La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Dans la discussion des articles, nous en revenons à l’amendement n° 440, tendant à insérer un article additionnel après l’article 27 ter AC, que son auteur a souhaité rectifier selon les suggestions de M. le ministre.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 440 rectifié, présenté par M. Le Menn, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Godefroy, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Après l'article 27 ter AC, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement dépose au Parlement avant le 1er janvier 2012 un rapport visant à étudier un barème d'attribution des pensions d'invalidité cohérent avec le barème d'attribution de l'AAH et à mieux encadrer la définition de l'inaptitude ; ce rapport propose des indications pertinentes de pratique pour les échelons locaux du service médical de l'assurance maladie en vue d'une réduction de l'hétérogénéité des décisions.
La parole est à M. Jacky Le Menn.
Nous avons donc rectifié cet amendement afin d’atteindre l’objectif que nous visons.
Je vous le rappelle, nous souhaitons la mise en place, à terme, d’un barème d’attribution des pensions d’invalidité cohérent avec d’autres barèmes existants, en passant par la remise d’un rapport pour approfondir la question.
Compte tenu de la complexité et de la technicité du sujet, nous souhaitons prendre suffisamment de recul pour bien le maîtriser.
C'est la raison pour laquelle nous avons retenu la date du 1er janvier 2012, sur laquelle un accord semble avoir été trouvé.
Je me réjouis que notre collègue Jacky Le Menn ait décidé de rectifier son amendement.
En effet, il est très important que, pour l’avenir, nous puissions disposer d’un tel barème d’attribution des pensions d’invalidité – ce sera une référence nationale – et, surtout, que ce barème soit cohérent avec tous les autres.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
La proposition de M. Le Menn est une bonne initiative, qui permettra d’éclairer et de remettre en cohérence les trois barèmes, ce qui n’est pas rien…
Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
L’amendement n° 440 rectifié est donc ajoutée à la liste des amendements acceptés par le Gouvernement.
Le vote est réservé.
L'amendement n° 462, présenté par M. Kerdraon, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau et Jeannerot, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 30 juin 2011, un rapport du Gouvernement est transmis au Parlement sur le bilan de la négociation triennale prévue par l'article L. 2241-4 du code du travail sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, les conditions de travail et l'emploi des salariés âgés. Ce rapport mentionne notamment les résultats obtenus en matière d'amélioration de l'accès à l'emploi des seniors, d'accompagnement des salariés tout au long de leur vie professionnelle, et d'accès à la formation professionnelle pour les salariés en seconde partie de carrière.
La parole est à M. Roland Courteau.
Cet amendement vise à organiser l’évaluation de la négociation triennale prévue par l’article L. 2241-4 du code du travail, portant sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, les conditions de travail et l’emploi des salariés âgés et la prise en compte de la pénibilité.
À travers un rapport du Gouvernement remis au Parlement avant le 30 juin 2011, qui mentionnerait notamment les résultats obtenus en matière d’amélioration de l’accès à l’emploi des seniors, d’accompagnement des salariés tout au long de leur vie professionnelle et d’accès à la formation professionnelle pour les salariés en seconde partie de carrière, nous pourrions avoir une vision précise des résultats de ces négociations triennales et faire ainsi le bilan des aides et incitations à apporter aux entreprises, entre celles qui fonctionnent et celles qui, parce qu’elles sont inefficaces, doivent être supprimées.
Le choix de l’évaluation des dispositifs mis en place par les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels est indispensable.
En effet, il permet d’éviter que l’on ne prenne trop hâtivement des mesures financières en faveur des employeurs, mesures qui se révèlent en fait sans effet sur l’emploi des seniors et qui ne font, au contraire, qu’entretenir leur précarité professionnelle.
En outre, une telle évaluation permet de cibler les mesures efficaces avec pertinence, ouvrant ainsi la voie à leur généralisation.
Cet amendement a pour objet la remise d’un rapport supplémentaire. L’avis de la commission est défavorable.
L’évaluation demandée figure déjà dans les missions qui ont été attribuées au comité de pilotage des régimes de retraite.
En outre, le bilan des négociations relève de la compétence de la commission nationale des conventions collectives. Cet amendement ne me paraît donc pas nécessaire. Avis défavorable.
Le vote est réservé.
L'amendement n° 463, présenté par M. Kerdraon, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau et Jeannerot, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 138-24 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L'inspection du travail procède annuellement au contrôle de l'application de l'accord ou du plan d'action dans l'entreprise. »
La parole est à Mme Christiane Demontès.
Cet amendement vise à insérer à l’article L. 138-24 du code de la sécurité sociale une mesure imposant un contrôle annuel par l’inspection du travail des entreprises et établissements publics employant au moins cinquante salariés, contrôle portant sur leur application des accords ou plans d’actions relatifs à l’emploi des salariés âgés.
En effet, ces entreprises sont soumises à une pénalité à la charge de l’employeur d’un montant de 1 % des rémunérations ou gains versés aux salariés ; c’est ce que prévoit le projet de loi.
Le bilan de l’application de l’article L. 138-24 du code de la sécurité sociale est mince.
Si 75% des entreprises s’engagent, évitant ainsi les pénalités et les contentieux liés aux licenciements et permettant alors de diminuer les salaires des seniors par des temps partiels assortis de tutorat, s’engager ne veut pas dire mettre en place un dispositif efficace !
Le terme « accord » recouvre souvent des décisions unilatérales ; peu de branches se sont engagées à embaucher des salariés âgés de 50 ans. Le Conseil d’orientation des retraites, le COR, remarque même que la plupart des entreprises se fixent juste l’objectif de ne pas s’en débarrasser !
Monsieur le ministre, la plupart des accords ne mangent pas de pain : soit ils confirment des principes qui existaient déjà, soit ils réinstaurent des pratiques connues.
Cependant, il y a des exceptions, notamment quelques initiatives positives : le CV anonyme chez Accor, les forums de recrutement dédiés aux salariés âgés chez l’Oréal – eh oui ! –, les entretiens de carrière tous les cinq ans à partir de 45 ans chez Renault, les bilans de santé quinquennaux pour les plus de 50 ans chez Safran...
Mais il y a peu de contrôles.
Par conséquent, cet amendement, que vous avez censuré, prévoit que l’inspection du travail pourrait être prévenue lors de l’élaboration de l’accord ou du plan d’action, puis lors de sa mise en œuvre. Elle opérera ainsi dans l’entreprise un contrôle annuel de l’exécution de l’accord ou du plan d’action et veillera à l’application de la pénalité.
Cet amendement tend à apporter une précision qui nous semble inutile, car les inspecteurs du travail ont déjà compétence pour contrôler des entreprises et voir quelles mesures ont été prises en faveur des salariés âgés.
Le vote est réservé.
L'amendement n° 464, présenté par M. Kerdraon, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau et Jeannerot, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l'article L. 138-24 du code de la sécurité sociale, le chiffre : « 1% » est remplacé par le chiffre : « 3 % ».
La parole est à M. Jacky Le Menn.
Toujours dans le même esprit, nous essayons de faire en sorte que les seniors soient défendus dans les entreprises pour qu’ils puissent y rester et ne pas être forcément licenciés. En outre, il faut qu’ils puissent être embauchés lorsqu’ils cherchent du travail.
Cet amendement porte donc sur le montant de la pénalité prévu à l’article L. 138-24 du code de la sécurité sociale en cas de carence d’accord ou de plan d’action pour l’emploi des seniors âgés de plus de 50 ans dans les entreprises, y compris les établissements publics de plus de cinquante salariés.
Nous proposons d’augmenter le montant actuel de la pénalité, qui – je le rappelle – représente aujourd'hui 1 % des rémunérations ou gains versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise n’est pas couverte par l’accord ou le plan d’action.
Cet amendement demande donc que le taux de pénalité soit porté de 1 % à 3 %. La pénalité étant renforcée, nous espérons que l’incitation trouvera réellement son efficacité.
Nous l’avons dit, le fait de fixer cette pénalité à 3 % nous semble excessif. L’avis de la commission est donc défavorable.
Le vote est réservé.
L'amendement n° 1095, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les entreprises, y compris les établissements publics, employant au moins cinquante salariés et devant, avant le 1er janvier 2010, avoir conclu un accord ou établi un plan d'action relatif à l'emploi des salariés âgés sont tenues d'organiser, après consultation du comité d'entreprise, la publicité du taux de salariés de cinquante ans et plus licenciés pour inaptitude au travail et son évolution.
La parole est à M. Jean-François Voguet.
Par cet amendement, nous proposons un rapport : « un de plus », me direz-vous… Mais oui !
Celui-ci revêt toutefois une grande importance, puisqu’il tendrait à mesurer avec précision le nombre de salariés âgés de plus de 55 ans ayant été licenciés pour inaptitude.
Cette question revêt un caractère d’autant plus important que les principales mesures de votre projet de loi, allongement de la durée de cotisation, report de l’âge légal de départ à la retraite et basculement à 67 ans de l’âge permettant de bénéficier d’une retraite sans décote, entraineront de fortes réductions de pensions des salariés qualifiés de seniors
Selon une enquête menée en 2007, la part des salariés de plus de 55 ans reconnus inaptes au travail était de 26, 5 % et celle des salariés de 50 ans à 55 ans représentait 23, 6 %. Au total, les salariés de plus de 50 ans reconnus inaptes au travail représentent 49 % des inaptitudes déclarées, alors qu’ils ne représentent que 15 % des effectifs. Cette situation a pour effet, dans bien des cas, de contraindre ces salariés à vivre avec le minimum vieillesse, situation dont nous ne pouvons nous satisfaire.
Mais, dans le même temps, nous savons tous que l’inaptitude est, pour les médecins du travail, le seul outil dont ils disposent pour protéger les salariés de plus de 50 ans usés par le travail. Voici ce que l’on pouvait lire, en 2004, dans un article de Mme Bardot, médecin du travail, paru dans la revue Travail et santé :
« Il arrive en effet que le médecin décide d’intervenir pour aider des salariés à quitter une situation de travail devenue aggravante pour leur santé. Ces personnes sont atteintes de pathologies qui ne relèvent pas de l’invalidité, mais qui, pourtant, ne leur permettent plus de travailler sans dommage à leur poste ou dans leur métier. L’inaptitude médicale, que l’on peut qualifier d’“ inaptitude de protection de la santé ”, est alors le recours ultime pour sortir du travail avant 60 ans ou avant l’acquisition des droits à pension complète. Elle se solde généralement par un licenciement. »
Ce constat prête à réfléchir et il nous semble qu’il serait opportun, six ans après la parution de cet article, de mesurer la réalité de la part des seniors dans le nombre de salariés concernés par les mesures d’inaptitude.
Tel est le sens de cet amendement que nous aurions aimé discuter avec vous, s’il n’avait pas été censuré, à notre grand regret !
L’amendement n° 291, présenté par M. Le Menn, Mme Demontès, M. Bel, Mmes Jarraud-Vergnolle et Printz, MM. Daudigny, Godefroy et Teulade, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau et Desessard, Mme Ghali, MM. Jeannerot, Gillot, Kerdraon et S. Larcher, Mmes Le Texier, San Vicente-Baudrin, Schillinger et Blondin, MM. Domeizel, Assouline, Bérit-Débat, Bourquin et Botrel, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mme Khiari, MM. Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Afin de favoriser le maintien des seniors dans leur emploi, les accords mentionnés à l’article L. 138-24 du code de la sécurité sociale et à l’article L. 5212-8 du code du travail prévoient des mesures permettant aux salariés âgés de plus de cinquante-cinq ans rencontrant des difficultés sur leur poste de travail de bénéficier, sans perte de salaire et sans préjudice de leur droit à pension, d’une diminution de 20 % de leur temps de travail.
La parole est à M. Jacky Le Menn.
Cet amendement est de la même veine que les précédents : il tend à soutenir l’emploi des seniors, plus particulièrement lorsqu’ils sont handicapés, situation qui exige de notre part une vigilance et une aide accrues !
Pour les seniors handicapés, l’Association pour la gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés, l’AGEFIPH, a développé une mesure expérimentale permettant aux salariés handicapés âgés de 55 ans et plus de diminuer leur temps de travail sans perte de salaire et en continuant à cotiser à taux plein pour la retraite.
Or la pratique et, notamment, le suivi de cette expérience montrent que certaines entreprises ont décidé de diminuer les salaires de ces travailleurs, nonobstant l’entrée en vigueur de cette disposition expérimentale.
Afin d’assurer dans de bonnes conditions le maintien dans l’emploi des seniors rencontrant des difficultés sur leur poste de travail, cet amendement vise donc à encadrer au mieux les dispositifs prévus à cet effet pour éviter qu’ils ne soient détournés ou dénaturés.
C’est pourquoi notre amendement tend à préciser que ces salariés pourront bénéficier d’une diminution de 20 % de leurs temps de travail sans diminution de salaire et que cette disposition devra être inscrite dans leur contrat de travail.
Le vote est réservé.
L’amendement n° 381 rectifié, présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l’article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 5121-3 du code du travail, après le mot : « compétences », sont insérés les mots : « pour leurs salariés âgés de quarante-cinq et plus ».
La parole est à M. Daniel Marsin.
En France, le taux d’emploi des seniors est très faible puisqu’il se situe autour de 38 %. Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il est urgent de les réintégrer dans le monde professionnel, et le débat actuel le confirme. Malheureusement, aujourd’hui encore, les freins à l’emploi des seniors reposent sur des stéréotypes négatifs, alors que leur expérience doit être recherchée et valorisée par l’adoption de dispositifs adaptés.
Aussi cet amendement vise-t-il à compléter l’article L. 5121-3 du code du travail en précisant que le plan de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences doit bénéficier aux salariés dès 45 ans.
Le vote est réservé.
L’amendement n° 382 rectifié, présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l’article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 5121-2 du code du travail, il est inséré un article L. 5121-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5121-2-1. - Le salarié ou le demandeur d’emploi, âgé de cinquante-cinq ans ou plus, peut bénéficier à sa demande d’un aménagement de ses conditions de travail. »
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 383 rectifié, présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l’article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un décret précise les conditions selon lesquelles, dans les entreprises de plus de 300 salariés, l’inspecteur du travail peut constater un recours abusif aux procédures de licenciement et de pré-retraite concernant les salariés de plus de cinquante-cinq ans. Après une telle constatation et au terme d’une procédure contradictoire avec le comité d’administration ou de surveillance, l’inspecteur du travail peut soumettre à une majoration de 10 % les cotisations dues par l’employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales pour l’ensemble des salariés dans l’entreprise concernée, pour une période de douze à vingt-quatre mois.
La parole est à M. Daniel Marsin.
Avec cet amendement, nous ne changeons pas de registre : l’emploi des seniors et les pratiques en matière de licenciement et de préretraite sont au cœur de la problématique de la pérennité du système de retraites.
Il est donc essentiel pour l’État de se doter des moyens concrets de lutter contre les dérives constatées et de promouvoir l’emploi des plus de 55 ans qui souhaitent et peuvent continuer à travailler.
Le vote est réservé.
L’amendement n° 384 rectifié, présenté par MM. Collin, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde, MM. Marsin, Milhau, Plancade, Vall, Vendasi, Tropeano et Mézard, Mme Escoffier et M. Baylet, est ainsi libellé :
Après l’article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Peuvent être financées au titre de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue dans le cadre du plan de formation les dépenses correspondant à une part de la rémunération des salariés de cinquante-cinq ans et plus assurant le tutorat de jeunes de moins de vingt-six ans embauchés en contrat de professionnalisation. Un décret détermine les modalités d’application du présent article.
La parole est à M. Daniel Marsin.
En France, le taux d’emploi des personnes âgées de 55 ans à 64 ans se situe autour de 38 %. Il est inférieur à la moyenne européenne, qui s’élève à 43, 6 %, et au taux d’emploi des seniors des principaux pays partenaires, tels que l’Allemagne, les États-Unis ou le Royaume-Uni. Cette caractéristique s’explique principalement par l’existence en France d’une rupture importante entre 59 ans et 60 ans, puisque le taux d’emploi passe de 42 % à 59 ans à 25 % à 60 ans.
