Jean Rostand, Paul Brousse et Saint-Vincent de Paul. À cela, il convient d’ajouter les fermetures programmées telles que celles de l’hôpital Fernand Widal, de l’hôpital Beaujon à Clichy, menacé par son regroupement avec l’hôpital Bichat. Ce sont aussi 400 lits qui manqueront avec la reconstruction de l’hôpital Charles Foix à Paris. Je passe volontairement sous silence les fermetures de services, trop nombreuses pour les évoquer toutes, comme par exemple à l’hôpital Ambroise Paré à Boulogne-Billancourt, qui voit disparaître son service de réanimation chirurgicale et à qui l’on refuse, contrairement aux engagements, la création de 66 postes infirmiers, ou encore la probable fermeture du service de médecine nucléaire de l’hôpital Louis Mourier de Colombes. Je pourrais évidemment allonger la liste, mais je m’en tiendrai là…

De telles fermetures sont d’autant plus faciles à réaliser que le Gouvernement dispose aujourd’hui, avec les directeurs généraux des ARH, véritables « superpréfets » sanitaires et sociaux, d’une autorité régionale renforcée, ce qui affaiblit la démocratie sanitaire, déjà réduite à la portion congrue.

Quant aux établissements privés à but lucratif, ils peuvent désormais se voir attribuer des missions de services publics qu’ils ont la possibilité de choisir eux-mêmes. En clair, cette décision échappera aux pouvoirs publics, qui sont pourtant les seuls capables de garantir la satisfaction des besoins spécifiques en santé des territoires et des populations. Dans les faits, la direction de la clinique fera acte de candidature en fonction de ses intérêts commerciaux et pour une mission qu’elle aura elle-même sélectionnée, parce que celle-ci correspondra à une activité rentable ou permettra de drainer une nouvelle clientèle. Je pense particulièrement aux urgences.

Le Conseil Constitutionnel ne nous a malheureusement pas suivis lors de notre saisine, et je le regrette. Néanmoins, en déclarant, dans son sixième considérant, qu’il appartiendra à l’autorité de tutelle « en définissant les modalités de cette participation et en la coordonnant avec l’activité des établissements publics de santé, de veiller à ce que soit assuré l’exercice continu des missions du service public hospitalier pris dans son ensemble », le Conseil constitutionnel a relevé quelques faiblesses dans votre organisation, madame la ministre.

Je crois que vous devriez particulièrement veiller à garantir l’accès continu aux tarifs opposables pour des soins débutés dans un établissement commercial. Nous vous avions proposé des amendements en ce sens, et vous les avez systématiquement refusés. Croyez bien que je le déplore.

De la même manière, nous regrettons le choix que vous avez fait d’autoriser les cliniques privées commerciales à constituer des centres de santé.

On voit bien qu’il s’agit, là encore, de créer la confusion entre les établissements sans but lucratif et ceux qui poursuivent un intérêt commercial. Les entreprises de santé, que nous connaissons tous, ne sont pas de parfaits philanthropes. Si elles décident demain d’ouvrir des centres de santé, c’est non pas pour prendre en charge, comme le font très bien les centres municipaux, associatifs ou mutualistes, les besoins de santé d’une population souvent démunie, mais pour avoir accès à une clientèle qui leur échappe actuellement.

Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à le penser. Le jeudi 6 mai 2010, l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux, l’UNIOPSS, a rendu publique la lettre qu’elle a adressée le 23 avril dernier au Premier ministre, François Fillon, pour lui demander d’abroger trois des dispositions de l’ordonnance du 23 février 2010 de coordination avec la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Deux des mesures concernées ont trait aux centres de santé.

Nous partageons pleinement l’analyse du président de l’UNIOPSS, qui, dans un recours gracieux sur les décrets du 23 février 2010, précisait ceci : « À ce titre, nous nous permettons d’insister sur l’importance qu’il y a de pouvoir garantir aux patients qui entrent dans le circuit de soins d’un établissement de santé par l’intermédiaire d’un centre de santé le bénéfice du tarif opposable tout au long de leur prise en charge par cet établissement de santé, qu’il s’agisse d’actes à visée diagnostique ou thérapeutique. »

De la même manière, nous sommes inquiets quant à la procédure relative à la création de ces centres, que vous entendez mettre en place par décret.

Nous sommes aujourd’hui sous un régime dit de l’autorisation. En d’autres termes, pour pouvoir s’installer, un centre de santé doit avoir reçu une autorisation de la part des autorités compétentes, attestant notamment – c’est très important – que son implantation est conforme au schéma régional d'organisation sanitaire, le SROS. Or il semblerait que, sous prétexte de favoriser la création des centres de santé, gérés en réalité par des cliniques commerciales, vous fassiez évoluer le système selon une logique déclarative. Dès lors, il n’y aurait plus de visite de conformité ni, surtout, d’opposabilité du volet ambulatoire du SROS. Cette décision serait lourde de conséquences, dans la mesure où l’objectif assigné au SROS est d’assurer à l’ensemble de la population l’accessibilité financière et géographique à des soins de qualité.

De plus, comme si concéder des pans entiers de service public au secteur privé ne vous suffisait pas, vous avez fait le choix d’instiller dans le public des pratiques spécifiques au secteur privé, que nous réprouvons.

Disant cela, je pense, en particulier, à la nomination aux postes de directeurs d’établissements publics de santé de personnels non fonctionnaires, c’est-à-dire de personnels non issus de l’École nationale de santé publique, l’ENSP. Nous avions contesté cette mesure à l’occasion de l’examen de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, que j’avais personnellement défendue devant vous. Le Conseil constitutionnel, s’il a validé cette disposition, a toutefois émis d’importantes réserves. À titre d’exemple, il vous a contraint à limiter à 10 % le nombre de directeurs non issus de l’ENSP et à préciser par décret les compétences indispensables de ces directeurs recrutés de manière dérogatoire, ainsi que la manière de les évaluer. Vous n’aviez rien prévu de tout cela. Vous ne vouliez pas entendre nos avertissements, puisque, pour vous, il s’agissait de traduire dans les faits le dogme qui a conduit à l’élaboration de ce projet de loi : la transformation de l’hôpital en une entreprise de soins.

Dans le même temps, vous appuyant sur la même logique d’ « hôpital-entreprise », vous avez instauré le recours massif aux contractuels et la rémunération au mérite. Ainsi, dans un seul et même service, différentes relations contractuelles peuvent désormais coexister, ce qui ne manquera pas de créer des conflits, peu propices, nous le savons tous, à un travail en équipe. D’ailleurs, interrogés par le syndicat des médecins anesthésistes, 85 % des salariés ont déclaré leur opposition à cette mesure.

En outre, pour imposer votre nouveau modèle de gestion, vous avez fait le choix d’apporter des restrictions considérables à ce qui faisait sans doute la spécificité de notre système de santé : son caractère démocratique. Les représentants des territoires que nous sommes savent tous combien la participation des élus locaux aux conseils d’administration des établissements publics de santé a été bénéfique. Alors que, hier encore, les conseils d’administrations étaient de véritables lieux de décisions, associant l’ensemble des personnels, ils sont devenus, sous la forme de conseils de surveillance, de simples organes consultatifs. En somme, les pouvoirs décisionnels ont été transférés aux directoires.

Madame la ministre, la mise en œuvre de cette réforme apporte quotidiennement la preuve que notre opposition était fondée. Tout cela ne fait que la renforcer.

Cette réforme va rendre plus précaires les conditions d’accueil et de prise en charge des plus pauvres de nos concitoyens, dont l’état de santé est le plus atteint. §La détérioration des conditions de travail des professionnels de santé risque de les décourager, et de faire fuir les plus compétents vers le secteur privé. Il est à craindre que votre réforme de l’hôpital ne compromette la qualité et la sécurité des soins qui y sont dispensés, sans pour autant garantir un retour à l’équilibre financier.

Enfin, et nous pouvons tous le regretter car il y a urgence, cette loi n’apporte aucune réponse à la disparition programmée de la spécialité de médecine générale – quelques années seulement après sa création – ni aux inégalités territoriales de santé. Vous en aviez l’opportunité. Vous n’avez pas pu, ou pas voulu, la saisir. C’est profondément regrettable, car tout retard dans ce domaine rend plus difficile encore la mise en œuvre des mesures indispensables pour stopper la dégradation de notre système de santé.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la loi du 21 juillet 2009 portant, notamment, réforme de l’hôpital a déjà un an d’existence. Tous les textes réglementaires qui devaient l’accompagner ne sont pas encore parus. Je me limiterai donc à poser quelques interrogations, qui interpellent nombre d’acteurs du monde hospitalier, directement concernés, mais aussi nos concitoyens s’intéressant au secteur de la santé.

Première interrogation. Le Président de la République a fixé l’objectif d’équilibre financier pour tous les établissements publics de santé à l’année 2012. Or, un tel objectif place beaucoup d’établissements sous une forte contrainte, qui les conduit à rechercher une amélioration de leur efficience, à revoir leur organisation et à réduire leurs effectifs, puisque les charges de personnel constituent le principal poste de dépenses d’un établissement hospitalier.

Cette nouvelle gouvernance, madame la ministre, comporte plusieurs volets : renforcement du pouvoir des chefs d’établissement, mise en place de pôles d’activités médicales sous contrôle des directoires avec des chefs de pôle dépendant étroitement des directeurs, affaiblissement du rôle dévolu aux commissions médicales notamment. Pourriez-vous nous dire, si, récemment mise en œuvre dans les hôpitaux, elle permet d’ores et déjà de maîtriser avec plus d’efficience la gestion économique des hôpitaux, sans pour autant dégrader la qualité de la prise en charge des malades ni augmenter le stress et la pénibilité des tâches effectuées par le personnel ?

En effet, s’agissant des incidences sociales de cette nouvelle gouvernance, notre inquiétude est avivée par le nombre de mouvements sociaux constatés dans les établissements de nos circonscriptions ou rapportés par les médias : je pense notamment à ceux, évoqués par mon collègue, ayant eu lieu dans les établissements de l’Assistance publique- hôpitaux de Paris, ou à d’autres intervenus en province, comme celui, en avril dernier, à l’hôpital du Creusot en Saône-et-Loire. Permettez-moi aussi de souligner les démissions en bloc de commissions médicales d’établissement, comme, en décembre 2009, celle du centre hospitalier intercommunal du val d’Ariège.

Chaque fois est dénoncée une gestion des ressources humaines et budgétaires d’une rigueur extrême, la plupart du temps perçue comme méprisante des communautés médicales et des organisations représentatives du personnel. Celle-ci est à l’origine de violents incidents dont sont également victimes, par effet boomerang, les cadres de directions eux-mêmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Nos concitoyens s’interrogent : la gestion économique et financière est-elle pour autant plus performante qu’avant la réforme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Ne risque-t-on pas d’assister à des « dérives gestionnaires », certains établissements anticipant les objectifs supposés des ARS, d’autres répondant à des objectifs effectivement irréalistes fixés par les tutelles ? Qu’en sera-t-il de la sécurité et de la qualité des soins dans ces conditions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Quel sera l’avenir du dialogue social dans nos établissements hospitaliers qui, apaisé, est le gage d’un bon climat dont bénéficient avant tout les malades ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Deuxième interrogation. Dans le décret n° 2009-1765 du 30 décembre 2009 portant sur l’organisation et le fonctionnement des directoires des hôpitaux publics, il est prévu que le directeur, président du directoire, peut déléguer sa signature. Mais il ne s’agit toujours pas d’une délégation de pouvoir, ce qui pourrait être perçu par les autres membres du directoire comme une méfiance à leur égard. Cette situation risque de constituer un frein au dynamisme recherché par la mise en place de ce nouveau mode de gouvernance dans les hôpitaux.

Par ailleurs, en cas de changement de directeur de l’hôpital, le mandat des membres du directoire prend fin. Qu’en est-il de l’intérim des fonctions de président du directoire ? Le décret est silencieux sur ce point. Ne risque-t-on pas d’aller vers une paralysie temporaire de la gouvernance de l’établissement ?

S’agissant des membres médicaux du directoire, leur nomination appartient au directeur sur proposition, pour les médecins, du président de la commission médicale d’établissement qui établit une liste de trois noms. Si la liste est incomplète, non livrée ou si elle fait l’objet d’un désaccord, le directeur peut demander l’élaboration d’une nouvelle liste sous quinze jours. En cas de nouveau désaccord, le directeur nomme les membres de son choix. Cette procédure, prévue par le décret en cause, n’apporte aucune indication en cas d’absence, possible, de « candidatures » de praticiens aptes et désireux de s’investir dans la vie institutionnelle. Que se passe-t-il dans ce cas ? Cette situation risque de se produire un jour, et ne peut être considérée comme une hypothèse d’école.

En ce qui concerne la concertation, sujette à bien des débats, le décret prévoit seulement qu’elle doit se dérouler « à l’initiative et selon les modalités définies par le Président du Directoire ». Cette formulation ne me paraît pas vraiment de nature à apaiser les critiques issues du monde médical à l’égard de la nouvelle gouvernance. Le décret impose néanmoins que des « modalités » soient définies. L’exercice paraît difficile. En effet, la « concertation » dont il s’agit ne doit pas déboucher sur une procédure formellement consultative, la loi HPST ayant exclu la formulation d’avis – ce n’était pas notre position, je tiens à le rappeler. Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser comment ce processus de concertation se déroulera dans la pratique ?

Troisième interrogation. Le déploiement du savoir-faire, que l’on nous promet novateur, des directeurs des agences régionales de santé, installés depuis le 1er avril dernier sur nos territoires, permettra-t-il de réguler, sans dégâts excessifs au niveau de nos régions, les ONDAM annoncés le 20 mai dernier, à l’occasion de la conférence sur les déficits ? La question est d’autant plus pertinente que les chiffres annoncés sont de 2, 9 % en 2011 et de 2, 8 % en 2012, alors que les 3 % accordés en 2009 et en 2010 étaient déjà fortement insuffisants, voire irréalistes !

Quatrième interrogation. La loi HPST est souvent perçue par nos concitoyens comme un outil dans l’arsenal des moyens mis en œuvre par l’État pour maîtriser d’une manière volontariste les dépenses de santé. Ce n’est pas faux. Mais pouvez-vous nous préciser, madame la ministre, où se situent exactement les limites que le Gouvernement entend donner à cette maîtrise qui, on en conviendra, suscite l’inquiétude des associations d’usagers du système de santé, des malades – notamment les plus démunis – et, d’une manière plus générale, de la population française ?

De même, au sujet des recommandations des comités d’experts prévus dans la loi HPST, nous souhaiterions savoir quelle suite le Gouvernement entend donner aux propositions de la mission Briet, dont nous parlions tout à l’heure. Il s’agit, monsieur le rapporteur général, du « gel des crédits accordés aux missions d’intérêt général effectuées par les hôpitaux publics ». Je tiens à le souligner, si ces recommandations sont retenues par le Gouvernement, ce qui semble être en bonne voie, certaines enveloppes de l’ONDAM seront mises en réserve en début d’exercice budgétaire chaque année et « dégelées » éventuellement en cours d’exercice, si j’ai bien compris, sur avis d’un comité d’experts. Les crédits finançant les missions d’intérêt général assumées par les seuls hôpitaux publics – SAMU, gardes médicales entre autres – constituent, si l’on en croit la fédération hospitalière de France, l’essentiel des sommes concernées. Ce faisant, seuls les hôpitaux publics supporteraient les conséquences des dérapages des autres acteurs du système de santé – médicaments, cliniques commerciales – alors qu’aucun système de régulation n’existe, à ma connaissance, ou n’est prévu en ce qui les concerne. N’est-on pas là en contradiction avec l’esprit de la loi HPST qui – doit-on le rappeler ? – a souhaité, contre notre avis du reste, placer sur le même plan, s’agissant des missions de service public, l’hospitalisation publique et l’hospitalisation privée commerciale ?

Je vous demande donc également, madame la ministre, si les craintes exprimées par la fédération hospitalière de France sont fondées et, dans le cas où elles le seraient, ce que j’ai tout lieu de croire, de nous préciser si l’exercice des missions de service public devra en conséquence être « gelé » au début de chaque année dans l’attente du dégel hypothétique des crédits en cause. Nous aimerions également savoir si la loi HPST a pour vocation de faire des hôpitaux publics les variables d’ajustement du budget de la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Cinquième interrogation. Nous n’avons pas perçu d’écho particulièrement positif des opérations de fusion et de création de communautés hospitalières de territoire, ou de groupements de coopération sanitaire. Ces deux derniers ont été prévus par la loi HPST.

Ainsi, les fusions plus ou moins forcées entre établissements hospitaliers entraînent souvent des craintes dans la population des villes concernées, qui déplore la disparition de services de proximité sans bien mesurer le « plus » en résultant. Les créations de communautés hospitalières de territoire sont pour l’instant encore peu nombreuses et elles semblent – c’était à craindre – se réaliser au bénéfice des établissements les plus importants des secteurs sanitaires concernés, s’agissant de la répartition des activités médicales. Cela suscite la défiance du corps médical, la grogne du personnel hospitalier et des résistances affirmées des élus auxquels la population demande des comptes, alors qu’ils n’y peuvent rien !

Je déplore du reste à nouveau que l’effacement des élus locaux, dont le rôle relève plus de la démocratie contemplative que de la démocratie participative

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

… effacement voulu par la loi HPST, ne leur permette pas de jouer leur rôle naturel de médiateur entre les parties en présence.

S’agissant des groupements de coopération sanitaire, leur mise en place est également laborieuse tant les cultures entre hôpitaux publics et cliniques commerciales sont éloignées.

Notons par exemple que les regroupements de cliniques à but lucratif financées par des fonds d’investissement ou des fonds de pension ont plus volontiers l’œil fixé sur un « retour sur investissement » à deux chiffres que sur l’aménagement du territoire ou la recherche de réponses adaptées à la satisfaction de l’intérêt général en matière sanitaire.

J’ajouterai, pour conclure, que ce ne sont pas les vifs échanges médiatiques entre les représentants de l’hospitalisation publique – la fédération hospitalière de France – et ceux de l’hospitalisation privée – la fédération des hôpitaux privés, laquelle vient du reste d’adhérer au MEDEF, ce qui en soit est déjà toute une philosophie... – qui vont améliorer le climat et le rendre propice à un développement confiant des groupements de coopération sanitaire entre hôpitaux publics et cliniques privées à but lucratif. Ce n’est pas, pour nous, une surprise !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la France est le pays au monde où le nombre d’établissements de santé rapporté à la population est le plus élevé. Tout le monde s’en félicite, plus particulièrement les élus, comme nous venons de l’entendre. Ce maillage hospitalier particulièrement dense représente un coût certain : est-il toujours compatible avec les exigences de qualité et de sécurité des soins ? Je n’en suis pas tout à fait convaincu personnellement et je l’ai souvent dit.

À l’occasion de discussions informelles, je suis d’ailleurs frappé de constater que, lorsqu’une intervention chirurgicale est programmée, les personnes les mieux informées préfèrent le plus souvent être opérées ailleurs que dans l’hôpital le plus proche de leur domicile quand celui-ci est un établissement de petite taille. Bien avant la distance et le temps de transport, la qualité du plateau technique et les capacités du chirurgien constituent pour elles les critères fondamentaux du choix du lieu de leur opération.

Au total, les hôpitaux de proximité n’attirent aujourd’hui le plus souvent que les personnes qui y sont conduites dans un état grave – et donc dans l’incapacité d’exprimer leur volonté –, les personnes âgées isolées et la frange la plus défavorisée de la population du territoire concerné. Ce constat est valable pour de nombreuses spécialités, et plus particulièrement la chirurgie.

Cette situation est d’autant plus regrettable que les chirurgiens refusent souvent d’exercer dans ces établissements, obligeant les directeurs, pour maintenir l’activité, à recruter des praticiens étrangers, dont la qualité de la formation peut être d’un niveau moindre et n’a pas toujours été évaluée correctement.

Le maintien de ces structures conduit donc à l’émergence d’une médecine et d’une chirurgie à deux vitesses, ce qui n’est pas acceptable. Un mouvement de restructuration a été réalisé dans le cadre des schémas régionaux d’organisation sanitaire, les SROS, qui ont notamment fixé un seuil d’actes par an et imposé la présence d’une équipe opératoire minimale. On le sait, les résultats opératoires s’améliorent en fonction de l’expérience des chirurgiens et lorsque ceux-ci ne doivent plus exercer isolément toutes les prestations, comme cela se passe le plus souvent dans un petit hôpital. La chirurgie a considérablement évolué et exige aujourd’hui de ses praticiens une technicité et une spécialisation extrêmes, qui supposent l’accompagnement d’une équipe pluridisciplinaire.

J’approuve donc largement la politique en cours et souhaite qu’elle soit effectivement menée à bien. La loi HPST comporte un volet important sur les coopérations, avec la création des communautés hospitalières de territoire et le renforcement des groupements de coopération sanitaire : elle tend à faciliter la création de structures viables au regard de leur fonctionnement médical. Pouvez-vous nous faire un point sur ce volet, madame la ministre ? Les décrets d’application sont-ils tous publiés ? Pensez-vous que les rivalités entre villes voisines ou la peur des petits établissements de se trouver défavorisés peuvent être surmontées, pour créer de véritables pôles hospitaliers dotés d’équipes médicales réellement communes ?

Le rapprochement des établissements publics et privés est positif. Mais, en l’absence de convergence des tarifs, les difficultés sur le terrain resteront grandes. Nous avons été nombreux à regretter que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 ait repoussé l’échéance à 2018. On peut comprendre que le chemin soit long, mais non qu’aucune méthode n’ait été arrêtée depuis 2005.

Par ailleurs, au moins autant que la convergence entre public et privé, il convient d’opérer une convergence intrasectorielle, à l’intérieur même du secteur public. Dans son rapport de 2009 sur la sécurité sociale, la Cour des comptes a relevé des disparités de productivité variant, par exemple, de un à cinq en maternité, de un à huit pour la chirurgie orthopédique et de un à dix en pneumologie. Ces différences sont-elles justifiées ? Quel est leur impact sur la qualité du service médical rendu ?

Un autre facteur risque de fragiliser le tissu hospitalier : la démographie médicale, en particulier dans le secteur public. Depuis dix ans, les effectifs des praticiens hospitaliers ont sensiblement augmenté mais, dans certaines spécialités, les taux de vacance sont importants, en raison d’une d’attractivité insuffisante. En effet, les chirurgiens, mais aussi les radiologues et les anesthésistes, sont de plus en plus nombreux à rejoindre le secteur privé où leur rémunération est sans commune mesure avec les traitements du secteur public.

Il y a de quoi être inquiet, surtout dans la perspective de la cessation d’activité d’une génération de praticiens très polyvalents – à dominante masculine, il faut bien le dire –, pratiquant au sein d’équipes parfois très réduites et acceptant des contraintes importantes de permanence des soins.

Même si l’augmentation du numerus clausus est maintenue, ces nombreux en retraite vont entraîner un infléchissement des effectifs jusqu’en 2025. Il faudrait donc anticiper ces évolutions et soutenir l’attractivité de la carrière de praticien hospitalier, d’autant que les nouvelles générations peuvent avoir une approche du travail à l’hôpital différente de celle de leurs prédécesseurs. Plus jeunes et plus féminisées, elles souhaitent intégrer des équipes importantes leur permettant des échanges, le développement de techniques de pointe, avec une charge de permanence des soins moins lourde.

