Séance en hémicycle du 29 novembre 2006 à 11h00

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La séance

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La séance est ouverte à onze heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale (nos 77 et 78).

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Nous allons examiner l'article 32 relatif à l'évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

Nous sommes réunis ce matin pour examiner l'article 32 du projet de loi de finances pour 2007, qui fixe à 18, 696 milliards d'euros le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes.

Ce chiffre peut paraître important. En valeur absolue, il l'est dans la mesure où il représente 6, 9 % de nos recettes fiscales nettes. Il est tout de même modéré si l'on considère qu'il correspond à 1 % de notre produit intérieur brut, le PIB, puisque le projet de loi de finances pour 2007 table sur un PIB de 1 856 milliards d'euros.

Ces 18, 696 milliards d'euros représentent également, ce qui relativise notre débat, la moitié des crédits réservés à la mission « Défense » et un tiers des crédits réservés à la mission « Enseignement scolaire ». Le coût de l'Europe pour notre budget reste donc très modéré, et cela d'autant plus si l'on considère que ces 18, 696 milliards d'euros sont l'un des meilleurs investissements que la France puisse faire.

Bien sûr, une analyse en termes de « retour net », qui est détestable et que je critique régulièrement, tendrait à démontrer que la France n'en a pas du tout pour son argent puisque notre pays est contributeur net. Ce débat est bien peu communautaire. Je m'y arrête de nouveau pour condamner ce type d'approche, qui fait du mal à la France et à l'Europe.

Cette analyse, qui nous classe parmi les contributeurs nets, dénature l'image de l'Europe aux yeux des Français. Affirmer que l'Europe a un coût pour la France en limitant la comptabilité des retours à ce qui est chiffrable et localisable dans chaque pays n'est ni honnête ni juste.

Le meilleur exemple est la politique agricole commune, la PAC, dont le retour est supérieur à 10 milliards d'euros. En rappelant l'importance de cette somme, on dresse certains Français contre d'autres, ce qui est désastreux.

On n'insiste pas assez sur le fait que les crédits réservés aux pays concernés par l'élargissement donnent très souvent lieu à des investissements réalisés par des entreprises d'autres États, notamment par des entreprises françaises.

Ces crédits sont comptabilisés au titre des sommes accordées à ces États, mais nous en bénéficions également puisqu'ils élargissent notre marché, ce qui n'est pas sans intérêt pour notre pays.

Je peux citer également l'exemple des crédits des réseaux transeuropéens. Il est évident que, lorsqu'on aménage un port, un aéroport ou une voie de communication dans un des pays de l'Union, cette infrastructure profite à l'ensemble des autres pays, car elle rapproche entre eux les citoyens des différents États de l'Union.

Cette démonstration vaut également pour la libre circulation et le marché unique, dont tout le monde bénéficie. Or il n'y a de retombées chiffrables, identifiables, dans aucun des États membres ! Mais c'est tout l'intérêt pour notre pays d'investir 18, 696 milliards d'euros dans le budget des Communautés européennes.

La démonstration vaut aussi pour la défense ou la mise en place d'une politique communautaire de la recherche ou de l'énergie, dont tout le monde bénéficiera, sans que les retombées soient forcément localisables dans tel ou tel pays.

Consacrer 18, 696 milliards d'euros de notre budget pour garantir durablement la démocratie, la paix et la liberté, c'est ce qui est le moins localisable, mais le plus bénéfique et ce n'est pas cher payé ! C'est moins coûteux, en tout cas, que n'importe quelle guerre !

Le débat sur le « retour net », que je condamne, défait l'Europe et ramène chaque État dans ses frontières, en négligeant le fait qu'aucun des États membres de l'Union n'a plus d'avenir aujourd'hui s'il s'enferme à l'intérieur de ses frontières.

M. Jean-Jacques Jégou applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

Bien sûr, pour que la solidarité soit valable, il faut que les intérêts nationaux de chacun s'expriment et soient pris en compte.

L'Europe a été instituée en raison de l'existence d'intérêts communs autrement plus lourds que les simples intérêts nationaux. Mais ce n'est pas parce que ces intérêts sont communs que les États peuvent s'en débarrasser ou doivent s'en désintéresser. Ces intérêts, parce qu'ils sont communs, ne deviennent pas pour autant la préoccupation exclusive d'une entité abstraite bruxelloise : ils doivent rester notre problème à tous ! L'Europe, c'est d'abord nous tous !

À cet égard, je souhaiterais que l'on insiste dans les semaines à venir sur le fait que le Président de la République française qui sera élu le 6 mai prochain sera en même temps membre du Conseil européen

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

C'est bien en ayant cette double perspective à l'esprit que nous devons faire notre choix.

Dans ce contexte, l'enjeu européen ne doit pas, lors de la campagne électorale, être uniquement une figure imposée ou un mal nécessaire, voire un sujet qui risque de faire perdre des voix.

Nous, les parlementaires nationaux, devons rappeler qu'il y a une attente d'Europe en chaque Européen, en chaque Français.

C'est la raison pour laquelle la dimension européenne de cette campagne présidentielle doit être importante.

À cet égard, la polémique sur le chèque britannique, sujet à la fine pointe du débat sur le « retour net », devient proprement surréaliste. Pourtant, cela coûte cher à la France : 1, 4 milliard d'euros par an, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

... soit une contribution à hauteur de 27 %.

Comparée à notre participation au budget des Communautés européennes, cette contribution au chèque britannique représente près de 10 %, ce qui n'est plus du tout marginal.

Mais ne condamnons pas les Anglo-Saxons, car le débat se situe plutôt au niveau des intérêts nationaux. Ils ont trouvé cet argument pour faire prévaloir le fait que leurs intérêts nationaux n'étaient pas suffisamment pris en compte et que l'intérêt commun leur échappait assez largement.

Nous entrons aussi dans le débat, lorsque nous défendons bec et ongles la PAC, et nous le payons souvent cher sur d'autres sujets, comme le chèque britannique. Tous, nous voyons se heurter les intérêts nationaux et s'éloigner les intérêts communs.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

Mais, sur ce point, je n'irai pas plus loin.

Aujourd'hui, nous constatons que l'Europe est asphyxiée par le choc des intérêts nationaux, le traité de Nice ne lui donnant pas les capacités de décision dont elle a besoin. L'essentiel disparaît, et la panne européenne s'installe.

Madame la ministre, c'est une priorité, il faut sortir de l'impasse institutionnelle. Plus encore, il faut, à mon sens, restaurer le sens de l'intérêt commun. Sans intérêt commun, pourquoi une Europe ?

Après avoir apporté cet éclairage, je rappellerai que nous devons aujourd'hui voter le prélèvement opéré sur les recettes de l'État sans avoir un droit de regard sur les dépenses du budget européen. Je l'ai déjà souligné à plusieurs reprises, et j'y insiste largement, un budget dont les recettes sont votées par les parlements nationaux et les dépenses par le Parlement européen n'a rien d'un vrai budget démocratique !

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

Personne ne peut s'y retrouver. Cela dit, j'évoquerai quelques signes encourageants.

Tout d'abord, sur cet aspect budgétaire, je tiens à saluer votre engagement personnel, madame la ministre. De tous les ministres avec lesquels j'ai eu le bonheur de travailler, vous êtes l'un des premiers à être le plus monté en ligne. C'est la réalité ; je l'ai constaté, car je travaille avec vous de manière assidue sur cette question.

Par ailleurs, l'idée d'intégrer la question du budget des Communautés européennes dans la réflexion menée sur le devenir de nos institutions progresse, ce qui est positif. Cette question n'était pas du tout évoquée dans le traité institutionnel ; c'était d'ailleurs la seule lacune que j'avais identifiée à l'époque. Mais peut-être n'était-il pas encore temps de le faire ! Aujourd'hui, nous devons approfondir cette réflexion, qui me semble susceptible de donner lieu à un vrai débat.

Dans ce budget, nous intervenons au cours de la procédure. Le Conseil européen a fixé l'augmentation des crédits de paiement à 3, 8 % par rapport au budget de 2006, alors que le Parlement européen demande une augmentation de 8, 9 %. La concertation qui s'est déroulée le 21 novembre dernier entre le Parlement et le Conseil a échoué.

Nous sommes donc dans le cours d'une procédure complètement floue et laborieuse, qui se situe elle-même dans un contexte particulier dans la mesure où ce budget sera le premier concerné par les nouvelles perspectives financières arrêtées pour les années 2007-2013. Au début de cette année, la présidence autrichienne s'est également déroulée dans des conditions particulièrement laborieuses. Nous voyons de nouveau surgir les difficultés auxquelles se heurte l'Union européenne pour prendre des décisions. Au-delà, elle est confrontée à d'autres difficultés, car on n'est au clair ni sur les compétences ni sur le principe de subsidiarité. En la matière, il faut faire des progrès significatifs.

Je me contenterai de dire que ce budget est bon pour ce qui concerne la recherche et les réseaux transeuropéens, et je constate que la rigueur progresse. Je vous propose donc, mes chers collègues, de voter l'article 32, considérant qu'il n'est pas de l'intérêt de la France d'ouvrir une nouvelle crise européenne, en refusant d'apporter sa contribution au budget européen. Mais, pour que notre vote prenne tout son sens, encore nous faut-il maintenant répondre à la vraie question : Que fait-on maintenant ?

Nous ne devons pas rester là à attendre la prochaine présidence, puis la prochaine élection, ou vice versa selon les Etats, pour prendre des décisions parce qu'il y a toujours une échéance à venir. Pourtant, en ce moment, on s'installe dans cette situation ! Il faut sortir de ce schéma et avancer. Une occasion nous en est donnée avec l'échéance de 2009.

Mon propos s'inscrit strictement dans le domaine budgétaire.

L'exercice budgétaire sur les perspectives financières pour 2007-2013 s'est conclu avec la promesse de rouvrir le débat à mi-parcours, en 2009. Or, le second semestre de 2008 sera sous la présidence française, une présidence qu'il nous faut préparer dès maintenant, notamment en liaison avec l'Allemagne, qui assurera la présidence au premier semestre de 2007. Nous devons savoir ce que nous voulons en faire et travailler, dès le 1er janvier 2007, avec nos partenaires allemands sur des sujets cruciaux pour l'avenir de l'Europe, à savoir la modernisation des recettes et la réforme de la structure budgétaire, la réforme durable de la PAC, la restauration d'une vraie politique agricole, la réussite des élargissements de 2004 et de 2007, le lancement d'une politique de la recherche et de l'énergie, les progrès à faire en matière de défense européenne.

J'y ajouterai une grande politique européenne de codéveloppement. Plus le temps passe, plus je pense que cette politique pourrait être une solution pour sortir de l'impasse. Pourquoi ne pas réfléchir à son lancement ?

Cette politique de codéveloppement viserait à assurer des équilibres, que la stratégie de Lisbonne a tenté d'établir, pour sa part, en matière de recherche et d'innovation, démontrant que l'Europe entend être présente sur le débat relatif à la répartition des activités dans le monde.

Oui, il faut être compétitif par rapport aux pays les plus avancés. En mettant en oeuvre une politique européenne de codéveloppement, on donnerait du sens à l'action menée par la stratégie de Lisbonne et on redonnerait un certain élan à l'Europe, en veillant à ne pas creuser plus encore l'écart existant entre les pays les plus en difficulté et ceux qui sont les plus avancés, entre ceux qui manquent de tout et n'ont d'autre solution que de pratiquer le dumping social ou écologique ou de recourir à l'émigration et ceux qui préparent des jours meilleurs.

Cette politique nous permettrait de progresser sur les débats qu'engage concrètement chaque État membre, et chaque Européen, sur l'immigration ou les délocalisations d'activités. Ainsi, l'Europe pourrait renouer avec sa vraie vocation : servir la paix, et nos jeunes retrouveraient un vrai projet susceptible de les mobiliser.

Pour ma part, je souhaiterais que la France fasse cette proposition à ses partenaires, qui attendent toujours beaucoup d'elle. Ne restons pas dans la situation qu'a décrite dernièrement Jean-Claude Juncker devant la délégation du Sénat pour l'Union européenne.

L'Europe, disait-il en substance, essaie de trouver des solutions pour redonner un élan à sa politique et évoque les cercles concentriques. Les Français se voient, bien évidemment, au centre de ces cercles, puisqu'ils doivent toujours être, selon eux, au centre de tout ! Or, il faut qu'ils sachent que, pour un certain nombre de leurs partenaires de l'Union européenne, notamment ceux qui ont voté en faveur de la Constitution européenne, en particulier les Luxembourgeois et les Espagnols, non seulement les Français ne sont pas au centre des projets qu'ils peuvent élaborer, mais ils n'en font pas du tout partie !

