Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, c’est au titre des régions que je m’exprimerai, dans le contexte difficile que vous connaissez.
Ce débat est certes technique, mais la technicité ne doit pas dissimuler la réalité. Et la réalité est que ce budget asphyxie les collectivités territoriales. Il ne s’agit pas pour moi de demander toujours plus, de céder à la démagogie, il s’agit d’analyser la réalité.
Les collectivités locales, les régions en particulier, sont aujourd’hui asphyxiées, étranglées. On leur fait les poches. On les met au pilori.
Madame la ministre, hier, le groupe Unilever annonçait la fermeture, en Bourgogne, de deux des trois sites de la société Amora. Beaucoup de membres de la majorité, et non des moindres, notamment un ancien ministre membre du conseil régional, déclarent que si le groupe supprime des emplois en Bourgogne, c’est à cause de la fiscalité régionale.
Permettez-moi de vous citer les chiffres. L’année dernière, sur territoire français, le groupe Unilever a réalisé un chiffre d’affaires de 220 millions d’euros et a dégagé un bénéfice de 22 millions d’euros. Il paye, pour ces trois sites, 250 000 euros de taxe professionnelle, chiffre qui n’a d’ailleurs pas augmenté depuis trois ans puisque, grâce aux décrets qui ont été pris, il a bénéficié d’un écrêtement de 185 000 euros.
Mettre les régions au pilori alors qu’on leur demande plus et qu’on leur donne moins appelle de ma part quelques observations.
On nous présente un projet d’asphyxie. Asphyxie des collectivités en général, car il supprime la référence à la croissance du PIB pour le calcul de la DGF. Asphyxie des régions en particulier, car il gèle l’évolution de la dotation décentralisée régionale pour la formation professionnelle et l’apprentissage, ou DDRFPA, et surtout, il gèle l’évolution de la dotation générale de décentralisation, ou DGD, réceptacle d’une partie des dotations pour les TER et de certains transferts de l’acte II de la décentralisation. Permettez-moi, madame la ministre, de vous en donner l’illustration par quelques exemples chiffrés.
D’abord, la suppression du mécanisme de régularisation de la DGF se traduit par une perte pour les collectivités locales. Je ne peux qu’y être défavorable.
Le Gouvernement présente la suppression de ce mécanisme comme un geste positif en faveur des collectivités locales puisque la régularisation négative de la DGF prévue au titre de 2007, de 66 millions d’euros, ne sera pas imputée sur le montant de la DGF ouvert en 2009.
Cette présentation est trompeuse puisque la suppression de ce mécanisme conduit en réalité à priver les collectivités des fortes régularisations positives attendues sur les exercices à venir.
Une forte régularisation aurait ainsi dû être versée en 2009 au titre de la DGF 2008, les indices macroéconomiques utilisés pour le calcul de la DGF versée aux collectivités en 2008 ayant été très nettement sous-estimés.
L’inflation prévisionnelle pour 2008 avait été évaluée à 1, 6 %, alors qu’elle est désormais attendue aux alentours de 3 %. La régularisation correspondante qui aurait dû être versée aux collectivités est estimée à plus de 500 millions d’euros.
La suppression des régularisations de la DGF, c’est donc, pour les collectivités, un gain de 67 millions d’euros pour 2009, mais une perte de 500 millions d’euros pour 2010.
C’est pourquoi nous avons déposé, à l’article 10, un amendement par lequel nous demandons que la régularisation au titre des années 2007 et 2008 ait bien lieu.
Nous souhaitons ainsi que la suppression du mécanisme de régulation n’intervienne pas au moment le plus désavantageux pour les collectivités territoriales et que les indices sur lesquels est fondée l’évolution de la DGF, à savoir l’inflation, soient reconnus et admis par tous.
Ensuite, comme de nombreux orateurs l’ont précisé, le maintien du FCTVA, le fonds de compensation pour la TVA, est artificiel.
On nous dit que le FCTVA est préservé, mais ce que l’on ne dit pas clairement, c’est à quel prix.
Désormais, le FCTVA est bel et bien considéré comme une dotation parmi d’autres et il est intégré à ce titre au sein de l’enveloppe normée des concours de l’État.
Certes, madame la ministre, les mécanismes de calcul et d’attribution du FCTVA ne sont pas modifiés pour 2009, mais c’est au prix d’une baisse considérable des autres concours de l’État.