Traditionnellement utilisé pour transmettre les savoirs, le tutorat nous apparaît comme une piste méritant d’être privilégiée pour favoriser l’emploi des seniors, permettre la transmission de leurs compétences et de leur savoir-faire, tout en facilitant l’intégration des jeunes dans l’entreprise. L’expérience des seniors constitue une grande richesse pour les entreprises. Il nous paraît essentiel de préserver ce capital humain. D’ailleurs, selon une enquête, 86 % des jeunes interrogés reconnaissent qu’être formés par un collègue beaucoup plus âgé permet « d’acquérir une expérience et un savoir-faire inégalables ».
L’amendement que nous vous proposons d’adopter incitera le développement de la fonction de tuteur exercée par des seniors. Cet amendement qui nous paraît donc essentiel dans le contexte actuel.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Mais, comme il tend à pérenniser un dispositif expérimental, le Gouvernement va peut-être se prononcer différemment.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement parce que le financement du tutorat par la formation professionnelle, dans le cadre juridique que vous avez reprécisé, monsieur le sénateur, me paraît tout à fait indiqué.
Le vote est réservé.
L’amendement n° 971, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l’article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3312-4 du code du travail est abrogé.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Alors que le projet du Gouvernement a pour conséquence de faire supporter 85 % du poids de cette réforme aux salariés, notre groupe n’a eu de cesse de chercher, par tous les moyens, à proposer un financement solidaire et durable pour les retraites. Tel n’est pas le cas de votre réforme puisque, malgré elle, il manquera toujours plus de 4 milliards d’euros pour parvenir à l’équilibre financier.
Parmi les mesures que nous préconisons figure l’élargissement de l’assiette des cotisations sociales à l’ensemble des revenus. La Cour des comptes estime que cette mesure devrait pouvoir rapporter 3 milliards d’euros. En ce sens, notre proposition de soumettre à cotisations sociales les sommes perçues par les salariés en raison de l’application d’un accord d’intéressement ou au titre du supplément d’intéressement participe de cette dynamique.
Certes, notre proposition ne permettra pas, à elle seule, de combler le déficit de la sécurité sociale. Mais elle s’inscrit dans un cercle vertueux qui met fin à la pratique scandaleuse des exonérations de cotisations sociales. La sécurité sociale signale plus de soixante cas d’exonérations – en faveur des bas salaires, des heures supplémentaires, etc. –, qui représentaient un manque à gagner de 30, 7 milliards d’euros en 2008, et dont la majorité d’entre elles sont compensées par l’État. Or ce dernier verse cet argent avec retard, quand il n’accumule pas les dettes, et la part non compensée atteint entre 4 milliards et 8 milliards d’euros.
Quant aux salariés, ils paient deux fois : d’une part, en cotisations, puisque les exonérations réduisent le plus souvent la part dite « patronale » et, d’autre part, en impôts. À moyen terme, il est nécessaire d’engager une réforme pour rendre le système moins inégalitaire ; je dirais même plus : pour le rendre juste !
On pourrait même considérer que les salariés payent trois fois ces exonérations puisqu’elles contribuent à comprimer les salaires et à réduire le pouvoir d’achat réel de nos concitoyens.
Il en va ainsi des sommes versées au titre de l’intéressement et de la participation, qui manquent aux comptes sociaux et servent de prétexte aux employeurs dès lors qu’il s’agit de justifier le gel des salaires, quand ce n’est pas la réduction des droits !
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Abroger cet article du code du travail reviendrait en fait à pénaliser les salariés, qui seraient amenés à payer des impôts et des cotisations sur des sommes qui sont aujourd’hui exonérées.
Le déficit de la CNAV ne s’élève pas à 4 milliards d’euros, mais à 2, 4 milliards d’euros, madame la sénatrice. Notre idée est de le ramener à zéro à l’échéance de 2020 par des transferts hors AGIRC-ARRCO, comme nous l’avons expliqué à la commission des finances.
Le vote est réservé.
L’amendement n° 1098, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l’article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles L. 1237-11 à 1237-16 du code du travail sont abrogés.
La parole est à M. Guy Fischer.
Comme nous l’avons vu au cours des débats concernant les mesures en faveur de l’emploi des seniors, le contenu de ces dispositions est bien mince et se réduit à la pérennisation de la retraite progressive, à la prorogation du versement de l’allocation équivalent retraite et à la création d’un nouveau contrat aidé.
Cette dernière mesure, le contrat exonéré de charges sociales patronales, n’aura probablement aucun effet durable sur l’emploi des seniors, mais elle va, de façon certaine, vider un peu plus les caisses de l’État.
Alors que la Cour des comptes a tiré le signal d’alarme concernant l’effet désastreux pour notre budget des niches fiscales et sociales existantes, le Gouvernement a créé ce nouveau dispositif de manière anachronique. En effet, celui-ci va créer un nouvel effet d’aubaine pour les entreprises et il risque d’être détourné de son objectif premier, puisqu’un simple contrat à durée déterminée de six mois donnera droit à cette aide de l’État.
Parmi les autres mécanismes juridiques ayant donné lieu à des abus, la rupture conventionnelle figure en bonne place : il s’agit d’un mode particulier de rupture « à l’amiable » du contrat de travail, à durée indéterminée cette fois.
Ce mécanisme mérite de vraies critiques dans la mesure où il a fait et fait encore l’objet d’une importante dérive dans certaines entreprises.
Ce mécanisme, qui n’est ni un licenciement ni une démission, est détourné de sa finalité. En fait, la rupture conventionnelle sert de dispositif de départ anticipé à la retraite, et cela aux frais de l’assurance chômage.
Une fois de plus, certaines entreprises font payer par d’autres caisses des coûts qu’elles devraient supporter puisque ces ruptures servent en réalité de variables d’ajustement. Par ce biais, les entreprises externalisent les coûts de leur politique salariale, bien évidemment au nom de leur productivité.
Il est bien loin l’objectif de maintenir les seniors dans l’emploi. Ainsi, comme le révèle une étude de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, dans les entreprises de plus de cinquante salariés au sein desquelles les salariés de 58 ans et plus sont surreprésentés, les ruptures conventionnelles représentent près de 14 % des sorties de l’entreprise.
De même, 15 % à 20 % des séparations à l’amiable conclues dans le secteur des mines et de la métallurgie concernent des salariés de plus de 50 ans.
Au moment même où le Gouvernement entend reporter de 60 à 62 ans l’âge légal de départ à la retraite et prétend vouloir améliorer le taux d’emploi des seniors, les auteurs de cet amendement proposent de refermer la brèche ouverte par la rupture conventionnelle.
Ils proposent donc que ce mécanisme soit supprimé du code du travail.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, car elle estime que supprimer du code du travail les articles relatifs à cette rupture conventionnelle n’est pas du tout cohérent avec le projet de loi que nous étudions actuellement.
Monsieur Fischer, si des abus en matière de rupture conventionnelle existent, …
… ce qui est probable, je ne le conteste pas, il faut les combattre, et ce par les moyens légaux.
Pour autant, ce n’est pas une raison pour mettre fin au dispositif de rupture conventionnelle. Celle-ci a d’ailleurs été souhaitée dès l’origine par les partenaires sociaux. Elle a donc évidemment sa place dans le droit français.
Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Le vote est réservé.
L'amendement n° 1099, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l'article L. 138-24 du code de la sécurité sociale, le taux : « 1 % » est remplacé par le taux : « 10 % ».
La parole est à Mme Odette Terrade.
Par cet amendement, nous souhaitons nous attaquer au faible taux d’emploi des seniors, l’un des plus faibles des pays de l’Union européenne.
En effet, mes chers collègues, vous ne souhaitez pas que ces seniors partent tôt à la retraite. Il y a donc urgence à traiter ce problème de société majeur car, au-delà de la détresse humaine qu’il occasionne chez les seniors privés d’emplois, il représente non seulement un coût pour nos comptes sociaux, mais également un appauvrissement des savoir-faire.
Pour ce faire, nous proposons notamment d’inciter plus fortement les entreprises à mettre en œuvre un accord ou un plan d’action relatif à l’emploi des salariés âgés. En effet, depuis le 1er avril 2010, les entreprises et les établissements publics employant au moins cinquante salariés risquent une pénalité, correspondant à 1 % des rémunérations ou des gains versés à leurs travailleurs salariés ou assimilés, s’ils n’ont pas conclu un tel accord ou établi un plan d’action.
Or il nous semble que cette pénalité n’est pas suffisamment élevée pour être incitative. Comme dans d’autres cas, les entreprises préféreront s’acquitter de la pénalité plutôt que de maintenir dans l’emploi ces salariés âgés ou de les recruter.
Bien évidemment, ce dispositif à lui seul ne saurait régler le problème du faible taux d’emploi des seniors. Ce problème doit être traité de pair avec les questions de pénibilité et de santé au travail.
De même, nous devons nous attaquer à l’idée reçue selon laquelle les salariés âgés coûtent trop cher ou sont inemployables. En effet, on ne peut que dénoncer le fait que les seniors soient les premiers visés par les plans sociaux.
Toutefois, cet amendement, que vous avez censuré, aurait pu contribuer à améliorer le taux d’emploi des seniors, en augmentant de manière significative la pénalité.
L'amendement n° 277, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 32 bis B, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires telles que prévues à l'article 81 quater du Code général des impôts sont supprimées.
La parole est à M. Jean Desessard.
Par cet amendement, nous, écologistes, souhaitons abroger les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires.
Cette mesure participe d’une volonté de suppression des niches fiscales, socialement inefficaces, et qui pourraient, dans leur totalité, rapporter plus de 15 milliards d’euros à l’État.
Parlons des heures supplémentaires.
« Travailler plus pour gagner plus » : cette promesse a un coût. Pour l’État, il est de 4 milliards d’euros par an. Pour les travailleurs, c’est l’augmentation du chômage.
Au slogan sarkozyste, nous préférons : « travailler tous, et travailler mieux »
Sourires
Ces 4 milliards d’euros économisés pourraient être affectés au financement de notre système de retraites. Ce n’est qu’une piste de financement.
De même, les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires coûtent cher : plus de 21 milliards d’euros par an. De plus, elles constituent une trappe à bas salaires. Pour cesser de subventionner le développement des emplois précaires et pour encourager la création d’emplois décents, ces exonérations ne devraient plus être accordées aux emplois à temps partiel d’une durée inférieure à trente heures. Cela permettrait d’économiser 4, 5 milliards à 5 milliards d’euros par an.
Monsieur le ministre, dans les boulangeries Monoprix, les employés travaillent trente heures par semaine, précisément afin que l’entreprise puisse bénéficier de cette exonération ? Le saviez-vous ?
Sachez en tout cas que j’ai d’autres exemples de ce type à votre disposition.
Je pourrais également évoquer la baisse de la TVA dans la restauration, qui représente un manque à gagner de 3 milliards d’euros par an, alors que les engagements de la profession n’ont pas été tenus par tous. Un restaurateur sur deux n’a pas baissé ses prix et très peu d’emplois ont été créés.
Ce sont des exemples qui visent à montrer, monsieur le ministre, qu’il y a de l’argent rapidement et même facilement mobilisable, si nous le voulions, pour répondre au déficit de l’assurance vieillesse.
Être écologiste, c’est utiliser au mieux les ressources, les répartir justement et les investir utilement. C’est s’assurer que les dépenses de l’État ont bien une utilité sociale et environnementale. C’est soutenir la conversion écologique de la société.
C’est pourquoi il faut dès à présent remettre à plat les comptes publics. Je vous invite donc à voter cet amendement, et à économiser ainsi 4 milliards d’euros par an.
C’est un amendement à 4 milliards d’euros, monsieur le ministre, somme qui permettra de financer le système des retraites. Dire que vous avez censuré un amendement qui pouvait rapporter quatre milliards d’euros ! §
Notre collègue Jean Desessard aura certainement à cœur de nous présenter cet amendement dans quelques semaines, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Desessard avec sa fougue habituelle, que j’apprécie beaucoup, a omis de dire que les 4 milliards d’euros correspondaient à des exonérations dont bénéficient actuellement les entreprises mais aussi les ménages. Le pouvoir d’achat des ménages est en jeu puisque ce montant inclut l’exonération d’impôt sur le revenu des ménages.
Mettre fin au dispositif des heures supplémentaires reviendrait donc à affaiblir le pouvoir d’achat des ménages et à réduire l’activité, puisque, j’en ai la conviction, l’exonération des heures supplémentaires permet, au-delà des heures contractuelles, d’encourager l’activité.
Vos 4 milliards, en définitive, coûteraient très cher !
L'amendement n° 182 rectifié, présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 32 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 3315-2 du même code est ainsi modifié :
1° Les mots : « plan d'épargne d'entreprise » sont remplacés par les mots : « plan d'épargne salariale » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le bénéficiaire ne demande pas la perception de la prime d'intéressement ou qu'il n'a formulé aucune demande explicite d'affectation de cette prime à un plan d'épargne salariale, sa prime est affectée par défaut pour un quart au plan d'épargne pour la retraite collectif prévu au chapitre IV du titre III, lorsqu'il existe dans l'entreprise et dans les conditions prévues par le règlement ou par l'accord instituant le plan ; les trois quarts de la prime sont directement payés au bénéficiaire. »
II. - L'article L. 3315-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le bénéficiaire ne demande pas la perception de la prime d'intéressement ou qu'il n'a formulé aucune demande explicite d'affectation de cette prime à un plan d'épargne salariale, sa prime est affectée par défaut pour un quart au plan d'épargne pour la retraite collectif prévu au chapitre IV du titre III, lorsqu'il existe dans l'entreprise et dans les conditions prévues par le règlement ou par l'accord instituant ce plan ; les trois quarts de la prime sont directement payés au bénéficiaire. »
III. - La perte de recettes résultant pour l'État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Le présent amendement a pour objet l’affectation par défaut du quart de la prime d’intéressement sur le plan d’épargne pour la retraite collectif, le PERCO, s’il existe dans l’entreprise.
Cette mesure est très intéressante. Elle s’inscrit dans le droit-fil de ce qui a déjà été fait à l’Assemblée nationale, à savoir le soutien à l’essor de l’épargne salariale.
Pour mémoire, je vous rappelle que près de 1, 5 million de salariés, sur les 5 millions qui sont bénéficiaires de l’intéressement, ne formulent pas de choix sur les modalités du versement de celui-ci, en direct ou sur un plan d’épargne.
Tout en convenant que nous ne réglerons pas le problème des retraites en favorisant l’essor de l’épargne salariale, cet amendement est de nature à prévoir un complément de retraite pour ces 1 500 000 salariés « silencieux ».
Je tiens à rappeler que l’intéressement constitue une source naturelle d’alimentation du PERCO, à hauteur de 18 %.
Or, si ce plan est un produit très apprécié des salariés en raison d’une fiscalité intéressante et d’une souplesse d’utilisation, avec une sortie en rente ou en capital, son encours demeure très modeste. Il s’élève en effet à près de 3, 5 milliards d’euros, à comparer aux 113 milliards d’euros des produits d’assurance retraite.
C’est pourquoi je suis fermement convaincu, monsieur le ministre, de la nécessité de mobiliser une partie de l’intéressement comme complément d’épargne.
Je comprends qu’en 2008, lorsque le flux de la participation a été débloqué, l’arbitrage a favorisé le pouvoir d’achat afin de soutenir la consommation. Le contexte économique est aujourd’hui différent. Nous devons penser à la sortie de crise ainsi qu’aux défis de demain, les retraites mais aussi la dépendance.
Ainsi, cet amendement tend à favoriser le développement du PERCO au bénéfice ultime du salarié. La liberté de ce dernier est totalement respectée puisqu’une telle mesure ne tend pas à réduire son pouvoir d’achat. Le salarié peut toujours demander à percevoir tout ou partie de sa prime d’intéressement.
Enfin, cet amendement ne vise pas non plus le calcul de l’intéressement ou sa répartition entre les salariés, qui sont des objets de négociations collectives.