Ces propos, qui m'ont frappé, doivent nous ramener à une certaine humilité. Toutefois, sachant que nos partenaires attendent toujours beaucoup de nous, nous devons avoir l'ambition de leur proposer des solutions pour redonner un élan à l'Europe.

Montrons-leur que, plus que jamais, nous continuons à croire en l'Europe, celle de l'état de droit, de la paix et de la liberté plutôt que celle du « retour net ». Remettons-nous, avec ambition et modestie, au service de la construction européenne et, par là même, de notre pays.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, ce débat nous permet non seulement d'évoquer les questions européennes sous l'angle budgétaire, mais aussi de les replacer dans un contexte plus large. Une nouvelle fois, je voudrais, au nom de la commission des finances, m'essayer à cet exercice.

Nous l'avons vu, les perspectives financières pour les années 2007-2013, après des négociations particulièrement difficiles, qui ont révélé des contradictions fortes, témoignent d'ambitions mesurées. Afin de préparer les phases suivantes, il convient, comme toujours en matière européenne, de s'interroger sur plusieurs points essentiels.

Ce budget finance-t-il des politiques réellement communautaires ? Peut-il se révéler complémentaire des budgets nationaux et exercer un effet de levier ? Peut-il donner un nouvel élan à l'Europe institutionnelle ?

Dans le cours de mon exposé, je reviendrai plus en détail sur ces questions, en traitant successivement trois points : la cohérence entre le budget européen et les économies nationales, le rôle des nouveaux États membres d'Europe centrale et orientale dans le concert européen, et la gouvernance de cet espace européen qui se subdivise en une série de cercles se recoupant ou non.

Tout d'abord, quelle cohérence y a-t-il entre le budget européen et les économies nationales ?

À cet égard, nous devons, là aussi, rappeler un certain nombre de points, qui soulèvent quelques interrogations.

J'évoquerai le devenir de la politique agricole commune, au-delà de la présente échéance, qui a eu le mérite de sécuriser une règle du jeu.

La politique régionale paraît jouer son rôle, et même très correctement, en termes de convergence des économies, mais son efficacité paraît insuffisante pour accroître, au sens large, la compétitivité de l'Europe ; elle est révélatrice des contradictions de l'espace européen et des compétitions internes.

Au-delà des bonnes intentions, le bloc des actions très parcellaires sur le thème « liberté, justice et citoyenneté » est indéchiffrable.

La stratégie de Lisbonne, dont les objectifs sont incontestables, paraît, par bien des aspects encore, très confinée dans le verbalisme, les propos convenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

L'action extérieure, inégale, lacunaire, ne révèle pas toujours - c'est une litote - une stratégie politique des États européens.

La sécurité et la défense sont encore balbutiantes pour des raisons que nous pouvons, nous Français, bien comprendre.

Au total, j'observe - ce n'est qu'un constat - que le budget européen oscille entre deux extrêmes.

D'un côté, pour nombre d'entre nous - et nous ne faisons que traduire le sentiment de nos concitoyens -, cette procédure est peu lisible et très technocratique. Comme l'a souligné Denis Badré, ce budget présente un caractère contradictoire dans la mesure où les recettes sont votées par les parlements nationaux, tandis que les dépenses sont votées par le Parlement européen.

De l'autre côté, le budget européen est perçu comme répondant à une logique de guichet, voire de tiroir-caisse, pour certaines catégories ciblées, certaines zones territoriales, certains États ou certaines régions. On peut comprendre ce droit à émarger à des fonds structurels, mais il développe tout naturellement de nouveaux clientélismes qui sont loin de converger, me semble-t-il, vers l'intérêt général européen.

Ces considérations me conduisent à aborder la place très substantielle, à mon sens, que doivent avoir, dans ce dispositif, les nouveaux États membres.

L'euphorie de l'adhésion étant passée, bien des difficultés se font jour. Chacun des nouveaux États membres semble vivre une sorte de déprime post-adhésion ; la Hongrie en est sûrement la meilleure illustration. Les pays ont concentré leurs efforts pour atteindre un objectif particulièrement difficile et ont dû faire de lourds sacrifices. L'objectif atteint, le corps social se rend compte qu'il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.

Certes, le tableau est contrasté. Les nouveaux États adhérents ont le mérite de nous faire redécouvrir, en quelque sorte, l'Europe, une Europe où les petits États ont leur place aux côtés des poids lourds ou des poids moyens ; une Europe où il faut savoir conclure des alliances, parvenir à des convergences et où, sur tel dossier, l'opinion de l'Estonie est aussi importante que celle de l'Allemagne, celle de la Slovénie aussi importante que celle de l'Espagne.

C'est une redécouverte de l'Europe, surtout pour nous, Français, qui en avons bien besoin, car nous sommes trop souvent tournés vers nous-mêmes, notre nombril, nos catégories, nos propres clientèles, nos guichets, nos dégrèvements, nos déductions ; pardonnez-moi de citer des thèmes du projet de loi de finances qui me sont chers

Des satisfactions doivent aussi être exprimées au titre de cet élargissement de l'Europe. Ainsi, la Slovénie - le bon élève du dernier élargissement - est le premier pays de cette zone de l'Europe à pratiquer l'euro. La Slovaquie, malgré une vie politique très contrastée, présente des performances excellentes sur la durée et doit parvenir à résoudre ses contradictions.

À l'inverse, la Hongrie, perçue de longue date comme l'État ayant fait le plus de chemin pour réintégrer l'Europe, se révèle comme un pays où les gouvernants n'osent pas dire la vérité aux gouvernés ou, plus exactement, où ils ne la disent qu'une fois les élections passées, ce qui est quand même une singulière pratique de la démocratie.

Grâce à l'élargissement, l'Europe centrale est un révélateur. Je vous conseille, mes chers collègues - mais beaucoup d'entre vous le savent puisqu'ils font partie de groupes d'amitié liant la France avec l'un ou l'autre de ces pays - de mieux les connaître, car nous y trouvons toutes les ressources multiséculaires de la culture européenne et, en même temps, le creuset des contradictions qu'aujourd'hui ces pays partagent avec nous.

Tout récemment, alors que j'étais en visite à Bucarest, capitale de l'un des deux États qui vont entrer dans l'Union européenne le 1er janvier 2007, j'ai été particulièrement frappé, d'une part, par l'avancée économique réelle et rapide de ce pays et, d'autre part, par les particularités de la société politique qui, dans ses subtilités, ses alliances, n'a rien à nous envier et n'a même rien à envier à nos anciennes républiques.

Mais, surtout, la Roumanie est le seul État d'une certaine dimension où a été réellement expérimentée ce qu'on appelle la « flat tax », c'est-à-dire la baisse des taux de tous les impôts sur les revenus avec, en contrepartie, une réduction de l'économie parallèle qui permet un accroissement très substantiel des recettes fiscales.

Cet exemple n'est pas transposable. Toutefois, madame la ministre, dans l'Europe élargie, chacun de ces nouveaux États est un laboratoire dont il faut analyser l'expérience et le cheminement avec le plus grand soin. S'ils viennent de plus loin, ces États sont, en effet, sur le plan de la culture, de la formation politique, de la pratique démocratique, exactement à notre image et nous pouvons progresser beaucoup en les rencontrant plus souvent.

Permettez-moi de vous livrer quelques réflexions sur la gouvernance dans cet espace européen multidimensionnel.

Nous le savons bien, il y a non pas un seul espace européen, mais de nombreux espaces imbriqués les uns dans les autres, répondant à des logiques différentes et pilotés par des institutions distinctes.

On peut parler de l'espace monétaire, la zone euro. On peut parler de l'espace budgétaire de Maastricht, celui où s'exerce le contrôle, la vigilance multilatérale de la Commission, l'espace des taux de change, qui n'est pas seulement la zone euro. Plusieurs pays sont arrimés à celle-ci par des accords monétaires issus du serpent européen d'autrefois.

Si l'on en vient aux questions politiques en quittant l'économie, la finance, la monnaie, sur le plan institutionnel, politique et normatif, il y a l'Union à vingt-sept, il y a l'environnement proche de l'Union européenne, avec les accords d'associations en particulier, il y a la sphère de pré-adhésion, avec les États balkaniques et cette fameuse Turquie, qui, pour moi, n'est qu'un pays très peu européen et beaucoup plus moyen-oriental et asiatique.

Enfin, si l'on évoque les questions relatives à la sécurité, l'espace de la libre circulation des biens n'est pas l'espace de la libre circulation des personnes. Ce sont des espaces régis par des conventions différentes englobant des pays différents.

Inévitablement, trois problèmes se posent toujours : pilotage et processus de décision, organisation de la politique économique, détermination des frontières de l'Europe. Il faudra, bien entendu, au fil du temps, aborder ces problèmes, en faisant des progrès qui pourront être soit des petits pas, soit des sauts plus significatifs, à un rythme que personne, aujourd'hui, ne peut réellement prédire.

Je terminerai par le processus législatif, c'est-à-dire le processus d'élaboration des directives et des normes communautaires, qui nous concerne de plus près.

Tout réel progrès en matière de taux, d'assiette et de fiscalité bute aujourd'hui sur la règle de l'unanimité. Les services de la Commission, s'ils conservent, à mon avis, une grande technicité et de grandes compétences dans ce domaine, ne peuvent absolument plus faire substantiellement avancer la réflexion et peuvent encore moins développer l'action ; cela est profondément antinomique de la notion d'un vrai marché intérieur unique.

Le foisonnement législatif n'en continue pas moins de se produire sous l'effet, en particulier, des influences qui s'exercent sur le Parlement européen.

Dans le domaine des services financiers, par exemple, la technicité des sujets, avec le recours au processus « Lamfalussy », l'essor des directives à options ou « à la carte », où chaque État national aménage en réalité sa propre législation spécifique, créent des espaces de plus en plus foisonnants et complexes qui répondent de moins au moins, aux objectifs de simplification et d'harmonisation. La réforme institutionnelle est donc un enjeu fondamental.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

En conclusion, permettez-moi, madame la ministre, de vous faire part des frustrations que nous ressentons lorsque, sur tel ou tel sujet ayant des incidences financières, économiques, budgétaires, des conseils de ministres techniques, après des maturations très longues, consentent à de nouvelles normes communautaires, sans avoir aucune idée précise et concrète des répercussions sur les budgets, sur la vie des entreprises et sur nos propres finances publiques.

Si l'État nation nous apparaît souvent éclaté et tiraillé entre de multiples contradictions, on peut dire, madame la ministre, que l'Europe ne se porte pas mieux que l'État.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. le président de la délégation pour l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mes propos vont peut-être vous paraître particulièrement pessimistes ; j'en suis désolé. Je veux simplement vous faire partager mon inquiétude.

Madame la ministre, je précise, à votre endroit, que les critiques que je vais formuler ne vous concernent pas, car nous apprécions, à la délégation, tout comme dans cette enceinte, la qualité des relations que nous entretenons avec vous.

On entend souvent dire, ces derniers temps, que l'Europe serait en panne. C'est l'impression qui résulte de l'échec des référendums français et néerlandais sur le projet de traité constitutionnel.

Les institutions européennes semblent solides, mais elles fonctionnent tant bien que mal, en l'absence des améliorations qu'il avait été envisagé de leur apporter. Ce n'est pas encore la panne, mais le moteur a de sérieux ratés, commence à manquer de carburant et d'air.

Ce rendez-vous annuel, dont l'objet est d'autoriser la contribution de la France au budget des Communautés européennes, est l'occasion de constater que la vie de l'Union européenne suit son cours.

Certes, le budget communautaire de 2007 est le premier budget de la programmation financière pour la fameuse période 2007-2013. Certains prétendent, sans d'ailleurs être contredits, que l'Europe n'est plus pilotée qu'à courte vue, qu'elle hésiterait à se projeter dans l'avenir. Ce n'est pas faux.

Ce budget est le premier budget d'une Union européenne élargie à vingt-sept membres, avec l'entrée au 1er janvier prochain de la Roumanie et de la Bulgarie.

Dans cette Union européenne, qui repousse sans cesse ses frontières, notre pays, on le dit souvent, doit maintenir son rang, sa juste place.

Certains prétendent, pour le déplorer ou pour s'en réjouir, que la voix de la France serait affaiblie en Europe depuis l'échec du référendum du 29 mai 2005. Malheureusement, c'est en partie vrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Sur le plan budgétaire, le poids de notre engagement financier est important. Avec une contribution prévue de 18, 7 milliards d'euros en 2007, la France demeurera le deuxième contributeur au budget européen et le quatrième contributeur net. Notre pays renforcera même sensiblement sa position de contributeur net - M. le rapporteur spécial l'a souligné tout à l'heure - dans le cadre de la nouvelle programmation financière.

La difficile négociation des perspectives financières pour la période 2007-2013 a été le grand sujet qui a occupé le devant de la scène européenne jusqu'au printemps de cette année.

