Intervention de Maryvonne Blondin

Réunion du 15 juin 2010 à 14h30
Politique de contraception et d'interruption volontaire de grossesse — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Maryvonne BlondinMaryvonne Blondin :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, plus de quarante ans après l’adoption de la loi Neuwirth et un peu moins de quarante ans après celle de la loi Veil, des inquiétudes se manifestent encore et toujours concernant l’accès des femmes à une contraception efficace et la prise en charge des interruptions volontaires de grossesse.

Plus grave encore, on assiste à une régression dans certains territoires. En effet, les inégalités territoriales persistent en matière d’accès à l’IVG, avec l’existence de « goulots d’étranglement dans des zones de forte demande », notamment les grandes villes. Le rapport de l’IGAS indique que le nombre d’établissements pratiquant l’IVG est passé de 729 en 2000 à 639 en 2006, réduisant de fait le choix quant aux méthodes d’interruption volontaire de grossesse.

Il est vrai que les anciens médecins militants qui ont assisté à des drames tels que la mort tragique de femmes désespérées sont maintenant à la retraite. Leurs collègues plus jeunes n’ont pas évidemment pas connu cette époque.

Mais surtout l’IVG est, malgré l’augmentation du tarif de l’acte que vous avez bien voulu décider, madame la ministre, peu attractive financièrement, comme le note l’IGAS : elle ne constitue donc pas, il s’en faut, une activité hospitalière prioritaire, en particulier dans un contexte de restructuration des établissements et de rationalisation de la dépense.

Or, je le rappelle, l’État a une obligation légale d’organiser l’offre de soins en matière d’avortement à l’hôpital public. Les centres d’IVG constituent non seulement des lieux indispensables de prise en charge de cet acte lourd à supporter, tant physiquement que psychologiquement, mais aussi des lieux de prévention et d’information en matière de contraception.

Michèle André l’a dit, le rapport de l’IGAS relève surtout la situation paradoxale de la France, qui cumule un taux de diffusion de la contraception parmi les plus élevés au monde et un taux d’IVG qui reste à un niveau relativement important. Ainsi, 72 % des IVG sont réalisées sur des femmes qui étaient sous contraception. Pour l’IGAS, cela s’explique en partie par une inadéquation de la couverture contraceptive par rapport aux besoins et aux modes de vie des utilisatrices.

Or ce déficit d’accès est d’abord d’origine financière, le prix du contraceptif étant souvent un obstacle au choix de la méthode la mieux adaptée. En effet, la sécurité sociale rembourse les pilules de deuxième génération, les stérilets et les implants, mais elle ne prend pas en charge d’autres moyens contraceptifs comme le patch ou l’anneau vaginal. Depuis peu, elle ne rembourse que deux pilules de troisième génération. Pourtant, selon l’IGAS, ces micropilules représentent près du tiers des contraceptifs oraux prescrits par les médecins.

L’IGAS souligne que les laboratoires concernés par les pilules de troisième génération se sont abstenus de présenter une demande de remboursement au Gouvernement parce que cela les aurait empêchés de fixer leurs prix à un niveau nettement supérieur. On croit rêver !

Le Mouvement français pour le planning familial a donc lancé en mai dernier une campagne visant à obtenir le remboursement de toutes les méthodes contraceptives. Nous ne pouvons que nous associer à cette demande légitime, qui constitue le seul moyen de garantir à chacun et à chacune la liberté de choix de sa contraception.

Il est également primordial d’assurer un accès gratuit et confidentiel des jeunes au conseil ainsi qu’à la prescription et à la délivrance des produits contraceptifs. À cet égard, et alors qu’on recense chaque année en moyenne 4 500 naissances chez les moins de dix-huit ans, l’école a un rôle essentiel à jouer, notamment en matière d’information auprès des jeunes, filles et garçons, car ce n’est pas seulement une histoire de filles !

Sur ce point, l’IGAS constate que l’éducation nationale ne remplit pas suffisamment sa mission en matière d’éducation sexuelle – trois heures par an, je le rappelle –, qui constitue pourtant une obligation légale depuis 2001.

En matière de prévention des grossesses non désirées, je me félicite de la mise en place du « pass contraception » en Poitou-Charentes – et prochainement en Île-de-France –, qui permet d’avoir accès à une consultation médicale gratuite, à l’achat de contraceptifs, à des analyses médicales et à une visite de contrôle.

Nous devons enfin veiller à garantir la pérennité des structures départementales d’information et de prise en charge, qui constituent un relais indispensable des campagnes de prévention nationale. Les conseils généraux, dont celui de mon département, le Finistère, y consacrent des enveloppes non négligeables, permettant de prendre en charge, par le biais de conventions avec des centres hospitaliers, des analyses et des moyens de contraception pour les mineurs et les jeunes adultes en situation difficile. Mais combien de temps encore vont-ils pouvoir le faire, car la somme à débourser est quand même relativement élevée ?

Retrouver la « parenthèse enchantée » de Françoise Giroud, garantir l’accès à la contraception et à la liberté de disposer de son corps, tout en promouvant l’égalité entre les femmes et les hommes : voilà, madame la ministre, ce que nous vous demandons ; cela passe par une politique ambitieuse et, surtout, assortie de moyens à la hauteur des enjeux !

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