Il n’a pour objet que l’affectation sur le PERCO d’un quart du montant de la prime d’intéressement, si le salarié ne fait pas usage de sa liberté de choix.
Le Gouvernement n’a pas changé d’avis, monsieur Jégou. Nous avons accepté que le PERCO reçoive les fonds de la participation à hauteur de 50 %, en fléchage, sauf avis contraire du salarié.
L’idée d’intéressement, quant à elle, est quelque peu différente, puisque l’intéressement est une démarche de court terme. Elle vise à soutenir la consommation, dans une logique de déblocage, tandis que la participation est plutôt une idée de blocage.
Or, dans le cadre du système de retraite, l’enjeu est à long terme. Il était donc logique de faire appel à la participation et non à l’intéressement.
Cela dit, un salarié peut toujours, s’il le souhaite, vous l’avez dit vous-même, placer sa prime d’intéressement sur son PERCO. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement n’est pas favorable à cette idée d’automaticité en matière d’intéressement.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
de deux amendements identiques.
L'amendement n° 186 rectifié ter est présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 481 rectifié quater est présenté par Mme Procaccia, MM. J. Gautier et Cambon et Mmes Rozier et Hermange.
Ces deux amendements sont ainsi rédigés :
Après l'article 32 septies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le cinquième alinéa de l'article L.132-23 du même code, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« - décès du conjoint ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ;
« - situation de surendettement de l'adhérent définie à l'article L. 330-1 du code de la consommation. »
II. - La perte de recettes résultant pour l'État et les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 186 rectifié ter.
Cet amendement vise à prévoir, pour les produits d'assurance retraite en phase de constitution, deux cas supplémentaires de sortie en cas d'accident de la vie : le décès du conjoint de l’assuré ou de son partenaire pacsé et le surendettement de l'adhérent.
Ces cas viennent s'ajouter aux quatre situations prévues par l'article L. 132-23 du code des assurances que sont l'invalidité, la liquidation judiciaire, la fin de droit à chômage, les deux années sans mandat pour les mandataires sociaux.
Cet amendement introduit donc une souplesse dans la gestion des produits d'épargne retraite nécessairement bloqués, afin de prendre en compte les accidents de la vie et les besoins des épargnants.
Les contrats visés sont les PERP, plans d’épargne retraite populaire, les contrats dits Madelin, les PERE, plans d’épargne retraite d’entreprise, et les contrats d’assurance retraite d’entreprise à cotisations définies de l’article 83.
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour défendre l'amendement n° 481 rectifié quater.
La commission émet un avis favorable sur ces deux amendements identiques, qui prévoient deux nouveaux cas de sortie anticipée pour les produits d’épargne retraite : le décès du conjoint et le surendettement.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces deux amendements. Par ailleurs, je lève le gage.
Il s’agit donc des amendements identiques n° 186 rectifié quater et 481 rectifié quinquies.
Le vote sur ces deux amendements identiques est réservé.
L'amendement n° 187, présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 32 septies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa du II de l'article L. 144-2 du même code est ainsi rédigé :
« Le conseil d'administration de l'association peut valablement exercer les compétences du comité de surveillance d'un plan, dans des conditions fixées par décret. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Le présent amendement a pour objet de simplifier le mode de gouvernance des PERP, qui présente d'incontestables lourdeurs, sources de coûts, sans nécessairement apporter d'avantages substantiels aux assurés.
Le mode de gouvernance actuel, qui fait intervenir quatre niveaux – conseil d’administration, assemblée générale, comité de surveillance et assemblée des participants –, tend à pénaliser le développement des PERP.
En conséquence, le présent amendement vise simplement à autoriser le conseil d'administration à exercer les fonctions du comité de surveillance, selon des modalités à fixer par décret.
La commission émet un avis favorable sur cet amendement tendant à simplifier les modalités de gouvernance du PERP.
M. Éric Woerth, ministre. … comme on le dit habituellement lorsqu’on s’apprête à dire « non ».
Sourires.
Mais, sur ce vrai sujet, il faut probablement avoir une vision plus générale que celle qui est portée par cet amendement. Certes, un problème de gouvernance est constaté – vous avez raison de l’avoir pointé du doigt –, mais pour traiter l’ensemble de la question, une concertation est nécessaire. Pour le moment, cela n’a pas été fait, notamment en liaison avec les services de Bercy.
L’avis est donc défavorable sur l’amendement, même si j’accueille positivement cette idée de simplification de la gouvernance du PERP.
Le vote est réservé.
L'amendement n° 1219, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'article 32 septies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 132-23 du code des assurances, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Les contrats qui relèvent du régime de retraite complémentaire institué par la Caisse nationale de prévoyance de la fonction publique peuvent prévoir, à la date de cessation d'activité professionnelle, une possibilité de rachat dans la limite de 20 % de la valeur des droits individuels résultant de ces contrats. »
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement vise à aligner un peu plus le régime de la Caisse nationale de prévoyance de la fonction publique – la PREFON – sur celui du PERP. Nous souhaitons donc que la possibilité d'une sortie partielle en capital, limitée à 20 % des droits, soit également ouverte pour les affiliés à la PREFON.
Il est favorable et je lève le gage sur cet amendement, monsieur le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 82 rectifié bis est présenté par M. Lardeux.
L'amendement n° 588 est présenté par M. About, Mme Dini, M. A. Giraud, Mme Payet, M. Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 32 octies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase du quatrième alinéa de l'article L. 144-1 du code des assurances est complétée par les mots : «, et peut être entièrement cumulé avec une activité professionnelle, dans les conditions prévues à l'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale ».
L’amendement n° 82 rectifié bis n'est pas soutenu.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 1251, présenté par M. Dominique Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, et dont le libellé est strictement identique à l’amendement n° 82 rectifié bis.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.
Je souhaite effectivement reprendre le texte de cet amendement de M. André Lardeux, dont l’objet est de permettre à un travailleur indépendant, après son départ en retraite, de cumuler un éventuel dispositif d’épargne retraite pris dans le cadre des dispositions de la loi du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle, dite « loi Madelin », avec des revenus professionnels. Il s’agit d’une solution juste, sur laquelle la commission avait émis un avis favorable.
Le vote sur ces deux amendements identiques est réservé.
L'amendement n° 188, présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 32 octies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le souscripteur ou l'adhérent d'un contrat mentionné au I de l'article 125-0 A du code général des impôts peut, soit à partir de son cinquantième anniversaire, soit après une durée de détention de huit ans, transformer ce contrat en un contrat d'assurance relevant du titre V de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, dont la phase de constitution des droits a une durée d'au moins cinq ans.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Le présent amendement tend à orienter une partie du stock d'assurance vie vers l'épargne retraite.
Monsieur le ministre, vous allez certainement me dire – j’en suis convaincu – que cette idée est très intéressante, du fait de son fort potentiel.
Il faut avoir à l’esprit qu’il y a aujourd’hui 14 millions d’assurés sur la vie. L’encours de l’assurance vie est de 1 312 milliards d’euros. Or, l’encours des dispositifs d’épargne retraite de nature assurantielle représente moins de 10 % de ce stock, soit près de 113 milliards d’euros.
Cette transformation ne s’effectuerait que sur la base du volontariat. L’assuré qui aurait au moins 55 ans ou détiendrait son contrat depuis au moins huit ans pourrait décider de bloquer celui-ci pour sa retraite. Il sortirait automatiquement en rente.
Vous voyez immédiatement la vertu de cet amendement, qui est d’orienter une partie de l’assurance vie vers la retraite et le financement de l’économie.
Il n’est bien évidemment pas question de substituer un régime par capitalisation à celui par répartition. Il s’agit d’offrir aux assurés sur la vie une option supplémentaire dans la préparation de leur retraite.
De surcroît, cet amendement vise à prévoir que l’assuré qui décide de transformer son contrat en un produit d’épargne retraite devra attendre au moins cinq ans, à compter de l’entrée en vigueur de la loi, avant de pouvoir percevoir sa rente. Ce délai est fixé pour éviter que la mesure n’engendre des dépenses. En effet, la phase de constitution des droits a une durée d’au moins cinq ans. Il ne pourra donc y avoir aucun effet d’aubaine.
Cette disposition me semble essentielle au fonctionnement de ce mécanisme, afin de ne pas dégrader la situation des finances publiques.
Enfin, le présent amendement tend à s’inscrire dans une réflexion globale sur l’épargne retraite et, plus particulièrement, sur la fiscalité de la rente, qui est assez délaissée dans notre pays.
La commission a apprécié la pertinence de cet amendement et s’en remet à la sagesse de notre assemblée.
Cette initiative de la commission des finances est excellente. Il existe effectivement un problème de fiscalité sur la rente viagère à titre onéreux, mais des dispositions de cette nature ont plutôt leur place en loi de finances. Certaines avancées sont d’ailleurs prévues dans le prochain projet de loi de finances. Je pense qu’il faut en rester là.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Le vote est réservé.
L'amendement n° 283, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 32 octies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article L. 138-24 du code de la sécurité sociale, le taux : « 1 % » est remplacé par le taux : « 3 % ».
La parole est à M. Jean Desessard.
Avec cet amendement, nous proposons d’augmenter les pénalités infligées aux entreprises de plus de cinquante salariés qui ne seraient pas couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à l’emploi des salariés âgés.
Nous souhaitons ainsi inciter les entreprises à employer un nombre croissant de seniors, afin de rejoindre la moyenne des taux d’emploi des personnes de plus de 50 ans des États membres de l’Union européenne.
En effet, l’emploi est l’un des grands absents de cette réforme. Certes, le chantier a déjà été ouvert et les entreprises de plus de cinquante salariés sont censées avoir, depuis le 1er janvier 2010, un plan d’emploi pour les seniors.
Mais si l’âge de départ à la retraite change, ne faut-il pas prévoir d’accélérer le processus ?
On aurait pu imaginer que le Gouvernement afficherait une volonté bien plus forte de garder les seniors au travail.
Actuellement, le grand problème auxquels nos concitoyens sont confrontés est donc celui-ci : continuer à travailler plus longtemps, alors que les entreprises ne veulent plus d’eux. C’est tout à fait impossible !
On a souvent cité d’autres exemples européens lors de ce débat.
Je prendrai, ici, celui de la Finlande, qui a un taux d’emploi des seniors de plus de 70 %. Cet exemple montre qu’une vraie politique peut faire la différence. En effet, ce taux est passé de 35 %, voilà dix ans, à plus de 70 % aujourd’hui. A contrario, le taux d’activité des seniors en France est un des plus bas d’Europe : seulement 16 % des personnes âgées de 60 à 64 ans sont en activité, alors que la moyenne dans l’Union européenne atteint 30 %.
Quelle est la méthode finlandaise ? C’est le dialogue, toujours le dialogue ! Comprenez-vous le mot, monsieur le ministre ?
Rires sur les travées du groupe CRC-SPG.
On a également recours en Finlande aux aménagements d’horaires ou de postes et aux vacances supplémentaires. S’y ajoutent des aides aux entreprises qui embauchent des personnes âgées de plus de 54 ans. Inversement, une sanction est prévue, sous forme de prise en charge partielle des indemnités de chômage, pour les entreprises qui licencient un salarié de plus de 58 ans.
Tel est le sens de notre amendement : inciter les entreprises à employer un nombre croissant de seniors et, ainsi, améliorer le taux d’emploi des salariés âgés.
Vous vous demandez certainement pourquoi j’évoque ce sujet maintenant, alors qu’il a été discuté à d’autres moments de l’examen du projet de loi. Eh bien, monsieur le ministre, si tous les amendements portant articles additionnels n’avaient pas été repoussés à la fin de notre discussion, nous aurions pu traiter ce point au moment où nous débattions de l’article correspondant !
Je vous remercie donc de m’épargner d’éventuelles réflexions sur ce thème, car je les retournerai immédiatement à celles et ceux qui ont décidé de l’ordre du jour.
Devant tant de susceptibilité, je ne dirai rien, sinon que le taux de 3 % nous paraît en toute franchise excessif. L’avis est donc défavorable.
Le vote est réservé.
L'amendement n° 388 rectifié, présenté par MM. Collin, Baylet, Chevènement et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
A. - Après l'article 32 octies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article 235 ter ZD du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le III est ainsi rédigé :
« III - Le taux de la taxe est fixé à 0, 05 % à compter du 1er janvier 2011.
« Ce taux est majoré à 0, 1 % lorsque les transactions visées au I ont lieu avec des États classés par l'organisation de coopération et de développement économiques dans la liste des pays s'étant engagés à mettre en place les normes fiscales de transparence et d'échange sans les avoir mises en place, liste annexée au rapport de l'organisation de coopération et de développement économiques sur la progression de l'instauration des standards fiscaux internationaux.
« Ce taux est majoré à 0, 5 % lorsque les transactions visées au I ont lieu avec des États classés par l'organisation de coopération et de développement économiques dans la liste des pays ne s'étant pas engagés à mettre en place les normes fiscales de transparence et d'échange, liste annexée au rapport de l'organisation de coopération et de développement économiques sur la progression de l'instauration des standards fiscaux internationaux.
« Le taux applicable est modifié en loi de finances à chaque publication des listes par l'organisation de coopération et de développement économiques. » ;
2° Le IV est abrogé.
II. - Selon des modalités définies par la loi de financement de la sécurité sociale, la moitié du produit de la taxe prévue au 1° est affectée au fonds de réserve des retraites et l'autre moitié est affectée à toutes les aides et mesures encourageant l'emploi des seniors.
B. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle ainsi rédigée :
Titre ...
Financement social s'appuyant sur une taxe sur les transactions financières
La parole est à M. Daniel Marsin.
Cet amendement tend à prévoir la création d’une taxe anti-spéculative au cœur d’un de nos dispositifs fiscaux. Le taux de cette taxe serait fixé à 0, 05 % à compter du 1er janvier 2011. Il pourrait être majoré à 0, 1 % si les transactions sont réalisées avec des pays qui se sont engagés à mettre en place des normes fiscales de transparence et de 0, 5 % lorsque ces transactions ont lieu avec des pays qui ne se sont pas engagés en ce sens.
En février dernier, les sénateurs du groupe RDSE avaient envisagé un tel dispositif et déposé une proposition de loi tendant à intégrer une même taxe anti-spéculative dans nos dispositifs fiscaux.
Il s’agit donc de prévoir une taxation additionnelle des transactions sur devises, avec un taux infime et pratiquement indolore, à l’exception toutefois de celles qui sont réalisées en collaboration avec des territoires reconnus comme étant des paradis fiscaux, plus ou moins coopératifs.
L’idée de créer une telle taxe a d’ailleurs été reprise à la tribune de l’Organisation des nations unies par le Président de la République, qui a déclaré qu’il était temps de prélever sur chaque échange financier une taxation infime.
Le produit de cette taxation serait, pour moitié, reversé au fonds de réserve pour les retraites et, pour moitié, affecté à des mesures encourageant l’emploi des seniors.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, nous vous demandons d’adopter cet amendement.
Cet amendement, tendant à créer une nouvelle taxe sur certaines transactions financières, ne peut pas être pris en compte dans le cadre de l’examen de ce projet de loi. Il pourra peut-être être examiné dans les semaines qui viennent, lors de la discussion du projet de loi de finances. L’avis est défavorable.
Effectivement, cet amendement a sa place dans un projet de loi de finances, et beaucoup moins dans ce texte. L’avis est également défavorable.
Le vote est réservé.
L'amendement n° 647, présenté par M. Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Après l'article 32 octies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, les dispositions de la loi n° 97-277 du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite sont rétablies.
II. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
Cet amendement tend à rétablir, dans un délai de deux ans à compter de la promulgation du présent texte, les dispositions de la loi du 25 mars 1997 créant les plans d’épargne retraite, dite « loi Thomas ».
Cette loi a été abrogée par la précédente majorité, dirigée par Lionel Jospin, pour des raisons qui nous semblent idéologiques puisqu’elle est toujours restée virtuelle, faute de décrets d’application.
Pour mémoire, mes chers collègues, notre Haute Assemblée avait joué un rôle éminent tout au long du processus parlementaire ayant abouti à sa promulgation.