Si l’on veut attirer les praticiens à l’hôpital, il faut qu’ils se sentent acteurs de leur activité et que leur place soit valorisée, d’autres collègues l’ont déjà souligné. En effet, le départ d’un praticien vers le secteur privé correspond souvent à une accumulation d’incidents et de vexations.

Les réformes successives de l’hôpital ont provoqué chez certains praticiens un grand désenchantement, pouvant confiner à l’amertume. Nous l’avons constaté au moment de l’examen de la loi HPST : ils ont eu l’impression de ne plus être reconnus et ont éprouvé, à juste titre, des difficultés à se repérer dans la nouvelle gouvernance. Nous devons prendre garde à ce que celle-ci ne fonctionne pas contre eux. Toute démarche de modernisation d’un établissement suppose, pour produire les améliorations attendues, une adhésion forte de tous les personnels au projet médical et au projet d’établissement.

Au-delà d’une revalorisation financière nécessaire, il conviendrait aussi d’assurer une gestion plus active et personnalisée de la carrière des praticiens. L’avancement doit être lié non pas uniquement à la démographie ou au départ du chef de service, mais à une formation continue de qualité et à un projet médical mené à bien. Cette lisibilité serait à mon avis de nature à attirer les praticiens à l’hôpital et à les fidéliser.

Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour réduire les vacances de postes ? Quelles seront les conditions d’application du contrat de clinicien prévu par la loi HPST ? Ces questions revêtent une acuité nouvelle, alors que certaines cliniques développent le salariat des médecins qu’elles emploient et proposent des primes pour embaucher de nouveaux médecins.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord exprimer mon étonnement de me trouver dans cette salle. J’ignore qui a pu avoir l’idée saugrenue de nous y faire siéger, car le Sénat dispose d’un hémicycle…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

M. Jean Louis Masson. Je ne vois donc pas pourquoi nous nous comportons comme si nous étions une sous-commission.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Nous sommes en formation plénière, nous devons donc siéger en séance publique dans l’hémicycle et il n’est pas correct de nous faire réunir dans cette salle.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Monsieur Masson, puis-je vous interrompre quelques instants ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je vais vous apporter une précision, en vous citant un document qui me manquait tout à l’heure, lorsque M. Fischer puis M. Sueur m’ont interpellé.

Lors de la réunion du groupe de travail « révision constitutionnelle et réforme du règlement » qui s’est tenue le 7 janvier 2009, M. Sueur s’est ainsi exprimé

Exclamations sur les travées du groupe socialiste

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

: « Pour sortir de ce débat entre “ petit hémicycle ” et “ grand hémicycle ”, je propose que nous parlions simplement de “ séance publique ”. Les séances publiques du Sénat peuvent éventuellement avoir lieu dans un autre endroit que l’actuel hémicycle. […] La séance publique est […] ouverte au public. […] Elle fait l’objet d’un compte rendu intégral. » Vous voyez que nous n’avons pas travaillé pour rien, que nos échanges ont été très riches et que M. Sueur y a largement contribué !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Permettez-moi d’observer, monsieur le président, que je ne me considère pas engagé par des propos de M. Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Nous sommes très bien assis dans cette salle, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Vous disposez de trois minutes pour intervenir, monsieur Masson ! Nous avons pris connaissance de votre sentiment.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Je tiens malgré tout à réaffirmer qu’il serait plus convenable que nous siégions dans le véritable hémicycle...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

… car je ne vois pas quelles économies pourraient être réalisées en siégeant dans cette salle !

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Très bien ! Pour une fois, je suis d’accord avec vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Madame le ministre, je souhaite évoquer le problème de la démographie médicale.

Nous éprouvons actuellement un manque crucial de médecins dans de nombreux domaines, car les gouvernements successifs, qu’ils soient de droite ou de gauche, ont fait semblant d’ignorer qu’ils allaient « dans le mur ».

Actuellement, si l’on veut consulter un oculiste…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Un ophtalmologiste ! Les oculistes ne sont pas des médecins !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Excusez-moi ! Pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste, il faut parfois attendre cinq ou six mois. Nous devons donc absolument réexaminer la situation et engager un véritable débat sur la formation d’un nombre plus important de médecins. Actuellement, le Gouvernement essaie de réduire les dépenses de sécurité sociale en réduisant le nombre de médecins. Mais ce n’est pas parce qu’il y aura moins de médecins que les gens seront moins malades et qu’ils auront moins besoin d’être soignés !

Ma question est très simple : des centres hospitaliers universitaires existent en France, ainsi que des centres hospitaliers régionaux, qui constituent une catégorie intermédiaire, représentée seulement par trois établissements. Ces centres hospitaliers régionaux ont été créés, il y a trente ou quarante ans, avec la perspective de les ériger en centres hospitaliers universitaires, pour y implanter un enseignement médical et former plus de médecins. Entre-temps, le numerus clausus a été instauré et des restrictions budgétaires sont intervenues, ce qui explique que nous conservions cette catégorie croupion de CHR, embryons de CHU qui ne se sont jamais développés.

Madame le ministre, pourquoi conserver cette catégorie des CHR ? Pourquoi ne pas transformer plutôt ces établissements en CHU, conformément à leur vocation initiale ? Je ne dispose pas, à l’inverse de M. le président du Sénat, de moyens de documentation très développés, mais je pourrais vous produire des documents de l’époque, annonçant très clairement que les CHR deviendraient CHU. Après trente ans, la situation pourrait enfin évoluer, ce qui contribuerait à régler l’énorme problème de démographie médicale que nous connaissons. Nous allons léguer à la génération suivante une véritable bombe atomique, parce que le nombre de médecins va considérablement diminuer, avec des conséquences désastreuses.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, un peu moins d’un an après la promulgation de la loi HPST, nous remercions le Sénat et la commission des affaires sociales d’avoir pris l’initiative d’organiser ce débat. Déjà, beaucoup de nos interrogations ont reçu une réponse lors de la séance de « questions cribles » du 9 février dernier. Depuis, les ARS se mettent en place, ainsi que la nouvelle gouvernance hospitalière.

Le comité de suivi de la réforme de la gouvernance des établissements publics de santé, présidé par notre collègue Jean-Pierre Fourcade, fonctionne lui aussi et ses travaux nous ont aidés à préparer le présent débat. Il insiste sur le fait qu’il est encore trop tôt pour se prononcer sur des sujets aussi fondamentaux que les rapports entre les hôpitaux et les directeurs généraux des ARS, l’évolution du rapport entre secteur public et secteur privé, ou le mouvement de regroupement et de coopération qui est engagé.

Si l’heure n’est donc pas vraiment au bilan, en revanche, une tendance inquiétante pourrait se faire jour sur le terrain : il ne faudrait pas que nous assistions à une recentralisation excessive du système.

L’exemple du centre hospitalier de la ville dont je suis maire, Arras, m’incite à souligner le danger, avant qu’il ne soit effectif. Très concrètement, le conseil d’administration n’a pas été suivi par l’ARS et le ministre pour la nomination du directeur. Bien sûr, ce cas isolé ne fera pas jurisprudence, mais il serait fort regrettable qu’il préfigure, dans la réalité, une certaine marginalisation du conseil de surveillance, appelé à remplacer le conseil d’administration.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Cette évolution serait regrettable parce que contraire, non seulement aux valeurs que nous défendons ici, mais aussi à l’esprit du texte.

Comme M. le rapporteur l’a rappelé, nous nous sommes battus au Sénat pour aboutir à une rédaction garante d’un meilleur équilibre entre pouvoir administratif et pouvoir médical, d’une part, et entre pouvoir administratif et pouvoir démocratique, d’autre part. Veillons à ce que cet équilibre soit respecté !

En filigrane, c’est toute la question de la place de l’élu dans le système qui se trouve posée. Certains maires me l’ont dit, ils ont déjà renoncé à jouer un rôle à l’hôpital. C’est bien cela qu’il faut éviter.

La réalité sera bien sûr à géométrie variable. Elle dépendra du pouvoir d’influence du maire ou du président de la communauté de communes, de ses relations avec le directeur général de l’Agence régionale de santé – le DGARS – et avec le préfet, ce dernier pouvant d’ailleurs jouer un rôle d’arbitre.

Prenons un autre exemple, celui des communautés hospitalières de territoire.

Il s’agit d’optimiser, dans un secteur géographique donné, l’offre de soins et sa qualité, fondée sur l’excellence médicale et la valeur des plateaux techniques. Cette problématique concerne aussi l’aménagement du territoire et les relations entre collectivités.

Ce choix stratégique ne peut donc s’opérer sur les seules bonnes relations médicales et administratives, encore moins sur des rapports de pouvoir entre directeurs ou chefs de services hospitaliers.

En conséquence, les ARS devront veiller à saisir l’ensemble des conseils de surveillance concernés pour construire des partenariats solides et éviter des foires d’empoigne contre-productives qui pénaliseraient patients et finances publiques.

Pour encadrer cela et, plus globalement, pour que le texte s’adapte au mieux au terrain, la notion de bonne pratique sera à mon avis déterminante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Ainsi, les bonnes pratiques devraient être rapidement recensées et portées à la connaissance de tous.

La loi HPST ne concernant pas uniquement l’hôpital, je souhaiterais dire quelques mots sur son volet relatif aux soins ambulatoires, volet que nous avions – hélas ! – identifié comme étant le parent pauvre de cette réforme au moment du vote du texte.

Deux constats s’imposent à ce sujet.

Premièrement, si rien ne change, il y aura dans dix ans deux fois moins de médecins généralistes qu’actuellement. Selon l’Ordre des médecins, leur nombre devrait passer, dans mon département, de 1 400 à moins de 600 médecins.

Deuxièmement, comme cela a déjà été signalé, la profession se féminise, 70 % à 80 % de jeunes femmes s’orientent vers cette spécialité. Cette évolution est très positive, mais les femmes médecins ont des contraintes familiales très différentes de celles de leurs collègues masculins et, donc, une moindre disponibilité.

Comment faire face à cette situation ?

Madame la ministre, selon vos chiffres, le taux d’étudiants ayant choisi la médecine générale est passé, en trois ans, de 37 % à 49 %, ce qui est très encourageant si ceux-ci s’installent dans le secteur libéral.

Le travail actuellement mené par notre ancien collègue Michel Mercier pour favoriser l’accès aux soins en tout point du territoire est tout aussi encourageant.

Depuis quinze jours, un programme national est lancé qui financera 250 maisons de santé pluridisciplinaires sur la période allant de 2010 à 2013.

De plus, un faisceau d’actions sera mis en œuvre pour inciter les jeunes praticiens à exercer dans les territoires ruraux. Tout d’abord, l’accueil de stagiaires sera obligatoire dans les maisons de santé. En outre, 400 contrats d’engagement de service public seront prévus, pour la période couvrant les années 2010 à 2012, en milieu rural. C’est d’ailleurs ce que notre groupe demandait lors de l’examen de la loi HPST.

Une politique active de lutte contre les déserts médicaux semble donc enfin se mettre en place. C’est très bien ! Mais je crois profondément qu’il faudra inventer, à l’avenir, d’autres conditions d’exercice de la médecine générale.

Pour conclure, je reviendrai à l’intitulé de la loi. Le texte a sérieusement traité de la question de l’hôpital et de la réorganisation territoriale du système de santé, mais le patient n’est-il pas le grand absent de la réforme ?

Au niveau local, au sein du Pays d’Artois que je préside, j’ai organisé une consultation sur la manière dont la population ressent sa prise en charge médicale. C’est aussi, et peut-être surtout, à l’aune de ce ressenti qu’il nous appartiendra in fine de juger la loi HPST.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Mme Monique Papon remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Dériot

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, quand on prend la parole à ce stade du débat, on peut craindre de répéter un certain nombre de choses. Mais tous les membres de cette assemblée, ou presque, partagent des interrogations similaires et il est normal que chacun puisse s’exprimer.

Nous débattons aujourd’hui de l’application de la loi hôpital, patients, santé et territoires, qui constitue effectivement une vaste réforme de notre système de santé et a fait l’objet de longs débats, avec plus de 1 300 amendements examinés en séance l’année dernière.

Depuis son adoption par notre Haute Assemblée, le 24 juin 2009, qu’en est-il de cette loi et de sa mise en œuvre ?

Sans répéter l’ensemble des débats, il me paraît utile de rappeler quelques-unes des principales dispositions du texte, dispositions qui manifestent la volonté, partagée par notre groupe, de moderniser notre système de santé.

Cette volonté de modernisation répond à un souci de justice et d’efficacité dans l’accès aux soins pour nos concitoyens.

Outre le plan Hôpital 2012, qui consacre un investissement de 10 milliards d’euros à la rénovation des bâtiments et à la modernisation des systèmes d’information – cette somme n’est pas insignifiante et permettra d’effectuer d’importants travaux –, la loi HPST porte sur l’organisation de notre système de soins. Pour ce faire, elle prévoit notamment le développement du principe de coopération, une gouvernance plus efficace et un pilotage territorial unifié.

S’agissant du principe de coopération, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises, la loi vise deux types de coopérations.

D’une part, pour remédier aux blocages existant entre les secteurs privé et public, elle permet de décloisonner notre système de soins. Ainsi, il est prévu que des accords puissent être passés entre les deux secteurs pour les associer et leur permettre de réaliser en commun des missions de service public.

D’autre part, afin d’améliorer la répartition de l’offre de soins, la loi favorise la coopération entre les établissements publics au moyen de la communauté hospitalière de territoire, la CHT, et du groupement de coopération sanitaire, le GCS. Ces deux dispositifs permettent d’adapter nos structures de santé aux besoins territoriaux et d’équilibrer l’offre de soins. Ils correspondent parfaitement à l’esprit de rationalisation et de mutualisation que nous avons souhaité promouvoir.

Néanmoins, il s’est avéré que les conditions de fonctionnement des GCS manquaient de précision et de clarté. Je vous serai donc reconnaissant, madame la ministre, de nous éclairer sur ce point, d’autant que ce dispositif, visant à lutter contre la fracture territoriale dans l’offre de soins, constitue un élément essentiel de la réforme. J’appuie ces propos sur mon expérience de président d’un conseil d’administration d’hôpital : nous voyons bien à quelles difficultés ce manque de précision nous expose.

S’agissant de la gouvernance du système de soins, notre Haute Assemblée a permis de rendre plus efficiente la gestion de l’hôpital public en équilibrant les pouvoirs des instances dirigeantes entre l’administration et les médecins. Tout le monde, me semble-t-il, le reconnaît aujourd’hui et je voudrais rendre hommage à Alain Milon, qui a fourni un travail important pour accroître les pouvoirs du corps médical.

La bonne mise en place de ces dispositifs de gouvernance suppose évidemment le concours des directeurs d’hôpitaux et de tous les professionnels médicaux. Il va de soi que nous approuvons l’implication de l’ensemble des intervenants médicaux dans le processus décisionnel.

Toutefois, madame la ministre, nous nous interrogeons sur leur niveau d’information quant à la mise en œuvre concrète de la loi, qui entraînera un véritable bouleversement de leur quotidien. Une information supplémentaire et pratique doit être adressée à tous ces intervenants médicaux, ce qui bénéficiera, par la suite, à l’efficience de la gouvernance.

S’agissant du pilotage de ces mesures – j’en viens donc à mon troisième point –, la loi a créé les agences régionales de santé. Cette disposition phare de la loi est intimement liée à la volonté de parvenir à une réforme efficace et pérenne.

En effet, il n’aurait pas été cohérent d’envisager cette profonde refonte de notre système de santé sans en confier les rênes à une structure unifiée, capable d’avoir une vue d’ensemble sur la chaîne des soins d’un territoire.

Ces agences, au nombre de vingt-six, ont pour mission de réguler, orienter et organiser l’offre de services de santé pour satisfaire aux besoins de la population, en décloisonnant notre système par une approche transversale des secteurs sanitaire et médico-sanitaire.

En procédant à leur mise en place dès le 1er avril dernier, madame la ministre, vous avez démontré l’ambition du Gouvernement de mettre en œuvre le plus rapidement possible cette réforme.

Quels enseignements tirez-vous, aujourd’hui, de la période de préfiguration des ARS ? Où en sommes-nous exactement de leur mise en place ?

Enfin, la loi met en place une véritable politique de transparence à l’égard des patients, à travers la publication d’indicateurs de qualité et de sécurité des soins. Nous nous interrogeons toutefois, madame la ministre, sur la nature des indicateurs de performance qui peuvent être mis en place pour un système de santé global. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?

À la lumière des quelques éléments que je viens de rappeler, cette loi représente une avancée considérable dans l’accès aux soins, la modernisation de la profession libérale et la lisibilité de l’organisation des hôpitaux. Bien sûr, il s’agit maintenant de la rendre effective.

Les esprits chagrins se lamenteront en avançant que l’application de la loi est actuellement loin d’être satisfaisante. C’est évident !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Dériot

M. Gérard Dériot. Je n’ai même pas besoin de préciser qui sont ces esprits chagrins… Notre collègue s’est instantanément désigné !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Dériot

Certes, le chemin est long, mais nous y sommes bien engagés. Chaque étape franchie dans l’application de la loi HPST est une avancée vers l’efficacité de notre système de santé.

À cet égard, je tiens à mon tour à souligner l’installation, le 9 février dernier, d’un comité d’évaluation dont la présidence a été confiée à notre collègue Jean-Pierre Fourcade. Il est évidement trop tôt pour que des conclusions soient rendues, mais nous ne pouvons qu’approuver cette démarche, qui garantit un contrôle de l’entrée en vigueur effective de cette loi extrêmement importante et permet sans doute, avec le débat d’aujourd’hui, de suivre un peu mieux sa mise en place.

La création de ce comité répond à nos préoccupations communes. En effet, madame la ministre, comme vous l’avez judicieusement remarqué, « si le vote de cette loi a marqué une étape importante, l’essentiel reste à faire, puisque l’essentiel est de réussir la mise en œuvre de la loi ».

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, juste avant l’examen du projet de loi HPST, le Sénat avait organisé avec vous, madame la ministre, un débat thématique intitulé « L’hôpital en question ». Beaucoup nous était alors promis avec le projet de loi HPST. Les résultats attendus de ce texte étaient d’ailleurs au cœur du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

Nous voilà donc aujourd’hui réunis pour dresser un bilan, un an après la promulgation de la loi HPST. C’est peut-être un peu tôt… Tous les décrets d’application ne sont pas encore parus, comme l’a indiqué M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, et les agences régionales de santé se mettent en place progressivement.

Mais ce débat est utile, car il permet de prendre la mesure des efforts qui restent à mener dans le secteur hospitalier. Par ailleurs, ainsi que l’ont dit certains de nos collègues, la mission confiée à Jean-Pierre Fourcade permettra de nous éclairer sur l’application de la loi.

La loi HPST constitue une nouvelle étape dans la réforme de l’hôpital, après la tarification à l’activité, les plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012 ou encore la réforme du régime budgétaire et comptable des hôpitaux.

Je retiens principalement deux mesures : la modernisation de la gouvernance hospitalière et la mise en place des ARS, qui devraient permettre un décloisonnement de l’offre des soins ambulatoires, hospitaliers et médico-sociaux, ainsi qu’un meilleur suivi de l’hôpital, le pilotage par la performance étant inscrit dans les missions de ces structures.

Toutefois, comme je viens de le dire, des chantiers importants nous attendent encore, en particulier dans le contexte dégradé de nos finances publiques. Selon les dernières données de la commission des comptes de la sécurité sociale, le déficit de l’assurance maladie devrait s’élever à plus de 10, 6 milliards d’euros en 2009 – pour le seul régime général – et atteindre 13, 1 milliards d’euros en 2010. Il n’était « que » de 4, 4 milliards d’euros en 2008.

Dans ce contexte, l’hôpital constitue un levier de réforme important, les dépenses hospitalières représentant environ la moitié des dépenses de santé relevant du champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM.

Un des premiers chantiers est sans doute le mode de financement de nos hôpitaux.

La T2A a, sans conteste, eu des effets bénéfiques. Mais elle présente également des biais auxquels il convient d’être attentif : plus d’activités engendrant plus de ressources, elle peut en effet inciter à « faire de l’activité ».

Plus de transparence et de pilotage dans l’attribution des dotations au titre des missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation, les fameuses MIGAC, est également indispensable. Ces enveloppes, en forte augmentation, représentent près de 8 milliards d’euros, et la mission de contrôle que je mène actuellement sur ce sujet, en ma qualité de rapporteur pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale, me montre les marges de progrès qui existent en la matière.

Je voudrais surtout m’assurer, madame la ministre, que le montant des dotations MIGAC, notamment pour l’aide à la contractualisation, soit en adéquation avec les services réellement rendus et que ces enveloppes ne servent pas de variable d’ajustement pour aider certains établissements de santé à passer le cap de la tarification à l’activité...

Deuxième chantier : la convergence tarifaire.

Nous en avons longuement, et vigoureusement, débattu lors de l’examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale. Vous avez proposé, madame la ministre, de reporter de 2012 à 2018 l’achèvement de la convergence tarifaire entre les établissements de santé du secteur public et ceux du secteur privé. Je m’étais opposé à ce report de six ans. J’espère qu’il ne portera pas un coup d’arrêt au processus de convergence, essentiel pour l’efficience de notre système de soins.

Troisième chantier : le retour à l’équilibre des établissements de santé.

Le Président de la République a fixé l’objectif d’équilibre financier de tous les établissements publics en 2012. Malgré une amélioration depuis 2008, près de 40 % des hôpitaux, selon les travaux récents de nos collègues députés, demeurent en déficit, ce qui permet de prendre la mesure des efforts qui restent à accomplir.

Cela m’amène à m’interroger sur deux points : l’investissement hospitalier et le périmètre des missions de l’hôpital.

Sur le premier point, le plan Hôpital 2007 a sans conteste relancé l’effort d’investissement des hôpitaux, contribuant ainsi à améliorer la qualité des infrastructures hospitalières et à les adapter à l’évolution des techniques médicales. Cependant, ces mesures ont surtout été financées par l’endettement, et, comme le notait la Cour des comptes, la viabilité économique des projets n’a pas toujours été assurée. Au moment où le plan Hôpital 2012 est en marche, il me semble essentiel de tirer toutes les leçons du premier plan et de veiller à la soutenabilité de cette politique.

Sur le second point, l’alternative à l’hospitalisation est également, selon moi, un enjeu essentiel. Elle doit passer par la poursuite du développement de la chirurgie ambulatoire et des structures intermédiaires entre l’hôpital et les soins de ville.

Le quatrième chantier, qui me tient particulièrement à cœur, est l’informatisation de notre système de santé.

La commission des finances a formulé de nombreuses propositions en ce domaine et avait, en particulier, appelé à une refonte du pilotage des systèmes d’information de santé. Mes travaux datent toutefois de 2006.

Des mesures ont été prises. Je pense notamment à la création de l’Agence pour les systèmes d’information de santé partagés. Mais où en est-on du dossier médical personnel, le DMP ? J’avais pris acte en 2009, madame la ministre, de votre souhait de relancer ce projet. Le déploiement d’une première version est-il toujours prévu pour la fin de l’année ?

Je le répète : la réforme de l’hôpital ne peut se concevoir sans une action résolue de développement des systèmes d’information, dans un cadre interopérable.

Voilà les quatre principaux points que je souhaitais aborder sur l’hôpital. Les enjeux vont au-delà de la seule loi HPST.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je formulerai tout d’abord une interrogation partagée : où tiendrons-nous bientôt nos séances publiques ? Sommes-nous réunis aujourd’hui dans cette salle, certes magnifique, au premier sous-sol, parce que ce débat est en réalité prématuré ou peu digne d’intérêt ?

