Intervention de Gérard Miquel

Réunion du 25 novembre 2008 à 16h00
Loi de finances pour 2009 — Débat sur les recettes des collectivités territoriales

Photo de Gérard MiquelGérard Miquel :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les dispositions du projet de loi de finances pour 2009 s’inscrivent dans un contexte particulièrement difficile pour les recettes des collectivités territoriales en général, et pour celles des départements en particulier.

La progression réelle de l’enveloppe des dotations de l’État sera bien éloignée des 2 % annoncés, ce en raison de l’intégration du FCTVA, le fonds de compensation pour la TVA, qui en était jusqu’à présent exclu.

Il s’agit en effet d’un remboursement de fiscalité et non d’une dotation ou d’une subvention. Or son dynamisme, qui s’explique par les investissements réalisés par les collectivités il y a deux ans, représente à lui seul plus de 663 millions d’euros, sur une progression de la nouvelle enveloppe de 1, 1 milliard d’euros.

En réalité, si l’on exclut, comme il devrait l’être, le FCTVA du calcul, la progression de l’enveloppe des dotations de l’État est inférieure à 0, 9 %.

Au sein même de l’enveloppe normée, les départements sont particulièrement pénalisés : d’une part, par d’un nombre plus important de variables d’ajustement soumises à une diminution de 17 % ; d’autre part, par le gel pur et simple de toutes les autres dotations – dotation départementale d’équipement des collèges, dotation globale de décentralisation et dotation globale d’équipement.

Au total, sur un manque à gagner, toutes collectivités confondues, de plus de 732 millions d’euros par rapport au maintien des conditions du contrat de stabilité de 2008, les départements en supporteront environ 250 millions d’euros.

Par ailleurs, les départements s’interrogent sur le financement de la part du RSA relative au coût de l’allocation de parent isolé, l’API.

En effet, la compensation sous forme de fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, posera immanquablement à terme de très fortes difficultés dans la mesure où, après 2010, une fois l’ajustement définitif de la compensation déterminé, l’assiette nationale de la TIPP continuera mécaniquement de baisser alors que le coût du RSA versé aux parents isolés ne suivra pas nécessairement le même chemin.

Il aurait donc été préférable de faire reposer cette compensation sur une fraction de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, dont l’assiette paraît moins exposée aux risques de baisse.

Ces nouvelles mesures, madame la ministre, sont accueillies avec une profonde amertume par les élus des conseils généraux car elles s’ajoutent aux difficultés financières déjà bien présentes qui sont, elles-mêmes, la conséquence des décisions prises dans le passé.

Sans m’étendre longuement sur ce point, il me paraît toutefois essentiel de rappeler, au travers de quelques exemples choisis, l’ampleur des dégâts.

Pour le seul RMI-RMA – je ne reviendrai pas sur les autres transferts de compétence –, le manque à percevoir pour mon département du Lot, qui compte 170 000 habitants, s’élève à plus de 5 millions d’euros, soit, sur la période 2004-2007, l’équivalent de dix points d’impôts.

S’agissant de la récente réforme de la taxe professionnelle, qui produira véritablement ses pleins effets à partir de 2009, elle représentera alors pour mon département une charge d’environ 1, 5 million d’euros.

Enfin, toujours pour ce même département, l’écrêtement de la dotation de la compensation de la taxe foncière sur les propriétés non bâties aura un effet de l’ordre de 650 000 euros sur le prochain budget.

Je ne parlerai pas de la compensation à 30 % de l’APA ni des sommes que nous devons ajouter pour payer les primes des personnels transférés, afin de les mettre sur un pied d’égalité avec les autres personnels employés dans nos conseils généraux.

Madame la ministre, l’accumulation de toutes ces mesures finira par porter un coup d’arrêt définitif à la politique d’investissement des collectivités territoriales, qui, je le rappelle, représente plus de 75 % de l’investissement public.

En 2009, l’État ne fournira pas, aux collectivités en général et aux départements en particulier, les moyens d’assurer convenablement les missions qu’il leur a transférées dans le cadre de la décentralisation.

Sans compter que la crise économique et financière que nous traversons aura de lourdes conséquences pour les départements.

Elle en aura, tout d’abord, sur le plan des recettes : les droits de mutation devraient connaître en 2009 une baisse comprise entre 15 % et 30 %, la taxe professionnelle reste elle aussi sensible aux effets de la conjoncture et un ralentissement de la consommation confirmera la baisse de l’assiette de la TIPP.

La crise aura également des incidences sur le plan des dépenses : les charges sociales des départements risquent de subir les lourdes conséquences de l’aggravation du nombre de demandeurs d’emploi et des bénéficiaires du RMI.

Aussi, madame la ministre, plus qu’à un effet de ciseaux, c’est à une véritable asphyxie financière que les départements seront confrontés l’année prochaine.

Et pour desserrer l’étau, nous pouvons user des remèdes classiques.

Celui du levier fiscal, tout d’abord, est profondément injuste dans la mesure où nous n’avons pas eu le courage politique de réformer la fiscalité locale. Mes prédécesseurs à cette tribune en ont parlé, notamment Jean-Pierre Fourcade.

Celui du gel des investissements, ensuite, signifierait, en cette période, l’abandon de l’un des principaux moteurs de l’économie locale et, en conséquence, l’accélération garantie des effets récessifs.

Enfin, celui de l’endettement et du recours au crédit, dont le récent renchérissement générera déjà des charges nouvelles, aggraverait une situation financière déjà bien fragile.

Nous le voyons clairement : les départements ne disposent d’aucune solution réellement adaptée pour conjurer les dangers qui pèsent sur leurs budgets.

Certains, aujourd’hui, sans doute par effet de mode, contestent la légitimité même des départements, alors qu’il y a peu le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin en a fait, par la voie de la décentralisation, un échelon territorial indispensable d’expression de la démocratie, de développement et de bonne gestion de nos services publics. Où est donc la logique ? Nous la cherchons mais, malheureusement, nous peinons à la trouver.

Restons donc cohérents, madame la ministre, et donnons aux départements la lisibilité et les financements dont ils ont besoin pour mener à bien leurs politiques au service de nos concitoyens.

Au fil des ans, nous avons transféré de très nombreuses compétences aux départements. Fort heureusement, le montant des diverses allocations et prestations est défini au niveau national. Nous ne pouvons donc que constater l’augmentation croissante des dépenses liées au nombre de bénéficiaires. Nous ne maîtrisons en aucun cas les dépenses.

M. le ministre du budget a dit tout à l’heure vouloir préserver l’investissement. Mais nous sommes nombreux ici à ne pas avoir été convaincus par ses propos, en particulier les présidents de conseil général. Car, au-delà des mots, il y a des faits, et les faits sont têtus.

On peut même se demander, madame la ministre, si certains ne souhaitent pas asphyxier les départements afin de leur faire rendre gorge et de faciliter ainsi le dessein des grands esprits qui veulent les faire disparaître.

Madame la ministre, j’appelle donc le Gouvernement à la raison : il doit remettre en question les dispositions que j’ai évoquées à l’instant, qui font de ce budget un mauvais budget pour les collectivités territoriales !

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