Petit à petit, nous sommes en train de gagner du terrain, mais la tâche est très difficile car elle implique un véritable changement de philosophie.
Avec la crise, les délocalisations et le chômage, un certain nombre de pays, même les plus historiquement libéraux, sont tout de même convaincus de la nécessité d’une politique industrielle européenne. Il reste beaucoup à faire dans ce domaine. Une réunion du Conseil sera spécifiquement consacrée à cette question, mais nous n’en sommes qu’au début du chemin !
En ce qui concerne le renforcement de la régulation financière au niveau international, vous le savez, la France et l’Allemagne vont porter ensemble toute un éventail de nouvelles régulations et de contrôles des marchés financiers. Nos deux dirigeants ont écrit au président de la Commission une série de lettres, la dernière en date du 8 juin, relatives aux fonds spéculatifs, à la réglementation sur les ventes à découvert, aux produits dérivés. Nous sommes donc aux avant-postes de l’effort de régulation européen.
De la même façon, nous avons travaillé aujourd’hui même à une lettre commune en vue du G20 pour que la France et l’Allemagne portent ensemble l’idée d’une taxation sur les services financiers et bancaires, dans le cadre d’une régulation internationale.
Toujours dans un souci d’honnêteté à votre égard, mesdames, messieurs les sénateurs, je dois vous dire que, lors de la dernière réunion des ministres des finances du G20, nous ne l’avons pas emporté. De nombreux pays, notamment le Brésil et le Canada, n’ont pas envie de réguler leurs banques ou de taxer les mouvements financiers.
Une vraie bataille politique doit être menée. La France et l’Allemagne ont décidé de la mener ensemble, ce qui mérite d’être salué. Pour certains, c’est insuffisant ; pour d’autres, idéaliste. Quoi qu’il en soit, nous sommes déterminés !
J’évoquerai brièvement les négociations en matière de lutte contre le changement climatique. L’objectif que s’est fixé l’Europe de réduction de 20 % de ses émissions de gaz à effet de serre ne sera pas réévalué à 30 %, les conditions nécessaires n’étant pas réunies.
Par ailleurs, après des mois d’efforts, menés avant et, surtout, après le sommet de Copenhague, la Commission a reconnu – tant mieux, je m’en réjouis ! – que l’instauration d’une taxe carbone aux frontières n’était pas une idée si saugrenue. En la matière, notre intention est claire : cesser d’exporter des emplois et d’importer du carbone ! En cas de dumping écologique, il est donc nécessaire de prévoir un juste équilibre entre une compensation, des permis d’émission et une taxation des secteurs. Toutes les propositions sont désormais sur la table.
Je me suis entretenu encore hier soir avec Pascal Lamy sur ce sujet. En tant que directeur général de l’Organisation mondiale du commerce, il ne soulève aucune objection de principe, s’interrogeant simplement sur la façon de procéder.
J’ai ainsi demandé aux responsables de l’Agence européenne pour l’environnement, que j’ai rencontrés récemment à Vienne, de mener le travail d’expertise nécessaire pour être en mesure, secteur par secteur, de quantifier les émissions de carbone et les niveaux de pollution. Il s’agit ainsi de poser les bases d’un commerce international, fondé sur un dispositif de compensations dans un sens ou dans l’autre, pour militer en faveur d’une décarbonisation de l’économie mondiale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’en viens à la question de l’Islande, sur laquelle nous travaillons très sérieusement depuis près d’un an avec nos partenaires allemands.
Vous le savez, un double problème se pose. Tout d’abord, il convient de résoudre le contentieux concernant la société financière Icesave, pour lequel le Royaume-Uni et les Pays-Bas sont parties prenantes. Ensuite, nous voulons être sûrs de ne pas importer un système financier notoirement problématique, voire corrompu.
Un travail d’« assainissement » est en train d’être mené en profondeur en Islande, un certain nombre de garanties ayant été fournies sur le règlement de l’accord financier relatif à Icesave. Les négociations d’adhésion vont donc pouvoir commencer, mais selon les mêmes critères que pour les autres pays. Afin que celles-ci puissent se dérouler normalement, nous veillerons à ce que l’Islande poursuive son effort.
Pour ce qui concerne l’Iran, il avait été convenu en décembre 2009 que le Conseil européen demanderait aux ministres des affaires étrangères de l’Union européenne de préparer des mesures pour accompagner la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies.
Cette résolution, qui porte le numéro 1929, a été adoptée la semaine dernière. Les mesures qu’elle comprend porte sur de nombreux domaines, parmi lesquels les livraisons d’armes, les secteurs bancaire et financier. Dans ses conclusions, le Conseil Affaires étrangères, qui s’est tenu tout récemment, le 14 juin dernier, a fait part du soutien de l’Union européenne à la résolution 1929.
Dans le prolongement de sa déclaration de décembre, le prochain Conseil européen devrait adopter une nouvelle déclaration pour demander des mesures complémentaires et fixer, à cet effet, une feuille de route aussi précise que possible.
La France, avec ses partenaires, reste fidèle au principe d’une double approche, qui repose à la fois sur le dialogue et la fermeté. Notre position n’a pas varié.
Je tiens également, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous communiquer, car c’est important, le calendrier des prochaines échéances du Conseil européen.
Le président Van Rompuy a choisi d’organiser des conseils thématiques. Le Conseil européen se penchera donc, dès le 16 septembre, sur les relations de l’Union avec ses grands partenaires émergents, notamment la Chine et l’Inde. Ce sera l’occasion de parler de stratégie commerciale et d’accès aux marchés publics, questions particulièrement importantes s’agissant des relations entre la Chine et l’OMC. Une session du Conseil européen sera consacrée, les 28 et 29 octobre prochains, au thème de la recherche et de l’innovation, ce qui permettra de revenir sur la politique spatiale, le projet ITER et la mobilité électrique et numérique. Enfin, une réunion informelle, qui devrait avoir lieu au début de 2011, sera consacrée à la future stratégie énergétique pour la période 2011-2020.
L'Union européenne avance donc dans la direction que nos voisins allemands et nous-mêmes préconisons. Certes, il n’est pas facile d’orienter un navire à vingt-sept, mais, grâce à notre volonté politique, nous sommes en train d’y parvenir.
Je vous invite à réaliser l’importance du travail qui a été réalisé. J’en profite également pour remercier tous ceux qui, dans l’ensemble du système étatique français, et pas seulement au Quai d’Orsay, concourent à la mise en œuvre d’une politique intégrée et utile de la France en Europe. Je pense bien évidemment à nos parlementaires nationaux et européens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, beaucoup de sujets sont sur la table. Nous sommes en train, selon moi, de sortir par le haut de l’épreuve des six derniers mois. Bien que cette évolution ne se fasse pas sans mal, je considère désormais la situation avec beaucoup d’espoir.
Non seulement nous avons fabriqué un socle financier solide et crédible, mais surtout nous bâtissons un ensemble institutionnel à la fois démocratique, car respectueux des droits des parlements nationaux, transparent pour les contribuables et concerté. Bien entendu, tout n’est pas parfait, mais la perfection est difficile à atteindre à vingt-sept !