Intervention de Alain Vasselle

Réunion du 15 juin 2010 à 14h30
Débat sur « la loi hôpital patients santé et territoires un an après » — Débat

Photo de Alain VasselleAlain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales :

En effet, aussi intéressant soit-il, le débat que nous avons aujourd'hui ne saurait avoir la même valeur que si nous étions allés au préalable à la rencontre des acteurs chargés d’appliquer la loi sur le terrain.

L’essentiel de mon propos aujourd’hui portera sur l’hôpital et sur les enjeux financiers de la réforme, et vous n’en serez pas étonnée, madame la ministre.

La semaine dernière, la commission des comptes de la sécurité sociale a arrêté les comptes pour 2009. Elle a mis en évidence un dépassement de 620 millions d’euros sur la part de l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, consacrée aux établissements de santé.

Pour 2010, le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie a également constaté un risque de dépassement de l’ONDAM de 600 millions d’euros, dont 400 millions d’euros pour les établissements de santé, sous l’effet conjugué d’un accroissement des volumes et de la nouvelle tarification des séjours mise en place au mois de mars 2009.

Réagissant assez rapidement, madame la ministre, vous avez d’ores et déjà pris des mesures correctrices – nous ne pouvons que nous en féliciter –, notamment à travers des ajustements dans la campagne tarifaire de 2010 afin de réduire de 250 millions d’euros le dépassement potentiel des crédits destinés aux établissements de santé. Ces mesures sont bien entendu nécessaires pour contenir les dépenses d’assurance maladie. La situation actuelle impose en effet une très grande vigilance, car il est impératif d’éviter un accroissement des déficits, qui atteignent des montants encore inégalés.

Dans le cadre des auditions auxquelles je procède à l’occasion de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale, toutes les fédérations, que ce soient la Fédération hospitalière de France ou les fédérations privées, dénoncent l’insuffisante visibilité de la pratique des tarifs dans le temps. Certes, la situation du Gouvernement n’est pas très confortable, car il faut bien ajuster les comptes de la sécurité sociale, notamment lorsqu’un dérapage des dépenses est constaté. Cependant, pour conduire une politique la plus efficiente possible, les établissements doivent avoir de la visibilité. Les tarifs ne doivent pas changer au gré du vent, en fonction des évolutions. L’exercice n’est certes pas facile, mais – ne le prenez pas comme une critique, madame la ministre – une attention maximale devrait être portée à cette question. À cet égard, le travail effectué par M. Briet devrait aider le Gouvernement à mieux maîtriser l’évolution de l’ONDAM et à lui conserver un caractère réaliste.

Cela étant, sait-on d’où viennent précisément les dépassements ? On invoque un nombre de séjours hospitaliers supérieur aux prévisions, mais qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Constate-t-on réellement une augmentation de l’activité de l’hôpital ou bien assiste-t-on tout simplement à une optimisation de l’utilisation de la T2A et de la tarification des groupes homogènes de séjour, les GHS ? Nous savons que les hôpitaux se sont structurés pour que la codification soit la meilleure possible. La mise en œuvre de la V11 n’a certainement pas facilité votre tâche, madame la ministre, en raison d’un meilleur calage entre les actes réalisés et la tarification qui doivent les accompagner.

La quasi-absence de comptabilité analytique sérieuse à l’hôpital est un problème récurrent. Que dire de nouveau sur ce sujet que nous n’ayons déjà maintes fois dit et écrit, et alors qu’on ne compte plus le nombre de circulaires ministérielles sur cette question ? Il est impératif de mettre en place une comptabilité analytique fiable dans les établissements de santé. C’est le seul moyen de progresser en matière de gestion des coûts et de pouvoir procéder à des comparaisons entre établissements, sans parler même de la gestion des pôles au sein de l’hôpital. S’agissant de ce dernier point, il serait normal que chaque pôle au sein des hôpitaux puisse connaître ses coûts, mesurer son efficacité et se comparer à d’autres pôles. Or, c’est presque impossible dans le contexte actuel.

C’est la raison pour laquelle la Cour des comptes a fait de cette question une priorité dans son rapport de septembre dernier.

Selon elle, il est plus que temps d’intégrer « un calendrier de déploiement d’une comptabilité analytique pertinente et des tableaux de bord associés », de faire « une analyse des secteurs d’activité présentant des surcoûts, afin de corriger les dysfonctionnements et de réduire les écarts de productivité » et de « donner aux responsables de pôle les outils de connaissance sur leur activité et les compétences appropriées ».

Sans de tels outils, comment expliquer les constats de la Cour des comptes, qui, toujours dans le même rapport, mentionne des écarts de coûts allant de un à dix selon les hôpitaux pour des actes identiques ?

Dans son analyse, la Cour identifie clairement un problème d’autorité. La question est donc de savoir comment obliger les établissements à mettre en place sur le terrain le fonctionnement le plus efficient possible ? Qui doit exercer cette autorité ? À ce jour, ni la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, la DHOS, ni les agences régionales de l’hospitalisation, les ARH, n’y sont parvenues ! Ce sont désormais les agences régionales de santé, les ARS, qui devront assumer cette responsabilité et s’attacher à rendre accessibles les éléments de comparaison entre établissements.

Le préfet Ritter, le président de la nouvelle Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux, l’ANAP, créée à bon escient par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, constate de son côté un problème de compétence au sein des établissements hospitaliers. Surtout, il déplore un manque de volonté au niveau central en faveur de la performance.

C’est sans doute la raison pour laquelle on observe une si grande lenteur dans les évolutions, notamment lorsqu’il s’agit de généraliser des bonnes pratiques. Or cette diffusion est primordiale aujourd’hui. Elle permettrait d’enregistrer des progrès dans tous les établissements, notamment dans ceux qui sont en retard, et il y en a.

Depuis sa création, dans le cadre du plan « hôpital 2007 », la fameuse mission nationale d’expertise et d’audit hospitaliers, la MEAH, s’est attachée à définir et à mettre en exergue les bonnes pratiques. Pourquoi les établissements ne s’appuient-ils pas davantage sur ses travaux et ne sont-ils pas plus encouragés à le faire, hier par les ARH, aujourd'hui et demain par les ARS ?

Or, comme le souligne la Cour des comptes – c’est même le message principal de son enquête –, il y a des efforts à faire partout, y compris à l’intérieur d’un même établissement.

L’insuffisance actuelle des statistiques ne doit donc pas servir de prétexte à une absence de préoccupation sur les coûts. Il est temps de favoriser une approche médico-économique au sein de l’hôpital.

Une telle démarche est directement liée à celle de l’amélioration de l’organisation. Une bonne organisation contribue pratiquement toujours à améliorer la qualité des soins ; les deux sujets sont étroitement corrélés.

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