Elle a non sans mal abouti et, paradoxalement, c'est sous présidence britannique qu'a été dégagé le compromis au Conseil européen des 15 et 16 décembre 2005, qui a ouvert la voie à l'accord interinstitutionnel du 17 mai 2006.

Je dis « paradoxalement », parce que l'un des éléments de ce compromis est la remise en cause du « chèque britannique ». Le Royaume-Uni a finalement accepté de contribuer davantage aux dépenses d'élargissement, ce qui devrait se traduire pour lui par une participation accrue de 10, 5 milliards d'euros sur la période 2007-2013.

Ce résultat est d'autant plus remarquable qu'il a été obtenu sans qu'il soit porté atteinte au cadrage financier de la politique agricole commune, tel qu'il a été arrêté en 2002, en dépit de la forte pression exercée en ce sens par M. Tony Blair. Saluons donc le fair-play de nos amis britanniques, qui ont accepté de rogner la compensation budgétaire qui leur est versée depuis 1984.

Mais n'oublions pas que la charge relative de la France se trouvera également accrue, puisque le solde net de notre pays se dégradera, passant de moins 0, 26 % du revenu national brut en 2006, à moins 0, 37 % en moyenne annuelle durant la nouvelle programmation financière.

Que faut-il penser de la modération de la progression du budget communautaire prévue sur la période 2007-2013 ?

Pour ma part, je ne suis pas de ceux qui considèrent une fuite en avant budgétaire comme un signe de progrès en soi pour l'Europe. Et, je le crois, une augmentation raisonnée du budget européen peut être bénéfique si elle est axée, comme il se doit, sur les dépenses de compétitivité et de cohésion.

Cependant, la limite de 1 % du revenu national brut de l'Union européenne n'est pas non plus intangible. Elle devra être dépassée le jour où de nouveaux transferts de compétences seront réalisés au bénéfice de l'Union européenne, permettant un saut qualitatif seul à même de justifier un saut quantitatif dans le montant des crédits qui lui sont alloués.

Pour l'instant, les compétences récemment dévolues à l'Europe ne sont pas encore grandes consommatrices de crédits. Ainsi, les sommes consacrées au « troisième pilier », c'est-à-dire aux politiques de justice et des affaires intérieures, s'élèveront en 2007 à 561, 7 millions d'euros en crédits d'engagement seulement. De même, en dépit d'une progression de près de 50 % par rapport à l'année 2006, les crédits consacrés à la politique étrangère et de sécurité commune, la PESC, n'atteindront qu'un montant de 159 millions d'euros. Toutefois, si modestes soient-ils encore, ces crédits constituent déjà un enjeu de pouvoir au sein du triptyque Commission européenne, Parlement européen et Conseil européen.

Nous assistons cette année à un curieux bras de fer entre le Parlement européen et le Conseil à propos des crédits consacrés à la PESC.

En première lecture, le Parlement européen a tout simplement diminué de moitié les crédits consacrés à la PESC, afin de protester contre ce qu'il considère comme sa mise à l'écart dans cette matière. Pourtant, le Conseil, conciliant, s'était engagé, en 2002, à le tenir informé dans ce domaine. Mais le Parlement européen souhaite être associé plus étroitement, c'est-à-dire à l'avance, et non plus a posteriori. En vertu de quoi, madame la ministre ? On peut se le demander.

Le Parlement européen voudrait que le Haut représentant de l'Union européenne pour la PESC, M. Javier Solana, se présente au moins une fois par an devant l'assemblée plénière du Parlement européen pour exposer ses projets futurs. Il voudrait également obtenir un droit de regard sur l'activité et même sur la procédure de désignation des représentants spéciaux. Il semblerait que les gouvernements, y compris le nôtre, laissent faire.

Un tel dévoiement illustre bien le déséquilibre qui tend à s'accentuer au sein du triptyque communautaire : le Conseil existe de moins en moins, la Commission européenne connaît une situation comparable et le Parlement européen monte en puissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

C'est donc à l'appui de telles revendications que le Parlement européen a réduit les crédits de la PESC de 50 % en première lecture. Comme il se doit, le Conseil les a rétablis en deuxième lecture. D'après mes informations les plus récentes, madame la ministre, il semblerait même qu'un accord soit intervenu hier au cours du trilogue et que le Conseil ait une fois de plus accepté des engagements supplémentaires en échange du rétablissement des crédits de la PESC. Nous souhaiterions connaître avec précision la teneur de ces engagements. Madame la ministre, la représentation nationale est en droit, me semble-t-il, d'attendre des explications de la part du Gouvernement.

Cette affaire me paraît grave, parce que, si les citoyens sont globalement favorables à ce que l'Europe s'affirme plus en matière de sécurité et de défense, ces domaines demeurent jusqu'à nouvel ordre au coeur des souverainetés nationales. Les questions traitées sont sensibles entre toutes. Le développement et l'approfondissement de la PESC sont donc inconcevables sans un contrôle parlementaire effectif à l'échelon approprié. Mais, dans la mesure où il n'a pas de compétences dans ce domaine, le Parlement européen n'a pas de légitimité pour intervenir.

En effet, la PESC est pour longtemps une politique de nature intergouvernementale, et le Parlement européen, à ma connaissance, n'est pas habilité à contrôler les gouvernements nationaux. Jusqu'à nouvel ordre, ce sont les parlements nationaux qui votent les budgets de défense et qui autorisent, le cas échéant, l'engagement des forces dans un conflit. C'est donc essentiellement sur les parlements nationaux que le contrôle de la PESC peut et doit reposer. §

Un tel contrôle doit s'exercer en partie au plan national, dans le cadre des relations de chaque parlement avec son gouvernement, mais il doit tout autant s'exercer à l'échelon de l'Union européenne. Au travail collectif des gouvernements doit répondre le contrôle collectif des parlements nationaux. Comment ?

Actuellement, c'est sur l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale, l'UEO, que ce contrôle repose. Celle-ci est la seule instance parlementaire européenne dans laquelle des parlementaires nationaux peuvent assurer un suivi régulier des questions de sécurité et de défense, incluant un dialogue avec des responsables gouvernementaux.

M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

La qualité des travaux de l'Assemblée de l'UEO est bien connue, mais sa position est fragile. Cette situation complexe ne fait pas de cette assemblée une instance aisément identifiable par les citoyens.

Aujourd'hui, nous devons, me semble-t-il, réfléchir à une formule permettant de préserver les acquis de l'Assemblée de l'UEO tout en lui donnant une base au sein de l'Union européenne. Une solution pourrait être de la rapprocher de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires et européennes des Parlements de l'Union européenne, ou COSAC. Depuis le traité d'Amsterdam, celle-ci a le mérite d'avoir une base dans le droit primaire de l'Union. Elle est composée de six représentants de chacun des parlements nationaux des Etats membres et de six représentants du Parlement européen. À mon sens, la COSAC a vocation à exercer une telle responsabilité. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de m'en entretenir avec l'actuel président de l'Assemblée de l'UEO, notre collègue Jean-Pierre Masseret.

Si l'on adoptait cette solution, les parlements nationaux disposeraient ainsi d'un instrument pour leur rôle collectif. En outre, si M. Solana va devant le Parlement européen, il a toujours refusé de se rendre devant l'Assemblée de l'UEO. C'est curieux !

M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Dans cette hypothèse, le Parlement européen serait moins tenté d'exiger au détour de la discussion budgétaire des pouvoirs que la logique intergouvernementale de la PESC ne lui reconnaît pas.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en vous faisant part de mes constats et de certains regrets, j'ai fait mon devoir, et ce dans tous les sens du terme.

J'en suis bien conscient, ce que peut dire la représentation nationale est le plus souvent vain, car il existe un dialogue de sourds entre, d'une part, les « sachants » et les experts et, d'autre part, les ignorants que nous serions. Nous prêchons dans le désert politique et administratif sans laisser entrevoir la bonne nouvelle, qui serait un sursaut européen. Mais un tel sursaut ne se fera pas sans les États-nations, c'est-à-dire sans nous. Comme le rappelait la présidence autrichienne, l'Europe commence chez soi, chez nous et en chacun d'entre nous.

(Exclamations ironiques.) En tout cas, le pire n'est jamais sûr !

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Si Dieu me prête vie, je vous donne rendez-vous l'année prochaine pour l'examen de ce budget. Mais les élections présidentielle et législatives seront passées par là. La situation aura en apparence évolué, mais je crains que rien n'ait réellement changé. §

M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais à mon tour vous faire partager quelques observations pour ne pas succomber à l'euroscepticisme.

Je salue l'appel très fervent de M. le rapporteur spécial, de M. le rapporteur général et, naturellement, de M. le président de la délégation pour l'Union européenne en faveur d'un sursaut européen.

Madame la ministre, la cohésion sociale sur l'ensemble du territoire européen et les conséquences de la mondialisation sont nos principaux sujets de préoccupation.

L'Europe est d'abord économique, avec un marché et une monnaie uniques.

Mais comment se fait-il que, politiquement, l'Europe fonctionne comme une espèce de syndicat intercommunal à vocation multiple, ou SIVOM, avec des arbitrages d'ordre cantonal ?

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Cela donne du grain à moudre au préfet du département, qui devient subitement le gestionnaire des fonds structurels et conserve ainsi l'impression d'exister et d'exercer un rôle institutionnel.

Pendant ce temps-là, que se passe-t-il sur le terrain ? Les uns et les autres, nous nous sommes battus pour doter l'Europe d'une monnaie unique et pour éviter d'en faire une Europe inique du fait des dévaluations compétitives. Nous avons ainsi une monnaie unique.

Dans les années deux mille, une bourse paneuropéenne, Euronext, regroupant les bourses nationales de Paris, Amsterdam, Bruxelles ou Lisbonne a été mise en place. Elle fonctionne plutôt bien, on en a fait une société, qui est cotée en bourse. Les premiers actionnaires, les banquiers français, prennent leurs plus-values et laissent cette bourse à des fonds d'investissements.

Or, aujourd'hui, cette bourse paneuropéenne va passer sous le contrôle du New York Stock Exchange ! Politiquement, le Président de la République est intervenu. Mais sommes-nous allés jusqu'au bout, madame la ministre ? Une bourse n'est pas simplement une société de marché : elle exerce des prérogatives qui lui sont conférées par la puissance publique. Comment se fait-il que le politique ne se soit pas plus impliqué dans ce dossier ? Pourquoi a-t-on d'emblée écarté une convention, sans doute mal ficelée, avec la bourse de Francfort ?

En outre, dans le présent projet de loi de finances, je note l'apparition d'une ligne nouvelle : le fonds d'ajustement à la mondialisation. Formidable, mais pathétique ! On intervient alors que les emplois sont partis, c'est-à-dire que l'on se donne les moyens de venir en aide à celles et ceux qui ont perdu leur travail à cause des délocalisations.

Mais que signifie cette attitude politique, madame la ministre ? L'Europe ne devrait-elle pas plutôt prévenir les délocalisations, en renforçant la compétitivité du territoire européen et en donnant à la gouvernance politique des instruments pour lutter contre cette espèce de fatalité selon laquelle toute notre production devrait partir ailleurs ? Mais non ! On préfère appeler le SAMU ou utiliser d'autres instruments pour aider les victimes à faire leur deuil de la situation ! On crée ainsi un guichet supplémentaire. Comme le soulignait voilà quelques instants M. le rapporteur général, c'est l'Europe des guichets, des clientèles et de l'assistanat !

Madame la ministre, notre foi en l'Europe est inébranlable. Mais, pour prévenir cette dilution, cet abandon et cette espèce de fatalisme, je voudrais vous exprimer ma protestation. De la part de notre gouvernement, j'attends mieux que des fonds pour panser les plaies et pour apaiser les amertumes.

Je voudrais que l'Europe s'engage dans des politiques commerciales cohérentes. Le yuan est sous-évalué, peut-être à hauteur de 50 %. J'attends que l'Europe prenne des positions claires pour exercer une pression sur les autorités chinoises.

L'Europe est totalement inerte, résignée. D'un côté, il y a la stratégie de Lisbonne, qui est incantatoire : c'est un modèle parfait pour « faire de l'Union européenne l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010 ». Mais, de l'autre côté, sur le terrain, il ne se passe rien.

Ensuite, on nous raconte des belles histoires pour tenter d'anesthésier un peu plus ceux qui ont des sursauts de conscience et d'interrogation.

Madame la ministre, je sais votre engagement et je rends hommage à votre action, mais je voudrais que vous puissiez faire bouger les lignes et secouer le cocotier européen.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 26 minutes ;

Groupe socialiste, 18 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 10 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 8 minutes.

Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum pour vingt minutes.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l'issue de près de deux ans de négociations pour le moins laborieuses, l'Union européenne vient de se doter d'un cadre financier pluriannuel couvrant la période 2007-2013. Mais à quel prix !

