Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons aborder la question des collectivités territoriales en ignorant la dégradation brutale des conditions de vie et de travail de nos concitoyens.
Les finances locales ne sont pas seulement affaire de chiffres, de comptabilité : elles ont une incidence directe sur la vie tant économique que sociale de nos territoires. Elles concernent des hommes, des femmes et des enfants qui verront leur vie quotidienne s’améliorer ou se détériorer en fonction des orientations qui seront prises.
Or les orientations qui nous sont proposées dans ce projet de loi de finances ne donneront pas aux collectivités les moyens de faire face aux conséquences de la crise.
Beaucoup de travailleurs qui se levaient tôt, « cette France qui ne demande qu’à vivre des fruits de son travail », comme le disait le Président de la République, constatent amèrement que leurs efforts ne sont pas payés de retour. Les intérimaires, les premiers touchés, par dizaines de milliers, se voient du jour au lendemain interdire l’accès aux entreprises.
Beaucoup de travailleurs, aussi, ont pu croire un moment qu’en travaillant plus ils allaient gagner plus. La seule chose qu’ils constatent aujourd'hui, c’est le blocage de leurs salaires. Les retraités ont eu droit à une aumône et le seul espoir que vous laissez aujourd’hui aux futurs retraités, c’est de se tuer au travail jusqu’à soixante-dix ans.
Mais nous ne pouvons pas plus ignorer les conditions détestables dans lesquelles votre politique abandonne nombre d’entreprises. Elles sont étouffées par les donneurs d’ordres et par les banques qui leur refusent des prêts ou leur en accordent au compte-gouttes, et à des taux prohibitifs. Ce n’est pas la taxe professionnelle qui pèse lourd dans leurs comptes, ce sont les frais financiers, qui constituent bien souvent la charge la plus importante.
Cette crise n’est pas le fait du hasard ou de quelques dérapages du système capitaliste. Elle est la conséquence directe d’une politique qui favorise la spéculation. Et les choix que le Gouvernement a opérés depuis qu’il est en place n’ont fait que libérer de nouveaux moyens dans ce sens, au détriment de la production utile au progrès humain.
Les communes, les départements, les régions vont avoir à gérer une grande partie des conséquences sociales de votre politique et cela ne sera pas sans incidences financières.
Vous avez abandonné le contrat de croissance et de solidarité, puis le pacte de stabilité. Vous opposez maintenant à cette logique contractuelle celle de la maîtrise du budget de l’État, avec pour objectif la mise à contribution des collectivités afin de réduire les déficits publics engendrés par votre politique.
En mettant en place la révision générale des politiques publiques, la RGPP, vous favorisez la diminution de la dépense publique du budget de l’État et vous mettez en difficulté nombre de communes, de départements et de régions, qui se trouvent dépouillés de services assurés par l’État, comme ceux des perceptions ou encore des sous-préfectures, autant d’éléments qui contribuent à l’égalité entre nos territoires.
En fait, vous parlez de l’effort financier de l’État envers les collectivités, mais ce sera bien, pour cette année 2009, un effort sans précédent que vous allez leur imposer, au moment même où les populations fragilisées par la crise auront encore plus besoin de leurs services.
En agissant directement et négativement sur les ressources de nos collectivités, vous les contraignez à réduire leurs dépenses, donc les services rendus à la population. Or, depuis août 2004 et les nouveaux transferts effectués par la loi, vous n’avez cessé de solliciter les collectivités pour qu’elles prennent en charge certaines interventions que vos services assumaient jusqu’alors : la suppression de l’instruction des permis de construire pour les communes de moins de 10 000 habitants est assez emblématique à cet égard.
Vous demandez de plus en plus aux collectivités de financer conjointement avec vous des projets nationaux, voire européens, comme les nouvelles lignes de TGV. Mais cela ne vous empêche pas, ensuite, de considérer que le « millefeuille institutionnel » coûte cher !
