Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, chacun dans cet hémicycle sait combien les principes de libre administration et d’autonomie financière des collectivités locales sont indissociables.
Or, avec l’introduction cette année d’un périmètre normé comprenant l’ensemble des concours de l’État aux collectivités, un pas de plus est franchi vers l’atténuation de ces principes et donc du sens même de la démocratie locale.
En effet, sous les effets conjugués du recul de la DGF, indexée sur une inflation virtuelle de 2 % alors que l’inflation réelle avoisinerait 3 %, et du plafonnement du FCTVA, désormais intégré à l’enveloppe normée, les marges de manœuvre des collectivités d’outre-mer seront encore plus réduites.
Cette diminution de ressources intervient de surcroît dans un contexte fiscal structurellement contraint puisque le produit des quatre taxes directes locales ne représente que 27 % des produits de fonctionnement en Guadeloupe, contre 57 % dans l’Hexagone.
S’y ajoutent les principaux contrecoups des atteintes portées à la défiscalisation sur l’activité économique, notamment à travers des reports d’investissements qui accentueront nécessairement la diminution du produit fiscal.
À cela vient s’additionner l’exonération de la taxe professionnelle annoncée par le Président de la République jusqu’au 1er janvier 2010 pour les nouveaux investissements.
Au surplus, la réduction des dotations ne pourra même pas être compensée par l’emprunt, la crise financière ayant renchéri le coût du crédit.
Dans un contexte aussi alarmant, pourriez-vous, madame la ministre, nous rassurer sur la capacité du Gouvernement à dégager l’horizon budgétaire des collectivités locales en n’introduisant pas de «variable d’ajustement » dans le calcul de la DGF, en maintenant le FCTVA en tant que recette distincte et en garantissant l’indexation globale des dotations sur l’inflation réelle ?
Au-delà, les conséquences de ce projet de loi de finances affecteront tout particulièrement la collectivité départementale.
S’agissant tout d’abord des dépenses sociales, je n’ai eu de cesse, depuis 2004, d’alerter le Gouvernement sur la nécessité de réviser les paramètres de compensation du RMI, 60 millions d’euros restant à la charge du budget du conseil général de la Guadeloupe.
À cet égard, je dois vous dire la forte inquiétude que je partage avec les exécutifs départementaux ultramarins : nous craignons que l’entrée en vigueur du RSA ne vienne creuser ce différentiel.
Dans ce contexte plutôt préoccupant, pourriez-vous nous apporter, madame la ministre, des garanties relatives à la pérennité de cette « petite soupape » que constitue le fonds de mobilisation départementale pour l’insertion ? Nous éviterions ainsi l’affaiblissement budgétaire de nos départements.
Madame la ministre, chers collègues, je conclurai en évoquant un autre point d’inquiétude soulevé par ce projet de loi de finances. Celui-ci impose au budget du conseil général de la Guadeloupe de supporter outre mesure les conséquences de la création des collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.
En effet, pour abonder la dotation globale de compensation prévue par la loi, l’État envisage de ponctionner la DGF et la DGD du département de façon disproportionnée et abusive : pour certaines dépenses, au-delà du niveau jusqu’à présent compensé par l’État ; pour d’autres, en « récupérant » les fonds propres du département affectés à des dépenses qu’il conduisait de manière volontariste sur ces territoires.
Pour cette raison, madame la ministre, je vous demande d’appliquer strictement la loi en limitant les contributions de la Guadeloupe aux budgets de Saint-Martin et Saint-Barthélemy aux seules recettes fiscales qui leur reviennent et à la fraction des compensations versées par l’État au département qui correspond aux compétences transférées à ces collectivités.
En définitive, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rompt manifestement avec le contrat de croissance et de stabilité qui prévalait jusqu’alors.
Si nous comprenons la nécessité d’un effort de redressement des comptes de l’État, nous souhaiterions toutefois que ce dernier n’accroisse pas davantage les difficultés de nos collectivités.