Intervention de Marie-Christine Blandin

Réunion du 3 février 2009 à 16h00
Mise en œuvre du grenelle de l'environnement — Article 20

Photo de Marie-Christine BlandinMarie-Christine Blandin :

Ce ne sont plus seulement les naturalistes qui alertent sur la disparition des espèces, ce sont désormais les agriculteurs des États-Unis, qui sont privés du rôle des polinisateurs dans leurs vergers.

Ce sont aussi des parlementaires. Je citerai les rapports faits au nom de l’office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, l’un par MM. Claude Saunier et Pierre Lafitte et intitulé « La biodiversité : l’autre choc ? l’’autre chance ? », l’autre par M. Marcel Pierre Cléach, sous le titre « Marée amère : pour une gestion durable de la pêche ».

Ces sénateurs nous alertent sur le rythme de disparition des espèces, dix à cent fois supérieur au tempo naturel qui est à peu près d’une espèce sur cinquante mille par siècle.

M. Marcel-Pierre Cléach révèle que, depuis 1965, il n’y a plus de stock inexploité en mer et que, de 1950 à 2004, le débarquement des pêches est monté de 15 millions de tonnes à 85 millions de tonnes.

Et puis, au sein même du Gouvernement, ce ne sont plus seulement les ministres de l’environnement qui alertent. Sur le site du Quai d’Orsay, on peut lire : « Au cours des cinquante dernières années, les activités humaines ont entraîné des modifications au niveau des écosystèmes de manière plus rapide et plus étendue qu’à aucune autre période de l’humanité et une perte substantielle et dans une large proportion irréversible de la diversité biologique sur terre ».

Le WWF, le World Wide Fund, a mis au point un indice qui est pertinent depuis 1966. Depuis trente ans, il a relevé une diminution du nombre des espèces de 31 % pour les animaux terrestres, de 27 % dans les mers et de 28 % en eaux douces. Par ailleurs, 20 % des coraux sont morts et 30 % des mangroves ont disparu.

L’alerte sur la biodiversité n’est pas compassionnelle, même si certains massacres nous révulsent, elle est simplement de salut public. Il est urgent de réaliser que notre sort est vraiment lié à celui des autres espèces, en raison des échanges et des services, et que le déséquilibre annoncé peut se précipiter.

M. Jean-Patrick Le Duc, enseignant au Muséum national d’histoire naturelle, nous compare aux passagers insouciants d’un avion qui perdrait un à un ses boulons, sans que quiconque s’en inquiète. À partir de combien de boulons allons-nous nous écraser ?

Le CNRS et L’INRA nous alertent sur les disparitions en cascades et les espèces co-menacées tout simplement parce que leur nourriture était principalement constituée d’une plante qui a disparu ou parce que leur reproduction dépendait de la visite d’un papillon qui a déménagé pour des raisons climatiques. Là aussi, nous aurons besoin des trames vertes.

La nouvelle rédaction de la commission, en décomposant l’article en une succession d’alinéas a clarifié, sur la forme, les objectifs de l’État. Mais cette substitution intégrale au texte sur lequel nous avions travaillé n’a pas facilité notre tâche, car il est devenu difficile de s’y retrouver dans la numérotation.

Enfin, mes chers collègues, j’attire votre attention sur un membre de phrase du projet de loi, que la commission a conservé et qui laisse la voie ouverte à tous les consensus et aux pires méfaits. En effet, il est prévu que l’on mette en place des « plans de conservation ou de restauration compatibles avec le maintien et le développement des activités humaines ». Franchement, qui pourrait être contre ?

Nous ne voulons pas sauver une plante ou un animal contre la survie de l’humanité. Nous ne nous inscrivons pas dans la ligne du titre provocateur du livre de M. Yves Paccalet : L’Humanité disparaîtra, bon débarras ! Reconnaissez néanmoins qu’une telle phrase rend possible toutes les destructions, tous les renoncements. Tout bétonneur peut demain s’en servir pour argumenter, défendre l’investissement qu’il veut réaliser sur une zone protégée.

Quand M. Charles Josselin, sénateur de Bretagne, a le 21 mai 2008, au nom de notre groupe, déposé, un amendement de vigilance sur les zones Natura 2000 situées dans des périmètres portuaires, lors de la discussion du projet de loi portant réforme portuaire, M. Dominique Bussereau, alors secrétaire d’État chargé des transports, a eu des paroles rassurantes et notre collègue a accepté de retirer son amendement.

Quand Charles Revet, le 26 juin 2008, a posé une question au Gouvernement, ce même Dominique Bussereau lui répondit : les zones Natura 2000 ou aires marines protégées sont parfaitement compatibles avec l’activité humaine, mais nous attendons 30 000 emplois. Nous tiendrons compte des contraintes environnementales, mais nous développerons nos ports.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion