Intervention de Gisèle Printz

Réunion du 15 juin 2010 à 14h30
Politique de contraception et d'interruption volontaire de grossesse — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Gisèle PrintzGisèle Printz :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’accès à la contraception et le droit à l’avortement, obtenus de longue lutte, ont été des avancées fondamentales du XXe siècle, car elles ont permis aux femmes de disposer librement de leur corps, en leur donnant le choix d’enfanter ou non.

Rappelons que les interruptions volontaires de grossesse se faisaient clandestinement avant la loi Veil : des femmes mouraient ou souffraient de séquelles, et celles et ceux qui leur portaient assistance étaient menacés de prison. C’est donc une véritable libération, un vrai progrès que nous avons connu en 1967, avec la loi Neuwirth, et, en 1975, avec la loi Veil.

Depuis l’adoption de ces textes, l’IVG et la contraception ont été marquées par une évolution permanente. De 1982, année où fut décidé le remboursement de l’IVG par la sécurité sociale, à la loi du 9 août 2004, où l’IVG médicamenteuse en ville a été rendue possible, de nombreuses étapes ont jalonné cette histoire.

La loi du 13 décembre 2000 a permis la contraception d’urgence et en a autorisé la délivrance dans les pharmacies aux mineures désirant garder le secret. Enfin, elle a autorisé l’administration de la contraception d’urgence par les infirmières aux élèves mineures et majeures des collèges et lycées.

La loi du 4 juillet 2001 a, quant à elle, modernisé les lois de 1967 et de 1975 en portant les délais légaux de 10 à 12 semaines de grossesse et en inscrivant le droit à l’IVG dans le code de la santé publique. Elle a aussi rendu obligatoire une éducation à la sexualité dans les établissements scolaires. Mais qu’en est-il aujourd’hui ?

Comparé à celui des autres pays européens, le taux de recours à l’IVG reste élevé en France, alors que notre pays a le taux de diffusion de la contraception parmi les plus élevés au monde et qu’il se place, paradoxalement, au premier rang concernant le taux de natalité. La diffusion massive des moyens de contraception n’a donc pas fait diminuer le nombre d’IVG, qui se maintient aux alentours de 200 000 par an.

Toutefois, ne tirons pas de conclusion hâtive : la contraception diminue bien entendu le recours à l’IVG, quoique des progrès restent à accomplir en matière de prévention.

Trop de tabous et de culpabilisations planent encore sur la contraception et l’avortement.

Tout d’abord, il faut améliorer l’information contraceptive en direction des deux sexes, et ce dès le plus jeune âge, dans les établissements scolaires où la loi n’est que partiellement appliquée. Des actions d’accompagnement doivent également être entreprises en direction des populations défavorisées. Cela passe par un effort accru envers les associations qui œuvrent en faveur de la promotion de la contraception et du suivi des dispositions relatives à l’IVG.

À ce sujet, je regrette encore d’avoir eu à intervenir, en janvier 2009, à propos de la restriction des crédits d’État destinés au planning familial ; il aura fallu une forte mobilisation de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes pour que le Gouvernement y renonce.

Ensuite, il faut faciliter l’accès à la contraception. Alors que la loi garantit un accès autonome des jeunes à la contraception sans consentement parental, ce droit est contredit dans les faits lorsqu’ils doivent faire appel à la couverture sociale de leurs parents. Une réflexion doit impérativement être menée sur ce point, madame la ministre.

Concernant la contraception d’urgence, le recours à la pilule du lendemain est encore trop faible pour favoriser une diminution du nombre d’avortements.

Enfin, puisque deux grossesses non prévues sur trois surviennent chez des femmes déclarant utiliser un moyen contraceptif, il faut évidemment rechercher une meilleure adéquation des méthodes et pratiques contraceptives en fonction des attentes et des modes de vie. Il semble donc possible d’éviter une partie des IVG en portant un effort accru et mieux ciblé sur la prévention, et il importe de tout mettre en œuvre en ce sens.

Si le droit à l’IVG ne paraît pas menacé en tant que tel, il faut demeurer vigilant. Certes, on ne voit plus de commandos anti-IVG qui s’enchaînent devant l’entrée des centres IVG, mais les oppositions idéologiques subsistent et sont plus insidieuses.

Ces dernières années, au travers de plusieurs propositions de loi et amendements, on a cherché à faire reconnaître l’embryon comme une « personne », ce qui peut être un premier pas vers une remise en cause du droit à l’avortement. Par exemple, a été déposé, en 2003, un amendement tendant à créer un délit d’interruption involontaire de grossesse puni d’un an de prison et d’une amende de 15 000 euros !

Plus récemment, ce fut aussi le cas pour l’inscription sur le livret de famille d’un enfant mort-né ou encore l’introduction d’une phrase sur les droits de l’enfant à naître, à l’occasion de la révision de la loi de bioéthique...

De plus, comment ne pas évoquer le démantèlement du système de santé opéré par le Gouvernement à coups de réformes ? Car ce sont les femmes les premières victimes. Je parle des effets pervers de la loi HPST, qui a instauré une logique de rentabilité à l’hôpital. Cette politique signifie le démantèlement des structures non rentables et dévalorisées, comme celles qui sont chargées des IVG.

Depuis des semaines, les associations déplorent la fermeture ou les menaces de fermeture qui planent sur des structures pratiquant des IVG à l’hôpital public en Île-de-France et ailleurs. Il s’agit d’une atteinte grave à l’obligation d’organiser, à l’hôpital public, l’offre de soin en matière d’avortement et d’une remise en cause de la qualité des soins que nous ne pouvons accepter. Dans certains secteurs géographiques qui enregistrent de fortes demandes, le délai d’accès à une IVG est long. Fermer des centres ne fera que créer de nouveaux goulots d’étranglement que le lent développement de l’IVG médicamenteuse ne pourra pas résorber.

Madame la ministre, nous souhaitons que vous preniez des engagements pour que les centres IVG ne fassent pas les frais des restrictions budgétaires dues à la crise et que cette activité soit considérée comme une obligation de santé publique.

En définitive, des solutions existent pour une meilleure prévention des grossesses non désirées et une meilleure prise en charge des IVG. Encore faut-il une volonté forte et de réels moyens ! Quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour permettre aux femmes d’avoir un vrai choix de vie, le droit à la santé maternelle, voire le droit à la santé tout court ?

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