Vous semblez vouloir ignorer que nous avons l’obligation de présenter des budgets en équilibre et que nous participons également au développement de la vie économique locale, par nos investissements et nos achats, ce qui pèse lourd dans la richesse produite dans notre pays.
Votre méthode est d’une efficacité terrifiante. Alors que vous développez un discours récurrent contre les déficits publics, en soutenant qu’ils sont insupportables, vous êtes capables de susciter au fil des années des déficits colossaux. Vous ne cessez de les amplifier par votre seule politique d’assèchement de la fiscalité, qui vide les caisses de l’État et remplit parallèlement, par un principe de vases communicants, celles des actionnaires et des ménages les plus riches ; d’une certaine façon, vous transférez sur les collectivités la prise en charge de ce déficit.
Le « zéro volume », c’est-à-dire l’alignement strict sur l’inflation prévisionnelle, deviendrait la règle pour nos collectivités. On a tous vu l’écart entre cette inflation prévisionnelle et la réalité : 1, 6 % prévu en 2008 ; en réalité, 2 %. C’est cela que nous constatons et subissons.
Cette politique sert à faire partager par les collectivités locales les orientations néfastes d’une politique nationale et d’une politique européenne fondées sur des critères de convergence toujours plus inaccessibles et inacceptables.
Les réformes intégrées dans le projet de loi de finances pour 2009 sont substantielles et touchent en particulier la DGF, mais aussi les compensations des dégrèvements fiscaux. Celles-ci sont retenues comme variables d’ajustement.
Réduire la compensation, c’est tout simplement demander à certaines collectivités d’être solidaires, mais vous le proposez par exemple à celles qui possèdent un patrimoine de logements sociaux. L’allégement du foncier bâti sur leur patrimoine aide pourtant leurs gestionnaires à améliorer la qualité de vie de leurs habitants
De plus, les dotations d’investissement aux différentes collectivités sont gelées. Comment les collectivités locales vont-elles pouvoir continuer ce travail indispensable qui atténue les conséquences désastreuses de votre politique ?
Les départements, qui perçoivent 65 % des droits de mutation, vont voir leurs ressources s’étioler avec la crise immobilière qui s’annonce, alors que vous exigez une prise en charge toujours plus grande des dépenses sociales.
La crise économique est entrée dans une spirale active. Il ne se passe pas une journée sans qu’on annonce des fermetures d’entreprises, des jours chômés, des vacances forcées, sans qu’on parle d’intérimaires jetés comme des kleenex.
Les syndicalistes de Mecachrome viennent de m’interpeller. Ils sont très inquiets pour l’emploi des 1 600 salariés du groupe, mais aussi pour ceux qui, dans notre région, vont se retrouver de fait au chômage : à Aubigny-sur-Nère, 560 personnes ; à Amboise, 450 ; à Tours, 70.
Combien d’entre eux risquent-ils de se retrouver rapidement à l’allocation de solidarité spécifique, puis au RMI ou au RSA ?
Avec l’aggravation de la situation économique et sociale, nous allons avoir besoin de plus de services publics et de plus d’actions publiques.
Votre orientation est à l’opposé des besoins des populations ; elle vise à détruire, au nom de la réduction de la dépense publique, tout ce qui fonde la solidarité dans notre pays.
Nos collectivités participent pourtant activement à la vie économique locale. Ce qui est une richesse pour notre pays est considéré par ce gouvernement seulement comme une dépense.
Pourtant, investir dans l’amélioration des services et de nos infrastructures n’est pas une dépense stérile, et 75 % des investissements publics sont réalisés par nos collectivités. Ils permettent souvent aux artisans et aux PME de maintenir et de faire prospérer l’emploi. Avec leurs investissements et leurs achats, les collectivités ont permis de préserver l’emploi de centaines de milliers de salariés dans le secteur privé.
Vous décidez d’ajouter de la difficulté aux difficultés existantes en mettant les collectivités au régime sec.
