Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nul ne saurait ignorer la situation économique et financière mondiale et, par contrecoup, celle des particuliers, des entreprises et des collectivités.
Notre devoir est de ne pas ajouter des difficultés aux difficultés et de participer au redressement en limitant nos dépenses, sans pour autant réduire nos investissements.
Est-il besoin de rappeler que 73 % des investissements publics sont réalisés par les collectivités ? Leurs marges de manœuvre sont de plus en plus réduites, les recettes diminuant tandis que les dépenses augmentent et leur capacité d’autofinancement se réduisant vertigineusement.
Les recettes sont dépendantes de l’État et nous payons aujourd’hui, près de vingt ans plus tard, le choix de la facilité, c'est-à-dire la suppression de différentes recettes, qu’il s’agisse de la vignette, de la part « salaires » de la taxe professionnelle, qui ont été remplacées par des dotations, ou, bientôt, de la part investissements de l’assiette de cette taxe.
La tendance naturelle de l’État est de présenter aux collectivités ces dotations comme des largesses. Ce ne sont en réalité que des compensations de plus en plus réduites de sommes dues.
Madame la ministre, au cours des réflexions actuelles relatives au financement des collectivités, il faudra penser à bannir cette tutelle financière de l’État, qui ne doit faire ni de la captation de recettes ni de la fausse compensation. Nous n’avons même plus droit à un juste retour ! En disant cela, je ne fais pas de l’opposition, je traduis une réalité que je vis quotidiennement, principalement en cette période où nous bâtissons à grand peine nos budgets.
Les départements sont probablement parmi les collectivités qui dépendent le plus des décisions de l’État. Le nombre de leurs salariés a plus que doublé en deux ans, à la suite de la décentralisation. Dans mon département, les effectifs sont passés de moins de mille personnes à plus de deux mille cinq cents personnes.
J’ai rédigé, voilà deux ans, un rapport sur les transferts de personnels, dans lequel je pointais les risques d’une compensation incomplète et les dérives inévitables que nous allions connaître. Nous y sommes.
Cette année, si nous ajoutons les hausses du point d’indice – 0, 8 % plus 0, 5 % plus 0, 3 % – à l’accroissement automatique des traitements indiciaires les plus bas – c’est-à-dire ceux qui sont majoritairement associés aux compétences transférées –, à la mise en œuvre de la garantie individuelle du pouvoir d’achat, au futur relèvement de la grille indiciaire des agents de catégorie C, à la refonte des grilles des catégories A et B, à la progression considérable de la part patronale de la pension civile de l’État sur les fonctionnaires détachés – qui est passée en deux ans de 27 % à 39 %, et atteindra bientôt 50 % –, sans compter l’effet du glissement vieillesse technicité, le GVT, évalué à 2, 49 %, la hausse des dépenses des collectivités dépasse alors largement l’augmentation de 2 % de la dotation qui nous est annoncée.
Un autre élément que je livre à votre expertise, mes chers collègues, réside dans l’explosion des demandes déposées auprès des maisons du handicap, qui, en une année, a conduit, dans mon département, à une augmentation de 33 % de la masse salariale. Cet écart est non compensé.
Par ailleurs, lors du transfert des routes, l’État a conservé le personnel d’encadrement. En conséquence, il nous a fallu embaucher trente-deux cadres pour gérer les quatre cents kilomètres de routes transférées.
Les collectivités seraient laxistes ; les collectivités seraient les grandes bénéficiaires des largesses financières de l’État… Pensez donc : la dotation augmentera de 2 % en 2009 alors que l’inflation ne sera, selon les prévisions, que de 1, 5 % !
Mais nous savons tous compter et le tour de passe-passe du fonds de compensation pour la TVA ne trompe pas les élus, même s’il peut abuser l’opinion publique. Ce fonds n’aurait pas dû être intégré à l’enveloppe normée.
Je ne vais pas pleurer sur la perte de recettes de 20 % à 30 % sur les droits de mutation mais je ne peux m’empêcher de rappeler que, lorsque nous annoncions que le compte n’y était pas sur le RMI et l’APA, la manne « droits de mutation » nous avait alors été opposée. C’était l’arbre qui cachait la forêt. L’arbre a disparu et la forêt est toujours là…
Il n’est pas nécessaire d’essayer de nous convaincre que les collectivités sont choyées ou favorisées. Mon vécu quotidien me rend lucide et me permet aussi de redire pour la énième fois qu’il faut changer de système ! Il faut rompre avec notre complexité administrative. L’État doit s’occuper de l’État. Il doit fournir son appui aux collectivités et non représenter pour elle une entrave qui prend l’allure d’un mur de normes, de règlements, de circulaires ou de décrets. De leur côté, les collectivités doivent rester à leur place et ne plus ajouter à la complexité.
Quatre niveaux clairs, deux couples, des financements indiscutables, des compétences explicables et reconnaissables : madame le ministre, si nous allons vite dans ce travail que nous a fixé le Président de la République, nous devrions avoir plus de facilités à maîtriser les dépenses et à présenter des recettes indiscutables.
Nous sommes bien placés pour savoir que les querelles de chiffres n’apportent rien. L’actualité nous montre en direct depuis quelques jours que chaque partie peut discuter les chiffres présentés par l’autre partie…
En ce jour d’ouverture du Congrès des maires, je souhaite insister sur la nécessité pour les élus locaux de disposer d’outils fiscaux performants et simples leur permettant de développer leurs collectivités sans entrave. Il n’est pas acceptable qu’il faille, je le redis de nouveau dans cet hémicycle, sept partenaires financiers pour qu’un projet voit le jour. Sept partenaires, cela fait sept décisions, sept demandes de subvention, sans parler des sept années nécessaires pour atteindre le jour de l’inauguration… Que d’argent public mal dépensé en fonctionnement !
La réforme de l’organisation territoriale, si elle doit bousculer les faits établis, doit également bousculer la fiscalité locale. Je compte sur vous, madame le ministre, pour tout remettre à l’endroit !