Mes chers collègues, vous êtes tous attentifs, dans vos circonscriptions, comme je le suis dans l’Aisne, aux nominations et à la mise en place des dispositifs « HPST ». Vous avez certainement rencontré, comme j’ai eu l’occasion de le faire, le directeur de l’agence régionale de santé dont relève désormais votre territoire.

Or, depuis l’entrée en vigueur de la loi adoptée le 21 juillet 2009, qu’y a-t-il de nouveau ? Quelle amélioration, pour nos concitoyens, en termes d’accès aux soins hospitaliers, de ville, d’urgence ? De prévention ? De prise en charge et d’accompagnement social et médico-social ? Un an après, l’acronyme ARS se décline encore dans le désordre : RAS !

Il y a douze mois de cela, vous plaidiez pourtant, madame la ministre, l’urgence absolue ; vous imposiez au Parlement de légiférer au pas de course alors même que votre projet comportait force lacunes et défaut de moyens. Votre propre majorité, à l’origine d’un grand nombre des 4 000 amendements déposés, ne s’y était pas trompée.

Deux semaines de réunions de commission, quinze jours ininterrompus de débats en séance, matin, midi et soir... Au moins cette loi restera-t-elle, à ce titre, dans les annales des débats parlementaires. Il est vrai aussi qu’elle a permis que soit expérimentée à ses dépens – et aux nôtres – la nouvelle procédure d’examen législatif exigeant de la commission un travail de séance.

Sur ce point, je pense exprimer un sentiment largement partagé dans notre assemblée en vous reprochant, madame la ministre, de n’avoir pas toujours joué le jeu ; vous avez en effet déposé nombre d’amendements de dernière minute en séance publique pour ajouter au texte des dispositions d’importance, qui méritaient mieux qu’un passage en force – c’est le cas des dispositions relatives aux CHU – ou pour « casser » les accords trouvés en commission entre majorité et opposition. C’est un évident manque de considération à l’égard du Parlement. Que votre majorité, par ses retournements, vous ait au final pratiquement toujours suivie est une autre histoire...

C’est en effet – j’en reviens à mon propos – le texte de tous les records. Le projet, qui comportait à l’origine 33 articles et près de 150 à l’issue de son examen, nécessitera, sauf erreur de ma part, 216 textes réglementaires d’application, 9 rapports et 8 ordonnances. À titre d’exemple pris au hasard, l’ordonnance publiée le 23 février dernier ne fait pas moins de trente pages...

À la date du 11 juin dernier, 59 mesures réglementaires, 8 ordonnances – en attente de ratification toutefois – et un rapport étaient publiés. Mais 157 textes – et non des moindres – sont toujours en attente.

Dans ce nouveau marathon de la technicité, la lisibilité, la clarté et l’efficacité n’y trouvent pas pour l’instant leur compte, pas plus, je le crains, que les administrés, en particulier les malades.

Ce bref débat vous permettra à tout le moins, madame la ministre, d’éclairer la représentation nationale sur la réalité de votre calendrier, un an après. Un an avant – c’était le 1er juin 2008 –, vous déclariez que l’ensemble des dispositions contenues dans le projet de loi HPST devraient être en place début 2010. Il est vrai que vous affirmiez en même temps vouloir « sauver l’hôpital public ».

L’audition, le 26 mai dernier, par notre commission des affaires sociales du comité d’évaluation de la mise en œuvre des dispositions relatives à la modernisation des établissements de santé, en la personne notamment de son président, notre éminent collègue et ancien ministre Jean-Pierre Fourcade, ne nous a pas rassurés. Un an après règnent surtout l’inquiétude et les incertitudes.

Ainsi, qu’en est-il de la participation des établissements commerciaux de santé à l’accomplissement des missions de service public, qui remplacent désormais le défunt service public hospitalier, formellement supprimé du code de la santé publique ? Il est en effet apparu au comité d’évaluation que le projet de décret définissant une procédure d’attribution des missions de service public n’était pas conforme à la loi.

Le comité a aussi envisagé que certains décrets, dont celui-ci, ne soient jamais pris dans la mesure où la loi serait en définitive suffisamment explicite. Or c’est pourtant sur cette même et seule disposition que le Conseil constitutionnel a émis une réserve d’interprétation. Je vous renvoie au sixième considérant de cette décision du 16 juillet 2009.

À cet égard, la nouvelle rédaction de l’article L.6112-3 du code de la santé publique prévoit que les établissements de santé privés devront garantir la permanence de l’accueil et la prise en charge ou l’orientation du « client », pardon, du patient, vers un autre établissement ou une autre institution. L’ancienne rédaction ne comportait pas le terme « orientation » mais celui d’ « admission ». Garantir l’admission était clair : la clinique qui ne pouvait ou ne souhaitait pas prendre en charge un patient avait l’obligation de s’assurer qu’il était effectivement pris en charge par un autre établissement. Que signifie « garantir l’orientation » ? Suffira-t-il de tendre le bras et d’indiquer : « c’est là-bas » ? Merci, madame la ministre, de nous garantir que tel ne pourra pas être le cas.

La seule certitude que l’on ait aujourd’hui est que les choix politiques de ce gouvernement de sous-financer les hôpitaux publics – vous l’avez vous-même reconnu, madame la ministre –, de supprimer des personnels et de fermer les services préfigurent la privatisation en marche de notre système de santé !

Nul ne peut en effet ignorer l’énorme campagne publicitaire de la Fédération de l’hospitalisation privée opportunément menée à l’heure où s’écrivent les décrets. Le comité d’évaluation constate lui-même le mouvement actuel de regroupement des cliniques privées. Votre loi a été reçue cinq sur cinq par les fonds de pension !

S’agissant des soins ambulatoires, l’incertitude règne également, aux dires du même comité, qui estime que l’organisation du maillage complet de l’offre de soins, intégrant les médecins de ville, est encore un objectif à moyen terme. Cela a déjà été évoqué.

Vous n’avez effectivement pas souhaité intervenir plus avant sur les conditions d’installation en zone désertifiée, sur les dépassements d’honoraires, sur les refus de soins, dont l’existence n’est pas contestée. Vous avez pourtant approuvé le testing, souhaité sa légalisation et, dans le même temps, absolument refusé de l’inscrire dans la loi. Comprenne qui pourra !

Déremboursements de médicaments, hausse du forfait hospitalier, franchises… suscitent visiblement moins d’hésitations. Si l’acte médical doit se voir reconnaître toute sa valeur, ce « deux poids, deux mesures » n’en est pas moins financièrement injuste, sanitairement dangereux et au surplus sans effet réel sur l’équilibre des comptes.

J’en viens aux structurations transversales de prévention, de soins et d’accompagnement médico-social que les nouvelles agences régionales de santé ont à charge de réaliser.

Inquiétudes et incertitudes, là encore : un an après, le nouveau paysage que vous annonciez est tout juste esquissé et des interrogations majeures subsistent.

De quelles manières s’articuleront les compétences respectives des ARS et des départements ?

Le nouveau schéma régional d’organisation médico-sociale, élaboré sous l’égide du directeur général de l’agence, doit être établi et actualisé « au regard » – je me souviens encore des discussions qu’a nécessitées l’introduction de cette préposition ! – des schémas départementaux d’organisation sociale et médico-sociale relatifs aux personnes handicapées ou en perte d’autonomie arrêtés par les conseils généraux de la région.

Or le schéma régional est, lui, centré sur les équipements en établissements et services, tandis que les schémas départementaux se doivent d’être multidimensionnels et traiter également des questions relatives à la prévention, à l’accessibilité des lieux publics, à l’accès à la culture, aux loisirs...

Si vous avez réellement l’intention de concilier ces deux niveaux d’organisation sociale et médico-sociale, la place des conseils généraux doit être pleinement reconnue : ils sont acteurs à part entière au sein des conférences régionales de la santé et de l’autonomie et des deux commissions de coordination des politiques publiques de santé, celle qui a trait à la prévention comme celle qui concerne le domaine médico-social.

Il est tout à fait urgent, un an après – c’est une autre inquiétude –, que les textes réglementaires relatifs au fonctionnement même du secteur médico-social soient enfin publiés. Vous les disiez déjà prêts en juin 2009. Or nous les attendons toujours, notamment ceux qui sont relatifs au calendrier des évaluations des établissements et services médico-sociaux et celui qui est relatif aux procédures d’appel à projet. Nous attendons également l’arrêté interministériel fixant les seuils des contrats d’objectifs et de moyens, ainsi que le décret sur le financement des lieux de vie et d’accueil. Tous ces textes sont indispensables à la mise en place des nouvelles règles et procédures qui permettront de ne pas rompre la continuité des services.

Il a été relevé que l’insertion du médico-social dans le dispositif était source de quelques difficultés qui devront être prises en compte. Je pourrais, à cet égard, citer le directeur d’une grande agence régionale de santé s’exprimant récemment dans un colloque.

Madame la ministre, comptez sur notre vigilance pour défendre les services publics construits et mis en œuvre au quotidien et au plus près des besoins de nos concitoyens, dans nos assemblées départementales.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lorrain

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que la loi HPST confirme le rôle de l’État comme pilote de la politique sanitaire dans la région, l’ARS, établissement public d’État, devient une administration de gestion qui dispose de pouvoirs de financement, d’organisation et de planification.

On peut évoquer la nécessaire harmonie avec les autres services de l’État ayant autorité sur le plan régional, mais aussi sur le plan départemental.

L’autorité s’étend du secteur sanitaire au secteur médico-social, à l’hospitalisation publique et privée. Si celle-ci s’exprime dans le cadre d’une démocratie sanitaire et sociale, les rapports entre les partenaires ne peuvent qu’être féconds.

L’approche autoritariste – convocations impératives, correspondances abruptes, délais de réponse courts, forte hiérarchisation – peut conduire à une distanciation des liens, en particulier avec les collectivités locales et le citoyen.

Les représentations dans les comités de surveillance des établissements devront sentir la volonté d’une information partagée. Nous n’irons pas au-delà.

Pour garder la cohérence et l’harmonie des schémas régionaux de prévention, d’organisation des soins et d’organisation médico-sociale, les groupements de coopération de santé pourraient, à l’avenir, être élargis à la psychiatrie et à la santé mentale.

Nous pouvons nous interroger sur le rôle amplifié du directeur d’établissement. Le directeur et le président de la commission médicale d’établissement, qui forment un binôme, doivent s’entendre. Le respect de leurs missions et responsabilités respectives doit permettre d’éviter la dérive autocratique.

Je ne vais pas revenir sur le débat portant sur les moyens alloués à l’hôpital. Le rapport de la MECCS n’a pas analysé le secteur psychiatrique. Selon moi, ce débat ne doit pas porter sur le « toujours moins », mais sur le « plus juste ».

Il peut paraître difficile d’introduire une vision financière éthique dans une approche budgétaire allouée. Toutefois, il devrait être tenu compte des efforts fournis.

Ces efforts portent tout d’abord sur la qualité. Les processus de certification successifs ont permis le développement d’une méthodologie de haut niveau, qui reste cependant proche des réalités. Avec la nouvelle gouvernance, nous devons nous interroger sur l’avenir ou l’évolution des certifications.

Les efforts de coopération et de mutualisation doivent être encouragés. La spécificité de la psychiatrie n’a pas été prise en compte, mais le sera certainement dans une future loi.

Les efforts de restructuration devraient être récompensés lorsqu’ils existent.

Les efforts de partenariat, de promotion, de prévention des centres hospitaliers en lien avec les collectivités locales à l’interface du secteur sanitaire et du secteur médico-social doivent être favorisés.

Enfin, les efforts d’analyse des coûts des établissements doivent être mis en valeur. On constate des inégalités dans les efforts réalisés par certains établissements, parfois à leur détriment.

Dans une vision de partenariat entre l’État et les collectivités locales, la santé et le médico-social, il nous a semblé nécessaire de prendre en compte la personne avant l’aide ou le soin, d’où la nécessité de la transversalité et de l’interface.

J’évoquerai l’importance de l’ASIP Santé, l’Agence des systèmes d’information partagés de santé, qui doit permettre de favoriser le développement de ces systèmes dans le domaine de la santé et du secteur médico-social. Il est à noter que nous soutenons le développement de liens entre la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et l’ASIP Santé, dans l’objectif de contribuer à la coordination et à la qualité des soins dans le respect des droits du patient.

Le périmètre médico-social concernant l’interopérabilité et la sécurité des systèmes d’information intéresse les collectivités départementales.

L’articulation entre le dossier médical d’urgence et le dossier médical personnel n’est pas finalisée. Nous le savons, cette articulation est un « monstre » et elle est excessivement difficile à réaliser.

La sécurité des échanges, mais aussi la cohérence des éléments de prise en charge médico-sociale – l’évaluation de l’autonomie, l’attribution de l’allocation personnalisée d’autonomie et le développement du retour et du maintien à domicile –, sont incontournables pour une meilleure utilisation des moyens et pour la prise en compte des besoins du malade.

Concernant les missions de l’ARS et le développement de la loi HPST, j’aimerais attirer de nouveau l’attention sur le rôle d’autres agences telles que l’ANESM, l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, et l’ANAP, l’Agence nationale d’appui à la performance.

Ces organismes inspirant l’ARS devront garder des liens avec les acteurs tels les professionnels de terrain, les représentants des collectivités et les usagers. Ceux-ci ne peuvent se sentir éloignés de l’approfondissement de la connaissance, de l’innovation dans le champ des politiques d’accompagnement de la perte de l’autonomie, pour ce qui concerne l’ANESM.

Quant à l’ANAP, nous avons pu le constater, le concept de performance peut inquiéter, car cette agence a un rôle d’appui dans les missions de pilotage opérationnel et d’amélioration de la performance des établissements.

L’appui dans la mission de pilotage stratégique de l’offre de soins et médico-sociale devra être confronté aux besoins exprimés par les acteurs locaux et tenir compte de leur dynamisme.

Nous serons, nous élus locaux, très attentifs à ce qui relève de la recommandation et des bonnes pratiques, face à la tentation des dérives technocratiques.

Si nous voulons réussir dans la durée, il faudra poser, comme cela est proposé, les fondements d’une politique à long terme qui ne pourra être balayée par des impératifs à court terme : faire autrement tout en faisant mieux, tel est le souhait que je formule pour cette loi en devenir.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Renée Nicoux

Madame la ministre, il y a bientôt un an, la loi HPST était votée. À l’époque, le groupe socialiste s’y était fermement opposé et avait dénoncé le choix d’une logique de rentabilité, au détriment de la santé publique et des patients.

Avec cette loi, vous avez mis à mal l’avenir de l’hôpital public et, par là même, l’ensemble de notre système de santé. Vous participez, de plus, à la désertification des territoires ruraux en incitant à la « centralisation » des soins dans de grands centres hospitaliers gérés comme des entreprises.

Je profite de ce débat pour aborder une manifestation concrète des effets désastreux de la loi sur notre offre de soins : celle de la fermeture programmée du service de radiothérapie de Guéret dans la Creuse.

Le 27 mai dernier, le directeur de l’ARH, l’Agence régionale d’hospitalisation, devenue l’Agence régionale de santé, a annoncé la fermeture du service départemental de radiothérapie du centre hospitalier de Guéret.

Cette décision, prise sans concertation préalable, se fonde sur les recommandations de l’Institut national du cancer, qui préconise la fermeture de tout service ne possédant qu’un seul appareil de traitement et ayant moins de 600 patients par an.

Je m’oppose, et avec moi les élus creusois, à cette décision qui ne prend pas du tout en compte les spécificités et les besoins d’un territoire comme la Creuse. Comme vous pouvez l’imaginer, madame la ministre, mon département, comme de nombreux départements ruraux, doit déjà faire face à un phénomène de désertification médicale. Les disparités de densité et de typologie des praticiens n’ont jamais été aussi marquées, et ce au détriment des territoires ruraux.

De plus, département le plus « âgé » de France, la Creuse connaît une demande croissante en matière de soins qui, dans le même temps, nécessitent d’être adaptés aux besoins de la population. Et le besoin primordial de mon département, c’est la proximité des soins !

Il y a trois ans, quand le service a été rénové et doté de matériel performant, à la plus grande satisfaction des quelque 300 patients qui en bénéficient, je ne me rappelle pas avoir entendu de protestations. Aujourd’hui, c’est bel et bien la mise en œuvre de votre politique qui débouche sur la fermeture de ce service !

Peu importe la qualité des soins prodigués et l’importance de ce service pour la population, pour le Gouvernement, seules comptent les économies d’échelle et la recentralisation du système.

Notre service de radiothérapie a reçu de très bonnes évaluations et répondait à un besoin réel de la population locale. Certains ont évoqué des normes de sécurité non respectées pour justifier la fermeture de ce site. Or, l’équipement du service de radiothérapie de Guéret a entièrement été refait à neuf en 2007 et répond à l’ensemble des critères de sécurité actuellement en vigueur.

Ce service a toujours donné entière satisfaction aux responsables du centre de coordination en cancérologie de la Creuse, comme ils l’ont d’ailleurs souligné dans un courrier adressé au directeur de l’ARH. Dans cette lettre, ils indiquaient que les délais de prise en charge étaient très bons et en adéquation avec les recommandations scientifiques, que l’accueil des patients était de qualité, tout comme les traitements reçus, et que les relations et la coordination pluridisciplinaire avec les autres services de l’hôpital étaient optimales.

Tous ces éléments démontrent bien qu’il n’existe aucune justification plausible à la fermeture de ce site, excepté le fait de vouloir créer de grands centres hospitaliers centralisateurs ! La fermeture de ce service va être dramatique pour les 300 patients annuellement pris en charge. Pensez-vous, madame la ministre, qu’il soit raisonnable d’ajouter à la souffrance de patients déjà fragilisés une fatigue et un stress supplémentaires du fait de trajets plus longs et plus pénibles ?

De plus, aucun service de radiothérapie supplémentaire ne sera ouvert à Limoges, alors même que cet hôpital va devoir faire face à l’arrivée d’une nouvelle « patientèle ». Les délais de prise en charge vont donc mécaniquement s’allonger de façon inacceptable, au détriment des patients de l’ensemble de la région du Limousin.

Aucun élu ne peut accepter de voir son territoire ainsi mis à mal. Plusieurs dizaines de patients pris en charge au centre de Guéret ont d’ores et déjà annoncé qu’ils renonceront à leur traitement pour les raisons que je viens de présenter.

Madame la ministre, vous devez revenir sur votre décision ! Vous avez présenté votre réforme comme une « rationalisation des dépenses de santé ». Dans le cas présent, je me demande où sont ces fameuses économies et où se trouve la rationalité.

Je tiens à rappeler que la rénovation du centre de radiothérapie de Guéret a coûté près de 3 millions d’euros. Si nous fermions le centre demain, il s’agirait simplement d’un gaspillage de fonds publics, alors que le Gouvernement fait officiellement de la réduction des dépenses son objectif principal.

De plus, face à nos protestations légitimes quant à la fermeture du service, vous nous avez indiqué que la sécurité sociale prendrait en charge les coûts de déplacement. Il nous a été annoncé que des hôtels seraient mis à disposition des patients près des centres de traitement.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Renée Nicoux

Ce sont donc des dépenses supplémentaires pour la sécurité sociale !

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Exactement !

Debut de section - PermalienPhoto de Renée Nicoux

Quelle est la légitimité d’une décision qui va engendrer des coûts supplémentaires pour la sécurité sociale tout en réduisant à néant un investissement de près de 3 millions d’euros ?

La loi HPST ne semble pas procéder à une organisation du système de santé mais, bel et bien, à une désorganisation et à une déstructuration de l’offre de soins.

Votre décision a été prise totalement à contre-pied de l’intérêt des malades, lesquels sont, une fois de plus, oubliés au profit d’une logique économique. Pour quels bénéfices ? Aucun ! Que ce soit la sécurité sociale, l’environnement, l’attractivité de nos territoires et le bien-être de nos citoyens, tous semblent perdants !

La disparition du service de radiothérapie va gravement fragiliser l’ensemble de la chaîne des soins apportés aux patients creusois. La prise en charge de l’ensemble des patients atteints d’une pathologie cancéreuse va fortement se dégrader.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Mais non !

Debut de section - PermalienPhoto de Renée Nicoux

Madame la ministre, alors que la loi HPST est censée avoir pour objectif, selon vos propres termes, de « renforcer la territorialisation » en luttant contre « la désertification médicale » et en « s’adaptant aux réalités du terrain », comment pouvez-vous expliquer votre décision ? Je vous pose la question, mais j’ai bien peur d’en connaître la réponse.

La loi HPST a fait un grand pas en avant vers une marchandisation de notre système de santé. Les hôpitaux sont désormais gérés comme des entreprises. Les patients, apparentés à des clients, ne semblent plus être au cœur d’une politique publique de santé. Cette évolution est désolante !

En tant qu’élue de la Creuse, je me devais de soulever ce problème précis aujourd’hui. Mais ce n’est malheureusement pas un cas isolé. Bon nombre de mes collègues, de tous bords politiques, pourraient vous donner des exemples similaires sur leurs territoires !

Cette loi HPST semble faire un pas de plus vers un délaissement de nos espaces ruraux, tout en mettant à mal notre système de soins, qui fait pourtant partie intégrante de notre histoire.

Nous assistons une fois de plus à la casse de nos services publics que vous opérez depuis 2007. Après les tribunaux, La Poste, les collectivités territoriales et les hôpitaux, que reste-t-il aux citoyens français qui n’habitent pas dans les grandes agglomérations ? Rien !

Madame la ministre, vous indiquiez, le 11 janvier dernier, dans un communiqué de presse que vous souhaitiez disposer d’« indicateurs de santé qui tiennent compte des inégalités sociales et territoriales » afin d’engager des actions « justes dans leurs effets ».

Je peux d’ores et déjà vous assurer que les inégalités sont profondes et véritablement choquantes dans de nombreuses régions. Et avec des décisions comme celle qui a été prise pour la Creuse, ce n’est certainement pas vers un système « juste » que nous nous dirigeons, bien au contraire ! Cette décision suscite de l’inquiétude et de l’insatisfaction, laisse un sentiment d’abandon et ne répond pas à l’objectif de lutte contre la désertification médicale et d’adaptation aux réalités du terrain.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Gilles

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cela fait près d’une année qu’a été promulguée la loi HPST. Certains décrets ont été publiés, d’autres, à l’état de projets, sont à l’étude, mais la grande majorité des textes réglementaires ne sont encore ni publiés, ni même soumis à discussion. Rien d’étonnant à cela, puisque, faut-il le rappeler, ce texte de loi est un monument, qui comporte 135 articles.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Gilles

Pourtant, il semble judicieux, d’ores et déjà, d’analyser la façon dont est ressentie sur le terrain la réforme en cours.

Parmi les mesures d’application publiées, je me contenterai d’en aborder certaines, qui intéressent plus particulièrement l’hôpital et les médecins libéraux. En ce qui concerne la nouvelle gouvernance qui prend forme, je m’inspirerai dans ces quelques commentaires, à une exception près, de la réalité du terrain et des réflexions qui me sont parvenues.

Sur la forme, la publication en rafales des décrets et arrêtés fait craindre dès à présent aux différents acteurs que les dispositions réglementaires n’excluent, dans le cadre de cette nouvelle gouvernance, toute marge de liberté. Il est ainsi regretté que les décrets n’adoucissent pas les termes de la loi, en particulier en ce qui concerne la politique de recrutement des effectifs médicaux et les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, où il est malheureusement plus question de sanctions que de moyens disponibles.