Dans cette société capitaliste que vous tentez de défendre, qui n’a d’yeux que pour les profits des grandes entreprises et où seuls les actionnaires sont fondés à manifester de l’appétit – pour les dividendes –, les communes, les départements et les régions représentent et portent encore les valeurs de solidarité de notre République. Au fond, ce sont ces maillons qui vous gênent !
Vous voulez aussi voir disparaître l’ensemble des services publics et entreprises publiques qui permettent à chacun, quel que soit le lieu où il vit, de trouver des services indispensables à la vie quotidienne de sa famille.
En incluant le FCTVA dans l’« enveloppe normée », vous faites croire avec une grossière habileté que vous augmentez la participation de l’État. Monsieur le ministre, puisque, lors de la discussion de la loi de programmation des finances publiques pour 2009-2012, vous nous avez déclaré que le FCTVA était bien un remboursement aux collectivités – et vous l’avez répété tout à l'heure –, dites-nous pourquoi vous continuez à le présenter comme une dotation intégrée dans l’enveloppe des contributions de l’État aux collectivités territoriales.
La logique voudrait que vous fassiez preuve de cohérence et que vous sortiez le FCTVA de l’enveloppe, à laquelle il n’avait jamais été intégré jusqu’à présent. En enlevant ces 663 millions d’euros, il va de soi que le 1, 1 milliard d’euros annoncé se verrait sérieusement amputé, mais cela serait plus conforme à la réalité.
Les élus locaux et leurs associations, dans leur grande majorité, n’acceptent pas que vous envisagiez la remise en cause de ce remboursement, ils vous l’ont fait savoir, au sein du Comité des finances locales, en refusant de constituer un groupe de travail pour le supprimer.
Madame la ministre, monsieur le ministre, les élus et leurs associations ont bien compris que vous souhaitiez réduire les moyens financiers affectés aux communes et, aujourd’hui, ils n’acceptent plus de telles remises en cause. Ce sont eux qui sont sollicités chaque fois qu’une intervention de l’État se réduit.
Vous savez bien qu’en diminuant votre action dans le domaine de la vie associative, notamment avec la suppression des « mis à disposition », en vous intéressant prioritairement dans ce projet de loi de finances aux droits à l’image de sportifs professionnels plutôt qu’au développement de la pratique sportive de tous, vous transférez de nouvelles charges vers les collectivités.
Non seulement l’augmentation de 2 % que vous nous présentez relève de l’artifice, mais elle est très insuffisante, et les élus ne sont pas dupes. C’est pourquoi ils se sont très clairement élevés contre votre projet de réforme de la DSU. À cet égard, je me réjouis que vous ayez, cette année, reculé sur cette question. La suppression de la DSU pour 238 communes était inacceptable. Nous savons que vous n’abandonnez pas pour autant cette réforme, mais soyez certains que nous veillerons à ce que la motivation originelle qui avait présidé à la création de cette dotation de solidarité soit respectée.
Pour refuser de répondre favorablement à nos propositions, vous invoquez très souvent la question des moyens. Cependant, en 2008, l’État recevra 2, 5 milliards d’euros au titre de la taxe professionnelle minimale versée par les entreprises. À notre avis, cette somme devrait revenir aux collectivités pour contribuer à assurer la péréquation.
À travers nos amendements, nous proposerons de nouvelles ressources, telle celle qui résulterait d’une modernisation du calcul de la taxe professionnelle, afin de faire en sorte que toutes les entreprises participent équitablement u développement de nos collectivités. Nous préférons un système de péréquation axé sur le principe d’égalité à un système en vertu duquel les collectivités les moins pauvres doivent donner aux plus pauvres.
Nos choix sont à l’opposé de cette politique de recul étriquée et comptable que vous mettez en avant pour les collectivités locales. En outre, le fait de répondre en priorité aux besoins des habitants nous semble procéder d’un véritable souci d’efficacité pour notre économie et, partant, pour l’emploi. Seule cette conception est susceptible de redonner une dynamique indispensable dans la lutte contre la crise.