Les perspectives financières ainsi fixées masquent mal le vide politique et la crise institutionnelle de l'Union européenne. Les intérêts des États membres sont entrés en conflit au point de créer une situation inédite dans l'histoire des négociations budgétaires européennes : pour la première fois, un « paquet final » proposé par une présidence a été rejeté.

Dès décembre 2003, un groupe de six États membres, dont la France, avait exprimé son refus d'une forte croissance du budget européen : position frileuse, significative de la crise que traverse une Union européenne incapable de se rassembler et d'agir en faveur de l'intérêt des peuples européens.

Ce n'est que le 4 avril 2006 qu'un compromis sur le nouveau cadre financier 2007-2013 a été obtenu. Il prévoit 864, 3 milliards d'euros de crédits d'engagement, soit 1, 048 % du revenu national brut de l'Union et 820, 78 milliards d'euros de crédits de paiement, soit 1 % du revenu national brut. Pourcentages peu ambitieux !

La continuité avec les budgets précédents est flagrante et l'on ne peut que regretter que le budget de l'Europe, pour la période 2007-2013, ne semble pas en mesure de répondre à des défis considérables, tels que la solidarité dans le contexte d'une Union à vingt-sept, l'affirmation d'une Europe plus forte, agissant pour un monde plus solidaire et plus sûr, le progrès de la citoyenneté et de la participation des peuples, ou encore la résorption du déficit démocratique de l'Union.

La remise en cause de la correction dont bénéficie le Royaume-Uni depuis 1984 constitue certes une avancée importante. Cette rupture dans le système de financement de l'Union constituait un objectif majeur de la France, principal financeur de ce dispositif, à hauteur de 27 %. L'accord conclu lors du Conseil européen de décembre 2005 met également fin au paradoxe qui voulait que le Royaume-Uni, fervent promoteur de l'élargissement, soit l'un des États membres qui contribuait le moins à son financement.

C'est donc bien une décision importante, mais nous désapprouvons les modalités comptables de calcul des dépenses des États membres et les « retours nationaux », qui déprécient les discussions et contreviennent à l'esprit de solidarité qui devrait animer la construction européenne. La contribution des États membres devrait être présentée comme une ambition et non simplement comme un coût.

Cette année, la procédure budgétaire communautaire revêt une importance particulière puisqu'elle constitue la première année de mise en oeuvre des nouvelles perspectives financières dans une Europe à vingt-sept.

Le projet de budget communautaire pour 2007 n'est pas complètement arrêté à l'heure où nous débattons. Il ne peut être définitif qu'après une seconde lecture par le Conseil de l'Union - elle a eu lieu le 21 novembre - et par le Parlement européen, où elle se déroulera en décembre. Par conséquent, comme chaque année, des modifications peuvent intervenir entre le présent projet de budget et sa version finale. Notre vote n'a donc aucun intérêt.

Je regrette d'ailleurs que l'hypothèse, en principe envisageable, d'un vote négatif de notre Parlement sur ce projet de budget puisse provoquer une condamnation pure et simple de notre pays par la Cour de justice des Communautés européennes. La France serait alors contrainte de verser le montant des sommes fixées par le budget de l'Union, ce qui montre les limites du présent exercice.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

J'en reviens au projet de budget proprement dit. Le montant total des dépenses est fixé à 125, 7 milliards d'euros en crédits d'engagement et à 114, 6 milliards d'euros en crédits de paiement. Il s'établit ainsi à 1, 08 % du revenu national brut de l'Union en crédits d'engagements, tandis que le projet de budget pour 2006 ne représentait que 1, 005 % du revenu national brut : une légère augmentation est donc à noter. Cependant, comme je l'ai déjà dit, ce budget s'inscrit simplement dans la continuité des précédents. Notre rapporteur spécial a rappelé ce matin le montant de la contribution française.

S'agissant des politiques de compétitivité, les crédits d'engagements augmentent de 11, 3 % par rapport au budget pour 2006, tandis que les crédits de paiement diminuent de 8, 9 %. Cette dernière diminution résulterait d'une sous-exécution significative au titre des anciennes programmations, ce qui est regrettable, d'autant que la recherche est la principale dépense concernée. La recherche dans le domaine de l'espace et de la sécurité absorbera 50 millions d'euros et 48 millions d'euros seront consacrés au sixième programme-cadre de recherche et développement.

Les crédits d'engagements pour les actions relevant de la sous-rubrique « Liberté, sécurité et justice » augmentent de 2, 2 % par rapport au budget pour 2006 tandis que les crédits de paiement diminuent de 25 %. La moitié de ces crédits d'engagement seront consacrés au nouveau programme-cadre « Solidarité et gestion des flux migratoires », qui recouvre le fonds pour les frontières extérieures, le fonds européen pour les réfugiés, le fonds européen pour l'intégration des ressortissants de pays tiers et le fonds européen pour le retour.

À cet égard, nous lançons une mise en garde : l'Union européenne ne doit pas se transformer en forteresse et mettre en place des politiques fondées sur des systèmes de contrôle policiers sophistiqués, sur le recul du droit d'asile ou sur les centres de rétention.

Elle doit apporter d'autres réponses, par exemple en déployant tous les efforts nécessaires pour relancer le partenariat euro-méditerranéen. Car, dix ans après la déclaration de Barcelone, ce dernier reste une coquille vide. Il importe donc que, au-delà des déclarations d'intention, l'Union se donne enfin un projet politique et les moyens de le réaliser, un projet au service de la paix, de la justice et de la solidarité avec le Sud.

S'agissant des actions extérieures, les crédits de cette politique sont en forte diminution, de 21, 5 % pour les crédits d'engagement et de 15, 9 % en crédits de paiement. Un budget de 6, 6 milliards d'euros leur est octroyé. La diminution importante des crédits par rapport à 2006 se trouve, certes, en partie justifiée par le fait que les aides de pré-adhésion aux dix nouveaux États membres arrivent à extinction cette année.

En tout état de cause, cela montre que l'Union européenne n'est pas prête à s'imposer comme un acteur mondial sur la scène internationale. Notons que l'action extérieure subissait déjà une réduction de crédits de 3, 7 % dans le budget pour 2006. Nous ne pouvons que manifester une vive inquiétude face à cette nouvelle baisse encore plus forte. La diminution de l'engagement financier européen atteste un désengagement politique.

Force est de constater que l'Union européenne n'est toujours pas prête à prendre ses responsabilités ni à peser dans la politique internationale, notamment dans le conflit du Proche-Orient. N'attendons pas l'évolution de la position américaine, engagée dans un soutien toujours plus poussé à la politique de colonisation israélienne !

Permettez-moi d'ailleurs d'exprimer ma plus vive inquiétude face aux déclarations du ministre des affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, le 19 octobre dernier, sur une télévision de la communauté juive française. Il a affirmé avoir « beaucoup évolué » en faveur du « mur de séparation » qu'Israël érige en Cisjordanie, en soulignant « qu'Israël a droit à la sécurité ». Ces propos sont inacceptables, ils signifient implicitement que le « droit légitime d'Israël à la sécurité » serait de nature à atténuer l'illicéité de la construction du mur...

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

... ce qui est absolument contraire à l'avis rendu le 9 juillet 2004 par la Cour internationale de justice, plus haute instance judiciaire des Nations unies, qui condamne cette construction, en demande la démolition ainsi que l'octroi d'une réparation aux populations victimes. Nous considérons qu'il est grand temps que l'Europe prenne ses responsabilités et agisse pour une paix juste et durable au Proche-Orient.

En définitive, le budget que vous défendez, madame la ministre, s'inscrit dans la continuité du projet de société libérale que l'on nous propose. Le groupe communiste républicain et citoyen récuse donc l'esprit qui anime ce projet de budget et votera en conséquence contre le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le vote du montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'État au titre de la participation au budget des Communautés européennes constitue, chaque année, une curiosité de notre débat budgétaire.

Après l'Assemblée nationale, le Sénat n'a, en l'occurrence, que le pouvoir de prendre acte de ce montant, fixé pour 2007 à 18, 696 milliards d'euros. La représentation nationale ne peut, en effet, qu'assumer les obligations financières découlant des traités signés par la France au niveau européen. En tout état de cause, une attitude de refus du Parlement n'exonérerait en rien la France de ses obligations et ne ferait qu'ajouter à la confusion qui caractérise trop souvent les débats européens.

De plus, le montant soumis à notre vote est lui-même susceptible de variations puisque la procédure budgétaire européenne n'est pas achevée et que le Parlement européen ne procédera à la seconde lecture de son budget que du 11 au 14 décembre. Il semblerait, madame la ministre, qu'un accord soit intervenu hier lors du « trilogue », c'est-à-dire en fait un dialogue à trois, mais nous n'en connaissons pas le contenu à l'heure où nous débattons.

En résumé, quelle que soit l'opinion du Sénat sur la hauteur ou le contenu du budget de l'Union européenne, quelle que soit sa décision sur le montant du prélèvement à opérer sur les recettes de l'État, la France devra acquitter une contribution dont la valeur définitive dépendra, en réalité, de l'exécution du budget européen. Cette situation démontre clairement les limites réelles de notre pouvoir de décision sur ce sujet et le caractère virtuel de notre débat.

La nécessité de doter l'Union européenne d'un véritable système de ressources propres, liées au dynamisme économique, s'impose si nous voulons affirmer une ambition européenne, tout en plaçant le Parlement européen face à ses responsabilités, et sortir des querelles nationales de financement qui bloquent toute évolution significative. Tant qu'il perdurera, le système des contributions nationales, aujourd'hui à bout de souffle, assurera de beaux jours à la théorie des « justes retours », où chaque État membre est essentiellement préoccupé par la préservation de ses intérêts nationaux, mesurés à la modicité du coût subi et à l'ampleur des avantages accordés.

L'Union européenne doit disposer de ressources solides et durables au service d'une politique approuvée par les citoyens ; celles-ci ne peuvent plus être obtenues par des mécanismes de correction ou de régulation des soldes nets comptables.

Le budget de 2007 sera le premier budget des nouvelles perspectives financières ; il sera aussi le premier budget de l'Europe des Vingt-Sept, à la suite de l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, le 1er janvier 2007. En dépit de ces particularités, il se caractérise par son manque d'ambition, illustrant l'incapacité de l'Union européenne à promouvoir des projets nouveaux, résultant d'une volonté commune.

Cette situation n'est pas surprenante, elle n'est que la conséquence directe du laborieux compromis élaboré, lors de la présidence britannique, en décembre 2005. Chaque État membre a privilégié la défense de ses intérêts nationaux, au sens le plus étroit, au détriment de l'intérêt général des Européens.

Dans son rapport spécial, notre collègue Denis Badré effectue une analyse détaillée du budget de l'Union. Elle contient toutes les précisions chiffrées nécessaires et fait apparaître clairement que l'effort net de la France reste modeste par rapport à ceux de l'Allemagne, de la Suède et surtout des Pays-Bas. Il varie, selon les méthodes d'évaluation, entre 0, 17 % et 0, 20 % du revenu national brut. Entre 2007 et 2013, le coût net de l'Union ne dépassera pas 109 euros par an et par Français.

Établies sur la base d'un montant de dépenses fixé à 1, 045 % du RNB de l'Union européenne, les perspectives financières tracées pour la période 2007-2013 permettront donc difficilement de faire face aux enjeux d'une Europe qui a besoin de politiques communes dans de nombreux domaines : l'énergie, l'industrie, le développement durable, la recherche, les infrastructures ferroviaires et fluviales. Elles permettront tout au plus d'aménager les équilibres existants, de modifier à la marge la structure des dépenses, alors qu'il faudrait réformer en profondeur une architecture budgétaire frappée d'inertie.

C'est pour cette raison que le budget européen pour 2007 semble, comme le disait à l'Assemblée nationale mon ami Jérôme Lambert, n'être que la copie du précédent, lui-même copie du précédent, etc. Tout semble figé par l'incapacité de l'Union à décider et à mettre en oeuvre des projets concrets, lisibles. De plus en plus, j'ai la conviction que notre contribution au budget de l'Union vient à l'appui d'un projet politique européen illisible et contradictoire pour nos concitoyens.

L'échec de la révision de la directive sur l'aménagement du temps de travail est un exemple précis et emblématique d'une Europe en mal de dynamique et de volonté.

Le problème posé était simple : est-il possible de supprimer, dans la directive sur l'aménagement du temps de travail, la clause d'exception autorisant les États membres qui le souhaitent à dépasser la durée maximale hebdomadaire de travail, fixée à 48 heures, à la seule condition que le travailleur concerné donne personnellement son accord ?

Les Britanniques, rejoints et soutenus par plusieurs nouveaux États membres de l'Union, ont refusé la suppression de cette clause d'exception, allant même jusqu'à rejeter l'idée d'une période transitoire à l'issue de laquelle cette suppression interviendrait.

