La retraite reflète le parcours professionnel. Pourtant, est-il acceptable que celles et ceux qui ont subi des temps partiels imposés pâtissent d’une pension de retraite partielle ?
La question du temps partiel est en effet au cœur des inégalités.
Nous avons déjà eu l’occasion d’aborder la difficile situation des femmes. Je rappelle que les deux tiers des salariés à bas salaires sont des femmes et que près des trois quarts des salariés à bas salaires ont effectué moins de 1 200 heures dans l’entreprise où ils travaillent.
La moitié des salariés à temps partiel perçoivent un revenu net mensuel inférieur à 800 euros par mois. À temps partiel imposé, le salaire descend à 700 euros par mois.
Le temps partiel concerne un tiers de femmes, et la plupart d’entre elles le subissent. Pourquoi ? Parce que le temps partiel imposé par l’employeur est très rentable pour l’entreprise : il lui permet d’ajuster la présence de la main-d’œuvre aux fluctuations de l’activité, par exemple dans la grande distribution ou le commerce, ou aux besoins des donneurs d’ordre, comme dans le nettoyage en entreprise, et de ne pas payer l’employé le reste du temps. De plus, la productivité horaire du travail à temps partiel est supérieure à celle du temps complet.
Mais, pour le salarié, le tableau est bien plus sombre.
Dans le régime général, la validation, ou non, des trimestres travaillés à temps partiel dépend en réalité de la rémunération perçue. Une rémunération égale à 200 heures payées au SMIC donne droit à un trimestre validé, ce qui correspond, en gros à un temps partiel égal ou supérieur à 40 % de temps plein, soit 15, 3 heures par semaine.
Un salarié au SMIC à mi-temps sur une année validera bien une année. Mais les salariés au SMIC avec un contrat partiel inférieur à quinze heures par semaine ne valideront pas de trimestre. Or, près de 5 % des femmes actives occupées sont concernées par ces emplois, soit 545 000 femmes, et l’immense majorité d’entre elles souhaiteraient travailler plus. Que faire ?
Une disposition avait été intégrée dans la loi de 2003 : la possibilité était ouverte aux personnes employées à temps partiel de cotiser sur la base d’un temps plein pour permettre la prise en compte du salaire complet dans le calcul de la pension. Bien sûr, cette possibilité est très peu utilisée, ce qui se comprend puisqu’elle représente un surcoût important pour des salariés qui touchent déjà de faibles salaires, les emplois à temps partiel étant prépondérants dans les emplois rémunérés au SMIC.
C’est pourquoi il faut se préoccuper sérieusement du sort des travailleurs à temps partiel, améliorer leur situation et veiller à ce qu’elle ne se dégrade pas avec cette réforme. Pour corriger cette injustice, on pourrait abaisser la limite des deux cents heures par trimestre à cent cinquante-six heures, soit douze heures par semaine, pour valider un trimestre, en interdisant parallèlement aux entreprises tout contrat à temps partiel inférieur à cette durée.
J’aurais aimé débattre plus longtemps avec le Sénat de la situation des travailleuses à temps partiel, mais, malheureusement, la censure qui a frappé hier ne nous en donne pas l’occasion !