Nous avons mené de nombreux combats, qui ont souvent transcendé nos origines politiques, afin de permettre aux femmes de disposer librement de leur corps, de maîtriser leur sexualité et d’avoir accès à l’interruption volontaire de grossesse – l’avortement – lorsqu’elles le souhaitent. Difficiles et âpres, ces combats ont permis de remporter de belles victoires. Michèle André a eu raison de rendre hommage à ces militantes et à ces militants.
La loi de 1975 a marqué une étape essentielle dans la vie et l’histoire de notre pays et, comme beaucoup d’entre vous, je salue la lumineuse figure de Simone Veil.
Je partage l’émotion de Jacques Mézard évoquant la mémoire de son père. On imagine le courage qu’il a fallu à certains – seuls contre tous ! – lors de ces débats. Quand on relit les comptes rendus, on reste stupéfait devant la violence de certains propos. Heureusement, depuis, les mentalités ont évolué !
L’avortement est aujourd’hui intégré dans une offre de soins globale même si, il faut le reconnaître, il est encore, malheureusement, entaché d’une connotation négative. On le présente souvent comme un « mal nécessaire », et je dois dire que je ne m’associe pas à cette vision dédaigneuse et culpabilisante.
La loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception a utilement modernisé la loi Veil en tenant compte des évolutions tant médicales que sociales, sans remettre en cause ses grandes orientations, obtenues de haute lutte.
Toutefois, on le sait bien ici, il ne suffit pas de voter une loi : il faut aussi vérifier qu’elle s’applique sur le terrain et que les principes qu’elle énonce sont respectés partout et pour tous et toutes. C’est la raison pour laquelle l’IGAS a réalisé, à ma demande, une évaluation des politiques de prévention des grossesses non désirées et de prise en charge des interruptions volontaires de grossesse.
Ce rapport, remarquable et fort utile, qui m’a été remis en février dernier, constitue une base de travail pour chacun. Il montre d’abord – nous pouvons nous en réjouir – que la France se situe au premier rang mondial en termes de couverture contraceptive. Dans notre pays, 95 % des femmes en ayant besoin utilisent un moyen de contraception, et il s’agit, dans 80 % des cas, d’une contraception médicale.
Le nombre d’IVG pratiquées chaque année reste stable. À cet égard, là encore, je refuse tout discours culpabilisant, celui qui consiste à considérer nécessairement l’avortement comme le symptôme d’un échec. En l’occurrence, notre pays a établi un record : il a l’un des plus forts taux de fécondité en Europe, ce qui donne au passage tort à ceux qui prédisaient que la légalisation de l’avortement allait voir s’effondrer le taux de natalité, et un très fort taux de contraception. En outre, sans doute parce que nous avons une bonne offre d’IVG, les femmes ont accès à ce droit fondamental. Nous avons donc de la chance : très forte fécondité, bonne contraception, bon accès à l’IVG, même si des progrès peuvent encore être réalisés.
Cette apparente stabilité est en fait le signe d’une meilleure maîtrise de la fécondité, ce dont nous pouvons nous féliciter. Elle s’explique par un nombre de grossesses non désirées qui diminue et un recours à l’IVG qui devient de plus en plus fréquent. Autrement dit, lorsqu’on ne désire pas une grossesse, on recourt à l’avortement. Soit dit entre parenthèses, j’utilise volontairement le mot « avortement », car c’est celui qui a fondé notre combat, même si je sais qu’il est de bon ton aujourd’hui de parler d’IVG. Moi, j’ose le mot « avortement ».
En 1975, une grossesse sur deux était non désirée. Aujourd’hui, on est proche de une sur trois.
En 1975, 40 % des grossesses non désirées se terminaient par un avortement. Aujourd’hui, on est plus proche de 60 %.
Pour autant, force est de constater que d’importants progrès peuvent encore être réalisés en matière de contraception et d’accès à l’avortement. Que faisons-nous pour qu’ils le soient ?
