Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 3 février 2009 à 16h00
Mise en œuvre du grenelle de l'environnement — Article 19

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avec cet article, nous entamons le chapitre sur la recherche dans le domaine du développement durable.

Les engagements du Grenelle de l’environnement rappellent l’importance du rôle de la recherche dans la mise en œuvre des objectifs en matière de développement durable, d’énergie, de biotechnologies et de biodiversité. Ils soulignent également l’importance des travaux et recherches menés dans le secteur de la santé, notamment sur les liens qui existent entre santé et environnement.

Le paragraphe I de cet article définit les priorités de l’effort national de recherche en ciblant un certain nombre de domaines d’investigation. Si la démarche est louable, elle présente néanmoins le risque d’enfermer artificiellement la recherche dans quelques domaines, certes importants, mais en nombre limité.

C’est pourquoi nous voulons réaffirmer ici le rôle de la recherche fondamentale, qui est riche de sa liberté, tant dans ses domaines d’investigation que dans le temps qu’on lui accorde. Nous regrettons que cette dimension ne soit pas prise en compte dans le projet de loi Grenelle I, certains allant jusqu’à dire, comme je l’ai entendu, que la recherche fondamentale n’existe pas !

Le paragraphe II de cet article porte sur les moyens accordés, soit la mobilisation par l’État, d’ici à 2012, d’un milliard d’euros supplémentaires en matière de recherche sur le développement durable. On ne sait pas vraiment comment va être employé cet argent qui ne remplacera pas des crédits budgétaires forts et constants, lesquels sont inexistants dans la dernière loi de finances !

Le reste devrait être pris en compte par l’augmentation du crédit d’impôt recherche dans la loi de finances pour 2009 et par une augmentation de la dépense fiscale liée au crédit d’impôt recherche conformément à la loi de finances pour 2008. Cette augmentation devrait faire du crédit d’impôt recherche la cinquième dépense fiscale du budget général. Ce type de dégrèvement d’impôt finance désormais 30 % des dépenses de recherche et de développement des entreprises.

Comme le rappelait récemment mon collègue Ivan Renar, « plus de 2 milliards d’euros seront consacrés au crédit d’impôt recherche en 2008, et ce dispositif fiscal, profitant avant tout aux grands groupes, pourrait s’élever à 3 milliards ou 4 milliards d’euros en 2012 ».

Alors que toutes les activités d’enseignement et recherche publics sont soumises aux évaluations de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, l’AERES, le crédit d’impôt recherche n’a donné lieu à aucune évaluation. Deux poids, deux mesures, en somme, entre la recherche publique et la recherche privée ! La France ne consacre en effet que 0, 6 % de son PIB à la recherche publique, et l’on déplore encore la suppression de 900 emplois dans les universités ou les organismes.

Troisième pays scientifique en 1970, la France se place désormais au quatorzième rang mondial pour la dépense intérieure de recherche et de développement par rapport au produit intérieur brut.

On ne peut pas entamer l’examen de l’article 19 en laissant croire que les protestations des chercheurs ne parviennent pas dans cet hémicycle.

Le 29 janvier dernier, le monde de la recherche a fait entendre sa voix pour dénoncer les suppressions d’emplois, la massification des embauches précaires sous contrats de droit privé, la mise en concurrence des universités, des organismes, des unités et de l’ensemble des personnels.

Il demande l’abandon du projet de décret sur la carrière des enseignants chercheurs, la reconnaissance des doctorants en tant que salariés au travers d’un statut unique, un budget à la hauteur des besoins, un autre système de répartition des crédits et la régénération de véritables organismes publics de recherche dotés des moyens et des statuts de leur mission.

Aujourd’hui, les enseignants chercheurs sont en grève illimitée : un mouvement de grande ampleur avec lequel il faudra compter !

En ce qui concerne le développement durable, l’article 19 pourrait paraître positif, mais il s’inscrit dans une politique gouvernementale de déstabilisation et de destruction de l’appareil public de recherche, pourtant seul capable de répondre aux besoins de notre pays sur le long terme.

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