Le Conseil extraordinaire des ministres de l'emploi et du travail, réuni le 7 novembre, s'est donc soldé par un nouvel et retentissant échec dans le domaine de l'Europe sociale. La modeste avancée qui aurait rendu le droit communautaire applicable dans tous les États membres de l'Union ne se concrétisera pas. La présidence finlandaise a déploré cette situation, et la prochaine présidence allemande a déjà fait savoir que le sujet ne serait pas abordé au cours du premier semestre de 2007.

Une nouvelle fois, le triste constat de l'incapacité de l'Union européenne à suivre la voie du progrès social s'est imposé.

Si l'Union européenne peut revendiquer d'incontestables succès, s'agissant de la création d'un espace de paix, du développement des libertés et de la démocratie politique, son bilan en matière économique et sociale est beaucoup plus contrasté. La faiblesse de la croissance, l'importance du chômage, la montée de la précarité engendrent les difficultés importantes rencontrées par les citoyens européens dans leur vie quotidienne. La perte de confiance dans l'Union est nourrie par la paralysie du Conseil européen sur toutes les questions clés pour l'avenir de l'Europe.

En mars prochain, nous allons célébrer le cinquantième anniversaire du Traité de Rome, qui, après l'échec de la Communauté européenne de défense, créait la Communauté économique européenne et engageait la réalisation du Marché commun. Rappelons-nous que, à la même époque, le Royaume-Uni refusait de participer à la démarche des Six et préférait, avec sept autres pays européens, constituer l'Association européenne de libre-échange, avec pour ambition la création d'une vaste zone de libre-échange. Aujourd'hui, l'AELE n'existe plus, et les pays qui la composaient ont, à l'exception de la Norvège, rejoint par vagues successives ce qui est devenu l'Union européenne.

La démarche entamée à Rome a donc prévalu, parce qu'elle a mobilisé la volonté politique d'États qui associaient, pour partie, leurs destins.

Toutefois, ce succès ne débouche-t-il pas aujourd'hui, de manière paradoxale, sur un certain échec ? Ne sommes-nous pas parvenus à un stade où le risque est grand, pour l'Union, de se limiter à être un simple espace économique où le marché impose sa loi sans qu'existent les contre-pouvoirs politiques suffisants pour protéger les citoyens européens ? N'est-ce pas, en définitive, la vision britannique de la création d'une simple zone de libre-échange qui a prévalu ?

Si nous voulons que l'Europe redevienne un espace de croissance, vécu par ses habitants comme une chance, il importe de relancer la dynamique européenne et de donner à ses citoyens des raisons d'espérer, en rompant avec le cours trop libéral imprimé à la construction européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. Bernard Frimat. Donner la priorité à la recherche du plein emploi en levant le carcan qu'impose la Banque centrale européenne, promouvoir un traité social qui harmonise par le haut les droits sociaux, retrouver, sur le plan institutionnel, une capacité de décision, tels sont, pour nous, les vrais enjeux du débat européen : à la France d'avoir la volonté de s'impliquer dans cette démarche.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme chaque année, nous débattons aujourd'hui - et je suis heureux que nous ayons cette possibilité de nous exprimer sur ce sujet - de la participation de la France au budget des Communautés européennes.

Je ne reviendrai pas sur l'économie générale de l'article 32 du projet de loi de finances pour 2007, d'autres avant moi, en particulier notre excellent rapporteur, M. Denis Badré, l'ayant exposée dans le détail.

Le prélèvement opéré, au travers de cet article, s'élève à 18, 7 milliards d'euros, soit une augmentation de 5, 1 % par rapport à la prévision d'exécution pour 2006, dans le contexte des perspectives financières tracées pour la période 2007-2013 et de l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie.

Le centre de gravité du budget communautaire se déplace pour la première fois, puisque la politique de cohésion est désormais le premier poste de dépenses de l'Union européenne, avec 36, 2 % des crédits d'engagement, devant les dépenses agricoles de marché, qui représentent 34, 2 % de ces derniers.

Le mode de financement de l'Union repose sur des contributions des États membres, dont la ressource assise sur le revenu national brut communautaire constitue toujours une part très majoritaire.

Je souhaiterais, dès lors, aborder plusieurs questions d'ordre général, et surtout relever plusieurs paradoxes.

S'agissant tout d'abord des recettes du budget européen, il est paradoxal, comme l'a souligné Denis Badré, de parler de budget autonome et indépendant des États membres, eu égard à la renationalisation progressive des ressources et à la prépondérance des crédits issus des RNB nationaux.

Par conséquent, comme nous le disons depuis déjà plusieurs années, nous devons dès aujourd'hui réfléchir à une réforme ambitieuse du mode de financement de l'Union européenne, en particulier grâce à la mise en place d'un véritable impôt européen, ce qui irait dans le sens d'une plus grande démocratie et d'une plus grande transparence.

Pour la première fois, nous permettrions à nos collègues parlementaires européens de sortir du statut curieux qui est le leur : ils sont en effet les seuls parlementaires, dans les démocraties existantes, à ne voter que des dépenses, sans voter les recettes et donc sans assumer la levée des impôts devant leurs électeurs.

Peut-être pourrions-nous aussi leur demander d'être plus audacieux et de se transformer en assemblée constituante sur ce sujet. Ce serait là une initiative assez hardie, mais si l'évolution de l'Europe peut se faire à petits pas, elle a aussi besoin d'actes forts qui secouent un peu les torpeurs retardatrices. C'est devant les électeurs qu'ils prendraient eux-mêmes la responsabilité de demander, comme ils l'ont fait cette année avec la Commission européenne, une forte augmentation des dépenses communautaires.

Peut-être cette responsabilité nouvelle leur éviterait-elle aussi de tomber dans un autre paradoxe, que je relève dans les nouvelles perspectives financières ouvertes à l'Union européenne.

Je voudrais évoquer, à cet instant, le cas de l'Agence européenne des droits fondamentaux. Trente millions d'euros sont affectés au financement de cette agence, alors que la Cour européenne des droits de l'homme intervient déjà quand le respect des droits de l'homme est mis en cause dans les États membres. Les recours sont nombreux, ce qui explique que sa situation financière soit critique, même si l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a fait énormément d'économies. Pourtant, on a décidé de consacrer 30 millions d'euros à la création d'une nouvelle agence européenne ayant une mission similaire...

Nous savons tous, madame la ministre, qu'une somme proche de 1 million d'euros est nécessaire pour débloquer la situation et entraîner la décision du prochain Comité des ministres. La France, pays hôte du Conseil de l'Europe, peut-elle être, au côté du Royaume-Uni, de la Pologne et de la Suisse, responsable du blocage de cette évolution ? Au regard de son histoire, notre pays ne serait pas crédible dans un tel rôle.

Renonçons donc, madame la ministre, à la création de l'Agence européenne des droits fondamentaux, le Conseil de l'Europe remplissant depuis longtemps, avec sérieux et impartialité, les missions que lui ont confiées ses pères fondateurs, Winston Churchill, Edouard Herriot ou Konrad Adenauer. Les citoyens européens s'y retrouveront !

J'en reviens maintenant à des remarques plus générales sur le budget des Communautés européennes.

Responsabiliser les députés européens n'est pas suffisant pour donner plus de force à la politique budgétaire européenne. Il faut aussi réfléchir à une autre façon de la développer, de manière plus ambitieuse, en sortant, sans coût supplémentaire, du périmètre du budget européen actuel.

M. le rapporteur spécial a fait allusion aux nouveaux mécanismes de financement extrabudgétaires, tels la « facilité financière de partage du risque » ou « le fonds d'ajustement à la mondialisation », critiqué à juste titre par M. le président de la commission des finances. Cependant, nous devons aller plus loin dans la réflexion.

Il est notamment nécessaire que s'instaure une plus grande concertation entre les États membres, plus particulièrement entre les ministres ayant les mêmes attributions. Quand aurons-nous, dans le cadre de la préparation du budget annuel, des réunions communes des ministres responsables d'un même département, accompagnés de représentants de leurs services budgétaires ? Quand aurons-nous, sur le plan budgétaire, des « réunions de Bercy » européennes, qui permettraient d'aller beaucoup plus loin que le pacte de stabilité ?

Cela alourdirait peut-être la procédure mais aurait le mérite et la vertu de coordonner un certain nombre de politiques à l'échelle européenne, d'éviter les redondances et de dégager de nouvelles marges de manoeuvre, grâce aux synergies mises en place dans ce contexte. Cela nous permettrait peut-être aussi, en amont, d'envisager les problèmes et de sortir de la « politique des guichets ».

Prenons l'exemple de la défense, qui, compte tenu des montants considérables qui sont en jeu, exige une mutualisation des matériels, des missions et des hommes. La création de l'Agence européenne de défense, chaque État contribuant à son budget, à hauteur de seulement 4, 5 millions d'euros en ce qui concerne la France, répond à ce besoin et est un bon exemple d'initiative budgétaire européenne hors budget européen. Elle constitue les prémices d'une politique de défense européenne industrielle plus intégrée.

Un certain nombre de politiques nationales, dont le champ d'action est aujourd'hui circonscrit aux frontières de l'État concerné, pourraient ainsi atteindre la taille critique nécessaire à une plus grande cohérence et, surtout, à une influence bien plus large devant la mondialisation. En particulier, les politiques liées à la stratégie de Lisbonne gagneraient en efficacité, comme l'a dit M. Badré, si elles étaient menées en commun.

Par ailleurs, pourquoi ce travail d'harmonisation budgétaire ne serait-il pas aussi accompli par les parlements nationaux et en leur sein ?

Pour étoffer l'action budgétaire de l'Europe, nous aurions ainsi, d'un côté, le budget communautaire, pour lequel on doit sortir de la logique de représentation des intérêts nationaux, et, de l'autre, une multitude d'initiatives des États membres, qui permettraient à ceux-ci de ne pas se sentir écartés de la construction européenne par une « nomenklatura » européenne efficace, mais aux décisions mal comprises, semblant quelquefois éloignées des préoccupations des opinions publiques.

Ce serait un moyen de faire évoluer la construction européenne, en nous rendant moins prisonniers des limites des institutions actuelles. Cela nous permettrait de retrouver le pragmatisme que les pères fondateurs de l'Europe, comme Robert Schuman, ont toujours souhaité.

L'Europe doit d'abord être une volonté commune. Cette volonté, elle doit la retrouver, et c'est en partie par l'extension de l'harmonisation des budgets nationaux qu'elle y parviendra.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur quelques travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le vote de ces quelque 18 milliards d'euros de contribution au budget européen a surtout le mérite de nous amener à réfléchir à l'avenir de l'Europe.

Je suivrai les conseils de notre rapporteur spécial, Denis Badré : je ne m'enfermerai pas dans une analyse du taux de retour. Ce serait une grave erreur de ne s'en tenir qu'aux 13 milliards d'euros du budget européen qui nous reviennent.

La commission des finances, à travers son rapporteur général et son président, ainsi que la délégation européenne, par la voix de son président, nous ont d'ailleurs invités à participer à cette réflexion sur l'avenir de l'Europe dans cette période qui est cruciale.

Madame la ministre, je tiens à vous rendre hommage : il n'est en effet pas très facile, après le non de la France au référendum, de faire exister notre pays en Europe et de faire passer des messages. Mais, il faut le souligner, vous avez su vous imposer.

Mes chers collègues, il nous appartient de faire en sorte que l'année prochaine, lors du grand débat politique qui précédera l'élection présidentielle, les choix fondamentaux en matière européenne soient abordés. Le nouveau Président de la République et la majorité issue des élections législatives devront avoir pour mission de proposer à l'Europe un traité simplifié - peu importe son nom - qui corresponde à la réalité de la situation européenne. Notre pays doit être capable, notamment lorsqu'il assumera la présidence de l'Union européenne, de donner un véritable élan et une ambition à l'Europe.

Après que nous aurons fêté - sous présidence allemande - les cinquante ans du Traité de Rome, la France devra saisir cette chance pour affirmer hautement cette ambition et se donner les moyens, dans le respect des votes des autres pays, de pouvoir participer pleinement, sans craindre de perdre des voix de-ci de-là, à cette nouvelle marche en avant que je souhaite pour l'Europe.

À ce moment-là, il faudra traiter de manière très objective les problèmes de la gouvernance, des élargissements, et des politiques communes, y compris la politique agricole commune.

Nous tenons à cette politique, qui a d'ailleurs su évoluer à plusieurs reprises ; elle offre une chance pour l'agriculture européenne, mais aussi pour l'aménagement du territoire et l'espace rural et pour l'environnement.