Tout d’abord, nous devons lutter contre le taux d’échec important des moyens de contraception. En effet, chaque année, en France, près de la moitié des IVG sont pratiquées chez des femmes qui utilisent une contraception qui devrait pourtant a priori être efficace.
Largement identifiée à la pilule, la contraception offre en réalité un panel beaucoup plus large, susceptible de mieux répondre aux attentes et aux besoins des femmes, qui se sont eux aussi diversifiés. Afin de permettre à chaque femme de choisir un moyen de contraception qui lui soit adapté, il faut renforcer la formation initiale des médecins sur la contraception. Ces derniers doivent être en mesure de proposer à leurs patientes des solutions individuelles adéquates.
Ainsi, tous les moyens de contraception doivent être accessibles à toutes les femmes. Je soutiens toute démarche entreprise en ce sens.
Des discussions sont actuellement en cours pour obtenir le remboursement de nouvelles formes de contraception, telles que le patch et l’anneau, parfois mieux adaptées au mode de vie de certaines femmes. Je précise à l’intention de MaryvonneBlondin et de Patricia Schillinger que cinq pilules de troisième génération sont désormais remboursées. Je suis bien entendu à la disposition de votre délégation pour lui indiquer lesquelles.
À cet égard, Mme Blondin a eu tout à fait raison de souligner que le fait, pour certains laboratoires, de ne pas présenter une demande de remboursement de leurs produits était destiné à leur permettre de fixer librement leurs prix. Soit dit entre nous, l’avantage de ces pilules relève davantage d’une stratégie commerciale que d’un réel apport qualitatif. J’ai d’ailleurs dénoncé cette démarche. Hélas, un certain nombre de gynécologues et de femmes se sont laissé persuader des avantages de ces pilules dites de troisième génération.
Enfin, l’IGAS a proposé la coprescription systématique d’une contraception d’urgence lors de la prescription d’une contraception régulière et, plus globalement, la prescription et la délivrance de la contraception d’urgence « à l’avance ». Cette proposition me paraissant intéressante, j’ai demandé à la Haute Autorité de santé d’émettre des recommandations sur ce sujet, recommandations qu’elle a inscrites à son programme de travail pour 2011.
Nous le savons, et le rapport de l’IGAS l’a d’ailleurs confirmé, les marges d’action ne sauraient se réduire au développement de l’accès à la contraception. Il faut également améliorer l’information et l’éducation sexuelle, ainsi que Michèle André, notamment, l’a souligné.
L’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, réalise à cet égard un travail remarquable. Les campagnes de communication qu’il mène depuis 2007 pour sensibiliser les adolescents, garçons et filles, à l’importance de la contraception ont été reconduites en 2010. Cela faisait très longtemps qu’il n’y avait pas eu de campagne en faveur de la contraception. Lorsque j’ai pris mes fonctions dans ce ministère, j’ai souhaité que l’on reprenne le cycle de ces campagnes. Elles sont complétées par un site internet dédié sur le thème : « Bien choisir sa contraception ».
En lien étroit avec Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité, et Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, je travaille activement pour améliorer l’information. Des mesures concrètes pour les mineures scolarisées seront présentées à la prochaine rentrée scolaire. Luc Chatel et moi prévoyons de faire une communication spécifique sur ce sujet.
Les maisons des adolescents seront des lieux où les jeunes pourront trouver des informations relatives à la vie sexuelle. Cette mission figure dans le cahier des charges auquel elles sont soumises.
Par ailleurs, nous avons réfléchi à des solutions spécifiques pour l’outre-mer, où les problématiques peuvent être différentes et où il nous faut proposer des solutions adaptées. Dans cette optique, l’INPES réalise cette année une campagne inédite d’information et d’éducation spécifique à destination des départements français d’Amérique.
Nous devons favoriser l’accès à la contraception pour les jeunes. En effet, les IVG sont nombreuses chez les jeunes filles âgées de moins de vingt ans puisqu’on en dénombre plus de 30 000 par an.
