Intervention de Marie-Thérèse Hermange

Réunion du 15 juin 2010 à 14h30
Politique de contraception et d'interruption volontaire de grossesse — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Marie-Thérèse HermangeMarie-Thérèse Hermange :

Madame la ministre, sur la question qui nous préoccupe, nous ne partageons pas le même regard. Aussi, j’ai hésité un temps à m’exprimer, sachant que mon point de vue – celui qui donne à croire que la certitude de l’éternité commence au premier jour de la vie, c'est-à-dire au jour de la conception – n’est pas partagé par la majorité d’entre nous.

Madame André, ce n’est pas faire le choix du conservatisme ou d’un archaïsme social de le croire, de l’affirmer, de le vivre : ce choix a aussi droit à la parole. Mais il ne s’agit pas aujourd’hui de se situer sur ce plan : l’heure est au bilan.

Premièrement, on relève un nombre trop élevé d’avortements dans notre pays, conjointement avec l’un des plus forts taux de contraception d’Europe, paradoxe mis en évidence par l’inspection générale des affaires sociales, l’IGAS. L’Institut national d’études démographiques, l’INED, le confirme : « La propension à recourir à l’avortement en cas de grossesse non prévue s’est accentuée à mesure que la maîtrise de la fécondité s’améliorait. » Ainsi, selon un sondage IFOP, 72 % des femmes qui ont eu recours à l’IVG utilisaient une méthode de contraception au moment où elles se sont trouvées enceintes.

Deuxièmement, le nombre d’IVG est en augmentation chez les mineures : 13 300 mineures ont eu recours à une IVG en 2006, soit une sur cent environ.

Troisièmement, l’avortement n’a rien d’anodin pour les femmes : s’il n’est certes pas remis en question dans l’opinion publique, néanmoins 61 % des Françaises estiment qu’il y a trop d’avortements dans notre pays, et 83 % que l’avortement laisse des traces psychologiques difficiles à vivre. C’est dire que, derrière nos statistiques, les enjeux humains de ce débat sont loin d’être négligeables.

Aussi, je veux remercier Michèle André d’avoir suscité ce débat. Elle nous donne ainsi l’occasion de nous arrêter sur un sujet grave pour faire un état des lieux de la situation, pour avoir le courage de reconnaître que notre politique en la matière pourrait être plus cohérente, de manière à la faire évoluer et soutenir les femmes et les hommes de notre pays, puisque cette responsabilité s’accorde au féminin, mais aussi au masculin – ce que nos collègues semblent avoir été nombreux à oublier aujourd’hui.

Je voudrais, madame la ministre, vous poser trois questions.

La première a trait à la contraception.

Aucun rapport de grande ampleur n’a été établi à l’échelon national pour appréhender les conséquences sur l’organisme humain de la prise de contraceptifs par les femmes pendant des dizaines d’années, à l’heure où le corps médical ne cesse de constater une augmentation significative des cancers. Une étude du Centre international de recherche sur le cancer, agence qui dépend de l’OMS, a classé il y a quelques années la pilule contraceptive parmi les produits cancérogènes du « groupe 1 », c’est-à-dire ceux dont l’action est « certaine », indiquant pour autant qu’elle « diminue le risque de cancer de l’endomètre et de l’ovaire », mais « augmente celui du cancer du sein, du col utérin et du foie ». D’autres études récentes évoquent a contrario les effets positifs de la pilule sur la santé tandis que d’autres sont en revanche très alarmistes.

C’est la raison pour laquelle, madame la ministre, je vous demande si vous envisagez de mener une étude approfondie sur ce sujet, de manière à pouvoir éventuellement protéger la santé des Françaises qui ont recours à la contraception médicamenteuse.

Ma deuxième question concerne la pratique de l’avortement liée au risque d’un éventuel handicap, notamment celui de la trisomie 21.

N’y a-t-il pas, madame la ministre, une contradiction à ne pas avoir inscrit dans notre loi de bioéthique de liste des « affections d’une particulière gravité » qui peuvent faire l’objet d’une IMG, une interruption médicale de grossesse, et à vouloir explicitement intégrer la trisomie 21 au nombre des maladies à dépister systématiquement lors d’un diagnostic préimplantatoire ? N’y a-t-il pas un risque d’eugénisme, dans une société où tout ce qui sortirait de la norme devrait faire l’objet d’un équarrissage ?

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