Il n'est pas possible de comparer les crédits accordés par l'Europe à l'agriculture et ceux qu'elle consacre aux autres secteurs, sans préciser que la PAC est bien une politique commune. Si l'on additionne les dépenses agricoles des États et de l'Europe, cela ne représente que 0, 5 % du PIB européen, ainsi qu'on nous l'a rappelé hier lors d'une réunion de la délégation pour l'Union européenne. Arrêtons de dire que ces dépenses sont trop élevées !

Ayons le courage de plaider pour une politique commune de la recherche et du développement, dont tout le monde reconnaît l'importance capitale pour l'Europe. Cela permettra d'augmenter les participations financières à ce budget.

Je souscris totalement aux propos de notre collègue Yves Pozzo di Borgo : nous avons besoin de ressources propres européennes, c'est-à-dire d'un véritable impôt européen, qui permettra au Parlement européen de jouer pleinement son rôle.

En revanche, le propos du président de la délégation pour l'Union européenne m'a paru un peu sévère. Si le Parlement européen veut entendre M. Javier Solana, ce n'est pas pour se substituer aux chefs d'État pour engager des guerres. En France, d'ailleurs, c'est le chef de l'État qui engage les armées, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Les députés européens ne peuvent pas se substituer au Conseil en matière de défense, même s'ils peuvent être appelés à voter des budgets. Je remercie cependant le président de la délégation pour l'Union européenne d'avoir ouvert ce débat, qui est très intéressant.

Sur le budget, l'accord du 17 mai 2006 a d'abord eu le mérite - comme cela a été souligné - d'être un accord interinstitutionnel : le Parlement européen a pu jouer son rôle, et il a d'ailleurs bloqué des décisions du Conseil.

Ensuite, et bien que cet accord soit à mes yeux insuffisant, il permet de poursuivre les politiques communes jusqu'en 2013. Je pense notamment à la politique agricole commune, essentielle pour les agriculteurs, qui ne représente d'ailleurs plus que 40 % du budget européen.

Enfin, il respecte les engagements pris lors des élargissements. Même si je ne partage pas l'analyse du rapporteur général sur la Turquie, j'ai été très sensible aux propos qu'il a tenus quant à l'intérêt que nous avions à suivre la situation des deux pays - Bulgarie et Roumanie - qui vont entrer dans l'Europe.

Heureusement que nous avons répondu à leur attente car, après avoir été les victimes de Yalta et d'un système impossible, ils aspirent aujourd'hui à la démocratie et au développement économique, social et politique. Ces pays sont appelés à occuper une place importante en Europe. N'oublions pas, en effet, ce qui se passe dans les Balkans ! Nous serons peut-être un jour bien heureux de les voir jouer un rôle pour créer une dynamique de paix et de respect mutuel dans la région !

Bref, l'accord interinstitutionnel budgétaire a permis de répondre à toutes ces attentes sans nous dépouiller.

La négociation ouverte par le Gouvernement français avec les collectivités territoriales, qu'elles soient régionales ou départementales, pour l'application des crédits européens devrait d'ailleurs être l'occasion de mieux faire percevoir par les bénéficiaires l'origine des fonds. Les crédits du FEDER, du FEADER ou du FSE sont en effet des leviers importants pour l'aménagement rural, l'emploi, le soutien à la recherche et l'environnement.

Je voudrais terminer, comme Denis Badré, en lançant un cri d'espérance : arrêtons de nous « autoflageller ». La situation est certes difficile, mais elle révèle les âmes fortes. J'espère que l'élection présidentielle, puis les élections législatives permettront de faire trancher par le peuple ce débat et de retrouver l'espérance et la flamme européennes.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la fin de l'année dernière, lors de ce même débat, nous constations que la construction européenne était en crise. Un an après, le constat reste malheureusement inchangé : manque d'initiative politique, manque de perspectives et manque de priorités clairement définies dans le budget européen. À en croire le Président de la République, 2006 devait être une « année utile ». Dans ce domaine comme dans d'autres, il est permis d'en douter !

Madame la ministre, sans nier vos efforts personnels, force est de poser la question : qu'a fait le Gouvernement pour l'Europe, cette année ? La presse se fait d'ailleurs l'écho ces derniers jours de l'absentéisme notoire de certains ministres français - notamment celui de l'intérieur - aux Conseils européens, qui ne peut qu'être préjudiciable à l'image et à l'influence de la France en Europe.

Je pourrais reprendre mot pour mot mon intervention de l'an dernier. En effet, les États membres ne semblent plus être capables aujourd'hui de dépasser leurs intérêts nationaux et de retrouver un élan collectif fondé sur la recherche d'avantages communs. Le compromis financier européen d'avril 2006, proche de celui de décembre 2005, l'illustre malheureusement assez bien. Dépasser la conception d'une Union européenne réduite à la somme des intérêts de chaque État membre me semble aujourd'hui une urgence.

Bernard Frimat a eu raison de rappeler que ce budget sera le premier de la période 2007-2013 et qu'il sera le premier de l'Europe à vingt-sept.

En raison de son rôle fondateur dans l'Union européenne et du rejet, l'année dernière, de la Constitution européenne, la France a un double devoir d'impulsion d'une relance européenne. Or personne en Europe ne perçoit cet élan. Certes, une augmentation de 5, 1 % de la contribution de la France au budget des Communautés européennes pour 2007 est prévue, mais cela ne permet pas de déterminer des priorités budgétaires nouvelles et lisibles, comme nous l'avions souhaité l'an dernier.

Surtout, cela ne compense pas l'absence de volonté politique claire et de crédit aux yeux de nos partenaires pour prendre des initiatives fortes.

Le bilan de votre politique en matière européenne depuis 2002, c'est que nous avons perdu l'un et l'autre, volonté et crédit, sur la scène européenne. Nous savons aujourd'hui qu'il faudra attendre la présidence allemande en 2007 et un changement de majorité dans notre pays, puis la présidence française, pour créer les conditions de cette relance urgente.

Notre collègue Bernard Frimat a fort bien rappelé tout à l'heure les problèmes liés à la véritable déconnexion du budget de l'Union avec la réalité, ainsi que les risques liés à la directive sur le temps de travail. Pour ma part, je prendrai deux exemples de domaines dans lesquels nous souhaitons restaurer la volonté politique de notre pays : les conséquences de l'élargissement et les fonds structurels.

En effet, depuis le début des négociations sur les perspectives financières, le Président de la République et votre Gouvernement tiennent un double langage. D'un côté, vous voulez prévoir plus d'argent pour les nouveaux États membres, maintenir la PAC et les fonds structurels au même niveau, et assurer pour la France un taux de retour stable. D'un autre côté, vous défendez bec et ongles un budget européen plafonné à 1 % sur l'ensemble de la période.

Votre position a toujours été contradictoire. L'accord interinstitutionnel a fixé un plafond à 1, 04 %, bien loin du compromis luxembourgeois. Je peux comprendre que vous considériez cet accord comme un succès, mais ce n'est pas notre cas : les perspectives financières ne sont à la hauteur ni des besoins des nouveaux États membres ni du besoin des régions pour relancer la croissance et assurer un haut niveau d'emploi.

S'agissant de l'élargissement, si nous ne voulons pas que celui-ci tire l'Union vers le bas et crée ainsi à l'égard de l'Europe une nouvelle désaffection de nos concitoyens et des désillusions chez les nouveaux entrants, la traduction budgétaire doit être à la mesure des enjeux. L'Europe comptera vingt-sept pays dans un mois, avec l'arrivée de la Bulgarie et de la Roumanie. Une solidarité particulière est nécessaire à leur égard, sous peine d'engendrer des difficultés pour l'ensemble des pays de l'Union. Le budget européen leur consacrera 16, 2 milliards entre 2007 et 2009 : ce n'est pas à la hauteur de cette attente.

Ici, en France, doit-on rappeler que ces deux pays, Bulgarie et Roumanie, participent à la francophonie ? À leur égard, la France doit donner des signes tangibles de son engagement dans ces deux causes, l'Europe et la francophonie.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Or, si nous sommes le deuxième contributeur au budget de l'Union en valeur absolue, nous ne sommes que le sixième en pourcentage du PNB.

En ce qui concerne les fonds structurels, nous constatons la même incohérence française. La base de la poursuite de la construction européenne, c'est la solidarité entre les nations et entre les territoires. C'est pour cela que les fonds structurels pour les régions ont été créés.

Or que constate la Cour des comptes européenne dans son rapport annuel ? Les Vingt-Cinq sont loin de consommer tous les crédits : à la fin de 2005, il restait 62, 2 milliards d'euros non engagés. Au 31 juillet 2006, seulement 45 % des crédits avaient été engagés, contre 54 % l'année précédente à la même époque.

La France est particulièrement mal placée en ce domaine. Nous avons dû payer cette année 245 millions d'euros d'amende pour nous acquitter de l'astreinte de sous-utilisation des crédits des fonds structurels alors que des parties importantes de notre territoire et de ses habitants - je pense notamment aux banlieues et aux zones rurales - ont un besoin urgent de ressources. Cette sous-utilisation est incompréhensible. Nous attendons donc, madame la ministre, que vous nous éclairiez sur ce point.

Il est urgent, madame la ministre, de renforcer la solidarité en Europe, avec les nouveaux entrants, d'une part, avec les régions qui en ont le plus besoin, y compris en France, d'autre part. Le budget de l'Union que vous nous avez présenté ne le permet pas réellement et la France en est en partie responsable.

Nous attendions pourtant du Gouvernement de la France qu'il donne l'exemple et qu'il fasse pencher la balance en ce sens dans les négociations européennes. Ce n'est que comme cela que nous pourrons redonner confiance à nos concitoyens dans l'idée européenne.

Pour conclure, je constate que, tout comme en politique intérieure, votre gouvernement laisse se creuser l'écart entre le discours, les orientations affichées et leur traduction en actes concrets, notamment en termes de moyens budgétaires. Ce n'est pas ainsi, madame la ministre, que l'on pourra restaurer le crédit de la France auprès de ses partenaires.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Murat

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas étonnés si j'évoque ce matin l'Europe sous un aspect plus bucolique, à travers ses espaces ruraux.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. La Corrèze !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Murat

Eh oui, il est bien normal que le sénateur de la Corrèze s'intéresse un peu aux problèmes des espaces ruraux et de l'agriculture.

Madame la ministre, voilà quelques mois, lorsque nous sommes allés rencontrer à Bruxelles des commissaires européens, je vous ai fait part de notre espoir de voir ce budget, dont les effets s'étaleront en fin de compte jusqu'en 2013, apporter des garanties pour nos territoires ruraux. Nous devons, nous comme l'Europe, aider ces jeunes agriculteurs, ces femmes et ces hommes extraordinaires qui consacrent tout leur temps à leur passion, car ils sont, en fait, les aménageurs de nos territoires.

Nous examinons ce matin les dispositions relatives au prélèvement opéré sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes. L'occasion m'est donc offerte d'évoquer le premier budget communautaire s'inscrivant dans le cadre des perspectives financières 2007-2013.

Les espaces ruraux ont jusqu'à présent largement bénéficié de la politique régionale, il faut bien le dire. Sur la programmation 2000-2006, ils auront mobilisé près d'un tiers des crédits du FEDER et 26 % des crédits du FSE. L'effet en termes de développement, d'image et de valorisation des territoires ruraux est incontestablement positif. Mais, à l'avenir, la manne des fonds structurels risque d'être moins importante pour ces zones rurales.

Le nouvel objectif est désormais d'aider les régions à anticiper et à promouvoir le changement économique dans les différentes zones, en renforçant leur compétitivité et leur attractivité.

En ce qui concerne plus spécifiquement les espaces ruraux, l'objectif est de concentrer les interventions sur les territoires organisés proposant une stratégie de développement locale intégrée s'appuyant sur un diagnostic de territoire et de concentrer les interventions vers des actions innovatrices. Jusque-là, tout va bien !

Mais, madame la ministre, il importe aujourd'hui que le « fléchage Lisbonne » des crédits ne soit pas considéré comme un obstacle au financement des actions en faveur des espaces ruraux. Via le FEDER et le FSE, les interventions en matière de technologies de l'information et de communication, d'énergies renouvelables ou de création d'entreprises sont primordiales. Le FEDER et le FSE doivent donc conserver une dimension rurale, tout comme le FEADER doit avoir une dimension non agricole et pouvoir exercer une action en faveur de la diversification économique du milieu rural.

En résumé, il s'agit de préserver un volet « développement rural » significatif dans une politique durable de cohésion qui, pour la prochaine programmation, fait la part belle, il ne faut pas le cacher, au développement urbain.

Les territoires ruraux constituent pourtant 90 % de l'espace européen et représentent 25 % de la population de l'Union européenne. Il ne faudrait pas que l'écart existant entre les zones rurales et urbaines s'accentue. Il n'y aura d'ailleurs pas de développement des territoires urbains sans prise en compte des zones périurbaines et rurales.