À l’échelon national, l’État consacre chaque année 3, 5 millions d’euros aux centres d’information et de conseil familial et au financement d’actions de prévention sur le thème de l’éducation sexuelle. Ces crédits seront reconduits en 2010. Je le redis avec force afin que nos interlocuteurs et nos partenaires soient rassurés sur ce sujet en ces périodes de difficulté : il n’y aura pas de baisse des subventions accordées aux associations dans ce domaine.
Je tiens d’ailleurs à saluer une nouvelle fois le travail remarquable qu’accomplissent quotidiennement les centres d’information et de conseil familial, ainsi que les centres de planification et d’éducation familiale. On y rencontre des personnes dont l’implication va très largement au-delà de ce qu’exige le simple travail salarié. Pour les jeunes mineures et pour les femmes en difficulté, ces structures sont un précieux recours, qui leur permet d’accéder à la contraception dans des conditions de gratuité et de confidentialité.
Je sais que ces centres rencontrent des difficultés pour remplir cette mission essentielle qui leur est confiée. Je demande donc à l’IGAS d’analyser leurs problèmes et de me faire des propositions afin d’y remédier.
Par ailleurs, je veux rappeler que la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a introduit des mesures permettant un meilleur accès à la contraception. Les textes d’application vont être publiés.
Les services de médecine préventive des universités peuvent désormais délivrer la contraception. Les sages-femmes peuvent prescrire les contraceptifs oraux dans toutes les situations. Enfin, les pharmaciens et les infirmières, notamment les infirmières scolaires, peuvent renouveler les prescriptions de contraceptifs oraux poux six mois. J’ai veillé à ce que ces contraceptifs soient alors remboursés, conformément d’ailleurs à la suggestion des auteurs d’un amendement tout à fait bienvenu qui m’avait été soumis ici.
Enfin, nous devons améliorer l’accès à l’IVG. Mes services ont analysé le coût réel des actes d’IVG par rapport au forfait fixé. J’ai décidé d’augmenter les forfaits IVG à hauteur du coût réel, soit une augmentation de près de 50 % en moyenne. Pour certains actes, cette augmentation peut être supérieure. C’est un effort considérable, qui vise à garantir sur tous nos territoires un égal et un réel accès à l’IVG, dans les établissements ou chez les professionnels de santé.
Je tiens à dire à Marie-Thérèse Hermange, avec beaucoup de considération et d’amitié, que je respecte tout à fait le parcours de certains parents décidant de poursuivre une grossesse alors que le handicap de leur enfant est avéré ou que sa mort très précoce est certaine. Ce sont des choix personnels pour lesquels, je le répète, j’ai un profond respect.
Mais je tiens également à dire que, globalement, les grossesses non désirées sont avant tout une source de souffrance psychologique pour les femmes. L’avortement est un outil qui permet à celles qui y recourent de répondre en partie à cette souffrance, même s’il ne résout pas, bien sûr, tous les problèmes. C’est en assurant un accueil et un suivi de qualité aux femmes ayant recours à une IVG que nous diminuerons la souffrance psychologique qu’elle provoque.
C’est la raison pour laquelle je souhaite qu’un cahier des charges de la réalisation des IVG médicamenteuses soit élaboré. Un programme d’inspection pluriannuel des établissements de santé pratiquant des IVG a été mis en place dès la fin de l’année 2006. Il devrait se terminer cette année. Nous veillerons bien sûr à ce que ces actions se poursuivent.
Marie-Thérèse Hermange m’a également interrogée sur le diagnostic préimplantatoire et le dépistage de la trisomie 21.
La loi actuelle prévoit la possibilité d’un diagnostic préimplantatoire. La mission parlementaire sur la révision des lois bioéthiques, dans l’une de ses recommandations, et le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé se sont dits favorables à la recherche de la trisomie 21 au cours du diagnostic préimplantatoire. Il s’agit d’éviter d’avoir à proposer une interruption de grossesse à une femme enceinte d’un enfant trisomique alors qu’elle aurait eu recours à un tel procédé pour ne pas avoir un enfant malade.