Intervention de Annie David

Réunion du 21 juin 2006 à 15h00
Protection de l'enfance — Article 5

Photo de Annie DavidAnnie David :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, cet amendement vise à supprimer l'article 5.

La notion d'enfant en danger n'a pas été clarifiée, ce qui ne réduit pas l'arbitraire de la formulation actuelle. Comme nous avons eu l'occasion de l'indiquer lors de l'examen de l'article 2, nous tenions particulièrement à la modification de la formulation actuelle, d'autant que l'on touche ici à la question du signalement et à la collecte des informations par le président du conseil général.

Malheureusement, nos arguments n'ont pas été entendus, ce qui nous conduit à proposer la suppression de l'article 5 du projet de loi.

Par ailleurs, nous savons que, dans les départements où un tel dispositif a été testé, la création d'une cellule destinée à organiser le signalement a déjà fait ses preuves

Parallèlement, comme Roland Muzeau vient de le souligner, et bien que vous ayez tenté de nous rassurer sur ce point, monsieur le ministre, depuis que le contrat de responsabilité parentale existe, tout semble à reconsidérer.

De plus, la formulation de l'article 5 présente de graves incohérences, qui peuvent aller à l'encontre de la spécificité du travail social. En effet, vous semblez mettre sur le même plan les personnes « qui apportent leur concours » à la protection de l'enfance et celles dont le métier concerne explicitement la protection de l'enfance. Soumettre ces dernières à une obligation de signalement peut conduire à mettre directement en cause le coeur même de leur métier, fondé sur le secret professionnel.

Par exemple, si vous soumettez les assistants sociaux à l'obligation de signalement, leur relation de confiance avec les familles, qui est à la base de leur travail, sera rompue. Une telle situation pourra engendrer des comportements de fuite, alors que des liens avaient été établis. Les familles se méfieront des travailleurs sociaux et auront tendance à contourner les rencontres et les procédures administratives, voire, dans certains cas, à choisir la violence, qui est une autre forme de fuite.

À l'heure actuelle, ces travailleurs sociaux sont soumis au secret professionnel, sauf dans les cas de mauvais traitements, pour lesquels le code pénal prévoit la non-assistance à personne en danger. La loi ayant déjà envisagé différentes situations, il faut maintenir la cohérence entre le code pénal et le code de l'action sociale et des familles et ne pas ouvrir une brèche dans ce dispositif. Il convient de laisser les choses en l'état, puisque le secret professionnel constitue la raison même de leur profession. Les contraindre au signalement pourrait conduire à des situations aberrantes.

Par ailleurs, le dernier paragraphe de cet article nous semble encore plus préoccupant. Comment comptez-vous, monsieur le ministre, organiser une procédure qui permettrait à toute personne participant à la protection de l'enfance de saisir directement le procureur de la République ?

Au regard du risque pouvant peser, à titre individuel, en cas de non-signalement, une telle procédure risque d'inciter les travailleurs sociaux à se protéger, en signalant systématiquement toute situation équivoque ou qui suscite le moindre doute.

En judiciarisant ces pratiques, la protection de l'enfance a tout à perdre. Il faut, au contraire, favoriser les évaluations conjointes, qui garantissent à la fois la protection de l'enfant et la juste appréciation de la situation familiale.

Par conséquent, cet article suscite plus de craintes qu'il ne rassure. C'est pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues, de le supprimer.

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