Par exemple, l’incompatibilité prévue, pour un président d’université médecin, de siéger au conseil de surveillance d’un centre hospitalier universitaire, ou CHU, n’apparaît pas fondée. Tout président d’université y aurait droit, mais seul un médecin président d’université, comme c’est le cas à Marseille, en serait exclu, sous prétexte d’un lien de subordination avec l’hôpital universitaire. Il apparaît dès à présent qu’une telle disposition est injuste. Une modification du décret est donc attendue. Tel est l’espoir qui se manifeste sur le terrain.

Considérons maintenant la communauté hospitalière de territoire, la CHT.

À ce sujet, je tiens à préciser que l’assistance publique-hôpitaux de Marseille, l’AP-HM, est impliquée dans deux territoires de santé : l’un comprenant Martigues, l’autre Aubagne-La Ciotat. La topographie fait que ces deux zones ne coopèrent pas entre elles. Aussi la constitution d’une seule CHT n’est-elle pas envisageable. Il conviendrait d’autoriser la possibilité, pour un CHU, de créer deux ou trois CHT quand le besoin s’en fait sentir et que le relief l’impose.

Je voudrais également évoquer, madame la ministre, le décret portant sur les attributions des CME, les commissions médicales d’établissement, et leur composition. Je tiens à souligner l’amertume des médecins, liée à la manière dont ce décret a été élaboré. Vous en avez été informée, puisque tant les syndicats des CME des centres hospitaliers que la conférence des CME des CHU ont dénoncé le contenu du décret, de même que le semblant de concertation avec le corps médical lors de son élaboration.

Comment pourrait-on envisager une gouvernance harmonieuse de notre système hospitalier sans un minimum de confiance à l’égard de ceux qui en sont les acteurs primordiaux ? Une certaine suspicion à leur encontre émanait déjà du projet de loi. Nous avons cherché ici, au Sénat, notamment à la commission des affaires sociales, à gommer cette impression.

Il faut bien admettre que certaines dispositions du décret sont dangereuses. Ce disant, je ne me réfère plus à Marseille, madame la ministre, où la concertation entre corps médical et administration est sereine, voire exemplaire. Je souhaite toutefois souligner, comme je l’avais fait lors de nos débats sur le projet de loi, les risques de dérives. Si l’avis du président de la CME est requis et s’il lui revient de prendre l’attache de ses mandants, cette concertation médicale n’aura pas l’obligation d’être suivie d’effet dans la réalité. Si l’on ajoute à cela, en dépit d’une position consensuelle attendue au sein du directoire sur les principaux thèmes, que c’est bien le directeur général, président du directoire, qui décide, il n’est pas absurde d’évoquer un risque d’absence de dialogue médical, alors que le dialogue social, lui, sera préservé via les CTE, les comités techniques d’établissement.

Enfin, de semblables griefs sont énoncés par les médecins libéraux à propos des décrets qui les concernent. Celui qui traite du développement professionnel continu, le DPC, se caractérise, de leur point de vue, par une mise à l’écart des organisations représentatives des professions. Les décrets sur les modalités d’élection aux unions régionales des professionnels de santé ne garantissent pas une efficacité de fonctionnement ni de sereines relations contractuelles de ces assemblées avec les agences régionales de santé, les ARS.

N’avez-vous pas, madame la ministre, tout au long de nos débats, et encore même au dernier jour de ceux-ci, plaidé pour la collégialité et contre un excès de formalisme ? Je ne doute pas que vous saurez tenir compte des réserves exprimées.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, c’est une grande première, ce qui rend l’atmosphère un peu particulière…. Je pense bien évidemment aux locaux, mais aussi à ce débat, censé faire non pas un bilan, mais une analyse objective de la mise en œuvre, un an après son adoption, d’une loi importante.

Le 12 mai 2009, j’intervenais sur ce texte, en rendant hommage au rapporteur, à la commission et à l’ensemble du travail réalisé par le Sénat.

Nos travaux ont en effet permis de faire évoluer le texte, en vous aidant d’ailleurs, madame la ministre, à vous dégager d’une situation quelque peu compliquée, parce que l’ensemble du corps médical se sentait un peu mis à l’écart. Le Président de la République, vous-mêmes, madame la ministre, monsieur le rapporteur, et nous, parlementaires, avons ensemble réussi à sortir de cette situation pour apporter une réponse équilibrée au problème qui opposait les directeurs et le corps médical.

Depuis lors, un équilibre nouveau se dessine peu à peu, que chacun est en mesure d’apprécier. Les événements récents ont d’ailleurs montré que l’on ne pouvait pas se passer des médecins pour faire de la médecine et même de la prévention. Cela a eu pour effet de rasséréner le corps médical. Une telle ambition étant désormais inscrite dans la loi, il nous faut désormais la mettre en œuvre.

J’avais à l’époque insisté sur le fait que les ARS devaient être des facteurs de cohérence, de cohésion et de partenariat entre les secteurs public et privé, entre la médecine libérale et l’ensemble des acteurs. Ces agences ayant été mises en place au 1er avril dernier, ce dont je me réjouis, il est encore un peu tôt pour dresser un bilan.

Permettez-moi de vous faire part de ma volonté de jouer parfaitement le jeu. Les ARS étant chargées de missions territoriales, j’ai réuni, le 5 juillet dernier, en tant que président de l’Association des maires, adjoints et élus de la Lozère, la directrice de l’ARS du Languedoc-Roussillon et les élus de mon département. J’estime en effet que ces derniers doivent être au fait des évolutions qui touchent leur territoire. Celles-ci seront difficiles, car il nous faudra sortir des schémas territoriaux dans les domaines sanitaire et médico-social. Les ARS devront être à l’écoute des professionnels et des élus, afin de pouvoir mettre en place une couverture territoriale.

Pour ce faire, il nous faut éviter deux écueils : celui de la concentration à outrance dans les grands CHU et celui d’un véritable émiettement, celui du tout partout. En tant que médecin et député de la circonscription de Marvejols, j’avais accepté la fermeture d’une maternité : non seulement la sécurité y était insuffisante, mais, de surcroît, un service de réanimation néonatale était déjà en place à Mende.

Mais, d’un autre côté, la proximité est importante et je me suis battu en ce sens en tant que président d’un syndicat intercommunal. Nous avons fait construire une clinique mutualiste à Marvejols, qui devra nouer, du moins je l’espère, un partenariat avec l’hôpital.

Madame la ministre, vous devez nous aider, pour contrer ceux qui veulent supprimer tout ce qui ne relève pas du secteur public. N’est-il pas insensé, en effet, que le service public hospitalier veuille concurrencer, au prix d’investissements importants, cette structure mutualiste, pour ce qui concerne les hémodialyses ?

Vous devez nous aider à trouver des partenariats ! Si le secteur public doit supporter l’existence du secteur privé, ce qu’il a quelquefois du mal à tolérer, il appartient également à ce dernier de reconnaître le rôle des structures publiques. Dans les CHU, par exemple, de jeunes chirurgiens ou de jeunes médecins se voient refuser la possibilité d’effectuer des mi-temps dans le secteur privé ! L’esprit de la loi n’est donc pas entré dans les mœurs ! Le ministère doit user de tout son pouvoir pour faire disparaître ces combats du passé. Public et privé doivent aller de pair, l’un et l’autre étant indispensables.

Cela étant, je suis très inquiet concernant l’insuffisance du nombre de médecins dans notre pays, insuffisance à laquelle on ne cherche pas à remédier, madame la ministre. Je le redis, même si je sais que cela vous agace un peu. Et que l’on ne vienne pas me dire que leur nombre est supérieur à celui d’autres pays ! À Mende, pour faire tourner un service d’urgence, dix-neuf médecins sont nécessaires, dans le cadre des 35 heures. N’oublions pas les astreintes et la féminisation de ces métiers, qui limitent la disponibilité des personnels !

Notre pays ne forme pas assez de médecins. Madame la ministre, vous avez diminué le nombre d’étudiants en médecine à Montpellier et à Nîmes, alors que nous manquons de médecins en Lozère ! Une telle situation n’est pas acceptable. Et, à l’inverse, vous augmentez leur nombre à Amiens. C’est incompréhensible ! En fait, l’ensemble de vos services est intoxiqué par la technocratie, qui leur fait oublier les réalités !

Il faut développer les contrats – c’est vous qui les avez inventés -, permettant aux jeunes de s’installer dans l’espace rural. Notre département en a déjà signé six. Mais, de grâce, cessons d’éliminer des jeunes qui feraient de très bons médecins !

Et ce n’est pas parce les médecins seront plus nombreux que les dépenses de la sécurité sociale augmenteront ! Vous n’êtes d’ailleurs pas seule responsable ! Sous quelque gouvernement que ce soit, de droite ou de gauche, le poids de la technocratie ministérielle a été tel que notre appel à la formation d’un plus grand nombre d’étudiants en médecine est toujours resté sans réponse. Je vous en prie, madame la ministre, libérez-vous d’une telle influence, écoutez les gens comme nous, qui sommes sur le terrain, qui connaissons la médecine !

De même, si je défends la médecine générale, l’ayant pratiquée, je vous mets en garde : ne supprimons pas, dans les hôpitaux, les postes d’agrégés des spécialités dont nous aurons besoin demain car nous risquons d’en manquer !

Madame la ministre, vous nous avez amenés à voter ce texte. Nous ne regrettons pas de vous avoir soutenue.

Vraiment ? sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Mais il faut nous écouter et nous entendre ! Je connais les difficultés que les médecins rencontrent sur le terrain. Même si c’est difficile, j’ose défendre des fermetures de sites lorsque les chiffres sont accablants. Je vous demande donc de nous croire lorsque nous vous disons qu’il faut former plus de médecins !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP – Bravos sur les travées socialistes.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je me réjouis d’être dans une salle agréable, lumineuse et dotée de fauteuils nettement plus confortables que ceux de l’hémicycle habituel.

Murmures sur diverses travées.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame la présidente de la commission des affaires sociales, chère Muguette Dini, vous avez évoqué le long examen de ce projet de loi. Je me rappelle les conditions quelque peu précaires dans lesquelles je m’étais trouvée à l’époque !

Sourires

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

J’ai d’ailleurs gardé précieusement la photo de la petite table sur laquelle j’étais assise, mes collaborateurs étant contraints de rester debout, faute de chaises. Je ne peux donc que me féliciter du confort dont nous bénéficions cet après-midi.

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

À l’approche de la date anniversaire de la promulgation de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, je suis très heureuse de participer à ce débat aujourd’hui. Il faudra plusieurs années, peut-être même une décennie, pour que cette loi prenne pleinement effet, et, s’agissant d’un texte aussi important et aussi structurant, il faudra sans doute organiser régulièrement de tels rendez-vous.

Comme je m’y étais engagée, les dispositions essentielles introduites par la loi HPST sont désormais en vigueur et les Français vont pouvoir apprécier rapidement et concrètement les effets de cette réforme majeure pour notre système de santé.

La tâche qui nous attendait était d’envergure, la loi appelant près de 200 décrets d’application, eux-mêmes nécessitant de nombreux arrêtés. Grâce à une exceptionnelle mobilisation, la réforme est donc en marche.

Après des débats parlementaires dont chacun se remémore l’intensité, jamais un dispositif réglementaire n’aura fait l’objet d’une telle concertation. Au total, depuis les quelque 200 auditions de professionnels menées par la commission de concertation sur les missions de l’hôpital présidée par Gérard Larcher, dans les travaux de laquelle nous avons largement puisé pour élaborer cette réforme, ce sont près de deux années de concertation qui auront présidé à l’élaboration de la loi et de ses décrets d’application.

Ces travaux se poursuivent sous l’égide de Jean-Pierre Fourcade, dans le cadre du comité de suivi dont il assure avec brio la présidence. M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales lui a rendu un hommage mérité, tant il y accomplit un travail remarquable. D’ailleurs, de mon propre chef, j’ai élargi la mission de Jean-Pierre Fourcade à l’ensemble du titre I de la loi, ce qui n’était pas prévu initialement.

D’ores et déjà, près de 140 textes ont été publiés, dont les huit ordonnances. Mieux, tous les textes ont été rédigés, sans qu’ils aient à subir un retard de mon fait ou de celui de mon administration. Ils sont dans leur quasi-totalité soit en cours de publication, soit en cours d’examen par le Conseil d’État, que nous avons beaucoup sollicité et dont je tiens à saluer l’exceptionnelle contribution à nos travaux. Vous connaissez, mesdames, messieurs les sénateurs, la rigueur et le sérieux de cette institution.

Avec la mise en place, au début du mois d’avril, des agences régionales de santé, puis de celle de la gouvernance des établissements publics de santé – je réponds à Alain Milon –, les éléments les plus structurants de la réforme sont donc déjà en place. Je rappelle que, généreusement, le Parlement m’avait laissé jusqu’au 1er juillet pour installer les agences régionales de santé, beaucoup doutant que ce soit possible avant le 1er avril. Eh bien nous avons largement anticipé sur cette échéance !

En outre, la loi joue pleinement son rôle de « boîte à outils » au service de la transformation de notre système de santé.

Même si ce n’est pas tout à fait le sujet, je voudrais répondre à tous ceux et à toutes celles qui, avec des sensibilités différentes, ont évoqué la question du financement de notre système de santé, spécialement le financement de l’hôpital.

Je le répète, la loi HPST n’est pas une loi de financement de la sécurité sociale – l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale nous réunira dans quelques mois –, c’est une loi d’organisation grâce à laquelle des outils fort utiles ont été créés. Je pense en particulier à l’ANAP, qu’ont évoquée, notamment, M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales et Jean-Jacques Jégou. Cette agence, qui a pour mission de diffuser une culture de la performance au sein des établissements sanitaires et médicosociaux, mène depuis plusieurs mois déjà un travail considérable de formation et d’accompagnement de projets emblématiques, telle l’opération « 100 pôles d’excellence ».

Sachez, monsieur le rapporteur général, que la comptabilité analytique est l’une des priorités que j’ai fixées à cette agence de la performance, rejoignant en cela vos souhaits.

Mesdames, messieurs les sénateurs, grâce aux actions que nous avons engagées avec votre appui, nous avons déjà enregistré des progrès notables en matière financière. Ainsi, le déficit global des hôpitaux est passé de 686 millions d’euros en 2007 à 570 millions d’euros en 2008, puis à 512 millions d’euros en 2009, et j’ai bon espoir que la situation continue de s’améliorer en 2010 si j’en juge par les premiers chiffres encourageants dont je dispose.

Cela étant, je rappelle que les deux tiers des hôpitaux sont en équilibre financier. M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales évoquait le cas du CHU de Lille, dont Didier Delmotte est le remarquable directeur général, établissement qui présente un budget pratiquement équilibré. À mon arrivée au ministère, sur les trente et un CHU que compte la France, seuls deux d’entre eux étaient en équilibre financier ; ils sont maintenant sept.

Monsieur le rapporteur général, vous avez raison de ne pas opposer la gestion et la qualité des soins, et, en l’espèce, je tiens à rassurer Jean-Louis Lorrain. Toutefois, Gilbert Barbier a raison quand il dit, en substance, que la proximité ne peut en aucun cas être synonyme d’assignation à résidence.

Mme Nicoux, quant à elle, a évoqué un sujet très grave, à savoir la situation du service départemental de radiothérapie du centre hospitalier de Guéret. Lorsque j’ai pris mes fonctions de ministre de la santé, la filière de radiothérapie, si elle n’était pas sinistrée, connaissait néanmoins de très sérieux dysfonctionnements. Madame la sénatrice, je vous emmènerai rencontrer les membres de l’Association vosgienne des surirradiés de l’hôpital d’Épinal.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Je vous emmènerai à Rangueil à Toulouse !

Je vous emmènerai dans les établissements où des dysfonctionnements très graves ont été observés ; je vous ferai rencontrer les familles des malades décédés au terme d’atroces souffrances, victimes des dérèglements de la filière de radiothérapie.

Lorsque j’ai pris mes fonctions, j’ai demandé que soient inspectées l’ensemble des installations de radiothérapie que compte notre pays. Avec l’appui de l’Institut national du cancer et de l’Autorité de sûreté nucléaire, nous avons fixé des normes de sécurité afin de garantir la qualité des soins sans exposer la vie des malades. Or ces normes de sécurité ne sont absolument pas observées par le service de radiothérapie de Guéret.

L’INCa, qui s’apprête, pour des raisons de sécurité d’ailleurs, à durcir ses normes, a fixé à 600 le nombre de patients que doit traiter annuellement chaque site de radiothérapie pour que la sécurité soit garantie.

De même, la présence de deux appareils est nécessaire, pour que le premier puisse prendre le relais du second si celui-ci vient à tomber en panne. Pareillement, les normes de sécurité imposent la présence de deux radiothérapeutes, ce qui n’est pas le cas à Guéret. Il faut aussi des radiophysiciens pour assurer la maintenance de l’appareil.

Bien sûr, nous sommes passés à travers les gouttes et le site de radiothérapie de Guéret n’a connu ni incident ni accident. Mais, en tant que ministre de la santé, je ne peux pas faire d’économie sur la sécurité. D’ores et déjà, la moitié des malades devant suivre une radiothérapie – les mieux informés et les plus nantis d’entre eux – fuient le centre hospitalier de Guéret et se font soigner ailleurs. Ils votent avec leurs pieds !

Madame Nicoux, comme vous l’avez rappelé, la sécurité sociale prendra en charge le coût des transports sanitaires et des nuitées en hôtel des patients devant suivre une radiothérapie. Je le répète : mon objectif n’est pas de réaliser des économies, mais de développer des soins de qualité.

Afin d’éviter toute désertification – il serait absurde de parler de « compensations » –, dans le cadre de la politique d’aménagement du territoire, j’ai décidé, à la demande du député Jean Auclair, l’installation d’un pôle de gériatrie à Guéret. Cet investissement, d’un montant de 21 millions d’euros, permettra la création de 54 postes supplémentaires.

Vraiment, madame Nicoux, vous avez pris le plus mauvais exemple. Comment pouvez-vous déclarer que je cherche à réaliser des « économies », alors que je n’aspire à rien d’autre qu’assurer la sécurité des soins ? Votre argumentation ne tient pas.

J’en reviens à mon propos initial.

Tous les textes qui organisent la gouvernance hospitalière ont été publiés. Cette gouvernance se met en place sur le terrain. Je note avec satisfaction que les appréhensions, certes compréhensibles, qui ont été exprimées l’an dernier sur les relations entre présidents de commission médicale d’établissement et directeurs ne se sont pas vérifiées Je n’en suis guère étonnée, moi qui ai toujours rappelé combien les directeurs et les présidents de CME étaient unis autour d’un objectif commun : que leur hôpital soit en mesure de mieux répondre aux besoins et aux attentes des patients. Que Jacky Le Menn, qui m’a interpellée sur ce sujet, soit rassuré !

La CME voit d’ailleurs ses attributions renforcées pour l’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins ainsi que des conditions d’accueil et de prise en charge des usagers, autre priorité fixée par la loi HPST.

Je veux dire à Bruno Gilles que rarement l’élaboration d’un texte aura fait l’objet d’une telle concertation. Durant les six mois qu’auront duré les discussions avec les organisations intersyndicales, nous aurons tout mis en œuvre pour surmonter les difficultés et gommer les différences d’appréciation entre les parties prenantes. Je ne sais pas s’il y a beaucoup de textes pour lesquels le ministère concerné a organisé six mois de concertation !

La réforme responsabilise et valorise les chefs de pôle chargés de la mise en œuvre du projet médical au plus près des patients. Ils bénéficieront de larges délégations de gestion dans le cadre d’un contrat négocié avec le directoire. Cette responsabilisation leur permettra d’agir plus efficacement et renforcera la motivation des personnels.

D’ailleurs est paru aujourd’hui le décret sur les pôles, assorti de deux arrêtés : le premier fixant les modalités de la formation à l’exercice des fonctions de chef de pôle d’activité clinique ou médico-technique, le second fixant le montant et les modalités de versement de l’indemnité de fonction des chefs de pôles, indemnité qui sera augmentée.

À cet égard, Jacky Le Menn m’a interrogée sur la possibilité de délégation de signature du directeur. Je tiens à lui dire que celle-ci est possible pour toute personne choisie pas le directeur.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nombre d’entre vous ont évoqué les conseils de surveillance. La transformation des actuels conseils d’administration en conseils de surveillance est effective depuis la publication des arrêtés, voilà quelques jours, par les directeurs généraux des ARS. Chargé des orientations stratégiques et du contrôle permanent de la gestion, le conseil de surveillance aura désormais un rôle essentiel à jouer.

Son président est élu parmi les collèges des élus et des personnalités qualifiées, ce qui constitue une démarche d’ouverture à la société civile, à la démocratie sanitaire, à laquelle nous sommes tous attachés.

Un certain nombre de maires se retrouveront très certainement à la tête de ce conseil de surveillance. Il s’agit là d’une possibilité, et non d’une fin en soi. Les élus locaux que vous êtes ont toujours démontré leur parfaite connaissance des besoins de nos concitoyens et leur grande implication dans l’administration de nos hôpitaux. Je ne doute pas que, au sein des conseils de surveillance, ils continueront à tenir ce rôle chaque fois qu’ils en feront le choix, avec la rigueur et l’efficacité que nous leur connaissons.

Bruno Gilles m’a interrogée sur l’interdiction qui est faite à un président d’université, quand il est médecin, de siéger au conseil de surveillance d’un centre hospitalier universitaire. Lever cette incompatibilité risquerait de perturber la parité entre les trois collèges, qui doivent être d’égale importance : l’hôpital compterait un salarié de plus au sein du conseil par rapport aux deux autres collèges, ce qui conduirait à une situation déséquilibrée. C’est la raison pour laquelle il n’est pas possible de revenir sur cette interdiction.

J’ai indiqué toutefois que, la parole d’un médecin président d’université pouvant être capitale, il serait l’invité permanent du conseil de surveillance. Cette disposition me semble de nature à lever la difficulté soulignée par M. Bruno Gilles.

M. Gérard Dériot, que je remercie pour sa contribution, a centré son intervention, à juste titre, sur les coopérations entre établissements de santé, qui représentent, pour reprendre ses propos, des « éléments essentiels de la réforme ». Ces coopérations sont en effet essentielles. Elles améliorent l’accès aux soins et rendent l’offre de soin cohérente et lisible pour nos concitoyens, grâce à la mutualisation.

En premier lieu, les communautés hospitalières de territoire ou CHT, comme on les appelle maintenant, visent principalement à permettre aux établissements publics de taille moyenne de développer une stratégie territoriale commune avec d’autres établissements, autour d’un projet médical partagé.

Monsieur Le Menn, nous n’avons pas les mêmes échos. Une démarche de préfiguration lancée en septembre sur les CHT se traduit aujourd’hui par un appui méthodologique et financier à 37 projets issus de CHT et dix projets portés par des groupements de coopération sanitaire – GCS –, sans qu’aucun CHU participe. Les premiers retours d’expérience confirment que la CHT constitue un outil adapté à la plupart des coopérations entre établissements publics.