Mais, dès son discours de politique générale du 19 juin 1997, Lionel Jospin en avait annoncé l’abrogation. Refusant de publier les décrets d’application, son gouvernement s’était alors réfugié, près de cinq années durant, dans un scénario hypocrite : « ni abrogation ni application ».
Le coup de grâce est venu de l’article 48 de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, qui a abrogé le texte. Notre Haute Assemblée, je vous le rappelle, s’était évidemment prononcée en défaveur de cette décision.
À l’appui de l’abrogation du texte, le gouvernement de l’époque avait affiché sa « volonté d’assurer en priorité la pérennité des régimes de retraite par répartition »… Une réflexion qui porte naturellement aujourd’hui à sourire. On sait ce que la répartition doit à la pérennisation de la répartition !
Pour reprendre cet argument, puisque la présente réforme assure la pérennité de la répartition, n’est-il pas temps de donner sa chance à la loi Thomas ?
Cette loi crée, pour l’ensemble des salariés de droit privé, un système de retraite supplémentaire à cotisations définies, facultatives, par capitalisation, donnant droit à une rente viagère lors de la cessation d’activité ; cette rente étant imposable au titre des pensions.
Il s’agit de compléter la répartition, de base et complémentaire, par un étage minoritaire de capitalisation. D’ailleurs, c’est tout à fait l’esprit de la présente réforme, qui conforte et développe l’épargne retraite collective et individuelle. Le renforcement de ce volet a même constitué l’un des apports les plus notables des commissions tant de l’Assemblée nationale que du Sénat.
Dans ces conditions, je ne comprends pas que le débat sur la loi Thomas ne soit rouvert qu’à ce stade de nos débats. Son rétablissement semble aller de soi dans la mesure où elle offre la possibilité d’une retraite par capitalisation accessible au plus grand nombre par la création de fonds de pension à la française, donc d’un système de gestion externe à l’entreprise.
Donner enfin sa chance à la loi Thomas est non seulement une question de bon sens, mais aussi d’équité : va-t-on continuer de priver les 14, 5 millions de salariés français qui ne peuvent toujours pas avoir accès à un troisième étage facultatif de retraite, alors même que les fonctionnaires y ont droit, à travers le complément de retraite de la fonction publique, le CREF, ou la PREFON, des dispositifs bénéficiant d’avantages fiscaux tout à fait substantiels ?
Si j’insiste sur ce point, c’est parce que je considère qu’il est nécessaire d’avoir des instruments modernes pour permettre à chaque Français d’avoir accès à une retraite qui leur permette de vivre décemment.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement : le rétablissement de la loi Thomas n’est pas envisageable au regard des dispositions qui ont été adoptées dans le cadre de la loi de 2003.
Le vote est réservé.
Mes chers collègues, nous avons achevé la présentation des amendements soumis au vote unique.
Avant de passer aux explications de vote, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants afin de permettre au service de la séance de vérifier la liste des amendements soumis au vote unique, certains ayant été ajoutés par le Gouvernement, d’autres, non soutenus et repris par la commission, faisant l’objet d’une nouvelle numérotation.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à quinze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures quarante.
Mes chers collègues, nous passons aux explications de vote sur les amendements soumis au vote unique : chaque orateur dispose d’un temps de parole de cinq minutes.
En application de l’article 44, dernier alinéa, de la Constitution et de l’article 42, alinéa 7, du règlement, le Gouvernement demande au Sénat de se prononcer par un seul vote sur l’ensemble des amendements et sous-amendement tendant à insérer des articles additionnels, présentés à partir de l’amendement n° 738 rectifié portant article additionnel avant le chapitre Ier du titre Ier, en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement.
Voici la liste des amendements faisant l’objet de ce vote unique : l’amendement n° 95 rectifié de M. Domeizel ; l’amendement n° 1162 rectifié de Mme Garriaud-Maylam ; l’amendement n° 589 de M. Amoudry ; l’amendement n° 143 de M. Domeizel ; l’amendement n° 1166 rectifié ter de Mme Debré ; l’amendement n° 156 de M. Domeizel ; l’amendement n° 628 rectifié de M. P. Dominati ; l’amendement n° 485 rectifié quater de M. Arthuis ; l’amendement n° 1245 de M. Leclerc ; l’amendement n° 1246 de M. Leclerc ; l’amendement n° 1247 de M. Leclerc ; l’amendement n° 1248 de M. Leclerc ; l’amendement n° 1249 de M. Leclerc ; l’amendement n° 1250 de M. Leclerc ; l’amendement n° 440 rectifié de M. Le Menn ; l’amendement n° 1206 de M. Leclerc ; l’amendement n° 1208 de M. Leclerc et le sous-amendement n° 1228 rectifié de M. Godefroy ; l’amendement n° 1233 du Gouvernement ; l’amendement n° 1235 rectifié du Gouvernement ; l’amendement n° 489 rectifié bis de Mme Debré ; l’amendement n° 490 rectifié bis de Mme Debré ; l’amendement n° 384 rectifié de M. Collin ; l’amendement n° 1219 de M. Leclerc ; l’amendement n° 186 rectifié ter de M. Jégou ; l’amendement n° 481 rectifié quater de Mme Procaccia ; l’amendement n° 1251 de M. Leclerc ; l’amendement n° 588 de M. About.
La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement.
Mes chers collègues, je rappelle que le vote unique est une procédure constitutionnelle adoptée en 1958 pour consolider le travail des assemblées dans l’esprit du parlementarisme rationalisé qui avait tant manqué aux débats de la IVe République.
Cette procédure a été utilisée dans notre assemblée 251 fois sous la Ve République par des gouvernements qui étaient opposés à la majorité du Sénat ou bénéficiaient de son soutien, mais craignaient, à juste titre, que la discussion ne se déroule dans des conditions telles qu’elles auraient nui à la clarté du débat aux yeux de l’opinion.
Je voudrais vous indiquer, mes chers collègues – je m’adresse en particulier à ceux d’entre nous qui ont récemment fait leur entrée dans notre assemblée et qui n’ont pas nécessairement toute l’expérience requise, §
… que le vote unique a été utilisé par tous les gouvernements et qu’à cet instant, le record appartient, me semble-t-il, aux deux années du gouvernement de Michel Rocard, qui l’a utilisé dix-sept fois.
Le gouvernement de François Fillon, que nous avons l’honneur de soutenir, l’a utilisé cinq fois en trois ans. On voit bien que c’est une procédure parfaitement exceptionnelle, mais que des gouvernements de gauche comme de droite ont utilisé à bon escient.
Ce vote unique vise des articles additionnels dont l’intérêt intellectuel est incontestable.
Ayant participé à la quasi-totalité des débats, y compris sur les articles additionnels, nous n’avons ici jamais perdu notre temps en écoutant les uns et les autres s’exprimer.
Chers collègues de l’opposition, vous avez tout au long de la journée d’hier et ce matin parlé de censure. Mais ceux qui ont finalement ressenti le plus durement, monsieur le ministre, l’application du vote unique étaient les sénateurs de votre majorité, qui auraient aimé, en effet, à la suite de certaines observations issues des rangs communistes ou socialistes, apporter des réponses spontanées que le bon sens et l’expérience commandent lorsque s’expriment des positions excessives.
Le choix du vote unique ne nous a pas permis de répondre, mais ce n’est pas très grave puisque nous aurons – M. le rapporteur l’a évoqué à de très nombreuses reprises – la possibilité de traiter ces sujets lors de l’examen du PLFSS et du projet de loi de finances. Par conséquent, ce n’est que partie remise.
En revanche, nous vous sommes reconnaissants pour l’opinion publique d’avoir concentré le débat sur les trente-trois articles du projet de loi, projet qui est, en effet, discuté par l’opinion, qui retient l’attention des médias et qu’il ne fallait pas dénaturer en le diluant dans un débat interminable où s’imposaient en rendez-vous des invités qui n’avaient rien à faire avec l’essentiel du texte.
C’est une intervention pour explication de vote, qu’avez-vous à dire sur le fond ?
C’est la raison pour laquelle la procédure, tout en étant exceptionnelle, était en l’espèce parfaitement pertinente.
Monsieur le ministre, vous avez retiré de ces articles additionnels deux séries d’articles. La première a été traitée dans le débat principal concernant la réforme systémique. C’est, en effet, un rendez-vous auquel nous sommes profondément attachés et les amendements communs ont permis d’avancer ce rendez-vous sur la réflexion systémique à 2013.
Le débat sur les retraites est nécessairement un débat permanent, puisque les facteurs principaux, les paramètres immédiats et les faits de société, qui déterminent l’équilibre du régime des retraites, évoluent en permanence, a fortiori dans une société ouverte et en pleine évolution.
La seconde série est constituée d’amendements émanant pour l’essentiel de la majorité, d’autres de l’opposition. Ces amendements sont parfaitement bienvenus pour compléter le travail du projet principal, présenté dans les trente-trois articles.
Telle est la raison pour laquelle cette procédure a permis de clarifier le débat, non pas d’y mettre fin mais de marquer une étape dans cette réflexion collective sur la réforme des retraites.
Il apparaît clairement que cette procédure permet enfin d’ouvrir une nouvelle étape du régime des retraites à la française, une étape de responsabilité, de clairvoyance, de courage.
M. Gérard Longuet. Vous n’êtes pas plus que nous mus par le sadisme ou par le masochisme, mais par un devoir absolu de vérité à l’égard de nos compatriotes. C’était, compte tenu de l’enjeu, la moindre des attitudes que votre majorité, à l’appel du Gouvernement, devait adopter : avoir participé au débat, accepté 120 heures d’échange et, en ce qui concerne le vote unique, avoir retenu de cette longue théorie d’amendements juxtaposés les uns aux autres, ceux qui permettent de compléter utilement le projet de loi. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP votera l’ensemble des amendements que vous avez retenus.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Notre groupe s’exprimera à quatre voix.
En repoussant l’examen de nos amendements de financement à la fin du projet de loi, puis en nous obligeant à en rester à leur présentation en nous interdisant d’en débattre véritablement, vous avez voulu nous contraindre à faire l’impasse sur ce qui, pour nous, était le cœur de notre engagement sur ce projet de loi : nos propositions en matière de financement pour défendre une véritable retraite et un droit à la retraite pour tous à 60 ans.
En fait, le projet de loi qui va être adopté est un véritable projet de loi de régression sociale, …
… certainement la plus grave régression sociale que nous vivons depuis l’après-guerre…
… et qui touchera toutes les Françaises et tous les Français.
Nos propositions en matière de financement permettaient, selon nous, de conserver la retraite à 60 ans à taux plein et reposaient sur un principe simple mais novateur, à savoir une juste répartition des richesses au service des Françaises et des Français et non une répartition inégalitaire au service du capital.
Aussi avons-nous proposé – à l’inverse de votre politique – de mettre fin à la financiarisation à outrance de notre économie, celle qui plombe le monde du travail. Pour nous, cela passe par l’assujettissement des revenus financiers des sociétés financières et des sociétés non financières à une contribution d’assurance vieillesse à un taux égal à la somme des taux de cotisation d’assurance vieillesse à la charge des employeurs du secteur privé.
Cette nouvelle contribution, qui apporterait un surcroît de recettes de l’ordre de 30 milliards d’euros, visait un double objectif : un financement rapide des régimes obligatoires de retraite et une incitation forte pour les entreprises à privilégier le facteur travail.
De la même manière, nous vous invitions à adopter un amendement qui prévoyait une nouvelle modulation des cotisations patronales d’assurance vieillesse en fonction des choix des entreprises en matière de répartition des richesses.
Les entreprises privilégiant une répartition des richesses en faveur du capital et au détriment de l’emploi, des salaires et de la formation professionnelle, seraient soumises à deux cotisations additionnelles d’assurance vieillesse.
Une telle mesure s’accompagnant naturellement de la suppression des exonérations de cotisations sociales patronales, fil conducteur des politiques libérales de l’emploi, qui, tout le monde s’accorde à le dire, conduit à faire pression sur les salaires et à générer de la précarité.
Dans le même temps, nous vous proposions également d’assujettir à cotisations sociales, au même taux que les salaires, l’ensemble des dispositifs de rémunérations complémentaires, qui constituent autant de mécanismes de contournement de l’obligation de solidarité et de financement de la sécurité sociale : les retraites chapeaux, les stock-options, l’attribution gratuite d’actions, les parachutes dorés, l’actionnariat salarié ou la protection sociale complémentaire en entreprise, qui à eux seuls, exemptés d’assiette de cotisations sociales, impactent très négativement les comptes de la protection sociale.
Vous le voyez, nous avions de véritables propositions de financement alternatif ; je m’arrêterai là dans leur exposé, mais nous y reviendrons.
Défendre notre conception de la solidarité et du financement de la sécurité sociale, c’est ce que nous avons fait pendant trois semaines. Vous ne pouvez nier qu’elle repose sur deux piliers qui sont la juste répartition des richesses et la retraite par répartition et non sur la retraite par capitalisation, dont Mme Debré et la majorité ont été les porteurs et qui ont tout fait pour privilégier les compagnies d’assurances.
Ces propositions alternatives que vous n’avez pas voulu entendre aujourd’hui, nous y reviendrons lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.
Ce projet de loi de régression sociale sur les retraites est inacceptable et c’est pourquoi nous voterons contre.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
La procédure que vous nous avez imposée pour examiner les amendements restants a notamment eu pour effet d’éviter que nous parlions sérieusement des difficultés particulières rencontrées par les personnes en situation de handicap.
Je le regrette d’autant plus que notre assemblée a toujours été très sensibilisée sur le sujet, tous groupes politiques confondus, et que, contrairement à ce qu’annonçait hier notre collègue Dominique Leclerc, la « commission n’a pas réalisé une avancée importante ». Elle a fait un premier pas important pour les parents d’enfants handicapés puisqu’ils pourront conserver la possibilité de bénéficier d’une retraite sans décote à 65 ans.
Nous ne pouvons toutefois pas nous en réjouir puisque nous défendions pour notre part – comme la majorité des associations entrant dans le champ du handicap – la possibilité d’offrir aux parents d’enfants handicapés de bénéficier d’un droit à départ anticipé à la retraite, c’est-à-dire avant 60 ans. Car – les parents ne le savent que trop – leur implication, qui n’est pas sans répercussion sur leur déroulement de carrière et donc sur leur retraite, ne cesse pas une fois que l’enfant a atteint l’âge de la majorité. Bien au contraire ! L’allongement de l’espérance de vie profite aussi – qui peut s’en plaindre ? – aux personnes en situation de handicap.
Or, cette chance ne s’est pas accompagnée d’une véritable politique publique en termes de création de structures ou d’établissements d’accueil. C’est encore bien souvent sur les parents que pèsent la responsabilité et l’accompagnement quotidien des personnes en situation de handicap, particulièrement lorsqu’elles sont vieillissantes. Cela est tellement vrai que cette question est la première des inquiétudes exprimées par les parents d’enfant handicapé, y compris quand ceux-ci sont devenus de véritables adultes. Et plus le temps passe, plus les besoins en accompagnement augmentent alors que, dans le même temps, l’usure commence à se faire sentir sur les corps des parents.
C’est ce constat qui nous a conduits à proposer un amendement, dont vous avez refusé de débattre, tendant à accorder pour les parents d’enfant handicapé, la possibilité d’un départ à la retraite sans décote dès 60 ans.
Par ailleurs, je regrette que vous ayez également refusé les amendements que nous vous proposions concernant le niveau même des pensions des personnes en situation de handicap. Pourtant, nous le savons toutes et tous, la seule solution réside dans le travail, vous l’avez dit vous-même ce matin, monsieur le ministre.
Nous avions formulé deux propositions équilibrées. La première revenait à instaurer une majoration de cotisations sociales à l’encontre des employeurs qui ne respecteraient pas leur obligation d’emploi. Dans la seconde proposition, nous demandions que les périodes d’inactivité professionnelle subie en raison même de ce refus soient considérées – pour ce qui relève du calcul des annuités – comme réellement effectuées.