Plus de poids doit être accordé aux communes rurales, qui représentent aujourd'hui un potentiel de développement inexploité. À l'heure où nous constatons une réappropriation de l'espace rural par les urbains, où les nouvelles technologies modifient en profondeur la vie des campagnes, où une ruralité moderne se met en place, il serait dommageable que l'Europe oublie ces zones rurales.

Vous pensez, madame la ministre, que le milieu rural tient, avec la mise en place de la nouvelle politique de cohésion pour la période 2007-2013, une carte majeure de son propre développement. Peut-être, mais il va falloir l'aider à saisir et à exploiter l'opportunité qui lui est offerte, car elle n'apparaît pas si évidente. Dans ce domaine, de gros efforts d'information doivent être faits, via les chambres d'agriculture.

Une Europe forte, compétitive et solidaire ne pourra se bâtir sans un monde rural européen dynamique.

Je me permettrai donc de proposer la mise en place d'une synergie entre la politique de cohésion et la politique agricole commune, politique agricole sur laquelle je souhaite brièvement donner mon sentiment.

La PAC demeure l'une des rares véritables politiques communautaires, peut-être même la seule. Elle est aujourd'hui, avec la mise en place progressive du découplage, partiel ou total selon les productions agricoles, de la modulation et de la conditionnalité des aides, à un tournant de son histoire. Cela n'a d'ailleurs pas échappé au Président de la République. Si la France est parvenue à garantir la stabilité de son financement jusqu'en 2013, de vives critiques sont émises sur son coût, sur son efficacité économique et environnementale, voire sur sa légitimité.

Comme le suggérait M. le rapporteur spécial, la France va donc devoir profiter de la présidence de l'Union, qu'elle exercera au second semestre de l'année 2008, pour formuler des propositions claires et novatrices, et ainsi s'imposer dans un domaine important pour notre économie et pour nos territoires.

Vous ne m'en voudrez pas, madame la ministre, d'évoquer brièvement, en tant qu'élu de la Corrèze, le projet de budget pour 2007 et ses coupes excessives prévues dans les dépenses agricoles. Ces coupes, qui représentent 746 millions d'euros en crédits d'engagement et 788 millions d'euros en crédits de paiement, affectent des secteurs sensibles comme les aides aux plus démunis, aux producteurs de lait en particulier. Elles ont été dénoncées dans d'autres enceintes, mais je tenais à le dire ici, de même que je souhaitais signaler, en écho à mon propos, la chute des crédits dédiés au développement rural.

Pour beaucoup, le projet de budget pour 2007 ne présente que peu d'innovations. Il est à l'image de l'Union européenne aujourd'hui, c'est-à-dire figé.

Madame la ministre, je formulerai donc un souhait pour conclure : que l'Europe des projets, que nous appelons tous de nos voeux, trouve rapidement une expression telle qu'elle puisse susciter une adhésion nouvelle des Européens et un espoir pour notre jeunesse. Je sais, madame la ministre, que nous pouvons compter sur vous.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai écouté très attentivement vos interventions et j'ai pris bonne note de vos observations dans le cadre de ce débat sur le prélèvement opéré sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes.

Je suis heureuse de vous présenter, pour la deuxième fois, le projet de budget de l'Union européenne pour l'année à venir.

Comme plusieurs d'entre vous, j'irai au-delà des questions budgétaires afin de poursuivre l'échange que nous avons ensemble sur l'Union européenne, échange dont je vous remercie. Je connais en effet l'intérêt que vous portez aux sujets européens. En témoigne le succès des sessions de sensibilisation auprès des institutions européennes que nous organisons avec vous, que vient d'évoquer M. Murat.

Avant de répondre à vos principales interrogations, je tenais donc à vous remercier de votre implication. Permettez-moi de saluer tout particulièrement votre rapporteur spécial, M. Denis Badré, qui a été établi un rapport de grande qualité.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Comme toujours depuis douze ans !

Sourires

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

En effet, monsieur le président !

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez combien je m'emploie au sein du Gouvernement à améliorer la formation et l'association du Parlement...

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

... aux questions européennes. Je pense que nous avons déjà obtenu quelques résultats à cet égard.

Pour ma part, je vous parlerai aujourd'hui du projet de budget communautaire pour 2007 qui, dans son état actuel, est pratiquement définitif. Dans un premier temps, j'évoquerai les résultats de l'accord interinstitutionnel du 17 mai 2006 sur les perspectives financières pour la période 2007-2013. Je terminerai mon propos sur l'avenir du budget communautaire, question dont je sais qu'elle retient votre attention et celle de M. le rapporteur spécial, autant que celle du Gouvernement.

Le projet de budget communautaire pour 2007 est le premier budget établi dans le cadre de l'accord sur les nouvelles perspectives financières 2007-2013, dont sont définitivement convenus le Parlement européen, le Conseil et la Commission le 17 mai dernier.

Cet accord interinstitutionnel avait été rendu possible par l'accord intervenu lors du Conseil européen de décembre 2005 entre les chefs d'État ou de gouvernement des Vingt-Cinq. De notre point de vue, il s'agit fondamentalement d'un bon accord, car il permettra de financer les politiques existantes dans le cadre d'une Europe élargie à vingt-cinq membres, bientôt à vingt-sept, d'assurer la solidarité à l'égard des nouveaux États membres et de lancer ou de renforcer des politiques nouvelles là où elles sont nécessaires.

Ainsi, le montant total du budget communautaire pour la période 2007-2013 atteindra-t-il 864, 3 milliards d'euros en crédits d'engagement. Permettez-moi, madame Tasca, de vous rappeler que ce montant n'est pas si éloigné de celui qui avait été proposé par l'ancienne présidence luxembourgeoise et que la France avait accepté.

Vous savez également que notre pays a joué un rôle clé pour que l'accord se fasse en décembre, à défaut de s'être fait en juin, et qu'il réponde aux besoins de l'Union. J'y vois de la constance de notre part et non de l'incohérence. J'y vois même une réussite puisque, en euros constants, le budget européen augmente de plus de 55 milliards par rapport à 2006. Il est même supérieur de 4 milliards d'euros à l'accord conclu au Conseil européen. Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Conseil écoute le Parlement et tient compte de ce qui lui est dit, en tout cas dans la sphère européenne.

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

Sur ce total de 864, 3 milliards d'euros, plus de 158 milliards d'euros seront investis dans les nouveaux États membres : ces transferts de solidarité représentent plus de trois points de PIB annuel pour ces pays, pendant les sept années à venir. Ils demeurent le meilleur moyen d'assurer la modernisation de nos nouveaux partenaires, leur rattrapage économique et social, et donc la réussite de l'élargissement.

Je suis convaincue que la cinquième vague d'élargissement qui vient de s'achever sera une réussite, parce que les conditions de cette réussite sont réunies.

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

Monsieur le rapporteur général, j'ai bien entendu vos réflexions sur nos nouveaux partenaires et sur ce que traduisent certains mouvements électoraux.

Pourtant, je constate que l'idée européenne progresse à l'Est, comme en témoigne l'exemple de la Pologne. Le pays, sinon ses gouvernants, adhère chaque jour davantage à l'idée européenne.

Tout n'est donc pas si simple, et sachons voir les mouvements de l'histoire. En Europe, ce sont des mouvements de progrès. N'oublions pas ce que fut le XXe siècle !

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

Vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur spécial, ainsi que M. Jacques Blanc, et je vous en sais gré. Situons le débat où doit l'être.

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

Le principe de solidarité qui gouverne l'Union s'incarne également dans le nouveau fonds d'ajustement à la mondialisation, soutenu par la France, dont la mise en place devrait commencer au début de l'année 2007, pour autant que le Parlement européen vote, comme il a prévu de le faire, le 30 novembre, c'est-à-dire demain.

L'Union européenne lutte contre les délocalisations...

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

...par de multiples moyens, notamment, je viens de l'indiquer, par l'élargissement. Elle aide également ceux qui ont perdu un emploi à en retrouver. Les 500 millions d'euros annuels que pourra consacrer le fonds d'ajustement à la mondialisation sont destinés à des dépenses que vous qualifieriez d' « actives ».

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

Enfin, le budget consacré aux politiques de croissance sera en forte augmentation. Ainsi, les crédits destinés à la recherche croissent de 36 % par rapport à l'année 2006.

Le paquet financier 2007-2013 préserve également les intérêts français ; le Gouvernement y a veillé et continuera de le faire. La politique agricole commune est préservée, conformément aux engagements pris par le Président de la République au moment de sa réforme en 2002 puis en 2003.

L'ensemble du territoire français pourra continuer à bénéficier de la politique de cohésion, pour laquelle la dotation française devrait atteindre 14, 3 milliards d'euros, en euros courants, pour la période budgétaire considérée.

Je précise, madame Tasca, que notre consommation de crédits s'est améliorée par rapport aux années passées. Les corrections financières sont toujours regrettables. Les négociations financières sont difficiles. Lorsque nous sommes heureux d'obtenir des résultats et des crédits, nous sommes malheureux de devoir en rendre. Continuons à nous améliorer, car les progrès considérables que nous avons réalisés par rapport à la période budgétaire précédente demeurent insuffisants.

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

Par ailleurs, nous recevrons 6, 4 milliards d'euros sur sept ans pour financer des actions dans le domaine du développement rural. M. Murat a rappelé l'importance de tous nos territoires pour notre pays, et je l'en remercie. Non seulement nous ne négligeons pas cette dimension, mais nous y tenons.

Nous bénéficierons naturellement aussi de retours sur d'autres politiques, comme la recherche.

Enfin, l'accord sur les perspectives financières 2007-2013 pose les bases d'une réforme permettant le financement équitable de l'élargissement, puisqu'il permet, pour la première fois depuis 1984, une révision profonde et durable, fair-play, si vous voulez, du rabais britannique. Celui-ci diminuera de 10, 5 milliards d'euros sur la période 2007-2013. Cet accord organise aussi la future réforme du budget, évoquée par plusieurs d'entre vous, mais j'y reviendrai.

J'en viens maintenant au projet de budget de l'Union européenne pour l'année 2007.

Permettez-moi d'abord d'évoquer la contribution française au budget communautaire. En 2007, elle devrait s'établir à 18, 7 milliards d'euros, contre 17, 8 milliards d'euros l'an dernier, selon la prévision d'exécution dont nous disposons. Cette hausse s'explique par la conjugaison de l'entrée en vigueur des perspectives financières 2007-2013 que je viens de décrire et de l'achèvement progressif des programmes de la période 2000-2006. La France sera ainsi en 2007, derrière l'Allemagne et comme les années précédentes, le deuxième contributeur du budget communautaire, dont elle finance 16 % du total.

Mais la France sera aussi le deuxième bénéficiaire du budget derrière l'Espagne, avec des retours estimés à 13, 5 milliards d'euros en 2005. Il est important de faire connaître ces chiffres-là tout autant que ceux de notre contribution, car comment pouvons-nous imaginer faire apprécier l'Europe à nos concitoyens si nous ne leur montrons pas qu'elle les aide dans leur vie quotidienne ?

C'est pourquoi, à partir du 1er janvier 2007, à la demande du Premier ministre et notamment en liaison avec les ministres de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, nous appliquerons un nouveau système d'affichage. À chaque fois qu'un projet aura été rendu possible grâce à des cofinancements européens, un dispositif d'information devra le signaler de façon obligatoire, systématique, avec quelques contrôles à la clef.

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

L'affichage sera donc la règle pour tous les projets dépassant 500 000 euros et un site Internet spécifique sera créé dans chaque région.

Au total, si l'on raisonne en solde net, c'est-à-dire en calculant la différence entre notre contribution brute et nos retours...

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

...- ce qui constitue une approche partielle déformant la réalité politique de l'Europe -, la France reste contributrice nette au budget européen ; elle fait partie des pays les plus développés. Ce solde net devrait passer en moyenne à 0, 37 % de notre revenu national brut sur la période 2007-2013, soit environ 109 euros par an et par habitant.

Voilà le raisonnement purement comptable, mais ce n'est pas le bon !

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

Je remercie ceux d'entre vous qui l'ont souligné.

Si l'on veut savoir ce que l'Europe nous coûte et ce qu'elle nous rapporte il est indispensable de tenir compte aussi de tout ce qu'elle apporte et qui ne se retrouve pas dans les données budgétaires et donc dans le présent débat.

Je pense en particulier, sur le plan économique, aux gains issus du grand marché européen, qui représente les deux tiers de nos exportations ; je pense surtout aux gains politiques de la construction européenne que sont la paix, la liberté et la démocratie, qui n'ont pas de prix. Pensons-y quand nous parlons d'Europe !

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

Je vous remercie de l'avoir fait, monsieur le président de la délégation, monsieur le rapporteur spécial. L'Europe est évidemment l'un des meilleurs investissements que nous puissions faire ; je souscris pleinement à vos propos et à votre vision.