Cette politique – et je réponds à M. Gilbert Barbier, dont l’intervention sur ce sujet était excellente – se met actuellement en place. Un premier décret, paru le 30 avril 2010, vise à faciliter et simplifier la gestion des autorisations de soin lorsqu’une convention de CHT est passée entre des établissements. Un autre décret, relatif aux instances communes des CHT, est élaboré en ce moment en concertation avec les professionnels et sera publié le mois prochain. Ces textes se sont nourris de l’enseignement de l’expérimentation de terrain que j’ai lancée dès la promulgation de la loi.

En second lieu, les GCS constituent le mode de coopération privilégié entre établissements de santé publics et privés. Le décret pris en application de la loi HPST tend précisément à clarifier et simplifier le droit des GCS.

M. Jean-Louis Lorrain a évoqué l’élargissement des GCS au domaine psychiatrique. J’ai demandé à mon cabinet et à mes services de réfléchir à une expérimentation en la matière, afin d’améliorer la prévention et de parvenir à une meilleure organisation territoriale.

Les associations de patients, de même que les professionnels et les représentants des familles, sont bien entendu associés à cette réflexion. Mais il est évident que les différentes structures de coopération s’appliquent également aux établissements psychiatriques.

Je sais que les représentants des établissements privés et d’intérêt collectif s’inquiètent de la possibilité de transformation du GCS en établissement public de santé dès lors qu’il est titulaire d’une autorisation d’activités de soin. Ce point a d’ailleurs été soulevé par certains d’entre vous. Je répondrai à cette inquiétude en rappelant deux éléments.

Tout d’abord, le GCS « de moyens », que nous avons modernisé, offre de très nombreux avantages et couvre toutes les hypothèses de mutualisation de ressources ou d’activités dont peuvent avoir besoin les différents acteurs de santé, qu’il s’agisse d’établissements de santé publics ou privés, de structures médico-sociales, de professionnels médicaux libéraux ou encore de centres de santé.

Ensuite, cher Alain Milon, la transformation en établissement de santé ne concernera qu’une minorité de projets. Il s’agira assurément – je ne me fais aucune illusion sur ce point – de projets très aboutis en termes de prise en charge médicale et soignante. Surtout, la transformation en établissement de santé ne constitue qu’une option laissée à la main des responsables concernés, qui ne pourra être mise en œuvre sans leur aval. Il ne s’agit pas, dans ce domaine, d’imposer quoi que ce soit, étant donné le niveau d’intégration supposé.

À une question qui m’a été posée à propos du clinicien hospitalier, je répondrai que le décret devrait paraître dans les prochains jours et que la circulaire est en ce moment élaborée en concertation avec les organisations représentatives des praticiens hospitaliers.

Vous m’avez interrogée, monsieur François Autain et monsieur Yves Daudigny, sur les missions de service public. Leur inscription dans la loi a permis de souligner leur importance, d’affirmer le principe selon lequel elles doivent être assurées en fonction des besoins de la population et d’élargir la liste des structures ou des personnes susceptibles de les assurer.

Que les choses soient claires ! Mon intention n’a jamais été de remettre à plat l’organisation actuelle. Je souhaite seulement ouvrir la possibilité d’exercer ces missions à tous les établissements, dans l’intérêt de la population, dès lors qu’une situation de carence apparaît, et seulement dans ce cas. Pour atteindre cet objectif, il m’est apparu, après mûre réflexion, qu’il n’était pas nécessaire de prendre un décret d’application, la loi étant suffisamment claire. Cela m’a d’ailleurs été confirmé par M. Fourcade.

Je souhaite maintenant répondre à quelques questions particulières, notamment des questions d’ordre financier, qui n’entraient pas vraiment dans le sujet de ce débat. J’y répondrai par un inventaire à la Prévert, dont vous excuserez le caractère désordonné.

M. Le Menn m’a interrogée sur la mise en réserve de certains crédits, mécanisme participant d’une meilleure gestion financière. La mise en réserve ne portera en aucun cas sur les missions d’intérêt général, qui sont préservées. En outre, il ne s’agit pas d’un gel, mais d’une simple mise en réserve des crédits qui seront évidemment débloqués dès que les choses seront rentrées dans le droit chemin.

M. Masson m’a questionnée sur l’opportunité de transformer les CHR en CHU. Il ressort de l’ensemble des analyses transpartisanes qu’il y a plutôt trop de CHU, que pas assez. Mon rôle est d’assurer la sauvegarde des CHU et c’est pourquoi je résisterai mordicus à tous ceux et celles qui souhaitent en diminuer le nombre, et ils sont nombreux sur les bancs d’un certain nombre d’organisations, le débat dépassant largement le clivage gauche-droite. Je souhaite donc ardemment sauvegarder les CHU, mais, de grâce, ne m’en faites pas ajouter ! Il ne faut pas exagérer.

Pour répondre à M. Vanlerenberghe quant au choix du directeur, je veux rappeler que la procédure votée est extrêmement claire. Même si le conseil de surveillance est consulté sur la question, il n’est pas de sa responsabilité de nommer le directeur.

Un appel à candidature est lancé et six candidatures au moins sont présentées au directeur général de l’ARS par un comité de sélection. Si la candidature n’est pas statutaire, l’ARS exerce son choix directement. Dans le cas contraire, c’est le centre national de gestion, à qui sont proposées au moins trois candidatures, qui choisit par délégation du ministre.

M. Dériot a très utilement indiqué qu’il était nécessaire de connaître la réforme et qu’il existait sans doute un déficit dans ce domaine. Comment pourrait-il en être autrement ? C’est une restructuration complète de notre système de santé que nous entreprenons. Étant donné le nombre d’informations erronées qui sont diffusées – je ne saurais dire si cela est involontaire ou délibéré –, nous avons encore du chemin à faire !

C’est la raison pour laquelle un vade-mecum d’information sur la réforme sera distribué à l’ensemble des personnels hospitaliers dès juillet. Bien sûr, nous ferons de même pour les médecins généralistes et le secteur médico-social.

Je souhaiterais maintenant aborder les agences régionales de santé, véritable socle de la réforme. Clé de voûte de la loi HPST, elles ont été créées le 1er avril dernier. Ainsi, le coup d’envoi de la réforme n’a pas été donné dès la promulgation de la loi, cher M. Milon. La réforme a véritablement été lancée, étant donné qu’elle repose tout entière sur les ARS, le 1er avril dernier.

Facteurs d’une réforme historique de notre système de santé, les ARS instituent un pilotage régional fort, lisible et cohérent, ayant compétence sur l’ensemble du champ de la santé : le préventif et le curatif, l’hôpital et la ville, le sanitaire et le médico-social. Il est ressorti des réunions préparatoires à la réforme que le système existant, en tuyaux d’orgue, était trop cloisonné et insuffisamment territorialisé. La loi sert évidemment à remédier à cet état de fait.

Tous les textes nécessaires au fonctionnement des ARS, plus d’une vingtaine, ont été publiés. Les vingt-six directeurs généraux ont été nommés en conseil des ministres le 1er avril dernier. Les conseils de surveillance des ARS comme les conférences régionales de la santé et de l’autonomie – CRSA – vont se réunir avant la mi-juillet. Les conférences de territoire suivront dès l’automne, une fois les territoires de santé redéfinis.

Au-delà des textes, ce sont les améliorations concrètes et tangibles qui, au quotidien, se feront sentir. En effet, mieux répondre aux besoins de santé des Français en menant des politiques plus adaptées et plus efficientes constituent le cœur de la mission des ARS.

Élaborer le projet régional de santé, développer la prévention et la promotion de la santé, accompagner la réorganisation de la médecine de ville, mieux piloter la performance des hôpitaux, garantir la veille et la sécurité sanitaires, adapter le secteur médico-social à de nouveaux besoins, telles sont les priorités que j’ai données aux ARS et sur lesquelles elles seront amenées à rendre des comptes.

J’attends en particulier des résultats concrets et rapides en matière de permanence des soins et de mise en place de structures pluridisciplinaires pour les médecins libéraux, car cela répond à des attentes très fortes de nos concitoyens.

Puisque j’évoque les structures pluridisciplinaires, je souhaite répondre à M. Autain à propos des centres de santé. La procédure de déclaration simplifiée que j’ai mise en place devrait permettre leur développement. Mais ces centres de santé fonctionneront à tarif opposable, strictement opposable.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

L’ARS conserve la possibilité de supprimer à tout moment leur autorisation en cas de non-respect du cahier de charges. Une chose au moins nous réunit, comme j’ai pu le constater à travers nos débats, c’est notre attachement aux centres de santé et je suis formelle sur ces deux conditions.

Les ARS devront relever un défi majeur : garantir l’accès aux soins à tous nos concitoyens. Cette exigence constitue, vous le savez, le fil rouge de mon action depuis trois ans.

Beaucoup d’entre vous se sont exprimés sur ces sujets de démographie, le dernier, notre cher Jacques Blanc avec la passion et l’enthousiasme qu’on lui connaît ! Je n’ignore pas ses difficultés en Lozère. Qu’il me soit permis de lui dire que ce n’est pas parce que j’augmenterai le numerus clausus de l’université de Montpellier que les médecins iront jusqu’en Lozère !

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Je crains hélas qu’ils ne restent sur la côte ! L’héliotropisme est un phénomène connu ! Je tiens à redire que je n’ai pas réduit le nombre des étudiants en médecine. Au contraire, je l’ai constamment augmenté et je continuerai bien entendu à le faire.

Garantir l’accès aux soins pour tous nos concitoyens est un des piliers du pacte solidaire de santé sur lequel je m’engage auprès des Français et qui constitue le socle de ma politique pour les deux années à venir. Les décrets sur la permanence des soins, que je viens de signer, donneront aux ARS la possibilité d’adapter précisément leur organisation aux besoins de la population et de moduler les astreintes versées aux médecins en fonction de la spécificité de chaque territoire.

Pour la première fois, tous les leviers de la permanence des soins se trouvent rassemblés en une seule main et, dès les prochains mois, un nouveau dispositif de permanence des soins sera effectif dans chaque région. Il s’appuiera sur un important travail de concertation avec l’ensemble des acteurs, notamment au sein de la CRSA, qui comprend un collège d’élus, de même qu’avec les unions régionales de professionnels de santé.

Cette permanence des soins sera d’ailleurs un critère sur lequel les directeurs généraux d’agences régionales de santé seront évalués, et ce dès cette année, comme je les en ai avertis très clairement.

Les unions régionales seront les partenaires professionnels légitimes des ARS en région. Elles seront constituées de représentants professionnels libéraux élus par leurs pairs au sein de listes syndicales.

Monsieur Gilles, la mise en place des unions régionales traduit la volonté très forte d’associer les professionnels de santé libéraux à la modernisation de l’offre de soins. Jamais les professionnels de santé libéraux n’auront été autant associés à l’élaboration des politiques de santé, notamment au travers du projet régional de santé. C’est, j’en suis convaincue, une des conditions sine qua non de la réussite de la réforme.

Le décret relatif aux unions régionales de professionnels de santé libéraux a été publié. Les élections professionnelles seront organisées le 29 septembre prochain pour les médecins libéraux et avant la fin de l’année pour les autres professionnels libéraux.

Afin de réduire les inégalités territoriales de l’offre de soins, les ARS disposeront de plusieurs leviers d’action au niveau de la formation initiale des médecins. Le nombre d’internes formés dans chaque région et dans chaque discipline sera, dès la rentrée prochaine, fixé en fonction des besoins de la population.

Monsieur Jacques Blanc, les ARS pourront, chaque année, proposer à 400 étudiants et internes des contrats d’engagement de service public. Je vous assure qu’il y en aura pour la Lozère, qui connaît des problèmes de démographie médicale. En contrepartie du versement d’une allocation mensuelle, ces étudiants s’engageront à exercer dans des zones identifiées comme sous-dotées.

Toujours afin de relever le défi de la démographie médicale, je veux faciliter de nouveaux modes d’exercice qui répondent mieux aux aspirations des médecins.

Plusieurs outils créés par la loi HPST sont d’ores et déjà à la disposition des professionnels de santé. C’est le cas des protocoles de coopération, qui permettent aux médecins de répartir autrement leurs tâches avec les autres professionnels de santé, et donc d’assurer aux patients une meilleure prise en charge, tout en optimisant leur temps de travail et en valorisant mieux leurs compétences.

De ce point de vue, la féminisation de la profession est fréquemment évoquée. Je le ressens parfois comme une culpabilisation.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Les jeunes hommes aspirent, eux aussi, à d’autres modes d’exercice.

Les ARS ont également commencé à accompagner les professionnels de santé libéraux dans leurs projets de terrain, comme l’organisation de maisons de santé pluridisciplinaires.

Il s’agit pour ces derniers d’une évidente simplification puisqu’ils auront affaire, pour la première fois, à un interlocuteur unique pour accompagner et financer leur projet. J’ai rencontré des internes et de jeunes médecins et j’ai constaté que le cheminement technocratique auquel ils étaient contraints pour trouver des financements et des aides en décourageait plus d’un. Établir le dialogue avec les professionnels de santé libéraux est d’ailleurs une des priorités des ARS et elles s’y sont attachées dès leur mise en place.

Les ARS sont ainsi prêtes pour répondre à l’engagement pris par le Président de la République de financer deux cent cinquante maisons de santé pluridisciplinaires avant la fin de son mandat.

En se fondant sur les expérimentations qui sont actuellement en cours, sur mon initiative, les ARS pourront consolider ces projets en proposant aux professionnels de santé libéraux des contrats collectifs d’objectifs et de moyens ou de nouveaux modes de rémunération.

De plus, les volets ambulatoires des schémas régionaux d’organisation sanitaire, les SROS, seront préparés à partir de la rentrée. Ils feront l’objet d’une intense concertation sur le terrain avec les professionnels de santé libéraux, mais aussi avec les élus locaux. Ils apporteront un cadre explicite pour faire converger les aides et les politiques incitatives et soutenir les projets qui correspondent à de vrais besoins de santé.

Les dispositifs de télémédecine compléteront ces mesures en facilitant l’accès aux soins dans des zones sous-dotées ainsi que les consultations dans certaines spécialités.

De ce point de vue, je tiens à préciser que, aux côtés de l’Agence nationale d’appui à la performance, l’ANAP, l’Agence des systèmes d’information partagés de santé, l’ASIP Santé, sur laquelle vous m’avez interrogée, constitue un remarquable outil pour le développement de ces techniques qui vont bien entendu révolutionner tout à la fois la médecine de pointe et la médecine de proximité. J’ajoute que, dans quelques semaines, pour ne pas dire dans quelques jours, j’irai apprécier sur le terrain les développements de l’expérimentation du dossier médical personnel, le DMP. Vous pouvez donc constater, monsieur Milon, que l’engagement que j’avais pris devant vous de faire de l’année 2010 l’année du lancement du DMP sera tenu.

Un décret définit l’activité de télémédecine et permet sa mise en œuvre ainsi que son financement. Il est en cours d’examen au Conseil d’État et sera publié au début du mois de juillet. Dès à présent, mes services se mobilisent pour développer les outils nécessaires au développement de cette activité sur le terrain, sous la responsabilité des ARS.

Tout est donc mis en œuvre dès à présent pour répondre à notre impératif commun : une plus juste répartition de l’offre de soins sur l’ensemble du territoire.

Monsieur Milon, je tiens à protéger la ressource d’offre de soins de proximité. C’est d’ailleurs ce souci qui a guidé mon choix lorsqu’il s’est agi de déterminer le mode de vaccination contre la grippe A/H1N1. Je n’avais bien évidemment aucune défiance quant à la capacité des professionnels de santé de procéder à ces vaccinations, mais je savais que la demande maximale surviendrait au moment où ils seraient eux-mêmes surchargés de travail dans leur cabinet. Et c’est d’ailleurs ce qui s’est passé. Nous avons atteint un rythme de 300 000 vaccinations par jour alors que l’on recensait par ailleurs un million de consultations supplémentaires par semaine dans les cabinets libéraux. Je voulais protéger la ressource humaine que constituent les professionnels de santé, car elle est trop précieuse pour être dilapidée.

La loi HPST vise aussi à garantir à la population l’accès aux soins en sanctionnant les refus de soins exercés par les professionnels de santé. Je viens de signer le décret d’application de cette mesure.

D’autres dispositions sont d’ores et déjà applicables, je pense notamment à la remise d’un devis aux patients.

Certaines mesures concernent les pharmaciens et la biologie médicale. La loi définit précisément les missions qui incombent aux pharmaciens. Les décrets d’application sont en cours d’examen par le Conseil d’État.

La réforme ouvre la voie à une meilleure prise en charge par les pharmaciens, en renforçant leur rôle dans la prévention, l’éducation thérapeutique, le suivi, la coordination avec les autres acteurs de santé.

La réforme de la biologie médicale a pour objectif de permettre à chacun d’avoir accès à une biologie de qualité prouvée, payée à son juste prix, dans un cadre européen. L’ordonnance est parue le 13 janvier dernier, les premiers textes d’application sont publiés ces jours-ci.

Cette réforme commence à porter ses fruits, avec la création de plateaux techniques regroupant plusieurs laboratoires, ce qui permet de rationnaliser et de moderniser notre réseau de laboratoires.

Améliorer l’état de santé de nos concitoyens, les aider à préserver le plus longtemps possible leur autonomie : la loi HPST, qui est aussi une loi de prévention, entend répondre à cet impératif.

L’essentiel des mesures portant sur la santé publique, qui sont des mesures de protection, sont en vigueur.

Il en est ainsi de la protection des jeunes, avec la lutte contre l’expérience précoce du tabac et les pratiques d’alcoolisation. Personne n’a évoqué cette question au cours de ce débat, et je le regrette, car cette loi a permis – et c’est important – de simplifier et d’harmoniser la réglementation en instaurant l’interdiction de vente d’alcool et de cigarettes aux mineurs.

Il en est également ainsi de la protection des populations, avec l’adaptation du règlement sanitaire international. Le projet de décret sera publié dès le mois de juillet. Ce titre vise également à replacer le patient au cœur de sa propre prise en charge, grâce aux mesures relatives à l’éducation thérapeutique et à l’éducation à la santé.

Mesdames, messieurs les sénateurs, un an après, je suis fière de tout le chemin que nous avons parcouru ensemble. Cette réforme était nécessaire, indispensable, si nous voulions préserver notre système de santé et les valeurs solidaires qui le fondent. Malgré l’ampleur de la tâche, grâce à vous, grâce à mes services et à tous ceux qui travaillent sur le terrain, j’ai tenu les engagements pris devant vous et devant les Français.

Un an après la publication de la loi, je suis au rendez-vous de sa mise en œuvre et je suis fière du travail accompli, parce que nos concitoyens et nos concitoyennes pourront désormais, dans leur quotidien, apprécier de façon concrète tous les apports de cette réforme. Cette loi, je ne l’ai faite que pour eux et pour elles.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Nous en avons terminé avec le débat sur « la loi hôpital, patients santé et territoires, un an après ».

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente, sous la présidence de M. Roland du Luart.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L’ordre du jour appelle, à la demande de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, la discussion de la question orale avec débat n° 59 de Mme Michèle André à Mme la ministre de la santé et des sports relative à la politique de contraception et d’interruption volontaire de grossesse.

Cette question est ainsi libellée :

« Mme Michèle André demande à Mme la ministre de la santé et des sports de lui exposer les conclusions qu’elle tire de l’évaluation des politiques de prévention des grossesses non désirées et de la prise en charge des interruptions volontaires de grossesse, à laquelle vient de procéder l’Inspection générale des affaires sociales. Elle lui demande notamment les mesures que le Gouvernement envisage de prendre pour lutter contre le taux d’échec important des moyens de contraception ainsi que pour garantir un égal accès à l’interruption volontaire de grossesse sur l’ensemble du territoire, et un meilleur choix pour les femmes des techniques utilisées. »

La parole est à Mme Michèle André, auteur de la question.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur les conclusions tirées par votre ministère de l’évaluation des politiques de prévention des grossesses non désirées et de la prise en charge des interruptions volontaires de grossesse à la suite du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS.

Nous partageons, madame la ministre, la conviction que le droit à disposer de son corps, tout comme celui de choisir ses maternités et d’avoir accès aux soins en matière de santé reproductive, sont constitutifs d’une société démocratique égalitaire.

Le rapport très détaillé de l’IGAS est venu confirmer les progrès réalisés trente-cinq ans après la promulgation de la loi Veil, qui autorisait et médicalisait l’avortement en France.

D’une part, les Françaises bénéficient aujourd’hui d’une couverture contraceptive remarquable, puisque 95 % des femmes qui le nécessitent utilisent un moyen de contraception, médical dans 80 % des cas.

D’autre part, la prise en charge de l’IVG a marqué des progrès réels et les délais sont globalement mieux maîtrisés.

Même s’il reste encore beaucoup à faire, je me réjouis de ces avancées, notamment parce qu’elles vont dans le sens d’une société plus égalitaire entre les femmes et les hommes.

Permettez-moi d’avoir une pensée particulière pour ceux, femmes et hommes politiques, mais aussi médecins et responsables associatifs, qui ont consacré une partie de leur vie au service des femmes, pour que leur soit reconnu le droit fondamental de choisir leur maternité et d’interrompre leur grossesse dans de bonnes conditions psychologiques, sanitaires et économiques. Cette conquête a été le fruit de batailles menées contre les préjugés et contre les conservatismes. Nos sociétés, même les plus avancées, n’en sont pas à l’abri.

Les associations et les praticiens qui accompagnent les femmes sur le terrain nous alertent en effet régulièrement. Tout d’abord, des groupuscules « pro-vie » et des lobbies anti-IVG continuent d’organiser des « marches », à Paris en janvier dernier, à Toulouse et à Avignon récemment encore. Ensuite, les pressions psychologiques exercées par les familles, mais aussi par certains éléments du corps médical, rendent plus difficile pour les femmes l’exercice de leurs droits. Enfin, certains médecins sont encore réticents à accomplir des actes d’IVG.

Je tiens ici à rendre un hommage particulier aux hommes et aux femmes du réseau des soixante-dix associations du Mouvement français pour le planning familial : investis sur le terrain quotidiennement, ils sensibilisent, accompagnent, écoutent et orientent les femmes, sans distinction d’âge ni de catégorie sociale.

Ils constituent les véritables relais de nos politiques et, sans le travail renouvelé et permanent de leurs équipes, les droits que nous nous efforçons de garantir aux femmes resteraient souvent au stade des principes.

Ils nous rappellent que notre rôle, en une matière si délicate qui touche à l’intime et aux convictions personnelles de chacun, consiste, loin des postures et des déclarations d’intention, à permettre, à informer, mais surtout à garantir les moyens nécessaires pour répondre aux besoins des femmes.

Or, vous le savez, les crédits budgétaires alloués à ces associations sont encore aléatoires : fractionnés entre différentes missions et programmes, leur obtention relève souvent du parcours d’obstacles.

Au début de l’année 2009 déjà, la baisse des crédits budgétaires permettant de subventionner les établissements d’information, de consultation et de conseil familial nous avait fortement alarmés. Nos interventions et la mobilisation des réseaux associatifs avaient finalement conduit le ministre du travail de l’époque, Brice Hortefeux, à signer avec la présidente du Mouvement français pour le planning familial un protocole garantissant le maintien à niveau des crédits budgétaires pour les années 2009, 2010 et 2011.

Mais, alors que de nouvelles associations soutenant les droits des femmes sont aujourd’hui menacées, le réseau associatif s’interroge : faudra-t-il se mobiliser chaque année pour que soient garantis les budgets qui leur permettent simplement de fonctionner ?

