Intervention de Jean-Louis Borloo

Réunion du 3 février 2009 à 21h30
Mise en œuvre du grenelle de l'environnement — Article 26

Jean-Louis Borloo, ministre d'État :

Nous élaborons un texte d’ordre général, même si les conséquences peuvent être particulières : il s’agit de redonner vie à nos cours d’eau. Ainsi, l’article 24 concerne les « eaux résiduaires urbaines », et toutes les collectivités se sont mobilisées.

J’ajoute, mais ce n’est pas l’objet du texte, qu’un certain nombre de produits ont autrefois été déversés dans nos fleuves et nos rivières. Or chacun sait à quel point il est difficile de récupérer un bon état écologique de ces cours d’eau.

On sait aussi qu’un certain nombre d’obstacles, liés à l’histoire, n’ont plus de vocation véritable, mais qu’ils sont toujours là. Ils appartiennent parfois à une personne privée, parfois à une collectivité, à l’État ou aux départements.

Il existe sur nos fleuves et nos rivières 50 000 obstacles, dont 48 420 n’ont aucun rapport avec l’hydroélectricité, c’est-à-dire 97 % ou 98 %. À vrai dire, notre seul véritable problème est de mettre en place une mission partenariale d’identification pour savoir si certains de ces obstacles peuvent avoir un intérêt, par exemple en cas de crue, et de trouver des moyens de financement pour rétablir la fluidité de nos cours d’eau, nos fleuves, nos rivières et nos ruisseaux.

L’unique objet de ce texte est d’étudier les différents obstacles, et ce sera compliqué. On a demandé à l’ONEMA de commencer à les identifier : certains obstacles présentent des avantages et des inconvénients ; d’autres, et ils sont nombreux, posent des problèmes de pollution élémentaire, ce qui impose leur destruction.

S’agissant de l’hydroélectricité, notre pays compte 2 000 barrages hydroélectriques. D’ailleurs, la position constante du Gouvernement, notamment celle du Grenelle de l’environnement, est assez claire : l’hydroélectricité fait partie des énergies renouvelables de notre pays.

Du reste, nous avons pris un décret de renouvellement des concessions hydroélectriques françaises en prenant en compte quatre critères : la performance énergétique – plus 12 % – la qualité des turbines, la sécurité – un certain nombre de barrages ont plus de soixante-quinze ans – et le respect des normes environnementales. Cela ne pose pas de problème majeur, puisqu’un consensus s’est dégagé, me semble-t-il.

De grâce, écartons l’idée que nous opposons l’hydroélectricité à la récupération de nos fleuves et de nos rivières : il y a peut-être un ou deux cas particuliers où l’obstacle pose un problème pour l’hydroélectricité ou la petite hydroélectricité. De toute façon, ces cas emblématiques sur le territoire national seront traités non pas par ce texte, mais par le renouvellement ou non de la concession, qui est la seule réalité dépendant de l’action de l’État. Et cette décision ne sera prise qu’après concertation avec les élus. D’ailleurs, une réunion aura lieu prochainement avec M. Gouteyron, M. Boyer, et M. Proriol, député.

Il s’agit de deux problèmes distincts ! Ne mélangeons donc pas un texte de philosophie générale avec un cas particulier, qui aura son traitement propre !

Je suis même prêt à proposer un amendement à cet article pour indiquer que l’étude concerne tous les ouvrages, à l’exception de ceux concernant les barrages hydroélectriques régulièrement autorisés au titre de l’article L. 214-4 du code de l’environnement. Il faut sortir de cette espèce d’angoisse !

Un ou deux sujets concernant l’énergie hydraulique doivent faire l’objet d’une véritable discussion entre nous. Par ailleurs, une étude est proposée sur l’ensemble des obstacles – près de 50 000 – de nos fleuves et nos rivières.

Il faut dédramatiser le débat ! Au mois de septembre, un accord est intervenu entre tous les hydroélectriciens, y compris de la petite hydroélectricité ou de la picohydroélectricité, les fédérations de pêche, amateurs et professionnels, les élus, au travers de l’ANEM et de l’ARF, ainsi que les ONG. Nous soutenons la filière hydroélectrique française : il n’y a aucune ambigüité sur ce point !

Il nous reste une petite décennie pour parvenir à 23 % d’énergies renouvelables. Il n’est donc pas question de toucher à nos capacités énergétiques.

En revanche, ce qui est ici demandé à la Haute Assemblée, c’est de poser une pétition de principe pour que soit réalisée une mission d’étude portant sur ces obstacles. Je rappelle que 93 % d’entre eux n’ont pas de rapport avec l’hydroélectricité !

Adresser un signal contraire en refusant de mener l’analyse de ces 50 000 obstacles à la biodiversité serait quelque peu étonnant. C’est pourquoi, je le répète, je suis prêt à vous proposer un amendement visant à compléter le premier alinéa de cet article par les mots : « à l'exception de ceux concernant les barrages hydroélectriques régulièrement autorisés au titre de l'article L. 214-4 du code de l'environnement ». Cela ne nous empêchera pas de mener notre discussion en toute loyauté et franchise.

M. Pointereau le soulignait, il faut tenir compte de la réalité du terrain, qui inclut parfois des aspects liés au patrimoine, à des habitudes… Je suis tout à fait disposé à entendre de tels points de vue, mais les deux sujets sont totalement distincts. Je vous propose donc de les disjoindre et de lancer cette grande étude sur les obstacles, puisque nous n’y échapperons pas.

Je rappelle d’ailleurs, pour lever toute ambiguïté, que le mot « effacement » n’est pas synonyme de « destruction » : il s’agit simplement de rétablir la continuité de la circulation de l’eau de manière à préserver la diversité. J’en avais tout à l’heure un exemple sous les yeux, à L’Isle-Adam, où je me trouvais avec le Président de la République : il s’agit d’un barrage concernant une écluse, pour lequel la continuité a été rétablie grâce à la mise en place d’un ascenseur. C’est strictement le cas qui nous intéresse, et le mot « effacement » a même été utilisé !

Si nous dissocions les deux aspects de la question, il sera possible de progresser sur cette étude, qui ne représente tout de même pas un engagement « massif ».

J’ai entendu les inquiétudes qui se sont manifestées. Je rappelle que c’est la France qui a inventé ce mode de production d’énergie et que le premier barrage hydroélectrique fut français !

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