Intervention de Roland Courteau

Réunion du 22 octobre 2010 à 9h30
Réforme des retraites — Articles additionnels avant l'article 25

Photo de Roland CourteauRoland Courteau :

Qu’est-ce que la pénibilité ?

Jusqu’à présent, il faut bien le dire, nous n’en avions qu’une idée imprécise au travers de quelques articles du code du travail, du code des pensions ou de la notion de service actif dans la fonction publique.

Le Gouvernement n’apporte donc pas de réponse à la question, laquelle n’a pourtant rien de mystérieux. Après dix-huit séances de négociations inabouties des partenaires sociaux sur ses conséquences, la pénibilité a fait l’objet d’une définition : « La pénibilité au travail résulte de sollicitations physiques ou psychiques de certaines formes d’activité professionnelle qui laissent des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé des salariés et qui sont susceptibles d’influer sur l’espérance de vie. ».

Il est donc absolument regrettable que la définition de la pénibilité ne figure pas en tête de ce titre IV nommé « Pénibilité du parcours professionnel ».

Les critères de pénibilité sont clairement identifiés comme des contraintes physiques, telles que le port de charges lourdes et les contraintes posturales, un environnement agressif, notamment l’exposition à des produits toxiques, au bruit, à des températures extrêmes, et des rythmes de travail contraignants, notamment le travail de nuit, les horaires décalés et le travail posté. Ce que le patronat avait ainsi énuméré, ce sont les conditions de travail qui amènent à l’incapacité.

Toute l’hypocrisie du propos ressort : la pénibilité était reconnue, et les conditions de sa reconnaissance, donc d’une compensation éventuelle, étaient calculées pour correspondre aux conditions qui amènent à l’invalidité. C’est ce que l’on appelle un tour de passe-passe.

Par conséquent, la pénibilité n’est pas définie par le projet de loi, alors que les nombreux rapports d’experts, la négociation des partenaires sociaux et mêmes les rapports parlementaires y font référence.

Ainsi trouve-t-on dans le rapport d’information fait au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale mention du rapport d’Yves Struillou, pour qui « les connaissances scientifiques actuelles permettent d’affirmer que le travail peut avoir des conséquences sur la longévité et la qualité de vie au grand âge ».

D’après les travaux du professeur de médecine Gérard Lasfargues, qui y sont également mentionnés, « l’état de santé des travailleurs en fin de vie active et au-delà dépend des conditions de travail et, plus globalement, de la pénibilité de leur travail ».

Les choses sont donc beaucoup plus claires qu’on veut bien nous le faire croire, et c’est même cette clarté qui est gênante ! En effet, si l’on définit la pénibilité et si l’on en mesure les conséquences sur l’état de santé, la durée et la qualité de vie des travailleurs et des anciens travailleurs, on doit aussi en mesurer les conséquences juridiques et financières.

Vous ne voulez pas reconnaître la pénibilité. Vous ne voulez pas que l’État ni le patronat en assument les conséquences. Et c’est parce que vous ne voulez pas la reconnaître que vous prenez bien garde à ne pas la définir.

Telle est la raison de notre insistance sur ce sujet.

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