Fournir des données chiffrées stables et garantir des procédures simples me paraît aujourd’hui être une priorité : les responsables associatifs sont prêts à ouvrir un dialogue constructif et j’espère, madame la ministre, que vous y répondrez favorablement.

C’est avec le même souci d’efficacité que j’aborderai les deux questions qui nous préoccupent aujourd’hui : la prévention des grossesses non désirées et la prise en charge des interruptions volontaires de grossesse.

En ce qui concerne la prévention des grossesses non désirées, les campagnes d’information et l’amélioration de la prise en charge des méthodes contraceptives ont, semble-t-il, porté leurs fruits, puisque, comme l’a confirmé le rapport de l’IGAS, les Françaises bénéficient d’une couverture contraceptive remarquable.

Pourtant, 72 % des 200 000 IVG pratiquées en France concernent des femmes qui utilisent un moyen de contraception, selon l’IGAS. Force est donc de constater que la diffusion massive de la contraception n’a pas eu encore l’efficacité escomptée.

Ce relatif échec s’explique, selon les praticiens et les travailleurs associatifs, par le fait que les méthodes contraceptives ne sont pas toujours adaptées aux conditions de vie et aux attentes des femmes.

Il faut donc aller plus loin que la seule diffusion, en permettant aux femmes de faire un réel choix en matière de contraception, qui soit adapté à leurs besoins et à leurs modes de vie.

Permettre le remboursement de l’ensemble des moyens de contraception prescrits est une étape nécessaire.

Vous avez annoncé que vous alliez examiner avec les laboratoires pharmaceutiques les moyens de parvenir à un remboursement par l’assurance-maladie de certaines méthodes de contraception non prises en charge, comme les patchs et les anneaux. J’espère que ces négociations aboutiront.

Mais cette prise en charge ne sera efficace que si l’accès aux méthodes de contraception est garanti.

La possibilité pour les infirmières de renouveler les ordonnances de pilules contraceptives datant de moins d’un an va dans ce sens, de même que celle qui est donnée aux pharmaciens de les délivrer lorsque la prescription est « périmée » de quelques jours. Je me félicite de ces mesures.

En tout état de cause, il me semble que nous avons aujourd’hui intérêt à ce que les acteurs de terrain travaillent au maillage du territoire, en s’appuyant sur les ressources existantes, et en développant les lieux d’accueil.

Certains départements soutiennent cette démarche de réseau, et je m’en réjouis. Ainsi, dans l’Hérault, un dispositif tripartite, liant le conseil général au planning familial et aux médecins, a permis un partage des rôles efficace : une conseillère du planning, installée dans une structure « banalisée », oriente les femmes vers les professionnels de santé conventionnés, les soins étant pris en charge financièrement par le conseil général via le planning familial. Des démarches similaires ont vu le jour dans le département du Bas-Rhin, ainsi que dans les régions Pays de la Loire et Poitou-Charentes. Comment pourrions-nous les soutenir et les encourager ?

En matière de contraception, les jeunes majeures restent vulnérables et il me semble qu’il nous revient de leur porter une attention particulière.

Si 10 000 IVG par an sont pratiquées sur des mineures, beaucoup concernent des jeunes majeures de dix-huit à vingt-cinq ans.

Le rapport de l’IGAS a mis en lumière la persistance de carences importantes dans l’information : l’éducation à la sexualité à l’école, obligation légale depuis la loi du 4 juillet 2001, n’est que très inégalement et partiellement appliquée. La situation des jeunes femmes non scolarisées est la plus délicate. Le fait que la sexualité des jeunes soit encore un tabou pour les parents, les éducateurs, et parfois même les médecins, conduit à « dramatiser » des situations qui pourraient être simplement expliquées et prises en charge.

L’accès à l’information et à la contraception reste par ailleurs encore trop inégal en fonction du territoire où l’on vit, des moyens financiers dont on dispose, de la couverture sociale et de la façon dont peuvent être garantis anonymat et confidentialité.

Je pense qu’il n’est pas inutile de rappeler ici que, si les jeunes peuvent recourir de façon gratuite et anonyme à la contraception d’urgence et à l’IVG, ils n’ont pas accès gratuitement à la contraception régulière, sauf dans les centres d’éducation et de planification familiale, dont l’accessibilité demeure limitée.

Il me semble essentiel d’intensifier le travail de sensibilisation des enseignants, des éducateurs et des animateurs sur ces questions.

Vous avez annoncé, madame la ministre, lors de la Journée internationale de la femme, vouloir améliorer l’éducation sexuelle et l’accès à la contraception des jeunes. Pouvez-vous nous expliquer comment et avec quels moyens ?

J’en viens maintenant à la question de la prise en charge des interruptions volontaires de grossesse.

En cette matière, on a beaucoup commenté le paradoxe du contexte français, la diffusion massive de la contraception n’ayant pas fait diminuer le nombre des IVG, qui se maintient aux environs de 200 000 par an.

Je ne m’attarderai pas sur ces commentaires et je m’en tiendrai aux faits.

En premier lieu, il ressort des données produites par le rapport de l’IGAS que les deux dispositions qui avaient suscité le plus de contestations lors de l’adoption de la loi du 4 juillet 2001 ont, en réalité, permis d’améliorer le dispositif : l’assouplissement du régime d’autorisation parentale pour les mineures, d’une part, l’allongement du délai légal de douze à quatorze semaines, d’autre part, n’ont pas produit les dérives que certains annonçaient. À cet égard, les demandes d’IVG tardives ne concernent, aujourd’hui, pas plus de 10 % de l’ensemble des demandes. Elles restent préoccupantes, bien évidemment. Je suis persuadée que vous partagez mon souci.

En second lieu, l’évaluation remise en février a confirmé les progrès réels de prise en charge de l’IVG.

Les délais d’accès à l’IVG dans les établissements se sont dans l’ensemble améliorés pour se rapprocher, dans la plupart des cas, de la norme de cinq jours définie par la Haute Autorité de santé.

Mais ces progrès demeurent fragiles et, vous le savez, mes chers collègues, tant les experts de l’IGAS que les acteurs de terrain s’inquiètent légitimement de la persistance de goulots d’étranglement dans certaines zones de fortes demandes à certaines périodes de l’année, notamment lors des congés, problème que la fermeture d’un certain nombre de centres d’IVG ne fait qu’aggraver.

Les causes de cette situation sont maintenant bien connues. D’une part, en dépit de plusieurs revalorisations successives, la tarification de l’IVG instrumentale ne prend en charge qu’une partie de son coût réel. D’autre part, la pratique de l’IVG reste une activité peu gratifiante pour les personnels de santé : le recours à la clause de conscience de la part des professionnels semble avoir été renforcé par l’allongement du délai légal de recours à l’IVG.

Vous avez annoncé, madame la ministre, l’augmentation des forfaits IVG et l’amélioration des conditions de prise en charge des IVG médicamenteuses. Permettez-moi cependant de rappeler que, malgré les revalorisations tarifaires de 20 % en 2008 et 34 % en 2009, les fermetures des centres d’IVG ont continué : le 5 juin dernier, un collectif d’associations de femmes appelait à manifester à Paris pour la réouverture du centre d’IVG de l’hôpital Tenon, le maintien de tous les services de pédiatrie de l’hôpital Trousseau, ainsi que le maintien de la maternité, du service de pédiatrie, du centre d’IVG et de l’école de sages-femmes de l’hôpital Saint-Antoine.

Le résultat de ces fermetures, nous le connaissons : trop de femmes sont confrontées à des refus par manque de place et sont réorientées sans entretien préalable et sans information pratique. Les délais de rendez-vous continuent de dépasser ceux que recommande la Haute Autorité de santé ; quant aux délais de prise en charge, ils restent supérieurs à quinze jours dans un établissement sur vingt, plus particulièrement dans ceux qui ont le plus de centres d’IVG en activité.

D’après les informations fournies par le réseau du planning familial, le délai d’accès pour un avortement en Île-de-France peut aller jusqu’à trois semaines.

Ces obstacles, et les conséquences psychologiques et physiques qui s’ensuivent, touchent en priorité les femmes les plus fragiles, nous le savons bien.

Enfin, la réticence de certains praticiens vient s’ajouter aux difficultés pratiques : non seulement les IVG tardives ne sont pas prises en charge partout, mais, surtout, certains modes de prise en charge sont systématiquement privilégiés.

Alors que le choix des femmes en ce domaine devrait être d’autant plus respecté que cet acte a des conséquences importantes sur leur intégrité, le recours quasi exclusif à la technique médicale dans certains établissements reflète plus le choix de l’équipe que celui des femmes.

Madame la ministre, je ne sous-estime pas les efforts déjà accomplis par votre ministère. Je me préoccupe toutefois de savoir ce que vous allez faire pour éviter la fermeture de nouveaux centres d’IVG et de maternités dans les hôpitaux. C’est un enjeu capital pour de nombreuses femmes, et je vous remercie par avance de vos réponses.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai tout d’abord par remercier notre collègue Michèle André d’avoir posé cette question orale avec débat sur un sujet aussi important.

Le 21 septembre 1974, après des débats très animés, le Parlement adoptait la loi Veil, qui autorisait l’interruption volontaire de grossesse. À l’époque, les législateurs pensaient que la généralisation des méthodes contraceptives allait conduire à une réduction progressive du nombre d’IVG. Trente-cinq ans plus tard, ce chiffre reste quasiment identique.

Durant cette période, la contraception s’est très largement généralisée. Alors que 95 % des Françaises utilisent une contraception, le nombre d’IVG reste toujours aussi élevé, à l’inverse de ce qui est observé à l’étranger. Depuis 1975, on compte environ 200 000 avortements par an. Cette situation est très préoccupante, car l’IVG est une épreuve lourde à supporter pour les femmes qui y ont recours.

D’ailleurs, selon le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales sur la prise en charge de l’IVG, la Haute Autorité de santé constate qu’il « existe peu de données concernant le retentissement psychologique de l’IVG » et déclare que celle-ci demeure un événement souvent difficile à vivre sur le plan psychologique. Madame la ministre, pouvez-vous nous dire si une étude sur les conséquences psychologiques de l’IVG a été lancée ? Un éclairage objectif et scientifique sur ce sujet paraît fondamental.

Selon certaines études, un manque d’explications, de conseils et d’informations sur le bon usage de la contraception motiverait en partie le nombre élevé d’IVG.

En effet, il apparaît essentiel de faire connaître les différents modes de contraception. Très peu de femmes, jeunes et moins jeunes, utilisent l’implant, l’anneau vaginal ou encore le patch contraceptif, qui sont pourtant des moyens de contraception moins astreignants au quotidien que la pilule. De même, peu savent que le stérilet est utilisable chez les jeunes femmes, même si elles n’ont pas encore eu d’enfants. Nous devons tenir compte des nouveaux moyens de contraception, plus faciles à utiliser.

Il semblerait que les médecins privilégient certaines contraceptions qui ne seraient pas adaptées aux attentes et au mode de vie des femmes et des couples, d’où l’importance de renforcer la formation initiale et continue des médecins et des sages-femmes.

Selon une étude, 72 % des femmes qui recourent à l’IVG sont sous contraception. Parmi ces femmes, 23 % prenaient la pilule et 19 % utilisaient un préservatif. Pourtant, ces deux modes de contraception sont efficaces s’ils sont utilisés correctement. Il y a donc une mauvaise utilisation des moyens de contraception.

Les femmes de trente à trente-cinq ans oublient plus fréquemment leur pilule. Chez ces femmes, l’oubli peut avoir plusieurs significations : désir d’enfant par rapport au couple, désir de pouvoir encore être mère par rapport à la société, désir de créer un lien avec un nouveau partenaire. Pour ces femmes, les médecins doivent prendre le temps de communiquer.

À l’heure où la sexualité est plus irrégulière, impliquant plus de partenaires, pour certaines femmes la prise journalière d’une pilule est difficile. Il serait donc souhaitable de diversifier et d’adapter la couverture contraceptive en fonction des besoins et des modes de vie des utilisateurs.

Les avortements sont plus nombreux chez les mineures. Il ne faut pas oublier que la contraception a un coût et, chez les mineures, il est loin d’être négligeable, en particulier les pilules de dernière génération non prises en charge par l’assurance maladie. Les anneaux, les patchs et les préservatifs ne sont pas remboursés. Le remboursement n’est pas neutre et oriente la demande et la prescription. Cette prescription peut ne pas correspondre à la personne. Le remboursement de tous les contraceptifs et l’accès aux préservatifs à bas prix doivent être envisagés. Les médicaments pour la prostate, eux, sont tous remboursés !

Rires

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Le recours à « la pilule du lendemain » est également loin d’être systématique en cas de rapport à risque, bien qu’elle soit gratuite pour les mineures. Malheureusement, tous les établissements scolaires n’en disposent pas et certains pharmaciens ne la mettent pas à disposition gratuitement pour les mineures. On constate ici combien il est important de faire appliquer la loi 2001 sur l’IVG dans l’ensemble des établissements et de prendre des mesures pour favoriser l’accès aux moyens de contraception d’urgence pour les femmes et les mineures.

Informer doit être une priorité pour combattre les idées reçues sur la contraception et donner les moyens d’éviter une grossesse non désirée. Inscrite dans la loi depuis 2001, l’éducation sexuelle à l’école, dans les collèges et les lycées se résume le plus souvent à une information et non une éducation. Deux tiers des filles de troisième pensent, par exemple, qu’on ne peut pas tomber enceinte lors du premier rapport sexuel. Madame la ministre, des actions d’information, d’éducation et de prévention ciblées sur les mineures doivent être entreprises et devenir une urgence nationale.

Je souhaite évoquer l’exemple de l’Alsace, qui a un taux d’IVG inférieur au taux national concernant les mineures. La mise en place d’un plan de prévention entre plusieurs institutions a permis de faire baisser ce taux. Grâce à un partenariat entre l’administration hospitalière, la caisse de sécurité sociale, le planning familial et les établissements scolaires, les jeunes ont pu bénéficier d’une prise en charge anonyme et gratuite. De plus, une unité spécifique d’information et d’accueil des adolescents concernant la sexualité, appelée Info-Ado, a été mise en place. Il s’agit de donner des informations précises aux jeunes en matière de contraception et de sexualité. Cela permet de garder une confidentialité de la sexualité vis-à-vis des parents.

Il y a donc des interventions en milieu scolaire et un accueil gratuit, anonyme et sans examen gynécologique, aux heures ouvrables dans les hôpitaux publics pour les jeunes qui souhaitent poser des questions ou qui désirent une contraception. Les pilules et les préservatifs sont offerts gratuitement et sans limite de nombre à chaque adolescent qui le demande. Un examen clinique ou des tests de dépistage sont possibles et demeurent gratuits pour ne pas impliquer la sécurité sociale des parents.

Madame la ministre, l’exemple de l’Alsace devrait pouvoir être soutenu et développé sur tout le territoire. Des réseaux de prévention et de soins impliquant les médecins généralistes devraient être mis en place.

De plus, il devient urgent de réduire les inégalités régionales. Dans le cadre de la mise en place de la tarification à l’activité dans le secteur hospitalier, de plus en plus d’établissements renoncent à pratiquer les IVG faute d’une tarification suffisante. On constate que les restructurations hospitalières ont conduit à la fermeture de services pratiquant l’IVG, souvent déficitaires. On observe de fortes inégalités régionales et des difficultés d’accès aux consultations d’IVG. Des mesures doivent être envisagées à ce niveau.

L’information, l’éducation scolaire, de nouveaux remboursements, le renforcement de la formation médicale, un meilleur maillage du territoire, l’utilisation conjuguée de tous ces moyens devraient permettre de mettre fin au nombre élevé d’IVG en France.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il m’a paru opportun qu’au moins un homme intervienne dans ce débat, et je remercie mon groupe d’avoir accepté que je prenne la parole, d’autant que j’éprouve une certaine émotion à le faire, ayant été présent dans les tribunes de la Haute Assemblée voilà trente-cinq ans, lors du débat sur l’IVG, au moment où le sénateur Jean Mézard présentait le rapport de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de Mme Veil. J’avais pu mesurer à l’époque la dureté d’un combat à front renversé, la force des tabous, l’utilisation de l’éthique et de la morale pour s’opposer à toute avancée sociétale. Le combat était et est toujours celui de la liberté et de la dignité, en l’espèce encore plus celui de la souffrance, du désespoir des femmes les plus faibles, les plus démunies. Que de drames humains, de vies brisées…

Constatons, mes chers collègues, que la contraception et l’IVG n’ont pas entraîné la baisse de natalité annoncée et que, bien au contraire, d’immenses progrès ont été réalisés.

Depuis la loi Neuwirth, qui a autorisé la contraception, la France est devenue l’un des pays où le taux de contraception est le plus élevé, notamment en ce qui concerne les méthodes nécessitant une prescription médicale.

On assiste néanmoins à un paradoxe : une contraception très utilisée et un nombre d’interruptions volontaires de grossesse stable.

Le rapport de l’IGAS sur la prise en charge de l’IVG en France souligne un fait assez inquiétant : 72 % des femmes qui ont eu recours à l’IVG déclaraient utiliser un moyen contraceptif ; d’où la nécessité de parvenir à une meilleure adéquation des méthodes contraceptives aux conditions de vie et aux attentes des femmes, et de renforcer l’approche préventive et l’information en matière de sexualité.

Concernant la contraception, il est selon nous indispensable de mener une politique volontaire, avec des campagnes d’information efficaces et un soutien renouvelé aux établissements d’information, de consultation et de conseil familial. Il est en effet primordial d’assurer et de promouvoir les deux objectifs suivants : l’information relative à la contraception et l’accès aux moyens de contraception.

À cet égard, nous partageons pleinement l’appréciation formulée par le rapport de l’IGAS quant à l’intérêt des centres de planification qui assurent, dans les faits, un accès aux conseils gratuits et confidentiels ainsi que la prescription et la délivrance de produits contraceptifs.

Madame la ministre, mes chers collègues, comment oser encore parler de confort alors qu’il s’agit de santé publique, de l’avenir, de l’équilibre de tant d’adolescentes, de jeunes femmes ?

Les progrès qui ont été réalisés avec les lois successives sont l’illustration de l’évolution des mentalités.

Nous nous réjouissons que la forte mobilisation en 2009 en faveur du maintien des crédits consacrés aux établissements d’information, de consultation et de conseil familial, ait abouti à la conclusion d’un protocole d’engagement garantissant le maintien, sur la période 2009-2011, des crédits consacrés à ces structures.

Les associations du planning familial accomplissent selon nous une mission d’utilité publique à laquelle il serait inconcevable de devoir renoncer. Un désengagement de l’État en ce domaine aurait des conséquences graves, notamment pour l’information des mineures et des jeunes adultes et l’assistance des personnes les plus fragilisées. Comment relayer, sans les associations, les campagnes nationales ? « La contraception, parlons-en ! » : où va-t-on en parler si les structures qui assurent la prévention, l’information et l’assistance sont menacées ? Je pense que tel n’est pas le cas, madame la ministre, mais pouvez-vous nous garantir que la politique en matière de contraception reste pour vous une priorité – nous ne sommes pas très inquiets d’ailleurs – et que le soutien au planning familial sera renouvelé dans les années à venir ?

Le rapport de l’IGAS souligne par ailleurs la nécessité d’une meilleure prise en charge globale de l’IVG et montre que, si des progrès indéniables ont été réalisés, la place de l’IVG en tant qu’activité médicale n’est pas encore normalisée et que les avancées, partielles, demeurent fragiles.

Trois points soulignés par I’IGAS m’apparaissent comme particulièrement préoccupants.

Premier point : une diminution du nombre des établissements qui pratiquent l’IVG, et des inégalités territoriales trop importantes dans la prise en charge de l’IVG.

Des « goulots d’étranglement » persistent dans certaines zones, notamment les grandes villes, et le nombre d’établissements pratiquant l’IVG en France est passé de 729 en 2000 à 639 en 2006. Ainsi, un établissement sur vingt a des délais de prise en charge supérieurs à quinze jours. Or moins de centres pratiquant l’IVG et moins de moyens ne peuvent que nuire à une bonne prise en charge de l’IVG et aboutir à des situations de grande détresse.

Deuxième point : le rapport souligne un éventail incomplet des techniques d’IVG dans les structures hospitalières. De ce fait, il existe un risque que le choix des techniques utilisées – médicamenteuse ou chirurgicale – soit principalement déterminé par la pratique des centres hospitaliers, alors qu’il devrait relever de la décision des intéressées après information.

Troisième point – et ce n’est pas le moindres : la faible attractivité de l’activité d’orthogénie pour les futurs médecins doit être prise en compte.

Face à ce constat, il semble primordial de reconnaître cette activité comme partie intégrante de l’offre de soins. Si l’IVG est, pour les établissements hospitaliers, une activité déficitaire et, pour les praticiens, une activité peu porteuse, cela ne peut générer que des difficultés. Le système de santé doit selon nous être en mesure d’appliquer la loi de la République sur tout le territoire et non être soumis à des choix budgétaires locaux ou être à la merci de choix personnels, même respectables.

Madame la ministre, le 8 mars dernier, vous avez annoncé, à l’occasion de la Journée de la femme, que vous souhaitiez augmenter la rémunération des actes d’interruption volontaire de grossesse. Pour pallier la fermeture des lieux de prise en charge, les forfaits versés aux établissements pratiquant des IVG seraient augmentés en moyenne de près de 50°% dès 2010.

Pouvez-vous nous confirmer les mesures qui seront prises pour que, à l’avenir, un nombre suffisant de médecins pratiquant l’IVG soit assuré ?

Trente-cinq ans après la loi Veil, il reste beaucoup de chemin à parcourir dans l’accès à l’information, à la contraception et à l’IVG... Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour que l’action initiée avec tant de courage par votre illustre « prédécesseure » (Sourires) soit poursuivie et renforcée dans l’intérêt des femmes et donc de l’humain.

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Madame la ministre, sur la question qui nous préoccupe, nous ne partageons pas le même regard. Aussi, j’ai hésité un temps à m’exprimer, sachant que mon point de vue – celui qui donne à croire que la certitude de l’éternité commence au premier jour de la vie, c'est-à-dire au jour de la conception – n’est pas partagé par la majorité d’entre nous.

Madame André, ce n’est pas faire le choix du conservatisme ou d’un archaïsme social de le croire, de l’affirmer, de le vivre : ce choix a aussi droit à la parole. Mais il ne s’agit pas aujourd’hui de se situer sur ce plan : l’heure est au bilan.

Premièrement, on relève un nombre trop élevé d’avortements dans notre pays, conjointement avec l’un des plus forts taux de contraception d’Europe, paradoxe mis en évidence par l’inspection générale des affaires sociales, l’IGAS. L’Institut national d’études démographiques, l’INED, le confirme : « La propension à recourir à l’avortement en cas de grossesse non prévue s’est accentuée à mesure que la maîtrise de la fécondité s’améliorait. » Ainsi, selon un sondage IFOP, 72 % des femmes qui ont eu recours à l’IVG utilisaient une méthode de contraception au moment où elles se sont trouvées enceintes.

Deuxièmement, le nombre d’IVG est en augmentation chez les mineures : 13 300 mineures ont eu recours à une IVG en 2006, soit une sur cent environ.

Troisièmement, l’avortement n’a rien d’anodin pour les femmes : s’il n’est certes pas remis en question dans l’opinion publique, néanmoins 61 % des Françaises estiment qu’il y a trop d’avortements dans notre pays, et 83 % que l’avortement laisse des traces psychologiques difficiles à vivre. C’est dire que, derrière nos statistiques, les enjeux humains de ce débat sont loin d’être négligeables.

