Intervention de Claire-Lise Campion

Réunion du 21 juin 2006 à 15h00
Protection de l'enfance — Vote sur l'ensemble

Photo de Claire-Lise CampionClaire-Lise Campion :

Depuis hier, nous l'avons tous dit, nous discutons d'un sujet essentiel, celui des enfants en danger.

Monsieur le ministre, nous avons apprécié la démarche en amont et le débat qui s'est instauré dans les départements, même si nous attendions une grande loi-cadre. Nous restons persuadés que, dans les mois et dans les années qui viennent, il faudra aller au-delà sur ces questions. C'est ce vers quoi nous nous dirigeons.

Au nom de mes collègues, je voudrais saluer la qualité du travail que nous avons fait tous ensemble, avec vous, monsieur le ministre, et vous en remercier.

Les propositions que l'on nous a soumises rejoignent les préconisations de nombreux rapports d'origine parlementaire et institutionnelle, ou les recommandations émanant de nombreux professionnels, associations et élus.

Au cours des derniers mois, un consensus s'est établi sur la répartition des compétences entre la justice des mineurs et les administrations départementales d'aide à l'enfance sur le partage des informations entre les acteurs et les institutions, sur le renforcement du dépistage précoce des situations à risque, sur le souci de mieux agencer les procédures de signalement d'enfants en danger et sur la volonté de développer la prévention.

Ce consensus nous honore et honore notre pays. Il met en avant le travail de milliers de personnes qui oeuvrent sur le terrain de l'éducatif, du social, du judiciaire et de la santé, au plus près du terrain. Ce consensus est réellement modernisateur ; il s'est adapté aux évolutions de notre société.

En pleine crise du lien social, nous avons pu réaffirmer la place de la famille et la responsabilité parentale.

Malgré tout, si nous avons partagé les grandes lignes de cette réforme, nous émettons un certain nombre de réserves.

Nous rêvons, de manière très utopique, du jour où, grâce à une politique de la famille qui prenne en compte les questions liées à l'emploi, au logement, à l'éducation et à la santé, nous aurons moins besoin d'une politique de protection de l'enfance.

J'insiste sur ce point, car je crois que la meilleure loi de protection de l'enfance ne réglera pas les problèmes de fond si l'on ne prend pas en compte la réponse aux besoins des familles et, de ce fait, la réponse aux enfants.

Mais en contrepoint de l'utopie, nous sommes devant la réalité criante d'une situation qui se dégrade de jour en jour, caractérisée par le manque de moyens médicaux dans les écoles, collèges et lycées, par l'absence de professionnels, qui obère une véritable politique de prévention ou de signalements.

Le secteur de la pédopsychiatrie est gravement déficient au regard du nombre croissant d'enfants et de jeunes accueillis dans les services de l'aide sociale à l'enfance, qui présentent des pathologies psychiques nécessitant des soins spécifiques et souvent prolongés, voire une hospitalisation.

La protection judiciaire de la jeunesse voit ses moyens, déjà notoirement insuffisants, se réduire encore, et la baisse de 40 % en deux ans des crédits affectés aux prises en charge de jeunes majeurs conduit à les renvoyer insidieusement vers les départements.

Les moyens de la justice, et plus spécifiquement des juges pour enfants, sont tout aussi insuffisants ; la baisse des crédits d'investigation et d'orientation éducative en est un autre exemple.

La protection de l'enfance requiert des moyens qui impliquent aussi bien l'État que les collectivités. À ce titre, elle ne peut être du seul ressort des départements, et l'engagement de l'État sur ces questions d'éducation, de soins, de justice est pour nous incontournable et primordial afin de garantir la solidarité nationale.

Je voudrais aborder de nouveau la question des mineurs étrangers isolés. Nous regrettons que le rapport établi avec le préfet de région, M. Landrieu, et celui de l'Inspection générale des affaires sociales, qui contenaient pourtant des mesures et des propositions constructives, soient restés sans effet de la part de l'État, notamment pour la mise en place d'une plate-forme d'accueil, d'évaluation et d'orientation pour les premiers mois de leur prise en charge.

Cette question est importante, monsieur le ministre. Je vous demande de ne pas la négliger. De nombreux départements doivent en effet faire face tous les jours à des situations dramatiques.

La question du financement, nous venons de l'évoquer, est aussi source de préoccupation. Nous connaissons les difficultés auxquelles se trouvent confrontés les départements, avec des transferts non compensés. Monsieur le ministre, nous sommes inquiets. Les moyens financiers et humains sont insuffisants. L'amendement que vous avez proposé suscite des interrogations de notre part : la caisse d'allocation familiale va devoir financer ces nouvelles mesures, mais au détriment de quoi ?

La branche famille est déficitaire. Elle ne retrouvera son équilibre qu'en 2010, à condition qu'il n'y ait pas de charges nouvelles !

Nous sommes très inquiets, je le répète, car nous avons été échaudés par d'autres mesures de ce genre. En tout cas, nous regrettons que les dispositions relatives à ce point important qu'est le financement arrivent au dernier moment de notre discussion, par un amendement du Gouvernement. De plus, comme M. Vasselle, nous pensons que ces financements doivent émaner de l'État.

Aussi, comme notre collègue Guy Fischer vient de le dire, nous resterons vigilants, non seulement pendant la navette parlementaire, mais au-delà, au moment de l'examen du prochain texte relatif à la prévention de la délinquance, qui aura lieu à l'automne.

En revanche, monsieur le ministre - nous voulons conclure sur ce point positif -, nous sommes très satisfaits qu'un certain nombre de nos amendements aient pu être retenus. À cet égard, nous remercions M. le rapporteur d'avoir été attentif à ces propositions. Nous sommes persuadés qu'elles améliorent le texte.

Finalement, en dépit des réserves que nous avons émises, et comme je l'ai dit lors de la discussion générale, le groupe socialiste émettra un vote que je qualifierai d'abstention positive.

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