Intervention de Jacques Blanc

Réunion du 15 juin 2010 à 14h30
Débat sur « la loi hôpital patients santé et territoires un an après » — Débat

Photo de Jacques BlancJacques Blanc :

Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, c’est une grande première, ce qui rend l’atmosphère un peu particulière…. Je pense bien évidemment aux locaux, mais aussi à ce débat, censé faire non pas un bilan, mais une analyse objective de la mise en œuvre, un an après son adoption, d’une loi importante.

Le 12 mai 2009, j’intervenais sur ce texte, en rendant hommage au rapporteur, à la commission et à l’ensemble du travail réalisé par le Sénat.

Nos travaux ont en effet permis de faire évoluer le texte, en vous aidant d’ailleurs, madame la ministre, à vous dégager d’une situation quelque peu compliquée, parce que l’ensemble du corps médical se sentait un peu mis à l’écart. Le Président de la République, vous-mêmes, madame la ministre, monsieur le rapporteur, et nous, parlementaires, avons ensemble réussi à sortir de cette situation pour apporter une réponse équilibrée au problème qui opposait les directeurs et le corps médical.

Depuis lors, un équilibre nouveau se dessine peu à peu, que chacun est en mesure d’apprécier. Les événements récents ont d’ailleurs montré que l’on ne pouvait pas se passer des médecins pour faire de la médecine et même de la prévention. Cela a eu pour effet de rasséréner le corps médical. Une telle ambition étant désormais inscrite dans la loi, il nous faut désormais la mettre en œuvre.

J’avais à l’époque insisté sur le fait que les ARS devaient être des facteurs de cohérence, de cohésion et de partenariat entre les secteurs public et privé, entre la médecine libérale et l’ensemble des acteurs. Ces agences ayant été mises en place au 1er avril dernier, ce dont je me réjouis, il est encore un peu tôt pour dresser un bilan.

Permettez-moi de vous faire part de ma volonté de jouer parfaitement le jeu. Les ARS étant chargées de missions territoriales, j’ai réuni, le 5 juillet dernier, en tant que président de l’Association des maires, adjoints et élus de la Lozère, la directrice de l’ARS du Languedoc-Roussillon et les élus de mon département. J’estime en effet que ces derniers doivent être au fait des évolutions qui touchent leur territoire. Celles-ci seront difficiles, car il nous faudra sortir des schémas territoriaux dans les domaines sanitaire et médico-social. Les ARS devront être à l’écoute des professionnels et des élus, afin de pouvoir mettre en place une couverture territoriale.

Pour ce faire, il nous faut éviter deux écueils : celui de la concentration à outrance dans les grands CHU et celui d’un véritable émiettement, celui du tout partout. En tant que médecin et député de la circonscription de Marvejols, j’avais accepté la fermeture d’une maternité : non seulement la sécurité y était insuffisante, mais, de surcroît, un service de réanimation néonatale était déjà en place à Mende.

Mais, d’un autre côté, la proximité est importante et je me suis battu en ce sens en tant que président d’un syndicat intercommunal. Nous avons fait construire une clinique mutualiste à Marvejols, qui devra nouer, du moins je l’espère, un partenariat avec l’hôpital.

Madame la ministre, vous devez nous aider, pour contrer ceux qui veulent supprimer tout ce qui ne relève pas du secteur public. N’est-il pas insensé, en effet, que le service public hospitalier veuille concurrencer, au prix d’investissements importants, cette structure mutualiste, pour ce qui concerne les hémodialyses ?

Vous devez nous aider à trouver des partenariats ! Si le secteur public doit supporter l’existence du secteur privé, ce qu’il a quelquefois du mal à tolérer, il appartient également à ce dernier de reconnaître le rôle des structures publiques. Dans les CHU, par exemple, de jeunes chirurgiens ou de jeunes médecins se voient refuser la possibilité d’effectuer des mi-temps dans le secteur privé ! L’esprit de la loi n’est donc pas entré dans les mœurs ! Le ministère doit user de tout son pouvoir pour faire disparaître ces combats du passé. Public et privé doivent aller de pair, l’un et l’autre étant indispensables.

Cela étant, je suis très inquiet concernant l’insuffisance du nombre de médecins dans notre pays, insuffisance à laquelle on ne cherche pas à remédier, madame la ministre. Je le redis, même si je sais que cela vous agace un peu. Et que l’on ne vienne pas me dire que leur nombre est supérieur à celui d’autres pays ! À Mende, pour faire tourner un service d’urgence, dix-neuf médecins sont nécessaires, dans le cadre des 35 heures. N’oublions pas les astreintes et la féminisation de ces métiers, qui limitent la disponibilité des personnels !

Notre pays ne forme pas assez de médecins. Madame la ministre, vous avez diminué le nombre d’étudiants en médecine à Montpellier et à Nîmes, alors que nous manquons de médecins en Lozère ! Une telle situation n’est pas acceptable. Et, à l’inverse, vous augmentez leur nombre à Amiens. C’est incompréhensible ! En fait, l’ensemble de vos services est intoxiqué par la technocratie, qui leur fait oublier les réalités !

Il faut développer les contrats – c’est vous qui les avez inventés -, permettant aux jeunes de s’installer dans l’espace rural. Notre département en a déjà signé six. Mais, de grâce, cessons d’éliminer des jeunes qui feraient de très bons médecins !

Et ce n’est pas parce les médecins seront plus nombreux que les dépenses de la sécurité sociale augmenteront ! Vous n’êtes d’ailleurs pas seule responsable ! Sous quelque gouvernement que ce soit, de droite ou de gauche, le poids de la technocratie ministérielle a été tel que notre appel à la formation d’un plus grand nombre d’étudiants en médecine est toujours resté sans réponse. Je vous en prie, madame la ministre, libérez-vous d’une telle influence, écoutez les gens comme nous, qui sommes sur le terrain, qui connaissons la médecine !

De même, si je défends la médecine générale, l’ayant pratiquée, je vous mets en garde : ne supprimons pas, dans les hôpitaux, les postes d’agrégés des spécialités dont nous aurons besoin demain car nous risquons d’en manquer !

Madame la ministre, vous nous avez amenés à voter ce texte. Nous ne regrettons pas de vous avoir soutenue.

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