Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la fin de l'année dernière, lors de ce même débat, nous constations que la construction européenne était en crise. Un an après, le constat reste malheureusement inchangé : manque d'initiative politique, manque de perspectives et manque de priorités clairement définies dans le budget européen. À en croire le Président de la République, 2006 devait être une « année utile ». Dans ce domaine comme dans d'autres, il est permis d'en douter !
Madame la ministre, sans nier vos efforts personnels, force est de poser la question : qu'a fait le Gouvernement pour l'Europe, cette année ? La presse se fait d'ailleurs l'écho ces derniers jours de l'absentéisme notoire de certains ministres français - notamment celui de l'intérieur - aux Conseils européens, qui ne peut qu'être préjudiciable à l'image et à l'influence de la France en Europe.
Je pourrais reprendre mot pour mot mon intervention de l'an dernier. En effet, les États membres ne semblent plus être capables aujourd'hui de dépasser leurs intérêts nationaux et de retrouver un élan collectif fondé sur la recherche d'avantages communs. Le compromis financier européen d'avril 2006, proche de celui de décembre 2005, l'illustre malheureusement assez bien. Dépasser la conception d'une Union européenne réduite à la somme des intérêts de chaque État membre me semble aujourd'hui une urgence.
Bernard Frimat a eu raison de rappeler que ce budget sera le premier de la période 2007-2013 et qu'il sera le premier de l'Europe à vingt-sept.
En raison de son rôle fondateur dans l'Union européenne et du rejet, l'année dernière, de la Constitution européenne, la France a un double devoir d'impulsion d'une relance européenne. Or personne en Europe ne perçoit cet élan. Certes, une augmentation de 5, 1 % de la contribution de la France au budget des Communautés européennes pour 2007 est prévue, mais cela ne permet pas de déterminer des priorités budgétaires nouvelles et lisibles, comme nous l'avions souhaité l'an dernier.
Surtout, cela ne compense pas l'absence de volonté politique claire et de crédit aux yeux de nos partenaires pour prendre des initiatives fortes.
Le bilan de votre politique en matière européenne depuis 2002, c'est que nous avons perdu l'un et l'autre, volonté et crédit, sur la scène européenne. Nous savons aujourd'hui qu'il faudra attendre la présidence allemande en 2007 et un changement de majorité dans notre pays, puis la présidence française, pour créer les conditions de cette relance urgente.
Notre collègue Bernard Frimat a fort bien rappelé tout à l'heure les problèmes liés à la véritable déconnexion du budget de l'Union avec la réalité, ainsi que les risques liés à la directive sur le temps de travail. Pour ma part, je prendrai deux exemples de domaines dans lesquels nous souhaitons restaurer la volonté politique de notre pays : les conséquences de l'élargissement et les fonds structurels.
En effet, depuis le début des négociations sur les perspectives financières, le Président de la République et votre Gouvernement tiennent un double langage. D'un côté, vous voulez prévoir plus d'argent pour les nouveaux États membres, maintenir la PAC et les fonds structurels au même niveau, et assurer pour la France un taux de retour stable. D'un autre côté, vous défendez bec et ongles un budget européen plafonné à 1 % sur l'ensemble de la période.
Votre position a toujours été contradictoire. L'accord interinstitutionnel a fixé un plafond à 1, 04 %, bien loin du compromis luxembourgeois. Je peux comprendre que vous considériez cet accord comme un succès, mais ce n'est pas notre cas : les perspectives financières ne sont à la hauteur ni des besoins des nouveaux États membres ni du besoin des régions pour relancer la croissance et assurer un haut niveau d'emploi.
S'agissant de l'élargissement, si nous ne voulons pas que celui-ci tire l'Union vers le bas et crée ainsi à l'égard de l'Europe une nouvelle désaffection de nos concitoyens et des désillusions chez les nouveaux entrants, la traduction budgétaire doit être à la mesure des enjeux. L'Europe comptera vingt-sept pays dans un mois, avec l'arrivée de la Bulgarie et de la Roumanie. Une solidarité particulière est nécessaire à leur égard, sous peine d'engendrer des difficultés pour l'ensemble des pays de l'Union. Le budget européen leur consacrera 16, 2 milliards entre 2007 et 2009 : ce n'est pas à la hauteur de cette attente.
Ici, en France, doit-on rappeler que ces deux pays, Bulgarie et Roumanie, participent à la francophonie ? À leur égard, la France doit donner des signes tangibles de son engagement dans ces deux causes, l'Europe et la francophonie.