Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 22 octobre 2010 à 14h30
Réforme des retraites — Vote unique

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

L’utilisation du troisième alinéa de l’article 44 du règlement est d’autant plus regrettable que la procédure du vote unique ne nous permet pas d’échanger véritablement sur les amendements qui nous semblent très importants. Je pense particulièrement à ceux qui concernent les transferts de dépenses vers les départements et vers l’UNEDIC.

Nombre d’entre vous, sur toutes les travées de cette assemblée, sont président de conseil général. Vous savez qu’aujourd’hui plus de vingt-cinq départements connaissent de très grandes difficultés financières et que le budget 2011 s’annonce périlleux ; mais j’y reviendrai.

Monsieur le ministre, vous avez affirmé que, dans notre système de protection sociale, les chômeurs accumulaient également des droits à la retraite. Ce n’est que partiellement vrai pour les chômeurs non indemnisés. Cela aura des conséquences importantes sur le régime d’assurance chômage, dans la mesure où les salariés privés d’emploi voient, eux aussi, l’âge légal de départ à la retraite repoussé de deux ans. Par conséquent, s’ils ne trouvent pas d’emploi, ils devront donc bénéficier, si j’ose dire, de la mesure qui leur permet de percevoir leurs indemnités jusqu’à 62 ans.

Autrement dit, les salariés privés d’emploi resteront chômeurs deux ans de plus. Or, nous le savons tous, le statut de chômeur n’a rien à voir avec celui de retraité ; il est nettement moins intéressant ! Cela entraînera mécaniquement une hausse des dépenses de l’assurance chômage. Mais, comme vous refusez d’augmenter les cotisations sociales, vous serez tenté de prendre de nouvelles mesures coercitives à l’encontre des demandeurs d’emploi.

Malheureusement, on connaît la pente naturelle de votre action ! On peut même d’ores et déjà parier que les mois à venir seront marqués par une multiplication des cas de radiation et ce sera grave !

Quand aux salariés privés d’emploi qui ne parviendraient pas à trouver un emploi ou qui se verraient radier des listes de demandeurs d’emplois, ils vont basculer vers les régimes de solidarité, c’est-à-dire – et c’est là où j’en reviens aux départements – les allocations de solidarité, mais surtout le revenu de solidarité active, dont, je le signale au passage, les montants versés ne dépassent pas 500 euros.

Qui va payer tout cela maintenant ? Ce sont les collectivités territoriales, principalement les départements, qui devront supporter ces dépenses, et cela pendant deux ans de plus, puisque vous avez reporté de deux ans l’âge légal permettant d’accéder à la retraite.

J’insiste auprès de mes collègues conseillers généraux : il s’agit là d’un transfert de charges discret, mais important, et surtout ne faisant pas l’objet d’une compensation de la part de l’État ! Cela ne va pas manquer d’accroître les difficultés que subissent déjà aujourd’hui les départements.

Cette question inquiète les élus départementaux. L’Assemblée des départements de France a récemment fait un important travail d’évaluation de ces transferts et de rédaction d’un texte qui pourrait fort bien inspirer prochainement une proposition de loi relative à la compensation des dépenses sociales. On peut notamment lire le constat suivant, que nous partageons : « le financement inapproprié d’une partie du système de solidarité nationale menace l’équilibre financier des départements ».

Compte tenu du chômage de masse et du faible taux d’emploi des seniors, la participation de l’État au titre de ce qu’il est convenu d’appeler le « RSA chapeau » risque d’être plus que limitée. J’en parle avec d’autant plus de conviction que, dans mon département, la Meurthe-et-Moselle, nous avons beaucoup travaillé sur ces questions sous la direction du président du conseil général, Michel Dinet.

Nous considérons, pour notre part, que vous n’ignoriez rien des conséquences de ce projet de loi sur les départements. C’est sciemment que vous avez pris la décision de basculer les salariés privés d’emplois des mécanismes de la solidarité nationale vers la solidarité assumée par les départements, au risque de déstabiliser ceux-ci encore un peu plus et d’aggraver les inégalités territoriales !

Notre assemblée, qui devrait avoir à cœur de représenter les collectivités territoriales, ne peut accepter cela. C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous appelons à voter contre ces amendements dans l’immédiat et contre l’ensemble de ce projet de loi tout à l’heure. §

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