Intervention de André Lardeux

Réunion du 21 juin 2006 à 15h00
Protection de l'enfance — Article 5, amendement 10

Photo de André LardeuxAndré Lardeux, rapporteur :

L'amendement n° 10 traite d'un problème qui, dans la situation actuelle, irrite souvent les élus et particulièrement les maires des communes.

L'article L. 226-5 fait obligation au département d'assurer un retour d'information vis-à-vis des professionnels qui lui ont signalé un enfant en danger sur les suites qui ont été données au signalement.

Dans de nombreux cas, les signalements peuvent provenir d'élus locaux, notamment des maires, qui ont souvent connaissance avant les autres des difficultés de certaines familles. Or ils n'appartiennent pas à la catégorie des « professionnels » au sens strict du terme, même si les informations qu'ils détiennent leur sont parvenues du fait de leurs fonctions.

Le présent amendement vise donc à rendre plus explicite l'article L. 226-5 du code de l'action sociale et des familles, afin de prévoir un retour d'information pour les personnes qui transmettent des signalements, sur la base d'informations obtenues dans le cadre d'un mandat électif.

J'en viens aux avis de la commission.

La radicalité de l'amendement n° 59, défendu par Mme David, n'a pas échappé à la commission, qui ne peut absolument pas y être favorable. En effet, l'amendement vise à supprimer un article qui constitue le coeur du dispositif d'amélioration du repérage et du signalement des enfants en danger. Par conséquent, madame David, son adoption reviendrait à vider le projet de loi de tout son contenu et signifierait que l'on ne change rien à la situation que nous connaissons actuellement.

L'article 5 crée, à travers les cellules de signalement, une porte d'entrée unique plus visible pour le grand public. Il rend enfin possible un recoupement des indices de maltraitance détenus par les différents services, grâce à l'obligation, pour chaque acteur de la protection de l'enfance, de contribuer à la centralisation des informations préoccupantes.

Il permet enfin d'espérer une orientation plus satisfaisante des enfants vers les dispositifs de protection les plus adaptés, grâce à la définition de critères précis d'intervention du département et du juge.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.

L'amendement n° 90 vise à supprimer la notion d' « informations préoccupantes » et à remplacer la notion de « mineurs en danger ou qui risquent de l'être » par celle de « mineurs en danger ou présentant un risque avéré de danger ».

Cet amendement a le même objet que l'amendement n° 58, défendu hier par le groupe CRC, et sur lequel j'avais émis un avis défavorable. Je ferai de même aujourd'hui et j'imagine que le Sénat suivra ma position.

L'amendement n° 122 vise à supprimer l'obligation, pour les services de l'État et pour l'autorité judiciaire, d'apporter leur concours au département.

Dès lors que le département est bien affirmé comme chef de file - c'est l'esprit de la loi- en matière de protection de l'enfance, les autres acteurs ne peuvent plus être placés sur le même pied d'égalité que lui pour ce qui est de l'organisation du recueil des informations préoccupantes. Ils ne peuvent qu'apporter leur concours à une mission qui est exercée à titre principal par un autre. Le terme employé dans le projet de loi est donc tout à fait adapté sur le plan juridique.

Quant au contenu de ces concours, ce sont aux protocoles - qui sont prévus à l'alinéa suivant du texte proposé pour l'article L. 226-3 - passés entre le département et respectivement l'autorité judiciaire et les services de l'État que reviendra la tâche de le définir. Cette organisation garantit aux départements la participation active du préfet et des juges au dispositif, tout en préservant la souplesse réclamée par les présidents de conseils généraux.

Par conséquent, je souhaite que cet amendement soit retiré ; dans le cas contraire, la commission émettra un avis défavorable.

L'amendement n° 92 restreint de façon trop importante les modalités du concours pouvant être apporté, puisque la collaboration des services de l'État et de l'autorité judiciaire serait limitée à la mise à disposition de personnels.

Je ne pense pas que les protocoles qui seront signés puissent être résumés à ce seul aspect ! Il existe, en effet, d'autres moyens d'intervention, techniques, matériels ou logiciels. Ce sont les protocoles prévus à l'alinéa suivant qui viendront définir au cas par cas les concours de chacun. La commission émet donc un avis défavorable.

J'en viens à l'amendement n° 91. Les protocoles prévus par la loi tendent à prévoir le fonctionnement concret de la cellule de signalement entre les acteurs directement concernés par la protection des enfants : le département et l'autorité judiciaire, au titre de leurs compétences en matière de protection de l'enfance, et le préfet, au titre de ses compétences d'ordre public.

Les autres acteurs de la protection de l'enfance ne font que participer au recueil des informations dans le cadre de la cellule de signalement. Le texte mentionne d'ailleurs expressément les « services publics » et les « établissements publics et privés susceptibles de connaître des situations de mineurs en danger » parmi les acteurs participant au dispositif de recueil des informations préoccupantes.

Par conséquent, si certains départements souhaitent élargir le nombre de protocoles passés pour le fonctionnement de la cellule, ils sont tout à fait libres de le faire dans le cadre du texte tel qu'il est prévu. Mais cela ne doit pas être une obligation pour eux. La commission émet donc un avis défavorable.