Aussi, je veux remercier Michèle André d’avoir suscité ce débat. Elle nous donne ainsi l’occasion de nous arrêter sur un sujet grave pour faire un état des lieux de la situation, pour avoir le courage de reconnaître que notre politique en la matière pourrait être plus cohérente, de manière à la faire évoluer et soutenir les femmes et les hommes de notre pays, puisque cette responsabilité s’accorde au féminin, mais aussi au masculin – ce que nos collègues semblent avoir été nombreux à oublier aujourd’hui.

Je voudrais, madame la ministre, vous poser trois questions.

La première a trait à la contraception.

Aucun rapport de grande ampleur n’a été établi à l’échelon national pour appréhender les conséquences sur l’organisme humain de la prise de contraceptifs par les femmes pendant des dizaines d’années, à l’heure où le corps médical ne cesse de constater une augmentation significative des cancers. Une étude du Centre international de recherche sur le cancer, agence qui dépend de l’OMS, a classé il y a quelques années la pilule contraceptive parmi les produits cancérogènes du « groupe 1 », c’est-à-dire ceux dont l’action est « certaine », indiquant pour autant qu’elle « diminue le risque de cancer de l’endomètre et de l’ovaire », mais « augmente celui du cancer du sein, du col utérin et du foie ». D’autres études récentes évoquent a contrario les effets positifs de la pilule sur la santé tandis que d’autres sont en revanche très alarmistes.

C’est la raison pour laquelle, madame la ministre, je vous demande si vous envisagez de mener une étude approfondie sur ce sujet, de manière à pouvoir éventuellement protéger la santé des Françaises qui ont recours à la contraception médicamenteuse.

Ma deuxième question concerne la pratique de l’avortement liée au risque d’un éventuel handicap, notamment celui de la trisomie 21.

N’y a-t-il pas, madame la ministre, une contradiction à ne pas avoir inscrit dans notre loi de bioéthique de liste des « affections d’une particulière gravité » qui peuvent faire l’objet d’une IMG, une interruption médicale de grossesse, et à vouloir explicitement intégrer la trisomie 21 au nombre des maladies à dépister systématiquement lors d’un diagnostic préimplantatoire ? N’y a-t-il pas un risque d’eugénisme, dans une société où tout ce qui sortirait de la norme devrait faire l’objet d’un équarrissage ?

Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

N’est-ce pas cette tendance qui pousse à l’élimination quasi systématique des enfants à naître atteints de trisomie 21 ? Rappelons que 96 % d’entre eux font l’objet d’une IMG ! Fonder le droit de vivre sur le fait que toute vie nouvelle est désirée, n’est-ce pas admettre a contrario la possibilité de supprimer la vie qui n’est pas désirée ? Répondre oui à cette question, n’est-ce pas instituer un principe effrayant, celui de l’élimination des indésirables, en l’occurrence des trisomiques ? Madame la ministre, avez-vous l’intention de remédier à cette tendance ?

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Ma troisième question porte sur votre volonté ou non de favoriser un espace de rencontre et d’accueil en amont de la prise de décision d’IVG ou d’IMG.

En effet, d’une part, des enquêtes démontrent que, parmi les femmes qui ont accepté l’avortement, un certain nombre auraient, mieux informées, gardé leur enfant. D’autre part, la loi prévoit un entretien particulier et préalable qui revêt une importance fondamentale si l’on souhaite éviter des décisions d’IVG hâtives, issues d’un désarroi sans aucun doute réel, mais peut-être momentané. Or cet entretien, qui devrait être suivi d’un délai de plusieurs jours, n’est plus pratiqué systématiquement puisque la consultation d’un établissement d'information, de consultation ou de conseil familial, d’un service social ou d’un autre organisme agréé est devenue facultative, sauf pour les mineures. Comptez-vous, madame la ministre, revenir sur cette disposition ?

Par ailleurs, en ce qui concerne les IMG, pouvons-nous espérer faire classer administrativement la décision de garder un enfant comme une « poursuite de grossesse » et non comme « un refus d’IMG », comme c’est actuellement le cas lorsque la situation se présente ? En effet, si nous continuons à qualifier les poursuites de grossesse de refus maternels d’IMG, cela ne signifie-t-il pas que nous les considérons comme un déni de réalité ?

Nouvelles protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Cet accompagnement, étrangement, est proposé dans l’après-naissance, avec un suivi psychologique. Il me paraît nécessaire qu’en amont de la décision, une fois le choix fait, un espace d’accueil et d’accompagnement soit ouvert aux couples confrontés à une telle épreuve.

Madame la ministre, une maman qui, ayant fait un autre choix que celui de l’IMG, a porté jusqu’au bout son bébé atteint d’une maladie létale et l’a tenu quelques heures dans ses bras, entre sa naissance et sa mort, disait : « Quand le temps est compté, chaque minute compte. » Ce propos, me semble-t-il, vaut aussi pour chaque décision individuelle prise avant une IVG ou une IMG, car, une fois la décision prise, l’irrémédiable, mes chers collègues, peut être vécu comme une souffrance, une souffrance plus ample, une souffrance plus complexe, une souffrance enracinée dans le corps et l’être même de la femme.

Ce propos vaut aussi pour le corps que constitue notre société ; car multiplier le taux d’IVG, c’est aussi, d’une certaine façon, défavoriser le renouvellement des générations. N’est-ce pas Raymond Aaron qui disait que l’Europe, que nos pays étaient en train de mourir par dénatalité ? Mais c’est là un débat qui se tiendra, dans d’autres lieux, prochainement.

Nous venons d’avoir un débat sur l’hôpital, et vous avez indiqué, madame la ministre, que vous souhaitiez le voir se renouveler chaque année. L’article L. 2214-3 du code de la santé publique indique que, chaque année, le ministère de la santé, en liaison avec l’INED, doit, avant la discussion du projet de loi de finances, présenter un rapport rendant compte des aspects socio-démographiques des conséquences de l’avortement. Pourrions-nous vous suggérer, madame la ministre, que ce rapport, s’il est établi chaque année, permette à notre assemblée, comme l’a fait aujourd’hui la question orale de Michèle André, d’avoir un débat sur le sujet qui nous préoccupe aujourd’hui ?

Je vous remercie de votre attention, mes chers collègues. Pardon d’avoir peut-être indisposé quelques-uns d’entre vous par mes propos, comme je l’ai senti à travers les mouvements sur certaines travées.

Applaudissements sur certaines travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord féliciter notre collègue Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes, d’avoir pris l’initiative de cette question orale avec débat sur un tel sujet, tant les enjeux en la matière sont importants.

Ces enjeux auraient à mon sens mérité d’être discutés dans l’hémicycle ; mais sans doute, s’agissant d’une question qui concerne uniquement les femmes, cette salle Médicis a-t-elle été jugée suffisante !

Protestations sur certaines travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Cependant, mes chers collègues, ne vous y méprenez pas ! Je ne suis pas contre la tenue de cette séance, car, comme le note l’inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, dans son rapport publié en octobre dernier, « l’IVG est loin d’être un élément exceptionnel dans la vie des femmes ».

Exceptionnelles, en revanche, sont les difficultés pour les femmes d’accéder à cette « composante structurelle de la vie sexuelle et reproductive », comme le souligne également ce même rapport de l’IGAS. Et que dire de l’accès à la contraception pour tous et des moyens de la gynécologie médicale, axes pourtant majeurs de la prévention des grossesses non désirées !

Certes, des évolutions législatives et réglementaires, dont nous avons d’ailleurs pu débattre ici, ont permis de réels progrès ces dix dernières années. Malgré tout, alors que 40 % des femmes y ont recours dans leur vie, l’interruption volontaire de grossesse garde une place fragile dans notre système de santé.

Les raisons ? Toujours selon le rapport de l’IGAS déjà cité, l’un des premiers obstacles rencontrés par les femmes est l’accès difficile à des structures réalisant de tels actes. Le maillage territorial en la matière est loin d’être assuré, et les disparités régionales demeurent fortes.

Psychologiquement difficile, la décision d’interrompre sa grossesse peut se révéler pour une femme, selon son lieu de résidence, un parcours véritablement semé d’embûches. L’Île-de-France est particulièrement touchée par ces difficultés. Le nombre d’IVG y reste très élevé, avec un taux de recours de 19 pour 1 000 femmes – contre 14 pour 1 000 femmes en régions –, soit, selon la Statistique annuelle des établissements de santé, 56 255 IVG pratiquées en Île-de-France en 2006. Or cette région connaît une diminution importante des établissements pratiquant cet acte : alors qu’on en comptait 176 en 1999, il n’en reste désormais que 124 pour toute l’Île-de-France, dont six ne réalisent que des interruptions thérapeutiques de grossesse. L’un de nos collègues a cité précédemment les chiffres nationaux.

Je ne m’attarderai pas à énumérer des chiffres ni à faire la distinction entre établissements privés et établissements publics : le désarroi de toutes ces femmes montre, mes chers collègues, combien la situation est catastrophique dans notre région, où la demande est pourtant en constante augmentation.

L’offre se réduit tellement que certaines femmes des départements franciliens sont contraintes de se tourner vers des établissements des départements voisins, pourtant eux-mêmes déjà fortement affectés par le manque de places. Ainsi, 30% des Val-de-Marnaises ayant choisi d’interrompre leur grossesse ont dû se diriger, faute de places disponibles, vers des structures des départements limitrophes.

De plus, alors qu’aucun centre ne pratique l’IVG médicamenteuse, l’hôpital Jean-Rostand d’Ivry-sur-Seine a fermé ses portes, et l’hôpital intercommunal de Créteil est surchargé. Il ne reste donc plus que trois établissements publics pour réaliser des IVG dans un bassin de population dense où la demande va croissant. Pour les Val-de-Marnaises, le repli vers des établissements privés est loin d’être assuré puisque seuls cinq établissements sont répertoriés, mais ont souvent peu de places disponibles.

Madame la ministre, quand allez-vous cesser de fermer les yeux sur les menaces très graves qui pèsent sur l’accès à l’avortement et à la contraception ? Faut-il vous rappeler l’obligation légale d’organiser l’offre de soins en matière d’avortement à l’hôpital public et l’indispensable présence de centres IVG partout sur le territoire ?

Mes chers collègues, je suis certaine que l’état des lieux de l’accès à l’avortement dans mon département n’est pas différent de celui que l’on pourrait dresser dans le vôtre et que les associations œuvrant en la matière, tel le Planning familial, vous ont déjà alertés sur leurs difficultés.

Dans une entrevue récente, Mme Simone Veil, à qui nous, les femmes d’aujourd’hui, devons en partie notre liberté de choix, s’est dite inquiète de la situation actuelle !

Il est inutile de se poser longuement la question du pourquoi de cette inquiétude, tant la réponse est évidente. La réforme de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris à laquelle il est procédé dans la loi hôpital, patients, santé et territoires et, plus largement, la politique actuellement menée sont les principales sources de l’inquiétude des professionnels de santé ou des militants associatifs.

La restructuration de ces services dédiés aux femmes ne peut pas s’effectuer selon des critères de rentabilité financière, dont l’application a des conséquences trop nombreuses : fermeture de centres ou de services spécialisés, refus de pratiquer la méthode chirurgicale faute de blocs opératoires disponibles, difficultés pour recruter des médecins, multiplication du recours aux IVG médicamenteuses sans accompagnement suffisant…

Par exemple, l’Est parisien, notamment le XXe arrondissement, où se situe l’hôpital Tenon, est particulièrement touché par l’application de la loi HPST. Cet arrondissement d’origine sociale et géographique variée n’a plus de centre IVG. Les femmes sont donc dirigées vers l’hôpital Saint-Antoine, situé dans le XIIe arrondissement – mais sa maternité et son centre IVG vont fermer au début de l’année prochaine ! –, et vers l’hôpital Trousseau, qui est en pleine restructuration et dont on ne sait pas s’il aura les moyens de répondre à toutes les demandes.

De ce fait, les délais s’allongent, ce qui fait courir des risques inacceptables aux femmes !

Par ailleurs, ces centres IVG sont trop souvent regroupés dans les services de gynécologie-obstétrique où l’IVG, considérée comme non rentable, est loin d’être une activité prioritaire.

Mes chers collègues, comment ne pas songer à la souffrance et à la détresse de toutes ces femmes qui souhaitent interrompre leur grossesse et sont contraintes de patienter dans des salles d’attente dont les murs sont tapissés de photos de nourrisson ou de conseils aux futures mères !

Pourtant, le rapport de l’IGAS indique « qu’une offre de qualité, respectant le choix éclairé des femmes, exige un lieu dédié, une équipe formée et des temps de blocs opératoires réservés ».

Ces recommandations sont plutôt aujourd’hui à contre-courant de la tendance du Gouvernement de mutualiser les moyens et les personnels pour comprimer les coûts. Le rapport de l’IGAS reconnaît aussi que, « en l’absence d’un responsable impliqué et influent, l’orthogénie tend à se voir reléguée à un moindre niveau de priorité ».

Fragile, soumise aux pressions économiques des établissements et des actions anti-IVG, l’interruption volontaire de grossesse demeure encore et toujours, quarante ans après sa légalisation, un parcours d’obstacles, et l’application de son droit est loin d’être garanti à toutes les femmes qui le souhaiteraient !

Les premières victimes du désengagement du secteur public, notamment de l’AP-HP, et de leur déresponsabilisation en la matière, sont, une fois encore, les femmes les plus précaires. Parmi elles figurent les jeunes majeures, qui représentent 25 % des IVG en Île-de-France. Dépendant de la sécurité sociale de leurs parents, elles sont restreintes à l’offre publique si elles souhaitent la confidentialité, et sont, de ce fait, plus que les autres, confrontées au manque de places.

Les femmes qui ne sont pas affiliées à la sécurité sociale ne peuvent également s’adresser qu’aux hôpitaux publics, déjà surchargés, pour bénéficier d’une aide médicale ponctuelle par les services sociaux.

Une autre zone d’ombre soulignée par l’IGAS concerne les mineures, qui représentent pourtant, dans la région parisienne, 5 % des avortements, et ce pourcentage ne cesse d’augmenter.

Malgré la loi du 4 juillet 2001, qui permet aux jeunes filles ayant un dialogue difficile avec leurs parents de déroger à l’autorisation parentale, certains anesthésistes refusent d’intervenir sur des mineures en l’absence de cette autorisation. Qui plus est, certaines d’entre elles se voient également demander le paiement d’un examen complémentaire de sang ou une autre échographie. Ces jeunes filles se retrouvent, de fait, dans des situations complexes, alors qu’elles traversent déjà des moments délicats et doivent prendre des décisions difficiles et lourdes de conséquences pour leur vie future de femme.

Madame la ministre, quelles solutions comptez-vous apporter à ces jeunes filles ou à ces femmes en souffrance ? Si l’accès à l’avortement est un parcours d’obstacles, quelle épreuve ce doit être pour les plus précaires de nos concitoyennes ! Je ne puis m’empêcher d’imaginer l’angoisse de ces femmes qui se heurtent à la démobilisation de l’État dans ses obligations à mettre en œuvre les moyens adéquats. L’absence de prise en charge de ces patientes, qui découle d’un manque de moyens financiers pour le fonctionnement de ces structures, porte un coup indéniable à « cette liberté existentielle » pour les femmes, une liberté dont le volet de la prévention est loin, très loin, d’être suffisant !

De récentes études ont montré une corrélation entre les actions de sensibilisation et de prévention et la diminution du taux de recours à l’IVG, notamment auprès des plus jeunes. Or le droit à la contraception n’est toujours pas un libre choix possible, car, bien souvent, la méthode la plus adaptée est la plus chère et n’est pas remboursée.

La contraception est un droit fondamental des femmes, mais, aujourd’hui, le choix de cette contraception est souvent effectué en fonction de son coût.

Alors que la loi prévoit le remboursement de la contraception, il reste beaucoup à faire pour que ce remboursement concerne tous les contraceptifs connus, notamment les plus récents. La liberté de chacun de choisir librement sa sexualité et de disposer de son corps ne doit pas servir uniquement au profit des laboratoires pharmaceutiques. Là encore, les associations compétentes déplorent le manque de moyens mis à leur disposition. L’information des femmes est une donnée essentielle pour prévenir les grossesses non désirées.

Dans le Val-de-Marne, par exemple, la permanence téléphonique régionale « Info IVG Contraception » a reçu 770 appels l’année dernière. Mes chers collègues, en matière de contraception, combien de jeunes, filles ou garçons, sont aujourd’hui mal informés ?

Madame la ministre, alors que vous n’avez de cesse de déplorer le coût financier de la santé, quelles mesures comptez-vous prendre pour sensibiliser nos concitoyens sur l’accès à une contraception choisie ? Et, surtout, quelles dispositions comptez-vous mettre en place pour rendre effectif et total le remboursement des moyens de contraception ? Il ne s’agit pas simplement de lancer une campagne à grand coup de communication, à l’instar de celle qui fut lancée pour l’année 2010, déclarée « année de lutte contre les violences faites aux femmes », mais dont les actions concrètes et utiles se font encore attendre !

Aujourd'hui, le manque de moyens financiers accordés à la prévention, comme au respect du droit à l’avortement, est, dans notre pays, un exemple des nombreuses injustices sociales subies par les femmes !

Depuis les lois Neuwirth et Veil, la contraception et le droit à l’IVG sont facteur d’une liberté indiscutable et primordiale pour les femmes, constitutive d’une société égalitaire. Mais, pour être effectifs, ces droits doivent être garantis !

À cet égard, le rapport de l’IGAS démontre que les centres IVG offrent aux femmes mineures comme majeures qui font appel à leurs services un accès libre et gratuit à l’avortement et à la contraception, ainsi qu’un service d’écoute, d’information et de prévention. Ces centres, qui sont un outil nécessaire et fondamental dans l’animation du droit à la contraception, jouent donc un rôle essentiel en matière de santé publique et de droit à une sexualité sans risque.

Cette question est pour moi, au nom du groupe CRC-SPG, l’occasion de déplorer la politique de santé qui est actuellement menée. Aussi aimerais-je savoir, madame la ministre, quelles mesures vous entendez prendre pour veiller au maintien des structures existantes et au développement de nouveaux centres IVG afin de garantir, partout dans notre pays, le droit à l’avortement.

Par ailleurs, que comptez-vous faire des conclusions rendues par l’IGAS et quels moyens financiers allez-vous mettre en place pour répondre aux préconisations formulées dans son rapport et aux attentes légitimes des femmes et des associations ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’accès à la contraception et le droit à l’avortement, obtenus de longue lutte, ont été des avancées fondamentales du XXe siècle, car elles ont permis aux femmes de disposer librement de leur corps, en leur donnant le choix d’enfanter ou non.

Rappelons que les interruptions volontaires de grossesse se faisaient clandestinement avant la loi Veil : des femmes mouraient ou souffraient de séquelles, et celles et ceux qui leur portaient assistance étaient menacés de prison. C’est donc une véritable libération, un vrai progrès que nous avons connu en 1967, avec la loi Neuwirth, et, en 1975, avec la loi Veil.

Depuis l’adoption de ces textes, l’IVG et la contraception ont été marquées par une évolution permanente. De 1982, année où fut décidé le remboursement de l’IVG par la sécurité sociale, à la loi du 9 août 2004, où l’IVG médicamenteuse en ville a été rendue possible, de nombreuses étapes ont jalonné cette histoire.

La loi du 13 décembre 2000 a permis la contraception d’urgence et en a autorisé la délivrance dans les pharmacies aux mineures désirant garder le secret. Enfin, elle a autorisé l’administration de la contraception d’urgence par les infirmières aux élèves mineures et majeures des collèges et lycées.

La loi du 4 juillet 2001 a, quant à elle, modernisé les lois de 1967 et de 1975 en portant les délais légaux de 10 à 12 semaines de grossesse et en inscrivant le droit à l’IVG dans le code de la santé publique. Elle a aussi rendu obligatoire une éducation à la sexualité dans les établissements scolaires. Mais qu’en est-il aujourd’hui ?

Comparé à celui des autres pays européens, le taux de recours à l’IVG reste élevé en France, alors que notre pays a le taux de diffusion de la contraception parmi les plus élevés au monde et qu’il se place, paradoxalement, au premier rang concernant le taux de natalité. La diffusion massive des moyens de contraception n’a donc pas fait diminuer le nombre d’IVG, qui se maintient aux alentours de 200 000 par an.

Toutefois, ne tirons pas de conclusion hâtive : la contraception diminue bien entendu le recours à l’IVG, quoique des progrès restent à accomplir en matière de prévention.

Trop de tabous et de culpabilisations planent encore sur la contraception et l’avortement.

Tout d’abord, il faut améliorer l’information contraceptive en direction des deux sexes, et ce dès le plus jeune âge, dans les établissements scolaires où la loi n’est que partiellement appliquée. Des actions d’accompagnement doivent également être entreprises en direction des populations défavorisées. Cela passe par un effort accru envers les associations qui œuvrent en faveur de la promotion de la contraception et du suivi des dispositions relatives à l’IVG.

À ce sujet, je regrette encore d’avoir eu à intervenir, en janvier 2009, à propos de la restriction des crédits d’État destinés au planning familial ; il aura fallu une forte mobilisation de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes pour que le Gouvernement y renonce.

Ensuite, il faut faciliter l’accès à la contraception. Alors que la loi garantit un accès autonome des jeunes à la contraception sans consentement parental, ce droit est contredit dans les faits lorsqu’ils doivent faire appel à la couverture sociale de leurs parents. Une réflexion doit impérativement être menée sur ce point, madame la ministre.

Concernant la contraception d’urgence, le recours à la pilule du lendemain est encore trop faible pour favoriser une diminution du nombre d’avortements.

Enfin, puisque deux grossesses non prévues sur trois surviennent chez des femmes déclarant utiliser un moyen contraceptif, il faut évidemment rechercher une meilleure adéquation des méthodes et pratiques contraceptives en fonction des attentes et des modes de vie. Il semble donc possible d’éviter une partie des IVG en portant un effort accru et mieux ciblé sur la prévention, et il importe de tout mettre en œuvre en ce sens.

Si le droit à l’IVG ne paraît pas menacé en tant que tel, il faut demeurer vigilant. Certes, on ne voit plus de commandos anti-IVG qui s’enchaînent devant l’entrée des centres IVG, mais les oppositions idéologiques subsistent et sont plus insidieuses.

Ces dernières années, au travers de plusieurs propositions de loi et amendements, on a cherché à faire reconnaître l’embryon comme une « personne », ce qui peut être un premier pas vers une remise en cause du droit à l’avortement. Par exemple, a été déposé, en 2003, un amendement tendant à créer un délit d’interruption involontaire de grossesse puni d’un an de prison et d’une amende de 15 000 euros !

Plus récemment, ce fut aussi le cas pour l’inscription sur le livret de famille d’un enfant mort-né ou encore l’introduction d’une phrase sur les droits de l’enfant à naître, à l’occasion de la révision de la loi de bioéthique...

De plus, comment ne pas évoquer le démantèlement du système de santé opéré par le Gouvernement à coups de réformes ? Car ce sont les femmes les premières victimes. Je parle des effets pervers de la loi HPST, qui a instauré une logique de rentabilité à l’hôpital. Cette politique signifie le démantèlement des structures non rentables et dévalorisées, comme celles qui sont chargées des IVG.