De notre point de vue, rien ne justifie que les personnes en situation de handicap, tout comme les comptes sociaux, soient les victimes de l’obstination des employeurs à écarter durablement les personnes handicapées du monde du travail.
Monsieur le ministre, hier, vous nous avez affirmé que le Gouvernement faisait d’importants efforts pour élever le niveau des pensions des personnes handicapées. Il n’en demeure pas moins que ce sont bien parmi elles que l’on compte les plus démunies des retraités. La situation est grave : des centaines de milliers de personnes en situation de handicap ou de maladie invalidante, quel que soit leur âge, sont condamnées à vivre toute leur vie sous le seuil de pauvreté.
C’est la raison pour laquelle nous avions proposé, sous forme de rapport, que, dans le pire des cas, la pension de retraite des personnes en situation de handicap ne soit pas inférieure à la pension d’invalidité qu’elles percevaient. Seule cette mesure peut permettre de compenser les carrières professionnelles fractionnées par la maladie. Cette question est d’autant plus importante que les personnes en situation de handicap doivent souvent assumer elles-mêmes des frais importants liés à leur situation, notamment à cause du plafonnement des aides.
Enfin, je voudrais dénoncer le fait que les périodes réalisées au titre d’auxiliaire dans la fonction publique ne seront plus comptabilisées comme constituant la carrière de l’agent. Les auxiliaires de vie scolaire, qui exigent à raison la reconnaissance d’un véritable statut, seront demain les victimes d’une telle décision, et je crains fort qu’elle ne participe à les décourager, alors qu’ils jouent un rôle fondamental dans l’accompagnement et l’insertion scolaire et sociale des enfants en situation de handicap.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne voterai pas ces amendements.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je tiens surtout à insister sur les conditions dans lesquelles ce débat s’est déroulé au cours de ces trois dernières semaines.
La première chose qui nous interpelle, monsieur le ministre du travail, c’est votre refus du dialogue social ! À de nombreuses reprises, vous avez affirmé avoir rencontré les syndicats. Certes, peut-être même les avez-vous écoutés ! Mais avez-vous pris en considération leurs souhaits ?
Non, et j’en ai la preuve, monsieur About !
À chaque fois que nous avons engagé une discussion, vous nous avez répondu qu’il n’y avait pas d’autre solution.
Comment voulez-vous discuter avec les responsables syndicaux si vous leur dites d’emblée qu’il n’y a pas d’autre solution ? Vous bloquez le dialogue !
Par ailleurs, vous nous avez dit qu’il s’agissait d’une réforme importante, très importante pour les décennies à venir, allant même jusqu’à dire, me semble-t-il, qu’il s’agissait de la réforme la plus importante de la ve République.
Dès lors qu’il s’agit d’un débat de société, pourquoi avoir refusé l’organisation d’un référendum ? Cette question pose le problème de l’avenir, de l’emploi, de la manière dont on considère sa vie professionnelle et personnelle ; c’est donc un débat auquel chaque citoyenne, chaque citoyen aurait pu participer.
J’en viens maintenant aux conditions dans lesquelles se sont déroulés nos travaux dans cette enceinte. L’ordre du jour de nos travaux a été haché.
Ah !
La commission des affaires sociales a commencé par demander la réserve de l’ensemble des amendements visant à insérer des articles additionnels jusqu’après l’examen de l’article 33.
Ces amendements posaient des problèmes spécifiques, et on s’est retrouvé avec une discussion complètement décalée sur certains sujets. Mais, monsieur About, cette organisation correspond sans doute à votre vision de la démocratie…
Par ces amendements, qui sortaient du cadre qui nous était imposé, nous voulions justement vous faire des propositions alternatives. Mais, dès que nous avons voulu le faire, vous nous avez rétorqué qu’il n’y avait pas lieu d’en débattre au Parlement !
Vous avez une vision technocratique et parcellaire de la démocratie ! Il ne nous serait possible de discuter dans le détail que des dispositions prévues dans le cadre que vous imposez ! Or, monsieur le ministre, la démocratie parlementaire – et c’est d’ailleurs ce qui intéresse les citoyennes et les citoyens qui nous écoutent, voire les parlementaires ! – veut que nous engagions un débat politique, projet contre projet ! Ils n’attendent pas de nous que nous nous contentions simplement d’amender un article ou un alinéa ! Mais ce débat politique, ce débat de société, vous ne nous avez pas permis de l’avoir !
Le fin du fin fut la censure du Gouvernement, qui nous propose de tout discuter en bloc. On a assisté toute la journée à un monologue : nous n’avons même pas pu répondre aux arguments qui nous ont été opposés par le rapporteur et le Gouvernement, ce dernier ayant le dernier mot. Voilà ce que sont les droits de l’opposition ! Ils sont bafoués !
Parlons maintenant du scrutin public.
M. Longuet a rappelé la Constitution. Sachez, monsieur Longuet, que la façon dont nous organisons le scrutin public n’est pas constitutionnel. L’article 27 de la Constitution dispose que le droit de vote des membres du Parlement est personnel et que nul ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat. Or, à plusieurs reprises, vous avez fait voter les absents. Lorsque la majorité n’était pas assez nombreuse, vous avez demandé un scrutin public.
Ainsi, par exemple, Mme Panis, membre de la majorité, a déposé un amendement visant à améliorer les droits des femmes. La majorité n’étant pas assez nombreuse dans l’hémicycle, vous avez organisé un scrutin public et fait voter les absents, qui n’avaient pas participé au débat et n’en avaient d’ailleurs même pas connaissance, craignant que la gauche ne s’allie à certains membres de l’UMP pour le faire adopter.
Vous nous avez dit, à de multiples reprises, que nous n’avions pas de projet de société. Mais, à chaque fois que nous vous avons proposé un projet différent, des alternatives différentes, vous nous avez opposé l’article 40 de la Constitution.
La politique, ce sont des moyens ! En nous opposant cet article, vous ôtez évidemment, de fait, beaucoup de cohérence à notre projet.
Enfin, je mentionnerai la mesquinerie dont vous avez fait preuve, nous faisant travailler la nuit plutôt que le jour.
Les sénatrices et sénateurs Verts voteront contre les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement, car vous nous avez empêchés, pendant trois semaines, de présenter un projet alternatif !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Messieurs les ministres, le vote unique que vous nous avez imposé sur les amendements tendant à insérer des articles additionnels, dont la discussion avait déjà été renvoyée à la fin de l’examen des articles du projet de loi, constitue un aveu de faiblesse et un refus du débat !
Lors de la discussion de ce projet de loi, vous n’avez eu de cesse de nous dire – je n’ai pas pu compter le nombre de fois où vous l’avez répété ! – que nous n’avions pas de proposition ! Tout au long du débat, nous avons dénoncé vos choix et affirmé les nôtres ! Mais, dès que nous avons présenté nos propositions par le biais d’amendements, vous avez bloqué le débat, nous laissant présenter nos amendements sans y répondre !
Messieurs les ministres, vous avez tort ! À qui cela coûtait-il de laisser vivre le débat quelques heures de plus ? Nous aurions passé ici toute la fin de semaine jusqu’à dimanche. Et alors ?... Nous sommes là pour cela !
Vous avez bloqué le débat, monsieur le ministre, et, manifestement, vous aussi, mesdames et messieurs de la majorité, parce que vous avez eu peur ! Peur que nos propositions soient entendues, approuvées ! C’est pour cette raison que vous nous avez censurés !
Nos propositions ne visent pas à travailler plus longtemps pour partir à la retraite avec un niveau de pension plus bas.
Elles portent, mes collègues vous le diront aussi, sur l’emploi des seniors, leur formation, leurs conditions de travail, l’emploi des jeunes, la prise en compte des stages en entreprise pendant leur parcours de formation, la retraite choisie pour permettre à ceux qui travaillent depuis longtemps de faire valoir leurs droits à la retraite à 60 ans et à ceux qui le souhaitent et le peuvent de poursuivre leur activité.
Elles ont aussi trait à la pénibilité – et nous avons vu que nous n’en avions pas la même définition ! – et au maintien de la retraite à 65 ans sans décote.
Messieurs les ministres, nos propositions sont financées, contrairement à votre pseudo-réforme.
D’ailleurs, avant même que la loi ne soit votée, vous entérinez le fait qu’il faut enfin sortir de la longue série des ajustements comptables et paramétriques.
Avec le vote unique, vous n’avez pas voulu qu’on parle des jeunes, des femmes, des seniors, des handicapés. Vous pensez avoir réglé le problème des retraites, mais les Français, eux, ne partagent pas votre point de vue ! Ils ressentent aujourd'hui un phénoménal sentiment d’injustice, comme ils l’ont rarement ressenti au cours de l’histoire récente.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Commençons par expliquer à nos concitoyens qui nous regardent en ce moment même ce qu’est le vote unique : c’est un vote bloqué !
M. le président du groupe UMP est venu justifier le recours à cette procédure, mais je veux prendre à témoin le Sénat de l’absurdité de cette procédure.
Tout au long des trois semaines qui nous ont réunis – certains d’entre nous ont siégé sans discontinuer ! –, rares ont été les débats de fond opposant la droite et la gauche. Avec le vote bloqué sur la liasse d’amendements en discussion, vous allez nous contraindre à voter contre les amendements tendant à insérer des articles additionnels soutenus par nos collègues, qui auraient, semble-t-il, permis d’engager un débat. Cette procédure est absurde !
Permettez-moi de revenir sur un point.
Monsieur Longuet, vous avez souligné, dans votre intervention, l’« inexpérience » de la gauche, et peut-être plus particulièrement celle du groupe socialiste. Je vous donne acte de cette déclaration. Effectivement, nous n’avons pas le même parcours politique que le vôtre. Si vous estimez que le vôtre est « expérimenté », permettez que nous nous en détachions.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le censeur, avec ce vote bloqué, vous nous demandez de valider le coup de force que vous avez mis en œuvre sur injonction de l’Élysée.
On va voter sur tout, sauf sur les amendements de l’opposition. Drôle d’exercice démocratique que de devoir choisir entre le oui et le oui !
Par-delà ce coup de force pour raccourcir les débats, après avoir refusé une négociation avec les syndicats et écourté le débat de l’Assemblée nationale, vous avez voulu par là même éviter que nous ne défendions nos propositions, …
… car l’enjeu était pour vous d’importance !
Toute votre communication a été fondée sur le fait qu’il n’y avait qu’une réforme possible. Certains d’entre vous ont même concédé qu’elle était peut-être un peu injuste. Mais le monde est dur et nous n’avons pas le choix, avez-vous rétorqué ! Vous misiez sur la résignation des Français. Si un projet alternatif se découvrait, toute votre stratégie se déconstruisait.
Dès le début du débat, vous avez donc mis fin au projet alternatif que nous avons décliné au travers des amendements tendant à insérer des articles additionnels en repoussant leur examen jusqu’après l’article 33. Hier, vous nous avez dit : trop, c’est trop ! Et vous avez improvisé un prétendu scénario. Mais tout était prévu dès le début de nos débats !
Dès le début, vous aviez décidé de ne jamais discuter ces amendements, …
… et vous avez masqué votre position pour duper l’opinion, avec pour seul credo : le Sénat va prendre le temps de débattre !
Nous sommes calmes et sereins. §Mais votre fébrilité est omniprésente ! C’est la fébrilité du Président de la République ! Vous ne pouvez pas vous empêcher ce coup de force !
À l’injustice ressentie par nos compatriotes, qui ne désarment pas à l’égard de cette réforme, se greffe, dans notre pays, une colère immense provoquée par votre façon de gouverner ! Peut-on continuer à gouverner quand on monte les Français les uns contre les autres à propos d’une réforme fondamentale pour le lien social, le pacte social ? Peut-on continuer à gouverner sans tenir compte de l’opinion publique ?
Depuis un mois et demi, sept Français sur dix, voire huit sur dix – la proportion a augmenté, ils n’étaient que six sur dix à l’annonce de la réforme ! – sont contre cette réforme et les cinq journées d’action, dont le succès ne s’est pas démenti, ont montré que celle-ci n’était pas soutenue par la nation.
Monsieur le ministre, nous avions une contre-réforme, et nous l’avons toujours ! Vous ne gagnerez pas avec votre coup de force. Quoi qu’il advienne du vote, nous continuerons à dire qu’il n’y a pas qu’une solution pour réformer durablement les retraites ! Prenez d’abord la peine de les financer et trouvez les 45 milliards d’euros d’ici à 2025 !
Il n’y a pas d’autre solution que de le faire en répartissant équitablement l’effort, de manière que les revenus du capital puissent enfin contribuer à l’équilibre financier, alors que 90 % des financements que vous trouvez sont dans les revenus du salariat.
Nous avons fait, à travers nos amendements, des propositions détaillées, notamment en ce qui concerne les jeunes. Il était important que les jeunes entendent les discussions sur nos propositions alternatives. Mais vous n’avez pas voulu que nous les défendions !
Nous avons fait des propositions pour l’égalité homme-femme ! Nous avons fait des propositions sur la pénibilité ! Nous avons fait des propositions sur l’emploi des seniors ! Vous avez refusé que tout cela puisse avoir droit de cité, que l’on puisse en délibérer !
Ainsi, comme l’a dit Christiane Demontès et pour toutes ces raisons, nous ne pourrons pas nous associer à cette mascarade qui nous empêche même de nous prononcer sur les amendements de nos collègues que vous avez retenus. Nous voterons donc contre ce paquet d’amendements, contre la censure !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la présentation des amendements additionnels a montré que leur contenu n’était pas sans intérêt. J’en veux pour preuve qu’ils ont nécessité une argumentation souvent laborieuse du rapporteur et des ministres pour expliquer leur rejet.
L’opposition a été privée du droit de donner une explication de vote, mais le Gouvernement s’est réservé celui d’expliquer pourquoi il refusait la quasi-totalité d’entre eux.
L’utilisation de l’article 44-3 de la Constitution a donc bien pour objet de censurer la parole de l’opposition. Tout cela pour tenter de gagner quelques heures sur un débat qui aura duré près de trois semaines. Mais il est vrai que les ordres de M. Guéant s’imposent
Exclamations sur les travées de l ’ UMP et sur plusieurs travées de l ’ Union centriste.
M. Yannick Bodin. Les Français ne s’y sont d’ailleurs pas trompés ! Que pouvons-nous lire depuis quelques jours ? « Le Gouvernement met fin au débat au Sénat », « l’Élysée exige que le Sénat se taise » ; Le Monde d’aujourd’hui titre : « Le passage en force ».
Mêmes mouvements.
Quant au président Gérard Larcher, nous avons pu observer sa discrétion, alors qu’il nous avait affirmé, le cœur sur la main, que le débat irait normalement jusqu’à son terme.
Et pourtant, ces amendements additionnels étaient-ils superflus ? Quelques grandes questions y étaient abordées – je n’y reviendrai pas en détail à cette heure-ci – : les situations des femmes, des jeunes, des polyhandicapés, des mères de famille, des travailleurs précaires et à temps partiel ainsi que des seniors. Bref, messieurs les ministres, vous nous avez répété que les socialistes n’avaient rien à proposer. Si vous êtes honnêtes – ce que je ne mets pas en doute –, vous devez reconnaître que toutes nos interventions avaient pour seul objet de présenter nos propositions !
Mais pour vous, cela devenait insupportable ! Alors, il fallait cacher les amendements additionnels, sinon vos éléments de langage allaient tomber à plat.
Vous avez demandé qu’un vote unique fasse taire l’opposition. Je ne doute pas que votre majorité vous suivra dans ce vote, mais croyez-vous pour autant que nous renoncerons à nos propositions ? Le débat reste ouvert. Les citoyens jeunes et moins jeunes préparent la poursuite de leur combat dans le cadre de l’exercice de la démocratie sociale.
Quant à nous, socialistes, nous ne renoncerons pas ! Nos propositions demeurent, plus que jamais ! Nous continuerons notre dialogue avec le peuple et puis viendra le moment où celui-ci pourra s’exprimer dans les urnes. Messieurs les membres du Gouvernement, nous vous donnons rendez-vous – ou à vos proches successeurs – et nous sommes prêts, en ce qui nous concerne, car nous avons le sentiment d’avoir été entendus par les Françaises et les Français.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Tout d’abord, je voudrais répondre à M. Longuet qui a évoqué le recours au vote bloqué, ou vote unique – formule plus présentable.
