Intervention de Jacky Le Menn

Réunion du 15 juin 2010 à 14h30
Débat sur « la loi hôpital patients santé et territoires un an après » — Débat

Photo de Jacky Le MennJacky Le Menn :

Deuxième interrogation. Dans le décret n° 2009-1765 du 30 décembre 2009 portant sur l’organisation et le fonctionnement des directoires des hôpitaux publics, il est prévu que le directeur, président du directoire, peut déléguer sa signature. Mais il ne s’agit toujours pas d’une délégation de pouvoir, ce qui pourrait être perçu par les autres membres du directoire comme une méfiance à leur égard. Cette situation risque de constituer un frein au dynamisme recherché par la mise en place de ce nouveau mode de gouvernance dans les hôpitaux.

Par ailleurs, en cas de changement de directeur de l’hôpital, le mandat des membres du directoire prend fin. Qu’en est-il de l’intérim des fonctions de président du directoire ? Le décret est silencieux sur ce point. Ne risque-t-on pas d’aller vers une paralysie temporaire de la gouvernance de l’établissement ?

S’agissant des membres médicaux du directoire, leur nomination appartient au directeur sur proposition, pour les médecins, du président de la commission médicale d’établissement qui établit une liste de trois noms. Si la liste est incomplète, non livrée ou si elle fait l’objet d’un désaccord, le directeur peut demander l’élaboration d’une nouvelle liste sous quinze jours. En cas de nouveau désaccord, le directeur nomme les membres de son choix. Cette procédure, prévue par le décret en cause, n’apporte aucune indication en cas d’absence, possible, de « candidatures » de praticiens aptes et désireux de s’investir dans la vie institutionnelle. Que se passe-t-il dans ce cas ? Cette situation risque de se produire un jour, et ne peut être considérée comme une hypothèse d’école.

En ce qui concerne la concertation, sujette à bien des débats, le décret prévoit seulement qu’elle doit se dérouler « à l’initiative et selon les modalités définies par le Président du Directoire ». Cette formulation ne me paraît pas vraiment de nature à apaiser les critiques issues du monde médical à l’égard de la nouvelle gouvernance. Le décret impose néanmoins que des « modalités » soient définies. L’exercice paraît difficile. En effet, la « concertation » dont il s’agit ne doit pas déboucher sur une procédure formellement consultative, la loi HPST ayant exclu la formulation d’avis – ce n’était pas notre position, je tiens à le rappeler. Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser comment ce processus de concertation se déroulera dans la pratique ?

Troisième interrogation. Le déploiement du savoir-faire, que l’on nous promet novateur, des directeurs des agences régionales de santé, installés depuis le 1er avril dernier sur nos territoires, permettra-t-il de réguler, sans dégâts excessifs au niveau de nos régions, les ONDAM annoncés le 20 mai dernier, à l’occasion de la conférence sur les déficits ? La question est d’autant plus pertinente que les chiffres annoncés sont de 2, 9 % en 2011 et de 2, 8 % en 2012, alors que les 3 % accordés en 2009 et en 2010 étaient déjà fortement insuffisants, voire irréalistes !

Quatrième interrogation. La loi HPST est souvent perçue par nos concitoyens comme un outil dans l’arsenal des moyens mis en œuvre par l’État pour maîtriser d’une manière volontariste les dépenses de santé. Ce n’est pas faux. Mais pouvez-vous nous préciser, madame la ministre, où se situent exactement les limites que le Gouvernement entend donner à cette maîtrise qui, on en conviendra, suscite l’inquiétude des associations d’usagers du système de santé, des malades – notamment les plus démunis – et, d’une manière plus générale, de la population française ?

De même, au sujet des recommandations des comités d’experts prévus dans la loi HPST, nous souhaiterions savoir quelle suite le Gouvernement entend donner aux propositions de la mission Briet, dont nous parlions tout à l’heure. Il s’agit, monsieur le rapporteur général, du « gel des crédits accordés aux missions d’intérêt général effectuées par les hôpitaux publics ». Je tiens à le souligner, si ces recommandations sont retenues par le Gouvernement, ce qui semble être en bonne voie, certaines enveloppes de l’ONDAM seront mises en réserve en début d’exercice budgétaire chaque année et « dégelées » éventuellement en cours d’exercice, si j’ai bien compris, sur avis d’un comité d’experts. Les crédits finançant les missions d’intérêt général assumées par les seuls hôpitaux publics – SAMU, gardes médicales entre autres – constituent, si l’on en croit la fédération hospitalière de France, l’essentiel des sommes concernées. Ce faisant, seuls les hôpitaux publics supporteraient les conséquences des dérapages des autres acteurs du système de santé – médicaments, cliniques commerciales – alors qu’aucun système de régulation n’existe, à ma connaissance, ou n’est prévu en ce qui les concerne. N’est-on pas là en contradiction avec l’esprit de la loi HPST qui – doit-on le rappeler ? – a souhaité, contre notre avis du reste, placer sur le même plan, s’agissant des missions de service public, l’hospitalisation publique et l’hospitalisation privée commerciale ?

Je vous demande donc également, madame la ministre, si les craintes exprimées par la fédération hospitalière de France sont fondées et, dans le cas où elles le seraient, ce que j’ai tout lieu de croire, de nous préciser si l’exercice des missions de service public devra en conséquence être « gelé » au début de chaque année dans l’attente du dégel hypothétique des crédits en cause. Nous aimerions également savoir si la loi HPST a pour vocation de faire des hôpitaux publics les variables d’ajustement du budget de la santé.

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