L’intégration du FCTVA à l’enveloppe normée limite la marge de progression des autres concours à 447 millions d’euros supplémentaires par rapport à 2008, soit une revalorisation de 0, 89%.
En outre, la dotation générale de décentralisation, la DGD, n’évolue pas au niveau annoncé pour les régions.
Le projet de loi de finances prévoit un simple « gel » de la DGD, mais en réalité cette dotation va baisser pour les régions en 2009.
L’article 68 du projet de loi de finances révise le montant du droit à compensation des régions au titre de la compétence exercée sur les TER, pour tenir compte d’une modification du régime fiscal applicable aux subventions d’exploitation.
Le projet de loi de finances intègre désormais les subventions d’exploitation versées par les régions à la SNCF dans la catégorie de subventions non assujetties à la TVA et la compensation correspondante versée par l’État doit être minorée en conséquence. Ce mécanisme est compliqué, mais vous en aurez sans doute perçu le côté pernicieux.
Cette modification réduit le montant du droit à compensation de 82 millions d’euros, lesquels seront pris sur la DGD des régions en 2009. La DGD n’évoluera donc pas de 0 %, elle baissera de 6 %.
Du côté des dépenses, aucun accord global n’a été passé entre l’État et la SNCF pour compenser cette mesure. On laisse aux régions le soin de se débrouiller pour négocier avec la SNCF la perte qu’elles auront subie.
Comme l’a souligné Gilles Carrez dans son rapport sur le projet de loi de finances, on peut se demander pourquoi cette minoration n’est pas retranscrite au sein du périmètre des concours de l’État dont la DGD fait partie.
Peut-être est-ce du fait de la précipitation dans laquelle a été prise cette mesure, peut-être est-ce aussi pour majorer l’« effort » de l’État en faveur des collectivités locales ?
Enfin, madame la ministre, l’évolution des concours de l’État aux collectivités locales est trompeuse.
Vous l’avez dit et répété, le projet de loi de finances affiche une évolution globale des concours de l’État de 2 %. M. Soisson a fait de même, hier, lors du débat d'orientation budgétaire en Bourgogne.
Comme nous l’avons vu, cette évolution n’est obtenue que par le biais de plusieurs éléments. Le FCTVA est intégré dans l’enveloppe alors qu’il ne l’abondait pas auparavant puisqu’il n’était pas considéré, à juste titre, comme une dotation. La minoration de 82 millions d’euros de la DGD n’est pas prise en compte. Enfin, une série de concours, qui jouent le rôle de variables d’ajustement, est artificiellement réintégrée. C’est en particulier le cas des compensations fiscales qui diminueront, initialement de 22%, finalement de 17, 7% après discussion du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale.
En sortant le FCTVA de l’enveloppe et en réintégrant la DGD à hauteur du montant qui sera effectivement versé aux collectivités, les concours progressent en réalité de 0, 73%.
Pour conclure mon intervention, je tiens à souligner que, pour la première fois dans l’histoire de la décentralisation, le volume global de la dotation de compensation est en baisse d’un exercice sur l’autre. À preuve, les notifications qui ont été faites à la région Bourgogne font apparaître une baisse de 3 millions d’euros.
La norme d’évolution des concours de l’État affichée par le projet de loi de finances pour 2009 est donc un trompe-l’œil pour les collectivités. La plupart des régions verront en fait leurs dotations baisser, une première depuis 1982 et l’acte I de la décentralisation !
En 2009, l’État ne fournira pas aux régions les moyens d’assurer convenablement les missions qui leur ont été transférées dans le cadre de l’acte II de la décentralisation.
J’ajoute que les régions sont fortement sollicitées du fait de la crise actuelle. Mille emplois ont été supprimés en une semaine en région Bourgogne ! Les entreprises se tournent immédiatement vers nous et nous rencontrons tous les jours des salariés. Comment les accompagner avec des ressources qui baissent ou stagnent ? Vous imaginez la difficulté de notre tâche.
C’est pourquoi je ne souhaite aucun triomphalisme de la part du Gouvernement sur son soutien aux collectivités. Je ne sais pas ce que vous direz aux maires demain, madame la ministre. Vous leur expliquerez sans doute que l’État ne se désengage pas. Quant à moi, en me fondant sur la situation des régions, je vous prouve l’existence d’un réel désengagement.
J’ai écouté les propositions qui ont été avancées tout à l’heure par certains d’entre nous, et non des moindres, et je suis prêt à y souscrire.