Vous nous avez dit, monsieur Longuet, que cette procédure avait été utilisée près de 250 fois depuis le début de la Ve République. Or la gauche n’y a eu recours que vingt fois, ...
... ce qui signifie que 230 fois elle a été portée par votre majorité. D’ailleurs, si la gauche a eu recours à cet article de la Constitution, c’est pour une raison simple : elle a toujours trouvé le Sénat en face d’elle. Votre argument est donc particulièrement faible, sinon pernicieux !
Tout ce débat est une occasion ratée. Nos 200 amendements sont passés à la trappe. Nous avions quand même beaucoup de choses à dire sur ces derniers et ils méritaient, à mon sens, un débat.
Ce n’est pas le problème de la durée des débats, car la démocratie ne se mesure pas au nombre d’heures ! Sinon, il suffit de dire que les lois se discutent en une demi-heure et sont ensuite votées. Non !
Les vingt amendements qu’on nous demande de voter sont le mélange de la carpe et du lapin. En effet, parmi ceux-ci, il y en a dans lesquels nous nous retrouvons – d’ailleurs nous avons nous-mêmes déposé certains d’entre eux – et que nous souhaiterions voter. À l’inverse, il y en a d’autres que nous combattrions.
Là, vous nous mettez dans une position où nous sommes obligés de voter « non » sur l’ensemble de ces amendements parce que nous n’avons pas d’autres possibilités. C’est vraiment un déni de démocratie !
Par ailleurs, il s’agit d’une bonne illustration de cette incapacité française – il faut bien le dire ! – de préparer des réformes, de les présenter et de les discuter. Une réforme comme celle des retraites implique – comme j’ai pu le voir en Allemagne – de mettre autour de la table les représentants des employeurs, ceux des employés ainsi que le Gouvernement et d’y passer le temps qu’il faut, même si cela vous déplaît. Ainsi, une, deux ou trois années sont nécessaires et doivent être consacrées à la préparation d’une réforme de ce genre.
Une telle réforme ne se fait pas au canon, en une semaine, parce que le Président de la République s’est réveillé un matin en se disant qu’aujourd’hui il fallait réformer les retraites et, une semaine plus tard, le Parlement se prononce dans les conditions que nous savons. C’est une grande difficulté française et je dois dire qu’elle est singulièrement accrue depuis l’élection de Nicolas Sarkozy !
D’ailleurs, on voit bien le résultat : cette réforme est mort-née ! Vous avez vu le titre du Monde de ce soir : « Pour le vrai débat, rendez-vous en 2013 ». En 2013 ! Voilà !
Vous l’avez dit vous-même – et je regrette que mon ami M. Leclerc ne soit pas là en cet instant –, l’ensemble des problèmes est loin d’être résolu, notamment sur la question du financement. Il y aura, bien sûr, une amélioration par la contraction des deux années que vous avez imposées. Mais une fois que le gain engendré par l’afflux des cotisations supplémentaires aura été absorbé, on sera de nouveau amenés à la situation que l’on connaît. Je ne suis d’ailleurs pas sûr que nous attendrons jusqu’en 2013. Il me semble que le débat est beaucoup plus proche que certains d’entre nous peuvent le penser !
Pour toutes ces raisons, et parce que vous n’avez pas traité les principales questions que nous avons posées, vous comprendrez que nous voterons contre cette liste de carpes et de lapins !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi de revenir sur la question des jeunes, qui faisait l’objet d’un de nos amendements portant articles additionnels.
Nous sommes tous préoccupés par la formation professionnelle et nous savons que les stages sont indispensables aussi bien dans l’enseignement secondaire que dans l’enseignement supérieur.
Mais les stagiaires sont pénalisés à plus d’un titre par cette réforme des retraites. Bien qu’ils travaillent et qu’ils participent pleinement à la vie de l’entreprise, ils ne cotisent pas. En effet, aucune cotisation de contribution sociale, notamment pour la retraite, n’est due ni par l’entreprise ni par le stagiaire lorsque la gratification versée par l’employeur – obligatoire si le stage dépasse deux mois – est inférieure ou égale à 417 euros par mois, en 2010, pour 35 heures hebdomadaires. C’est le plus souvent, pour ne pas dire toujours, le cas puisque, si l’entreprise verse au stagiaire une gratification supérieure à 417 euros par mois, le surplus est soumis aux cotisations sociales, à l’exception de celles pour la retraite complémentaire et pour l’assurance chômage. Ainsi, la plupart des entreprises s’efforcent d’y échapper. Or, ce sont ces cotisations qui permettent notamment d’acquérir des droits pour la retraite.
Avec l’allongement de la durée des études, ponctuées de stages obligatoires – souvent de haut niveau et inscrits dans la durée – plus de trois mois, voire six mois pour les masters – les stagiaires sont condamnés à travailler plus longtemps sans pour autant obtenir de trimestre validé pour leur retraite car, pour cela, il faut avoir perçu une rémunération trimestrielle brute de 1772 euros soumise à cotisation, quelle que soit la durée du travail effectué.
Cette situation ne peut plus durer ! Elle conduit, d’une part, à remettre en cause la très faible rémunération des stagiaires. Nous souhaitons que les stagiaires en entreprise puissent percevoir une rémunération à hauteur de 50 % du SMIC et non plus une simple gratification au sens du code du travail, insuffisante pour leur ouvrir des droits.
Nous voulons, d’autre part, qu’une action soit engagée afin d’opérer un rapprochement avec le statut de l’apprentissage. L’apprenti a un statut de salarié employé en CDD. Sa formation, théorique comme pratique, s’étale sur un an à trois ans et sa rémunération est comprise entre 25 % et 78 % du SMIC.
Les cotisations salariales et patronales attenantes au contrat d’apprentissage sont prises en charge par l’État. La retraite des apprentis est calculée sur une base forfaitaire. Il a déjà été dit ici que ce système n’est pas satisfaisant puisqu’il ne parvient pas à faire cotiser quatre semaines par an et que les apprentis seront donc particulièrement pénalisés par l’allongement de la durée de cotisation et l’élévation de l’âge légal de départ à la retraite de 60 ans à 62 ans.
Néanmoins, c’est dans ce sens qu’il faut mener une réflexion – ce que vous refusez jusqu’à présent – sur l’élaboration d’un dispositif spécifique de retraite pour les stagiaires. Un mécanisme similaire devrait donc être prévu pour les apprentis.
Arrêtez de nous renvoyer d’une loi à l’autre ou de nous censurer afin de ne pas agir dans le domaine de la formation professionnelle, essentielle pour l’avenir de nos jeunes.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais de nouveau attirer votre attention sur le caractère totalement pervers de l’application de l’article 44-3, autrement dit du vote bloqué.
En effet, ce système l’est tellement qu’il nous amène à voter contre nos propres amendements. Le Gouvernement n’a déjà retenu que cinq des très nombreux amendements que nous avions déposés. Ces amendements ont certes leur intérêt mais, vous en conviendrez, ils n’étaient pas parmi les plus fondamentaux car ils ne touchaient pas au cœur de la réforme ; c'est sans doute la raison pour laquelle le Gouvernement les avait retenus ! Nous ne voterons donc pas ces derniers, car, du fait du système du vote unique, voter pour nos amendements, c’est aussi voter pour les vôtres !
Or même si vous n’avez pas été très prolixes en la matière – le texte du Gouvernement vous semblait sans doute parfait –, vos amendements ne font précisément que conforter un texte de loi injuste, brutal et arbitraire qui aura pour seul objet d’accroître l’injustice caractérisant la ligne de conduite du Gouvernement et qui est ressentie par nos concitoyens.
Voilà pourquoi nous ne pourrons voter ni pour vos amendements ni, du même coup, pour les nôtres, ce qui est un paradoxe pour le moins étrange, pour ne pas dire absurde !
Décidément, cette réforme sera une belle occasion manquée, comme nous l’a dit Richard Yung à l’instant.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Avant d’en venir à mon explication de vote proprement dite, je voudrais redire, comme nous l’avons fait depuis que vous avez décidé d’utiliser la procédure du vote unique, que nous déplorons ce choix.
Le seul fait que la Constitution prévoie cette possibilité ne vous donne pas pour autant le droit de l’utiliser sans retenue, surtout pour un projet de loi qui est très majoritairement refusé par nos concitoyens.
De la même manière, le fait que vous ne preniez pas en compte les propositions des organisations syndicales est plus que regrettable. En effet, notre démocratie a besoin non pas d’un affaiblissement, mais bien d’un renforcement de ces organisations. En agissant ainsi, vous prenez le risque que les mécontentements s’expriment en dehors d’elles. On voit bien ce que cela donne aujourd’hui.
Nos débats présentent tout de même un aspect positif. Outre, peut-être, la visibilité qu’ils ont donnée à notre assemblée, ils nous ont permis au moins de faire avancer l’idée que cette question était extrêmement importante dans la population et ont amené cette dernière à s’intéresser à nos propositions. C’est, j’en suis persuadée, le point de départ d’une sorte de lame de fond...
Mme Évelyne Didier. ... qui finira par lui faire comprendre que les enjeux sont majeurs et qu’il existe d’autres solutions. Ce combat-là, nous l’avons gagné !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
L’utilisation du troisième alinéa de l’article 44 du règlement est d’autant plus regrettable que la procédure du vote unique ne nous permet pas d’échanger véritablement sur les amendements qui nous semblent très importants. Je pense particulièrement à ceux qui concernent les transferts de dépenses vers les départements et vers l’UNEDIC.
Nombre d’entre vous, sur toutes les travées de cette assemblée, sont président de conseil général. Vous savez qu’aujourd’hui plus de vingt-cinq départements connaissent de très grandes difficultés financières et que le budget 2011 s’annonce périlleux ; mais j’y reviendrai.
Monsieur le ministre, vous avez affirmé que, dans notre système de protection sociale, les chômeurs accumulaient également des droits à la retraite. Ce n’est que partiellement vrai pour les chômeurs non indemnisés. Cela aura des conséquences importantes sur le régime d’assurance chômage, dans la mesure où les salariés privés d’emploi voient, eux aussi, l’âge légal de départ à la retraite repoussé de deux ans. Par conséquent, s’ils ne trouvent pas d’emploi, ils devront donc bénéficier, si j’ose dire, de la mesure qui leur permet de percevoir leurs indemnités jusqu’à 62 ans.
Autrement dit, les salariés privés d’emploi resteront chômeurs deux ans de plus. Or, nous le savons tous, le statut de chômeur n’a rien à voir avec celui de retraité ; il est nettement moins intéressant ! Cela entraînera mécaniquement une hausse des dépenses de l’assurance chômage. Mais, comme vous refusez d’augmenter les cotisations sociales, vous serez tenté de prendre de nouvelles mesures coercitives à l’encontre des demandeurs d’emploi.
Malheureusement, on connaît la pente naturelle de votre action ! On peut même d’ores et déjà parier que les mois à venir seront marqués par une multiplication des cas de radiation et ce sera grave !
Quand aux salariés privés d’emploi qui ne parviendraient pas à trouver un emploi ou qui se verraient radier des listes de demandeurs d’emplois, ils vont basculer vers les régimes de solidarité, c’est-à-dire – et c’est là où j’en reviens aux départements – les allocations de solidarité, mais surtout le revenu de solidarité active, dont, je le signale au passage, les montants versés ne dépassent pas 500 euros.
Qui va payer tout cela maintenant ? Ce sont les collectivités territoriales, principalement les départements, qui devront supporter ces dépenses, et cela pendant deux ans de plus, puisque vous avez reporté de deux ans l’âge légal permettant d’accéder à la retraite.
J’insiste auprès de mes collègues conseillers généraux : il s’agit là d’un transfert de charges discret, mais important, et surtout ne faisant pas l’objet d’une compensation de la part de l’État ! Cela ne va pas manquer d’accroître les difficultés que subissent déjà aujourd’hui les départements.
Cette question inquiète les élus départementaux. L’Assemblée des départements de France a récemment fait un important travail d’évaluation de ces transferts et de rédaction d’un texte qui pourrait fort bien inspirer prochainement une proposition de loi relative à la compensation des dépenses sociales. On peut notamment lire le constat suivant, que nous partageons : « le financement inapproprié d’une partie du système de solidarité nationale menace l’équilibre financier des départements ».
Compte tenu du chômage de masse et du faible taux d’emploi des seniors, la participation de l’État au titre de ce qu’il est convenu d’appeler le « RSA chapeau » risque d’être plus que limitée. J’en parle avec d’autant plus de conviction que, dans mon département, la Meurthe-et-Moselle, nous avons beaucoup travaillé sur ces questions sous la direction du président du conseil général, Michel Dinet.
Nous considérons, pour notre part, que vous n’ignoriez rien des conséquences de ce projet de loi sur les départements. C’est sciemment que vous avez pris la décision de basculer les salariés privés d’emplois des mécanismes de la solidarité nationale vers la solidarité assumée par les départements, au risque de déstabiliser ceux-ci encore un peu plus et d’aggraver les inégalités territoriales !
Notre assemblée, qui devrait avoir à cœur de représenter les collectivités territoriales, ne peut accepter cela. C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous appelons à voter contre ces amendements dans l’immédiat et contre l’ensemble de ce projet de loi tout à l’heure. §
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes collègues vous l’ont dit, nous sommes amers d’avoir été muselés, censurés, sans possibilité de nous exprimer et de voter sur chacun des articles additionnels, alors que ce droit d’expression constitue l’essence même de notre mandat.
L’article 24 de la Constitution dispose en effet explicitement : « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques. ». Or, monsieur le ministre, c’est l’inverse qui se passe. Nous sommes en effet au regret de constater que c’est le Gouvernement qui contrôle l’action du Parlement !
Ce fait est particulièrement grave pour notre démocratie. C’est une insulte faite à nos concitoyens qui s’opposent fermement à votre réforme et dont nous nous faisons l’écho depuis trois semaines dans ce débat.
L’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen précise aussi que : « La Loi est l’expression de la volonté générale. » Nulle part il n’est mentionné que la loi est l’expression de la volonté du MEDEF et de l’UMP !
Or 70 % de nos concitoyens sont opposés à votre réforme des retraites. La volonté générale, c’est eux et personne d’autre ! Votre acharnement est méprisant. Il ne tiendra qu’à vous de répondre à la colère de nos concitoyens qui se sont engagés à poursuivre leur mobilisation.
Les prétendues concessions que vous avez faites ne sont que poudre aux yeux, notamment celles que vous croyez avoir faites en faveur des femmes. En effet, les femmes perçoivent en moyenne 825 euros par mois de retraite et, à la fin de 2007, 70 % des retraités du régime général qui percevaient le minimum contributif étaient des femmes ! Malheureusement, cette tendance ne fait que se confirmer et va encore s’aggraver avec votre réforme.
Moins de la moitié des femmes valident une carrière complète. En effet, elles sont plus nombreuses que les hommes à interrompre leur carrière. Aujourd’hui, seulement 1, 5 % des pères cessent leur emploi ou réduisent leur activité professionnelle après la naissance d’un enfant, contre 35 % des mères.
À cela s’ajoute le fait que, lorsqu’elles travaillent, les femmes perçoivent des salaires inférieurs de 27 % à ceux des hommes. En outre, leurs conditions de travail sont parmi les plus précaires. Elles sont les premières titulaires de CDD, de contrats aidés et de temps partiel subi. Huit travailleurs précaires sur dix sont des femmes. Ce sont encore les femmes qui, arrivées à l’âge de 65 ans, âge actuel de la retraite sans décote, ont une durée moyenne sans emploi de vingt ans.