Le projet de budget communautaire pour 2007 sera le premier à vingt-sept États membres, comme l'ont également souligné M. Frimat et Mme Tasca. Il a été examiné par le Conseil de l'Union en première lecture le 14 juillet dernier, puis par le Parlement européen, toujours en première lecture, le 26 octobre.

Un accord a été trouvé hier entre le Parlement et le Conseil sur ce budget, sans modification des attributions des institutions qui demeurent fixées par les traités.

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

Le secrétaire général et haut représentant de l'Union a, par le traité, déjà l'obligation de faire rapport au Parlement européen.

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

Cet accord devrait être validé sans changement aujourd'hui au Comité des représentants permanents, le COREPER, puis dans le courant du mois de décembre, en deuxième lecture, par le Parlement européen.

Le budget, qui devrait ainsi être formellement adopté avant la fin de l'année, s'élèvera, pour 2007, à 126, 4 milliards d'euros en crédits d'engagement et à 115, 5 milliards d'euros en crédits de paiement.

Monsieur Frimat, vous avez souhaité connaître le contenu de cet accord et c'est légitime. Toujours sous la même réserve formelle, les dépenses en faveur de la croissance et de la compétitivité, la rubrique 1A, s'élèveraient à 9, 3 milliards d'euros, soit une hausse de 18 % par rapport à 2006. Au sein de cette rubrique, les dépenses consacrées à la recherche sont majoritaires, avec une dotation de 5, 4 milliards d'euros. Par ailleurs, conformément aux décisions prises au mois de décembre dernier par les chefs d'État et de Gouvernement, la Banque européenne d'investissement mettra en place, dès le début de l'année 2007, une facilité de financement pour la recherche, qui permettra de soutenir jusqu'à 30 milliards d'euros de projets supplémentaires.

Les autres volets de la rubrique 1A sont également en forte progression par rapport à 2006 : 27 % pour l'éducation, qui recouvre notamment les bourses Erasmus et Leonardo, ...

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

...18 % pour les réseaux transeuropéens, 52 % en faveur du programme pour l'innovation et la compétitivité, qui bénéficie notamment aux PME.

Les actions structurelles, rubrique 1B, sont dotées d'une enveloppe de 45, 5 milliards d'euros, soit une augmentation de près de 15 % par rapport à 2006, ce qui en fait le premier poste du budget de l'Union, avec 36, 2 % des dépenses, devant les dépenses agricoles de marché ; c'est la première année que le montant consacré aux fonds structurels et à la cohésion dépasse les dépenses agricoles de marché.

Cette politique bénéficie aux nouveaux États membres, comme j'en ai souligné l'intérêt, mais également à l'ensemble des territoires de l'Union. Nous y avons veillé, non sans difficultés.

La rubrique 2 regroupe l'ensemble des dépenses en matière de ressources naturelles. Pour les dépenses agricoles de marché, deuxième poste budgétaire de dépenses désormais, le projet prévoit une enveloppe de 42, 4 milliards d'euros, soit une légère baisse des crédits de 1, 4 % par rapport à l'année 2006.

La France s'est ralliée à cet accord parce qu'il préserve nos intérêts. En particulier, l'accord trouvé en deuxième lecture revient sur un certain nombre de réductions qui avaient été envisagées en première lecture portant sur le lait et sur les plus démunis, qui n'étaient pas acceptables par la France et contre lesquelles elle s'était élevée avec succès.

M. Murat a justement souligné que nous avions refusé de donner notre accord en première lecture. Ces réductions ayant été corrigées en deuxième lecture, nous avons pu approuver ce budget.

Par ailleurs, toujours sur la rubrique 2, les crédits consacrés au développement rural augmentent de 3 % et l'instrument financier en faveur de l'environnement LIFE+ voit ses moyens croître de 15 %.

Les actions concernant la justice et les affaires intérieures, rubrique 3A, augmentent de 150 % par rapport au budget précédent, à périmètre constant, c'est-à-dire en dehors des facilités Schengen et Kaliningrad qui expirent à la fin de l'année 2006. Nous y avons veillé, car les crédits étaient particulièrement faibles, comme l'a souligné M. le président de la délégation.

La priorité au sein de ce budget est accordée à la protection des frontières et à la gestion des flux migratoires, qui concentrent plus de la moitié des crédits. Chacun voit bien que le problème des migrations concerne l'Europe tout entière et non pas seulement certains de ses États membres ; il appelle donc des réponses européennes.

C'est ce que les chefs d'État et de Gouvernement ont évoqué en octobre dernier lors du Conseil informel de Lahti, en Finlande. Les États membres devront mieux coordonner leurs mesures nationales ; c'est particulièrement vrai au sein de l'espace Schengen, qui a supprimé les contrôles aux frontières intérieures, ce qui signifie que les décisions internes des États dans ce domaine ont forcément des effets sur les autres États membres.

C'est pourquoi, au-delà des nécessaires efforts budgétaires, il est indispensable de se doter en la matière d'une véritable discipline commune, dont les premiers éléments ont été agréés au Conseil « Justice et affaires intérieures » des 4 et 5 octobre 2006.

Monsieur Pozzo di Borgo, vous avez évoqué l'Agence des droits de l'homme et le budget du Conseil de l'Europe. S'agissant de l'Agence, les travaux se poursuivent au sein du Conseil et avec le Parlement européen. Nous avons approuvé le principe de cette agence...

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

...mais les questions restent nombreuses, notamment sur son champ géographique et sur sa compétence éventuelle dans le domaine de la justice et des affaires intérieures. Sur ces points, nous attendons de nouvelles propositions de compromis de la part de la présidence.

Concernant le budget du Conseil de l'Europe, la France figure parmi les cinq premiers contributeurs, avec une contribution qui s'élève à 38 millions d'euros, soit 12, 5 %. Il s'agit de la deuxième contribution de notre pays aux organisations internationales. La discussion budgétaire se poursuit à Strasbourg. Si une augmentation du budget du Conseil de l'Europe était décidée, nous devrions, le moment venu, trouver le moyen de tenir nos engagements. Je ne doute pas que nous y parvenions.

M. Yves Pozzo di Borgo s'exclame.

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

Les crédits consacrés à la mise en oeuvre des programmes Culture, Media, Jeunesse, Santé et Protection des consommateurs, qui figurent sous la rubrique 3B, s'élèvent à 600 millions d'euros, ce qui correspond globalement à une diminution d'environ 4 % par rapport à 2006, même si les crédits de paiement sont en progression.

En outre, cette rubrique devrait voir ses crédits augmenter pour les années suivantes, puisque l'accord sur les perspectives financières prévoit une hausse de 14 % sur la période 2007-2013.

La rubrique 4, les actions extérieures, se voit dotée d'un budget d'un peu plus de 6, 6 milliards d'euros. Monsieur Foucaud, la forte baisse apparente par rapport à l'année 2006 tient à un effet de périmètre lié à la sortie de cette rubrique, à partir de 2007, des crédits destinés à la Bulgarie et à la Roumanie. Nul n'ignore en effet que la Bulgarie et la Roumanie, où je me rends à compter de ce soir, nous rejoindront à partir du 1er janvier prochain.

Neutralisés de cet effet, les crédits de la rubrique 4 progressent d'environ 1, 5 %. Je rappelle que ces crédits recouvrent notamment l'aide publique au développement, dont l'Union européenne et ses États membres sont les premiers contributeurs au monde. Leur participation représente plus de la moitié des fonds, de même qu'ils fournissent plus de 60 % de l'aide à l'Afrique.

Nous, Européens, avons pris en 2002 des engagements pour augmenter cette aide. Nous les tenons ! D'ailleurs, la Haute Assemblée sait bien que la France se bat pour accroître les moyens consacrés au développement, y compris grâce à des financements innovants, car elle a voté la création de la taxe sur les billets d'avion, qui représente 200 millions d'euros en année pleine. Il est à noter qu'une douzaine de pays ont d'ores et déjà rejoint notre initiative.

Alors que le Parlement européen avait envisagé de réduire de moitié les crédits de la PESC, le Conseil, notamment sur l'initiative de la France, a rétabli ces crédits dans l'avant-projet de budget - l'accord vient d'avoir lieu -, soit 159, 2 millions d'euros, en hausse de plus de 50 % par rapport à l'année précédente.

La cinquième rubrique concerne les dépenses administratives. Celles-ci s'élèvent à un peu plus de 6, 8 milliards d'euros, soit une hausse limitée à 3, 7 %, ce qui est très raisonnable dans le cadre d'une Union passée à vingt-sept États membres.

Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget pour 2007 reflète les priorités de l'accord sur les perspectives financières.

Pour conclure, permettez-moi d'évoquer l'avenir du budget communautaire.

Je l'ai déjà dit, l'accord intervenu pour la période 2007-2013 est bon et permet dès maintenant de financer l'Europe élargie. Pour tout dire, c'était même le seul accord à notre portée.

Nous le savons bien, le monde n'est pas statique. Nous savons aussi que les attentes de nos concitoyens à l'égard de l'Europe, loin de diminuer, s'accroissent et changent de nature, je l'ai d'ailleurs souvent souligné. En un mot, ils lui demandent désormais de devenir un acteur global, une puissance dans la mondialisation. C'est la raison pour laquelle, monsieur Arthuis, les autorités françaises, tout comme les plus hautes autorités allemandes, ont exprimé leur intérêt face au rapprochement d'Euronext et de la bourse de Francfort. Or, ne l'oublions pas, dans cette opération, la décision appartient aux opérateurs et à leurs actionnaires.

Nous cherchons les moyens de mieux adapter l'Union européenne au monde d'aujourd'hui, comme l'ont fait les chefs d'État ou de gouvernement au Conseil informel de Hampton Court l'an dernier - qui était essentiellement consacré à cette problématique d'avenir -, puis à nouveau à celui de Lahti le 20 octobre en décidant de nouvelles orientations sur les questions de migrations, d'énergie et d'innovation. Ce qui vaut pour les politiques vaudra naturellement pour le budget européen, qu'il faudra adapter dans le futur.

C'est d'ailleurs parce qu'ils étaient conscients de la nécessité de cette future réforme que les chefs d'État ou de gouvernement ont prévu en décembre 2005 un rendez-vous en 2008-2009 pour commencer à préparer le budget de l'après-2013. Cette réflexion devra bien sûr se faire dans le respect des engagements pris jusqu'en 2013. Les décisions n'entreront en vigueur qu'après le 1er janvier 2014.

Nous souhaitons aborder cette réflexion dans un esprit d'initiative - sans attendre, comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur spécial - et marcher main dans la main avec notre partenaire allemand, qui commencera sa présidence dans quelques semaines.

Sans doute faudra-t-il, à terme, doter ce budget d'une ressource propre véritablement européenne pour clore enfin ces marchandages récurrents entre pays européens sur qui finance quoi et pour combien. Plusieurs d'entre vous ont regretté ces marchandages. MM. Yves Pozzo di Borgo et Jacques Blanc ont même évoqué des pistes de solution. Je sais que votre commission des finances et votre Délégation pour l'Union européenne y travaillent déjà avec M. Alain Lamassoure, ancien ministre et député européen ; je sais aussi que vous aborderez le sujet lors de la prochaine réunion commune du Parlement européen et des Parlements nationaux les 4 et 5 décembre. Je suis cette réflexion avec attention et j'en attends beaucoup, comme, d'une façon générale, de tous les travaux de la COSAC, et je suis avec intérêt vos récentes propositions, monsieur Haenel.

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget pour 2007, comme l'accord sur les perspectives financières 2007-2013, marque une réorientation des priorités de l'Union européenne : plus d'efforts pour la compétitivité, plus d'efforts pour la solidarité dans notre continent.

Cinquante ans après le traité de Rome, dont nous fêterons l'anniversaire le 25 mars prochain, reconnaissons-le, malgré des hauts et des bas, la construction européenne a constamment progressé. Et si nos concitoyens expriment des interrogations à son égard, ils expriment aussi de fortes attentes. À nous d'agir efficacement pour y répondre.

J'ai entendu l'appel que plusieurs d'entre vous ont lancé afin que les questions européennes soient traitées à leur juste place dans le débat politique important que va connaître notre pays. J'ai moi-même en d'autres occasions - et je recommencerai - publiquement formé le même voeu. L'Europe doit être un élément du choix démocratique de 2007 !

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Je le répète, à nous d'agir. Pour l'heure, le budget européen exprime des choix, il est le reflet de cette volonté. C'est pourquoi je vous demande de voter aujourd'hui le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne au titre de son budget pour 2007.

Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes est évalué pour l'exercice 2007 à 18, 696 milliards d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Personne ne demande la parole ? ...

Je mets aux voix l'article 32.

L'article 32 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à treize heures vingt, est reprise à quinze heures trente.