Le problème évoqué dans l'amendement n° 95, à savoir la dénomination de la cellule départementale, a été abordé par certains d'entre vous. La commission, qui a réfléchi à cette question, préfère finalement s'en tenir à la notion de « cellule départementale opérationnelle », et cela pour au moins deux raisons.

Premièrement, cette dénomination commune permet une meilleure visibilité pour le grand public qui, comme je l'ai dit hier, peine encore aujourd'hui à repérer le bon interlocuteur pour signaler ses préoccupations concernant un enfant.

Deuxièmement, une porte d'entrée unique est nécessaire pour assurer une véritable centralisation des informations et permettre leur recoupement.

Cela étant posé, la rédaction actuelle du texte ne s'oppose absolument pas à la définition de modalités pratiques d'organisation variées à l'échelon local : le fonctionnement concret de la cellule dépendra des protocoles passés au plan local et ceux-ci pourront tout à fait prévoir un traitement des situations individuelles déconcentré au niveau des différents territoires d'action sociale. La commission émet donc un avis défavorable.

L'amendement n° 94 a le même objet que l'amendement n° 95. La commission y est donc défavorable, pour les mêmes raisons.

L'amendement n° 132 du Gouvernement donne quelques soucis au rapporteur et à la commission.

Le projet de loi s'est attaché à clarifier les critères d'intervention du département et de la justice. En se fondant sur un principe de subsidiarité de l'intervention judiciaire, il distingue deux cas de saisine obligatoire du juge.

Le premier est lorsque les mesures administratives apparaissent insuffisantes. Cela ne signifie pas qu'il faille obligatoirement les tenter avant toute saisine du juge. Le rôle de la cellule est précisément d'apprécier, y compris a priori, si -compte tenu notamment de la gravité des faits, de la situation générale de l'enfant et de l'attitude des parents -, la protection administrative a une chance d'être efficace.

Le second cas est lorsque les mesures administratives, bien qu'envisageables, sont impossibles à mettre en place, soit parce que les parents sont dans l'impossibilité de donner leur accord, soit parce qu'ils refusent tout simplement de coopérer.

La situation est donc désormais très claire. Mais, comme l'a exposé le ministre, le Gouvernement souhaite introduire un troisième cas de saisine obligatoire du juge : le cas de danger grave et manifeste pour l'enfant.

Il convient de s'interroger sur ce qu'apporterait cette nouvelle notion. Comment distinguer un danger « grave et manifeste » d'un danger « normal », si tant est que l'expression soit juste ? Il me semble que cette précision introduit plus de confusion qu'autre chose, en créant une troisième catégorie d'enfants à côté des enfants en danger et des enfants en risque, alors que le projet de loi parvenait enfin à une harmonisation des définitions entre les différents codes.

Si tant est que l'on puisse définir ce qu'est un danger grave et manifeste, peut-on ensuite inférer que l'existence d'un tel danger, d'emblée, rend systématiquement insuffisantes les mesures administratives de protection ? La commission des affaires sociales pense que non.

Juges et départements disposent en réalité des mêmes outils de protection : l'action éducative à domicile et le placement. Il n'y a donc aucune raison de préférer l'une à l'autre. La seule chose qui distingue ces deux interventions, c'est que le département, pour agir, a besoin de l'accord des parents. Le seul critère pertinent est donc bien celui-là : même en cas de danger grave et manifeste, la protection administrative peut être suffisante si les parents acceptent de coopérer avec le service de l'aide sociale à l'enfance, ASE.

La commission propose donc à la Haute Assemblée de ne pas suivre la proposition du Gouvernement. §

Quant à l'amendement n° 93, il vise à limiter au cas d'urgence ou de gravité la possibilité pour les professionnels participant à la protection de l'enfance de saisir directement la justice. Deux raisons s'opposent à l'adoption de cet amendement.

Tout d'abord, en France, l'accès au juge est libre. Il n'y a donc aucune raison de le limiter aux professionnels de la protection de l'enfance. C'est à chacun de décider en son âme et conscience si la situation relève ou non de l'intervention du juge.

Ensuite, l'urgence n'est pas, en tant que telle, un critère pour recourir au juge. Même en cas d'urgence, si les parents acceptent l'intervention des services de l'ASE, l'aide sociale à l'enfance, une mesure administrative peut être suffisante pour assurer la protection de l'enfant.

En réalité, peu importe que les professionnels s'adressent en premier lieu à la justice ou au département dès lors que l'information sur les saisines directes parvient bien aux services du département qui sont chargés de les centraliser et que le juge peut leur transmettre en retour les cas qui ne relèvent manifestement pas de sa compétence. Or le projet de loi a prévu l'ensemble de ces suivis d'information. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement n° 138 permet d'apporter une solution équilibrée dans la mesure où il vise à assurer au département une information exhaustive des signalements, tout en éliminant la transmission de ceux qui se révèlent totalement infondés. En conséquence, à titre personnel, j'émets un avis favorable sur cet amendement.

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