Face à ces injustices, et pour répondre à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, vous avez cru trouver la parade grâce à un beau tour de passe-passe de l’Élysée. Mais, à l’image de la grande majorité des Français, dont 70% sont opposés à cette réforme, nous ne sommes pas dupes. Le Gouvernement ne fait pas un geste en faveur des femmes. Il n’en fait un qu’en faveur des mères de famille, mais seulement certaines d’entre elles, et des femmes handicapées, mais, là encore, certaines d’entre elles uniquement. En d’autres termes, le Gouvernement fait l’aumône, car – et fort heureusement ! – toutes les femmes ne sont pas handicapées et ne sont pas non plus toutes mères de familles.
Si ces dispositions étaient nécessaires, elles sont donc bien loin d’être suffisantes. Elles n’ont été proposées que par pur souci d’affichage, pour permettre de diffuser dans les quotidiens gratuits la propagande gouvernementale sur le bien-fondé d’une réforme qui serait juste pour les femmes. Mais seules les mères de famille qui ont trois enfants et qui sont nées entre 1951 et 1955 seront peut-être rassurées. Que proposez-vous aux autres, c’est-à-dire à la grande majorité d’entre elles, celles qui n’ont pas eu d’enfant et celles qui n’en ont pas eu trois ? Rien d’autre qu’une retraite minable. C’est tout simplement scandaleux !
C’est l’une des très nombreuses raisons pour lesquelles nous ne voterons pas les amendements portant articles additionnels qui ont été retenus – sélectionnés, devrais-je dire – par le Gouvernement.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la messe est dite ! La plupart de nos amendements sont passés à la trappe, puisque telle a été votre volonté.
Cette réforme des retraites, comme l’ont indiqué mes collègues, n’est ni juste, ni équitable. Elle remet en question le principe même de la solidarité. Elle aura des conséquences très graves et très lourdes sur les plus faibles et les plus fragiles.
En reculant l’âge de départ à la retraite de 65 à 67 ans, monsieur le ministre, vous pénalisez les travailleurs les plus modestes, ceux qui ont commencé à travailler très tôt, dès l’âge de seize, dix-sept ou dix-huit ans, les travailleurs du secteur agricole, les travailleurs précaires, ceux qui n’ont pas de spécialisation. Vous pénalisez aussi les chômeurs qui auraient pu espérer ne plus l’être dans un avenir proche. Vous touchez également les femmes en général et les mères de famille en particulier. Vous touchez enfin les jeunes en ne libérant pas les emplois que leurs parents garderont plus longtemps.
Si au moins, par ce biais, vous préserviez notre système de retraite par répartition ! Mais les mesures que vous proposez non seulement ne règlent pas le problème du financement des retraites, mais vont creuser un peu plus le déficit de l’assurance chômage.
Ce sont des sacrifices pour rien, des sacrifices demandés aux plus modestes ! Cette réforme ne fera qu’accroître le nombre déjà important de Martiniquais, de Guadeloupéens, de Guyanais et de Réunionnais qui ne perçoivent qu’un minimum vieillesse inférieur au seuil de pauvreté.
À aucun moment, vous n’avez mesuré les effets de ce projet de loi sur les régions d’outre-mer, dont les caractéristiques démographiques, économiques et sociales sont très différentes de celles de l’Hexagone. À aucun moment, vous n’avez mesuré son caractère catastrophique pour les populations, en particulier pour nos jeunes.
Savez-vous qu’une famille martiniquaise sur trois est monoparentale ? C’est le plus souvent la femme qui est chef de famille. Savez-vous aussi que le taux de chômage est beaucoup plus élevé outre-mer que dans l’Hexagone ? Je ne crois pas. Sinon, vous n’auriez pas répondu à Mme Gélita Hoarau comme vous l’avez fait en commission des affaires sociales. Vous n’auriez pas répondu par la négative à une approche différente pour les retraites outre-mer.
Monsieur le ministre, quand on connaît la situation outre-mer, cela n’a aucun sens d’appliquer de telles mesures sans les adapter !
Il faut toujours des réponses particulières aux situations particulières.
Puisque vous avez nié nos spécificités, parce que l’outre-mer semble, pour vous, quelque chose d’étranger, et même une espèce d’ovni, vous ne les avez pas traitées. De plus, vous avez rejeté d’un revers de main tous les amendements que nous avons essayé de porter.
Je ne prétends pas que c’est du mépris ; c’est en tout cas une méconnaissance de terres certes lointaines, mais qui font néanmoins partie intégrante de la France !
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, par un vote unique, les amendements n° 95 rectifié, 1162 rectifié, 589, 143, 1166 rectifié ter, 156, 628 rectifié, 485 rectifié quater, 1245, 1246, 1247, 1248, 1249, 1250, 440 rectifié, 1206, 1208, le sous-amendement n° 1228 rectifié, les amendements n° 1233, 1235 rectifié, 489 rectifié bis, 490 rectifié bis, 384 rectifié, 1219, 186 rectifié ter, 481 rectifié quater, 1251 et 588, proposés ou acceptés par le Gouvernement.
Je rappelle que, en application de l’article 44, dernier alinéa, de la Constitution et de l’article 42, alinéa 7, du règlement, le Gouvernement a demandé au Sénat de se prononcer par un seul vote sur l’ensemble de ces amendements.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Sur un texte aussi important, ils ne sont pas capables d’être en majorité !
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 80 :
Nombre de votants339Nombre de suffrages exprimés330Majorité absolue des suffrages exprimés166Pour l’adoption178Contre 152Le Sénat a adopté.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
En conséquence, vingt-sept articles additionnels ainsi rédigés sont insérés dans le projet de loi.
Nous avons ainsi achevé l’examen des articles.
Mes chers collègues, en accord avec la commission et le Gouvernement, je vais suspendre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures cinq.
M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, M. le ministre chargé des relations avec le Parlement a informé M. le président du Sénat que le Gouvernement, en accord avec la commission des affaires sociales, et en application de l’article 29 bis, alinéa 7, du règlement, propose l’inscription le lundi 25 octobre à quatorze heures trente des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la gestion de la dette sociale.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je consulte le Sénat sur cette proposition.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 81 :
Le Sénat a adopté.
L’ordre du jour de la séance du lundi 25 octobre 2010 s’établit donc comme suit :
Lundi 25 octobre 2010
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 14 heures 30 et le soir :
1°) Lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale (n° 57, 2010-2011) ;
2°) Suite de la proposition de loi tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap, présentée par M. Paul Blanc et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n° 531, 2009-2010) (demande du groupe UMP).
Monsieur le président, madame la présidente de la commission, messieurs les ministres, cette décision, entérinée à l’instant par le Sénat, de modifier l’ordre du jour et de fixer à la séance de lundi l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale nous stupéfie.
Nous sommes aujourd’hui vendredi, il est dix-sept heures quinze, et nous achevons l’examen d’un texte extrêmement important. Lundi matin, à neuf heures, nous sommes un certain nombre à être convoqués à la réunion de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réforme des retraites. Si nous connaissons l’heure à laquelle nous commencerons nos travaux, nous ignorons quand nous les achèverons, étant entendu que ceux-ci pourraient, fort logiquement, se poursuivre jusque dans l’après-midi.
Or, mes chers collègues de la majorité, non seulement vous venez de décider de fixer à lundi l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale, mais encore on nous annonce – j’ignore si ce n’est qu’un bruit – que les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant réforme des retraites pourraient être examinées mardi matin.
Je veux bien que l’on travaille beaucoup ; d’ailleurs, nous étions prêts à poursuivre l’examen du projet de loi portant réforme des retraites et nous avons suffisamment dénoncé le recours à la procédure du vote bloqué. En tout cas, il est inadmissible que la réunion de la commission mixte paritaire sur ce texte se déroule en même temps que l’examen par le Sénat des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale. Il s’agit là, vraiment, d’un dysfonctionnement dans l’organisation du travail sénatorial !
Monsieur le président, je tiens à le dire solennellement, nous n’avons jamais refusé de travailler, mais nous ne pouvons pas continuer à travailler dans de telles conditions !
Mme Christiane Demontès. Je pense en particulier à notre collègue Jacky Le Menn, qui est membre à la fois de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant réforme des retraites et de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale. Il n’a pas le don d’ubiquité ! Comment allons-nous faire lundi après-midi ?
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Vous n’êtes même pas en nombre pour voter la « réforme du siècle », et vous osez faire des commentaires !
Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur le même constat que celui de Christiane Demontès.
Je suis, comme Jacky Le Menn, membre de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale ainsi que de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant réforme des retraites.
Compte tenu des rythmes de travail, l’ordre du jour qui vient d’être voté traduit un véritable dysfonctionnement de l’État et de l’exécutif sénatorial.
M. Guy Fischer. Comment peut travailler dans de telles conditions, sans même avoir le temps de respirer ? Nous savons que le Président de la République veut nous asphyxier…
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Et lorsque l’on considère l’ordre du jour de mardi, force est de constater que le scandale continue.
En effet, mardi, dans le même temps, auront lieu, en séance publique, la discussion des conclusions de la CMP sur le projet de loi portant réforme des retraites, et, en commission, l’audition de Mme Bachelot-Narquin sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Ne croyez-vous que c’est un peu exagéré ?
Le projet de loi portant réforme des retraites a été examiné dans des conditions détestables. Et sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous allons faire de même !
Monsieur le président, il faut mettre un terme à ces conditions de travail détestables : nous ne nous laisserons pas faire !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Je vous donne acte, mes chers collègues, de ces rappels au règlement, qui seront bien évidemment transmis à M. le président du Sénat.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Je reconnais que le rythme qui nous est imposé par nos débats et par les circonstances complique quelque peu notre existence.
Mes chers collègues, nous sommes nombreux à être membres titulaires à la fois de la CMP sur le projet de loi relatif à la gestion de la dette sociale et de la CMP sur le projet de loi portant réforme des retraites. Si le travail de la CMP sur le projet de loi portant réforme des retraites n’est pas terminé au moment de la discussion, en séance publique, des conclusions de la CMP sur le projet de loi relatif à la dette sociale, j’interromprai temporairement les débats. Ainsi, chacun de nous pourra être présent en séance publique.
Si le Sénat devait siéger mardi matin, nous reporterions bien entendu l’audition de Mme Bachelot.
Monsieur le président, je souhaite à mon tour souligner la réalité du travail que nous accomplissons. Nous nous efforçons de tout coordonner, et je reconnais que c’est difficile.
J’ai bien entendu ce qui a été dit par Mme Demontès, M. Fischer et par Mme la présidente de la commission des affaires sociales. Je rappelle au Sénat que la semaine prochaine est une semaine d’initiative parlementaire. Il est tout à fait normal que l’ordre du jour fixé par le Sénat soit prioritaire sur celui qui est d’origine gouvernementale.
Si, madame, sur le plan pratique, c’est le problème.
En effet, lundi après-midi, le Sénat poursuivra la discussion, qui a été interrompue, d’une proposition de loi présentée par M. Paul Blanc. On aurait pu retenir un ordre inverse de celui qui a été fixé en inscrivant d’abord la suite de la discussion de la proposition de loi de M. Paul Blanc, et, ensuite, les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale. Cela n’a pas été possible, car chacun a ses contraintes propres, M. Paul Blanc en particulier. C’est la raison pour laquelle nous avons été amenés à proposer au Sénat cette modification à l’ordre du jour.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Non, il n’est responsable de rien !
Écoutez, il y a deux solutions : soit je m’attache à la vérité et je dis les choses telles qu’elles sont, soit je fais du cinéma et je manie la langue de bois, ce qui n’est pas vraiment dans mon tempérament !
À l’Assemblée nationale, il s’écoule toujours un laps de temps entre la fin de la discussion d’un texte et le vote solennel. Le vote solennel est une procédure qui est habituelle à l’Assemblée nationale puisqu’il y en a quasiment toutes les semaines. Dès lors que les conclusions de la CMP sur le projet de loi portant réforme des retraites seront présentées mardi en fin d’après-midi à vos collègues députés, le vote solennel ne pourra donc intervenir que mercredi.
Voilà des éléments concrets. À partir de là, chacun se forgera une opinion que, par anticipation, je respecte. Mais de grâce, ne voyez tout de même pas la main du Président de la République partout
Si ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
! Cela ressemble à une forme d’obsession, et moi, je ne vous veux que du bien : ce n’est jamais très bon d’être obsédé.
Sourires sur les travées de l ’ UMP.
(Texte de la commission)
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Je rappelle que nous avons achevé l’examen des articles.
Nous passons au vote sur l’ensemble du projet de loi.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Je tiens, au nom du groupe UMP, à remercier chaleureusement M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, et M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique, pour leur écoute et leur disponibilité, ainsi que Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.
Je tiens également à féliciter notre rapporteur, Dominique Leclerc, pour ses travaux de grande qualité qui ont permis d’enrichir le projet de loi et de parvenir à un texte équilibré. Il a démontré sa capacité d’écoute, sa patience et, je le crois, sa très grande résistance, y compris sur le plan physique.
Il s’agissait avec ce texte de trouver un équilibre entre la nécessité de réformer et la volonté de prendre en compte des situations particulières, telles que la pénibilité.
En ce qui concerne l’exigence de réformer, l’état actuel de nos finances fait de cette réforme un impératif, qui ne saurait faire l’objet d’un moratoire : il y va de la sauvegarde de notre système par répartition. C’est pourquoi, le groupe UMP se réjouit que notre majorité ait, avec courage, engagé une réforme essentielle pour les régimes de retraites.
Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, la première mesure d’équité et de justice sociale, « c’est d’abord de financer effectivement les retraites ». Si des désaccords ont pu persister sur les modalités pour financer les déficits à l’horizon de 2018, il semble que la solution choisie soit la plus réaliste. Nous ne pouvons pas, mes chers collègues, nous enfermer dans le dogme du « taxer toujours plus ».
Je me réjouis que notre majorité ait fait le choix de la responsabilité. Cette responsabilité qui nous incombe, c’est d’assurer une retraite à l’ensemble des Français, sans jamais nous résigner à la diminution du montant des pensions.
Les problèmes démographiques de notre pays sont bien réels, et nous nous devions de maintenir les retraites actuelles, mais aussi de garantir les retraites des générations futures. C’est pourquoi nous soutenons le choix du Gouvernement de privilégier le report de l’âge légal de départ à la retraite plutôt que de recourir à l’augmentation des prélèvements obligatoires.
Nous nous réjouissons, en effet, que notre Haute Assemblée ait maintenu les mesures de rééquilibrage entre temps de travail et temps de retraite. Avec un âge de départ porté à 62 ans, la durée de la retraite sera au moins supérieure de trois ans à ce qu’elle était en 1980. Il n’y a donc aucun recul social, comme nous avons pu l’entendre
Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Par ailleurs, nous avons voulu une réforme la plus juste possible, avec une meilleure prise en compte des aléas de la vie.
Notre majorité approuve ce texte, car il est équitable et ne fait pas supporter la charge supplémentaire des retraites sur ceux qui travaillent dans des conditions difficiles, qui ont eu des carrières hachées ou qui ont commencé à travailler tôt.
Ainsi, au cours de nos débats, nous avons fait des avancées majeures en ce qui concerne les femmes ayant élevé des enfants et ayant interrompu leur carrière : 130 000 mères de famille pourront continuer à bénéficier d’une retraite à taux plein à 65 ans.
Des avancées ont également été faites pour les parents d’enfants lourdement handicapés. Ces derniers bénéficieront du maintien à 65 ans de l’âge d’annulation de la décote.
Enfin, nous avons fait des avancées sur la situation des travailleurs exposés à l’amiante. Grâce à l’excellent travail de nos collègues Gérard Dériot et Jean-Pierre Godefroy, ces personnes pourront continuer à bénéficier du départ à la retraite à 60 ans.
Notre Haute Assemblée peut se réjouir du travail accompli afin que cette réforme soit la plus juste et la plus équitable possible.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je tiens à vous faire part de notre soutien sans faille à votre projet et à vous féliciter pour votre volontarisme afin de faire aboutir cette réforme nécessaire.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur plusieurs travées de l ’ Union centriste.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, permettez-moi tout d’abord de féliciter les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG, qui ont manifesté une capacité de travail, une assiduité et une persévérance remarquables, je tenais à le souligner en cet instant.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement, acquiesce.