Depuis des semaines, les associations déplorent la fermeture ou les menaces de fermeture qui planent sur des structures pratiquant des IVG à l’hôpital public en Île-de-France et ailleurs. Il s’agit d’une atteinte grave à l’obligation d’organiser, à l’hôpital public, l’offre de soin en matière d’avortement et d’une remise en cause de la qualité des soins que nous ne pouvons accepter. Dans certains secteurs géographiques qui enregistrent de fortes demandes, le délai d’accès à une IVG est long. Fermer des centres ne fera que créer de nouveaux goulots d’étranglement que le lent développement de l’IVG médicamenteuse ne pourra pas résorber.

Madame la ministre, nous souhaitons que vous preniez des engagements pour que les centres IVG ne fassent pas les frais des restrictions budgétaires dues à la crise et que cette activité soit considérée comme une obligation de santé publique.

En définitive, des solutions existent pour une meilleure prévention des grossesses non désirées et une meilleure prise en charge des IVG. Encore faut-il une volonté forte et de réels moyens ! Quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour permettre aux femmes d’avoir un vrai choix de vie, le droit à la santé maternelle, voire le droit à la santé tout court ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, plus de quarante ans après l’adoption de la loi Neuwirth et un peu moins de quarante ans après celle de la loi Veil, des inquiétudes se manifestent encore et toujours concernant l’accès des femmes à une contraception efficace et la prise en charge des interruptions volontaires de grossesse.

Plus grave encore, on assiste à une régression dans certains territoires. En effet, les inégalités territoriales persistent en matière d’accès à l’IVG, avec l’existence de « goulots d’étranglement dans des zones de forte demande », notamment les grandes villes. Le rapport de l’IGAS indique que le nombre d’établissements pratiquant l’IVG est passé de 729 en 2000 à 639 en 2006, réduisant de fait le choix quant aux méthodes d’interruption volontaire de grossesse.

Il est vrai que les anciens médecins militants qui ont assisté à des drames tels que la mort tragique de femmes désespérées sont maintenant à la retraite. Leurs collègues plus jeunes n’ont pas évidemment pas connu cette époque.

Mais surtout l’IVG est, malgré l’augmentation du tarif de l’acte que vous avez bien voulu décider, madame la ministre, peu attractive financièrement, comme le note l’IGAS : elle ne constitue donc pas, il s’en faut, une activité hospitalière prioritaire, en particulier dans un contexte de restructuration des établissements et de rationalisation de la dépense.

Or, je le rappelle, l’État a une obligation légale d’organiser l’offre de soins en matière d’avortement à l’hôpital public. Les centres d’IVG constituent non seulement des lieux indispensables de prise en charge de cet acte lourd à supporter, tant physiquement que psychologiquement, mais aussi des lieux de prévention et d’information en matière de contraception.

Michèle André l’a dit, le rapport de l’IGAS relève surtout la situation paradoxale de la France, qui cumule un taux de diffusion de la contraception parmi les plus élevés au monde et un taux d’IVG qui reste à un niveau relativement important. Ainsi, 72 % des IVG sont réalisées sur des femmes qui étaient sous contraception. Pour l’IGAS, cela s’explique en partie par une inadéquation de la couverture contraceptive par rapport aux besoins et aux modes de vie des utilisatrices.

Or ce déficit d’accès est d’abord d’origine financière, le prix du contraceptif étant souvent un obstacle au choix de la méthode la mieux adaptée. En effet, la sécurité sociale rembourse les pilules de deuxième génération, les stérilets et les implants, mais elle ne prend pas en charge d’autres moyens contraceptifs comme le patch ou l’anneau vaginal. Depuis peu, elle ne rembourse que deux pilules de troisième génération. Pourtant, selon l’IGAS, ces micropilules représentent près du tiers des contraceptifs oraux prescrits par les médecins.

L’IGAS souligne que les laboratoires concernés par les pilules de troisième génération se sont abstenus de présenter une demande de remboursement au Gouvernement parce que cela les aurait empêchés de fixer leurs prix à un niveau nettement supérieur. On croit rêver !

Le Mouvement français pour le planning familial a donc lancé en mai dernier une campagne visant à obtenir le remboursement de toutes les méthodes contraceptives. Nous ne pouvons que nous associer à cette demande légitime, qui constitue le seul moyen de garantir à chacun et à chacune la liberté de choix de sa contraception.

Il est également primordial d’assurer un accès gratuit et confidentiel des jeunes au conseil ainsi qu’à la prescription et à la délivrance des produits contraceptifs. À cet égard, et alors qu’on recense chaque année en moyenne 4 500 naissances chez les moins de dix-huit ans, l’école a un rôle essentiel à jouer, notamment en matière d’information auprès des jeunes, filles et garçons, car ce n’est pas seulement une histoire de filles !

Sur ce point, l’IGAS constate que l’éducation nationale ne remplit pas suffisamment sa mission en matière d’éducation sexuelle – trois heures par an, je le rappelle –, qui constitue pourtant une obligation légale depuis 2001.

En matière de prévention des grossesses non désirées, je me félicite de la mise en place du « pass contraception » en Poitou-Charentes – et prochainement en Île-de-France –, qui permet d’avoir accès à une consultation médicale gratuite, à l’achat de contraceptifs, à des analyses médicales et à une visite de contrôle.

Nous devons enfin veiller à garantir la pérennité des structures départementales d’information et de prise en charge, qui constituent un relais indispensable des campagnes de prévention nationale. Les conseils généraux, dont celui de mon département, le Finistère, y consacrent des enveloppes non négligeables, permettant de prendre en charge, par le biais de conventions avec des centres hospitaliers, des analyses et des moyens de contraception pour les mineurs et les jeunes adultes en situation difficile. Mais combien de temps encore vont-ils pouvoir le faire, car la somme à débourser est quand même relativement élevée ?

Retrouver la « parenthèse enchantée » de Françoise Giroud, garantir l’accès à la contraception et à la liberté de disposer de son corps, tout en promouvant l’égalité entre les femmes et les hommes : voilà, madame la ministre, ce que nous vous demandons ; cela passe par une politique ambitieuse et, surtout, assortie de moyens à la hauteur des enjeux !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, car il y en a tout de même quelques-uns…

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … – je salue ces deux militants !

Sourires

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Nous avons mené de nombreux combats, qui ont souvent transcendé nos origines politiques, afin de permettre aux femmes de disposer librement de leur corps, de maîtriser leur sexualité et d’avoir accès à l’interruption volontaire de grossesse – l’avortement – lorsqu’elles le souhaitent. Difficiles et âpres, ces combats ont permis de remporter de belles victoires. Michèle André a eu raison de rendre hommage à ces militantes et à ces militants.

La loi de 1975 a marqué une étape essentielle dans la vie et l’histoire de notre pays et, comme beaucoup d’entre vous, je salue la lumineuse figure de Simone Veil.

Je partage l’émotion de Jacques Mézard évoquant la mémoire de son père. On imagine le courage qu’il a fallu à certains – seuls contre tous ! – lors de ces débats. Quand on relit les comptes rendus, on reste stupéfait devant la violence de certains propos. Heureusement, depuis, les mentalités ont évolué !

L’avortement est aujourd’hui intégré dans une offre de soins globale même si, il faut le reconnaître, il est encore, malheureusement, entaché d’une connotation négative. On le présente souvent comme un « mal nécessaire », et je dois dire que je ne m’associe pas à cette vision dédaigneuse et culpabilisante.

La loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception a utilement modernisé la loi Veil en tenant compte des évolutions tant médicales que sociales, sans remettre en cause ses grandes orientations, obtenues de haute lutte.

Toutefois, on le sait bien ici, il ne suffit pas de voter une loi : il faut aussi vérifier qu’elle s’applique sur le terrain et que les principes qu’elle énonce sont respectés partout et pour tous et toutes. C’est la raison pour laquelle l’IGAS a réalisé, à ma demande, une évaluation des politiques de prévention des grossesses non désirées et de prise en charge des interruptions volontaires de grossesse.

Ce rapport, remarquable et fort utile, qui m’a été remis en février dernier, constitue une base de travail pour chacun. Il montre d’abord – nous pouvons nous en réjouir – que la France se situe au premier rang mondial en termes de couverture contraceptive. Dans notre pays, 95 % des femmes en ayant besoin utilisent un moyen de contraception, et il s’agit, dans 80 % des cas, d’une contraception médicale.

Le nombre d’IVG pratiquées chaque année reste stable. À cet égard, là encore, je refuse tout discours culpabilisant, celui qui consiste à considérer nécessairement l’avortement comme le symptôme d’un échec. En l’occurrence, notre pays a établi un record : il a l’un des plus forts taux de fécondité en Europe, ce qui donne au passage tort à ceux qui prédisaient que la légalisation de l’avortement allait voir s’effondrer le taux de natalité, et un très fort taux de contraception. En outre, sans doute parce que nous avons une bonne offre d’IVG, les femmes ont accès à ce droit fondamental. Nous avons donc de la chance : très forte fécondité, bonne contraception, bon accès à l’IVG, même si des progrès peuvent encore être réalisés.

Cette apparente stabilité est en fait le signe d’une meilleure maîtrise de la fécondité, ce dont nous pouvons nous féliciter. Elle s’explique par un nombre de grossesses non désirées qui diminue et un recours à l’IVG qui devient de plus en plus fréquent. Autrement dit, lorsqu’on ne désire pas une grossesse, on recourt à l’avortement. Soit dit entre parenthèses, j’utilise volontairement le mot « avortement », car c’est celui qui a fondé notre combat, même si je sais qu’il est de bon ton aujourd’hui de parler d’IVG. Moi, j’ose le mot « avortement ».

En 1975, une grossesse sur deux était non désirée. Aujourd’hui, on est proche de une sur trois.

En 1975, 40 % des grossesses non désirées se terminaient par un avortement. Aujourd’hui, on est plus proche de 60 %.

Pour autant, force est de constater que d’importants progrès peuvent encore être réalisés en matière de contraception et d’accès à l’avortement. Que faisons-nous pour qu’ils le soient ?

Tout d’abord, nous devons lutter contre le taux d’échec important des moyens de contraception. En effet, chaque année, en France, près de la moitié des IVG sont pratiquées chez des femmes qui utilisent une contraception qui devrait pourtant a priori être efficace.

Largement identifiée à la pilule, la contraception offre en réalité un panel beaucoup plus large, susceptible de mieux répondre aux attentes et aux besoins des femmes, qui se sont eux aussi diversifiés. Afin de permettre à chaque femme de choisir un moyen de contraception qui lui soit adapté, il faut renforcer la formation initiale des médecins sur la contraception. Ces derniers doivent être en mesure de proposer à leurs patientes des solutions individuelles adéquates.

Ainsi, tous les moyens de contraception doivent être accessibles à toutes les femmes. Je soutiens toute démarche entreprise en ce sens.

Des discussions sont actuellement en cours pour obtenir le remboursement de nouvelles formes de contraception, telles que le patch et l’anneau, parfois mieux adaptées au mode de vie de certaines femmes. Je précise à l’intention de MaryvonneBlondin et de Patricia Schillinger que cinq pilules de troisième génération sont désormais remboursées. Je suis bien entendu à la disposition de votre délégation pour lui indiquer lesquelles.

À cet égard, Mme Blondin a eu tout à fait raison de souligner que le fait, pour certains laboratoires, de ne pas présenter une demande de remboursement de leurs produits était destiné à leur permettre de fixer librement leurs prix. Soit dit entre nous, l’avantage de ces pilules relève davantage d’une stratégie commerciale que d’un réel apport qualitatif. J’ai d’ailleurs dénoncé cette démarche. Hélas, un certain nombre de gynécologues et de femmes se sont laissé persuader des avantages de ces pilules dites de troisième génération.

Enfin, l’IGAS a proposé la coprescription systématique d’une contraception d’urgence lors de la prescription d’une contraception régulière et, plus globalement, la prescription et la délivrance de la contraception d’urgence « à l’avance ». Cette proposition me paraissant intéressante, j’ai demandé à la Haute Autorité de santé d’émettre des recommandations sur ce sujet, recommandations qu’elle a inscrites à son programme de travail pour 2011.

Nous le savons, et le rapport de l’IGAS l’a d’ailleurs confirmé, les marges d’action ne sauraient se réduire au développement de l’accès à la contraception. Il faut également améliorer l’information et l’éducation sexuelle, ainsi que Michèle André, notamment, l’a souligné.

L’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, réalise à cet égard un travail remarquable. Les campagnes de communication qu’il mène depuis 2007 pour sensibiliser les adolescents, garçons et filles, à l’importance de la contraception ont été reconduites en 2010. Cela faisait très longtemps qu’il n’y avait pas eu de campagne en faveur de la contraception. Lorsque j’ai pris mes fonctions dans ce ministère, j’ai souhaité que l’on reprenne le cycle de ces campagnes. Elles sont complétées par un site internet dédié sur le thème : « Bien choisir sa contraception ».

En lien étroit avec Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité, et Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, je travaille activement pour améliorer l’information. Des mesures concrètes pour les mineures scolarisées seront présentées à la prochaine rentrée scolaire. Luc Chatel et moi prévoyons de faire une communication spécifique sur ce sujet.

Les maisons des adolescents seront des lieux où les jeunes pourront trouver des informations relatives à la vie sexuelle. Cette mission figure dans le cahier des charges auquel elles sont soumises.

Par ailleurs, nous avons réfléchi à des solutions spécifiques pour l’outre-mer, où les problématiques peuvent être différentes et où il nous faut proposer des solutions adaptées. Dans cette optique, l’INPES réalise cette année une campagne inédite d’information et d’éducation spécifique à destination des départements français d’Amérique.

Nous devons favoriser l’accès à la contraception pour les jeunes. En effet, les IVG sont nombreuses chez les jeunes filles âgées de moins de vingt ans puisqu’on en dénombre plus de 30 000 par an.

À l’échelon national, l’État consacre chaque année 3, 5 millions d’euros aux centres d’information et de conseil familial et au financement d’actions de prévention sur le thème de l’éducation sexuelle. Ces crédits seront reconduits en 2010. Je le redis avec force afin que nos interlocuteurs et nos partenaires soient rassurés sur ce sujet en ces périodes de difficulté : il n’y aura pas de baisse des subventions accordées aux associations dans ce domaine.

Je tiens d’ailleurs à saluer une nouvelle fois le travail remarquable qu’accomplissent quotidiennement les centres d’information et de conseil familial, ainsi que les centres de planification et d’éducation familiale. On y rencontre des personnes dont l’implication va très largement au-delà de ce qu’exige le simple travail salarié. Pour les jeunes mineures et pour les femmes en difficulté, ces structures sont un précieux recours, qui leur permet d’accéder à la contraception dans des conditions de gratuité et de confidentialité.

Je sais que ces centres rencontrent des difficultés pour remplir cette mission essentielle qui leur est confiée. Je demande donc à l’IGAS d’analyser leurs problèmes et de me faire des propositions afin d’y remédier.

Par ailleurs, je veux rappeler que la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a introduit des mesures permettant un meilleur accès à la contraception. Les textes d’application vont être publiés.

Les services de médecine préventive des universités peuvent désormais délivrer la contraception. Les sages-femmes peuvent prescrire les contraceptifs oraux dans toutes les situations. Enfin, les pharmaciens et les infirmières, notamment les infirmières scolaires, peuvent renouveler les prescriptions de contraceptifs oraux poux six mois. J’ai veillé à ce que ces contraceptifs soient alors remboursés, conformément d’ailleurs à la suggestion des auteurs d’un amendement tout à fait bienvenu qui m’avait été soumis ici.

Enfin, nous devons améliorer l’accès à l’IVG. Mes services ont analysé le coût réel des actes d’IVG par rapport au forfait fixé. J’ai décidé d’augmenter les forfaits IVG à hauteur du coût réel, soit une augmentation de près de 50 % en moyenne. Pour certains actes, cette augmentation peut être supérieure. C’est un effort considérable, qui vise à garantir sur tous nos territoires un égal et un réel accès à l’IVG, dans les établissements ou chez les professionnels de santé.

Je tiens à dire à Marie-Thérèse Hermange, avec beaucoup de considération et d’amitié, que je respecte tout à fait le parcours de certains parents décidant de poursuivre une grossesse alors que le handicap de leur enfant est avéré ou que sa mort très précoce est certaine. Ce sont des choix personnels pour lesquels, je le répète, j’ai un profond respect.

Mais je tiens également à dire que, globalement, les grossesses non désirées sont avant tout une source de souffrance psychologique pour les femmes. L’avortement est un outil qui permet à celles qui y recourent de répondre en partie à cette souffrance, même s’il ne résout pas, bien sûr, tous les problèmes. C’est en assurant un accueil et un suivi de qualité aux femmes ayant recours à une IVG que nous diminuerons la souffrance psychologique qu’elle provoque.

C’est la raison pour laquelle je souhaite qu’un cahier des charges de la réalisation des IVG médicamenteuses soit élaboré. Un programme d’inspection pluriannuel des établissements de santé pratiquant des IVG a été mis en place dès la fin de l’année 2006. Il devrait se terminer cette année. Nous veillerons bien sûr à ce que ces actions se poursuivent.

Marie-Thérèse Hermange m’a également interrogée sur le diagnostic préimplantatoire et le dépistage de la trisomie 21.

La loi actuelle prévoit la possibilité d’un diagnostic préimplantatoire. La mission parlementaire sur la révision des lois bioéthiques, dans l’une de ses recommandations, et le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé se sont dits favorables à la recherche de la trisomie 21 au cours du diagnostic préimplantatoire. Il s’agit d’éviter d’avoir à proposer une interruption de grossesse à une femme enceinte d’un enfant trisomique alors qu’elle aurait eu recours à un tel procédé pour ne pas avoir un enfant malade.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Dupont

Mme Bernadette Dupont. Je ne veux pas en entendre plus !

Mme Bernadette Dupont quitte la salle

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Franchement, je n’imagine pas qu’il puisse en être autrement.

Au regard des quelque deux cent cinquante tentatives de diagnostic préimplantatoires par an, des quarante naissances survenant chaque année après un tel diagnostic et de l’incidence de la trisomie, on peut estimer que cette possibilité surviendra un peu plus d’une fois tous les vingt ans.

Je peux d’ores et déjà vous indiquer que mon avant-projet de loi ne proposera pas de modification de la loi actuelle dans ce domaine. Je ne doute pas, évidemment, que le Parlement me suivra. §

Les futures agences régionales de santé auront pour mission d’intégrer la prévention et la prise en charge des grossesses non désirées comme une composante à part entière de l’offre de soins et de prévention.

Cette activité sera inscrite dans les projets régionaux de santé, ainsi que dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens entre les agences régionales de santé et les établissements de santé. Les ARS seront aussi évaluées sur leurs résultats dans ce domaine.

Pour améliorer l’accès à l’IVG, j’ai multiplié les structures autorisées à pratiquer les actes médicamenteux : les centres de planification et d’éducation familiale, d’une part, les centres de santé, d’autre part.

Depuis 1990, le nombre d’IVG instrumentales n’a cessé de diminuer. Nous sommes en effet passés de 170 000 à 110 000 IVG instrumentales en dix-sept ans, soit 60 000 de moins ! À n’en pas douter, compte tenu de la généralisation des IVG médicamenteuses et du succès – que nous espérons tous – des politiques favorisant un meilleur accès à la contraception, ce nombre baissera encore.

L’IVG médicamenteuse se développe jusqu’à représenter aujourd’hui 49 % des IVG. Un cahier des charges sur la pratique de ces IVG médicamenteuses sera constitué afin de garantir la diffusion et la qualité de cette pratique, qui peut être aujourd’hui réalisée en ville comme à l’hôpital.

La France compte 625 centres d’orthogénie. Je m’arrêterai un instant sur le cas particulier de l’Île-de-France, à propos duquel j’ai été plus particulièrement interrogée.

Il existe 118 centres d’orthogénie en Île-de-France, dont 23 dans Paris intra-muros. En moyenne, ils réalisent 332 IVG instrumentales et médicamenteuses par an, soit une IVG par jour. La moitié des centres d’orthogénie pratiquent moins de 100 IVG par an. Certains centres ne pratiquent aucune IVG quand les plus gros en réalisent plus de 2 000 par an. Là est la difficulté !

Il faut savoir que, lorsque nous sommes amenés, pour des raisons de sécurité, à fermer une maternité, la décision est quasiment toujours suivie par celle de la création d’un centre périnatal de proximité, qui intègre un centre d’orthogénie.

En Île-de-France, il n’y a pas de projet de fermeture de centres d’IVG ou de difficulté particulière susceptible de mettre en cause l’accès à l’IVG.

Le projet stratégique de l’AP-HP vise à structurer – Odette Terrade et Gisèle Printz m’ont interrogée à ce sujet – et à améliorer l’offre de soins dans l’est parisien et non à fermer des centres comme j’ai pu l’entendre dire. Une réorganisation importante est en cours. Elle concerne les hôpitaux Tenon, Trousseau et Saint-Antoine.

Le centre d’orthogénie de Trousseau va être renforcé. À partir du mois de juin 2010, un centre de planification et d’éducation familiale sera ouvert sous la forme d’un groupement de coopération sanitaire Trousseau-Les Bluets, avec le concours du département de Paris.

L’AP-HP a décidé de renforcer les moyens en temps médical et soignant attribués afin de permettre au centre d’orthogénie de Trousseau d’accroître son offre de soins et de réaliser 500 IVG supplémentaires par an. Jusqu’alors, ces IVG étaient effectuées à l’hôpital Tenon.

Le centre d’accueil et d’orientation de Tenon mis en place l’année dernière est maintenu. Il est composé d’un référent médical et de deux infirmières. Il répond aux demandes de renseignements concernant la contraception, l’interruption volontaire de grossesse, les infections sexuellement transmissibles et les problèmes de violence. Il prend en charge les problèmes contraceptifs et de planning familial urgents. Il oriente les femmes concernées par une interruption volontaire de grossesse, en accord avec elles, vers les centres – ils sont à quelques centaines de mètres – qui les pratiquent : aide à la prise de rendez-vous, programmation des examens préalables.

Le centre de Tenon est désormais rattaché au centre d’orthogénie de Trousseau afin que l’équipe médicale et soignante soit confortée. Il sera intégré dans une équipe de plus grande dimension. Le chef de service est le professeur Jean-Louis Benifla. Des moyens supplémentaires en temps médical et infirmier vont lui être accordés.

Le site de Saint-Antoine poursuivra son activité d’IVG à moyens constants sur la base de 750 à 800 IVG en année pleine.

Par ailleurs, un projet de renforcement de la structure d’orthogénie de la Pitié-Salpêtrière est à l’étude pour une mise en œuvre en septembre 2011. Ce renforcement permettrait de passer de 250 à 1 300 IVG, dont 900 IVG chirurgicales et 400 IVG médicamenteuses. Un tel projet suppose quelques aménagements ; nous nous y employons.

Aujourd’hui plus que jamais, je veux réaffirmer mon profond engagement à œuvrer toujours plus activement au service de la santé des femmes. C’est un défi de santé publique. C’est aussi un combat militant, que je revendique, en faveur de la liberté et de l’émancipation. Cette action est de celles qui, depuis toujours, me tiennent profondément à cœur.

Dans le nouvel édifice de santé durable et solidaire que nous bâtissons ensemble, je veux que les femmes aient toute la part qui leur revient.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mmes Jacqueline Panis et Marie-Thérèse Bruguière applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande la parole ?...

En application de l’article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons, dans l’hémicycle, à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt-et-une heures trente dans l’hémicycle, sous la présidence de M. Roger Romani.