Messieurs les ministres, le passage en force de ce projet de loi, aujourd'hui, au Sénat, …
… est un mauvais signe adressé au pays quant au fonctionnement de nos institutions : le Président de la République a voulu montrer que c’était lui qui sifflait la fin de la partie pour les parlementaires.
Vous avez peut-être gagné quelques heures, mais vous n’en sortez pas grandis, surtout après le coup de force à l’Assemblée nationale.
Mais le véritable coup de force, c’est celui qui consiste à imposer au pays une réforme dont il ne veut pas. Et il vous le fait savoir ! Vous faites voter votre réforme, mais le pays vous répond en continuant à se mobiliser pour la refuser.
Votre réforme des retraites ne faisait pas partie du programme du candidat Nicolas Sarkozy. Il s’était même porté garant de la retraite à 60 ans.
Vous tentez de justifier aujourd’hui cette réforme par la crise. C’est peu convaincant. En fait, votre réforme était inscrite dans le programme que mettent en application le Président de la République et sa majorité, c’est-à-dire celui du MEDEF.
Le bréviaire préfacé par Mme Parisot, Besoin d’air, avait déjà inscrit le recul de l’âge de la retraite et présenté comme nécessaire une réforme systémique. Car le MEDEF parle clair, il ne joue pas sur les mots : il incline franchement pour un système de retraite par capitalisation, au moins pour partie.
D’ailleurs, comme je vous l’ai déjà dit, dès mars 2010, Mme Parisot se félicitait sur son blog de tout ce que le Président de la République et sa majorité avaient mis en œuvre depuis 2007 et qui figurait dans le programme du MEDEF.
Aujourd’hui, vous continuez. La crise vous donne le prétexte d’accélérer, mais, en réalité, c’est le programme du Président de la République, et il s’acharne à vouloir le faire entrer dans les faits, contre la majorité des Français auxquels il ne l’avait pas annoncé clairement.
Au moment de la crise, vous avez renfloué les banques avec l’argent public, sans contreparties. Nos concitoyens la paient par une austérité accrue, comme nombre d’autres peuples européens, d’ailleurs.
Avec la réforme des retraites, les Français vont payer encore : 85 % de la réforme est assumée par les salariés. C’est donc une double peine qui leur est infligée, tandis que les « fauteurs » de crise se portent très bien – il n’y a qu’à voir le boom du CAC 40 – et applaudissent votre détermination à ne toucher à aucun de leurs privilèges exorbitants, …
… ni le bouclier fiscal, ni les stock-options, ni les retraites chapeaux, ni leurs niches fiscales, et j’en passe !
Ce que nos concitoyens ne supportent pas, ne supportent plus, c’est d’assister aux débordements toujours plus insolents des privilèges des plus riches.
On pourrait dire, en reprenant la formule bien connue de M. Raffarin, qui n’est pas là : pour la France d’en haut, toujours plus ; pour la France d’en bas, toujours moins ! §
Vous avez fait beaucoup de propagande, quelquefois mensongère.
Vous avez dit que vous étiez sensibles à la discrimination dont étaient victimes les femmes, et vous avez accordé à 25 000 d’entre elles pendant quatre ans – celles qui ont trois enfants, qui ont commencé à travailler, puis arrêté, puis repris un emploi – la retraite à 65 ans. Si je compte bien, cela ne fait quand même pas beaucoup…
Vous aviez dit que vous étiez sensibles à la question de la pénibilité. Le débat nous a montré que ce n’était absolument pas le cas. D’ailleurs, vous connaissez très mal le monde du travail et vous avez transformé la pénibilité en invalidité.
En fait, vous campez sur vos positions, droits dans vos bottes, accrochés à vos principes – âge légal de départ à 62 ans, retraite sans décote à 67 ans, et les salariés paieront ! –, avec un mépris sans égal pour ceux qui travaillent dur, qui sont au chômage après 55 ans, qui sont exposés à de nombreux risques, avec le plus grand mépris aussi pour les femmes, dont 44 % n’ont pas les cotisations requises à l’âge de 65 ans, et pour les jeunes, qui, précaires ou, de plus en plus, au chômage entre 18 et 25 ans, descendent dans la rue parce qu’ils se demandent s’ils auront droit un jour à une retraite.
Monsieur Woerth, l’autre jour, vous avez cité un slogan. Je vais vous en citer un à mon tour, et il est très clair : sur une pancarte, au milieu d’une manifestation, j’ai lu : « Papy, c’est quoi la retraite ? ». Édifiant, non ?
Vous avez répété inlassablement que votre réforme était la seule possible, mais vous n’avez pas convaincu, c’est le moins que l’on puisse dire. Il faut que nos concitoyens le sachent, vous avez refusé de discuter de toute proposition, notamment financière.
Or, oui, il existe des solutions alternatives. La réforme du financement de la retraite par répartition, qui se décline en plusieurs modèles, en est une. Nous avons fait des propositions : notamment, faire participer les revenus financiers à l’effort collectif, c’est-à-dire demander une contribution importante à ceux qui, pour l’instant, sont totalement épargnés.
La retraite à 60 ans doit rester un droit. Ce que vous disent nos concitoyens, c’est qu’ils refusent cette terrible régression sociale ; il s’agit effectivement de cela, et vous ne pourrez pas leur faire croire le contraire !
Les organisations syndicales sont très responsables. Elles vous demandent d’entendre ce que le pays vous dit, de voir ce qui s’y passe en profondeur et d’accepter de reprendre une véritable négociation, qui, de fait, n’a jamais eu lieu.
Le Président de la République répond par l’affrontement. Il joue avec le feu. Or nos concitoyens soutiennent les actions des organisations syndicales et sont de plus en plus nombreux à se mobiliser. Continuer l’affrontement est dangereux !
Vous rêvez peut-être d’une contre-manifestation antisociale. Prenez garde ! Le vote bloqué au Sénat ne fait pas plus d’effet que cela aux organisations syndicales, aux salariés et à la population. Ils décident de nouvelles mobilisations. Pourquoi ? Parce qu’ils refusent votre réforme.
Vous pouvez accepter de négocier ; il est encore temps avant le vote final. Ce projet, à l’heure actuelle, est inacceptable !
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Pour l’information d’un certain nombre de nos collègues, qui sont surpris de mon indulgence à l’égard de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, laquelle a effectivement dépassé son temps de parole, je dirai qu’il est d’usage, dans un débat que l’on peut, sans crainte de se tromper, qualifier d’important, que la présidence de séance manifeste une certaine tolérance à l’égard des présidents de groupe, lorsque ceux-ci s’expriment.
Je l’ai fait pour Gérard Longuet, je le ferai pour Jean-Pierre Bel, non par amitié – même si elle existe –, mais parce que c’est la coutume, et pour Nicolas About.
La parole est à M. Jean-Pierre Bel.
Je vous remercie d’avance de votre tolérance, monsieur le président.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, nous voici donc au terme d’un débat qui aura été ponctué par des temps forts, et qui, je le crois, marquera l’histoire de notre assemblée.
Je voudrais remercier l’ensemble des sénateurs de la gauche sénatoriale, et peut-être même quelques-uns au-delà, car nous avons réussi à déjouer les plans élaborés par le Président de la République et ses conseillers.
Ce débat n’a pas été confiné, comme ils le souhaitaient, mais il a au contraire été en résonance avec les Français qui nous regardaient, faisant écho à leur refus de cette réforme qu’on prétend leur imposer.
Oui, nous avons imposé discussion et une confrontation : votre projet contre le nôtre.
Oui, ce débat marquera l’histoire parce que jamais un Président de la République n’aura été aussi insensible, aussi sourd à un mouvement social fort, massif, profond.
Dans l’esprit de notre République, un Président de la République doit incarner la France, il doit représenter les Français dans leur diversité. Mais, pour ceux qui se sont mobilisés et exprimés tout au long de ces dernières semaines, il n’y a eu que mépris et indifférence.
Pourtant, et c’est remarquable, l’opinion n’a pas varié, n’a pas faibli dans son opposition au projet que vous nous présentez.
Que nous disent les Français ? Qu’ils ne veulent pas de votre loi sur les retraites. Ils n’en veulent pas parce qu’elle touche d’abord les plus faibles. Ils n’en veulent pas parce que vous n’étiez pas mandatés pour conduire cette réforme : on se souvient que le Président de la République a déclaré que jamais, ô grand jamais, il ne reculerait l’âge légal de départ à la retraite !
Vous avez véritablement ignoré ce qu’expriment les Français. Nous, nous sommes employés à manifester une opposition constructive. Vous n’avez rien entendu de nos propositions. Vous avez écarté toute idée d’une réforme alternative.
Oui, votre réforme est injuste.
Elle est injuste parce qu’elle met à contribution les seuls salariés, parce qu’elle frappe d’abord les plus fragiles, ceux qui ont commencé à travailler très tôt, ceux qui ont des carrières difficiles, ceux qui ont des parcours précaires, ceux qui ont connu le temps partiel.
Elle est injuste parce qu’elle frappe notamment les femmes, malgré l’illusion que vous avez essayé de donner. Personne n’a été dupe !
Oui, nous avons fait des propositions d’ouverture pour avancer, faire bouger les choses. Nous aurions pu nous livrer à une vraie confrontation, espérer un grand débat démocratique. Vous avez été capables d’en organiser un sur l’identité nationale, mais cela ne vous était plus possible s’agissant de cette question si importante des retraites, qui touche pourtant à la vie des gens…
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Maintenant que, par votre faute, le pays est bloqué. Et que faites-vous ? Vous répondez au pays bloqué par un vote bloqué ! Pourtant, le blocage vient de vous. Vous n’avez accordé aucune avancée au cours de ces débats. Vous n’avez pas infléchi la philosophie d’ensemble de votre projet de loi. Vous n’avez tenu compte ni de la révolte des Français, ni des ouvertures faites par les syndicats, ni des propositions de l’opposition.
Comme par hasard, au moment où viennent en débat nos amendements qui proposent un autre mode de financement, vous avez recours à la brutalité procédurale !
Vous nous reprochez de ne pas avoir d’idées, et lorsque nos idées viennent en débat, vous arrêtez le débat !
Vous nous accusez de ne pas avoir de propositions, et lorsqu’il s’agit d’examiner nos propositions, vous hâtez la fin de nos travaux !
Vous nous accusez de ne pas avoir de projet, et, au moment de présenter notre projet, vous nous coupez la parole !
Oui, Nicolas Sarkozy confond fermeté et fermeture !
Oui, il y a deux grands perdants dans ce débat et le vote qui va suivre : les Français, d’abord, qui devront subir une nouvelle attaque contre notre modèle social ; le Sénat, ensuite, qui a été brutalisé, contraint, alors même que nous avions reçu l’assurance que cela ne pouvait pas arriver.
Nous avions des engagements de votre part, de la majorité sénatoriale, du président du Sénat, …
… qui affirmait que, jamais, ô grand jamais, les discussions au Sénat ne ressembleraient à ce qu’elles avaient été ailleurs.
Eh bien, cet engagement n’a pas été tenu, et nous avons un autre exemple d’un Sénat humilié, au travers de ce que vous venez de nous annoncer. Il faut céder aux désirs du prince, et le Sénat en fait les frais.
Alors oui, je vous donne rendez-vous : rendez-vous dès la semaine prochaine, ici au Sénat, mardi matin avez-vous dit ; rendez-vous aussi dans les semaines à venir pour rendre compte aux Français, qui ne vont pas manquer de vous interpeller ; rendez-vous encore lors des prochaines échéances démocratiques, où cet acte que vous venez de commettre vous collera à la peau.
Non, messieurs les ministres, messieurs les censeurs, vous n’en avez pas fini avec les retraites, vous n’en avez pas fini avec les Français !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a près d’un mois, lorsque le Sénat a été saisi du texte issu de l’Assemblée nationale, nous avions une crainte : celle que ce débat si fondamental, touchant au cœur même de notre pacte social, n’ait finalement pas lieu.
Nous avions aussi un engagement, une volonté d’améliorer cette réforme en termes d’équité et de solidarité.
En somme, une crainte de forme, un combat de fond.
Aujourd’hui, sur ces deux points, la majorité des membres du groupe de l’Union centriste peut se déclarer apaisée et satisfaite.
Trois semaines de débats en commission et en séance, plus de 130 heures de séance, plus de 1 240 amendements et sous-amendements. Qui osera encore dire que la discussion parlementaire n’a pas eu lieu ?
Sur le fond, on ne le répétera jamais assez, la réforme était indispensable et devait, à nos yeux, être menée en deux temps : une réforme paramétrique d’urgence, puis une évolution systémique programmée à moyen et long terme pour pérenniser la répartition, à laquelle nous tenons.
L’adoption du principe de cette architecture séquentielle était pour nous essentielle. Or il est désormais pleinement acquis puisque, à la suite de l’adoption de notre amendement, le texte prévoit, dès le premier semestre 2013, l’organisation d’une réflexion nationale visant à étudier la mise en place d’un régime universel par points ou en comptes notionnels. Seule une telle réforme, que l’UDF réclamait déjà et que le groupe de l’Union centriste appelle de ses vœux depuis 2003, assurera l’équilibre, la transparence et l’équité de notre système de retraite à long terme.
Aujourd’hui, nous sommes heureux d’avoir été entendus sur cette évolution vers une retraite par points, comme sur la nécessité de rendre la réforme actuelle plus équitable et plus solidaire.
Je l’ai déjà dit : étant donné l’ampleur des déficits actuels cumulés et des évolutions démographiques, une réforme paramétrique d’urgence s’imposait.
Le déplacement des bornes d’âge, seul paramètre sur lequel nous disposions encore de marges de manœuvres, s’imposait également. En outre, le fait de retarder ainsi l’âge d’ouverture des droits est en phase avec l’évolution de la société et l’augmentation de l’espérance de vie.
Il n’y a rien là d’idéologique : c’est une réforme de bon sens. Et ce n’est pas un hasard si la plupart de nos partenaires européens l’ont fait avant nous, de façon plus radicale encore – 65, 66 ou 67 ans selon les pays.
Mais, une fois posé le principe, le « cœur même de la réforme », surgit immédiatement la question de savoir quelles exceptions lui apporter. C’est cela, en réalité, qui nous a occupés au cours de ces dizaines d’heures de débat.
La question des exceptions à apporter au principe du relèvement des bornes d’âge est double : c’est celle de la solidarité du système à l’endroit de publics défavorisés spécifiques ; c’est aussi celle de la pénibilité. Sur ces deux points, le texte issu de l’Assemblée était perfectible.
En matière de solidarité spécifique, le groupe Union centriste tenait à ce que la situation des familles, des femmes et des personnes handicapées soit mieux prise en compte. C’est chose faite avec l’adoption d’amendements à nos yeux fondamentaux en faveur des aidants familiaux, des travailleurs handicapés, des assurés parents de trois enfants ou parents d’enfants handicapés qui ont interrompu leur activité professionnelle, mais aussi, bien sûr, avec le vote à l’unanimité de la disposition en faveur des travailleurs de l’amiante.
Sur toutes ces questions, nous avons obtenu pleinement satisfaction, et nous avons même réussi à ce que les parents qui ont interrompu leur activité pour s’occuper d’un enfant handicapé puissent également bénéficier du dispositif, y compris après que cet enfant a passé le cap de la majorité.
Reste la question de la pénibilité. C’est notre seul vrai regret, mais il est de taille : nous souhaitions aller beaucoup plus loin en la matière, notamment par la reconnaissance de l’impact différé des conditions pénibles non compensées lorsqu’elles contribuent avec une grande probabilité à réduire l’espérance de vie.
Nous sommes certes conscients que, en matière de pénibilité, le présent texte constitue une avancée fondamentale et sans précédent. C’est en effet la première fois que la notion est consacrée par un texte législatif, et la France est le premier pays à le faire.
Mais, pour l’heure, seule la pénibilité aux effets apparus avant 60 ans, et entraînant une incapacité permanente d’au moins 10 %, fait l’objet d’un dispositif concret.
Nous pensons que nous pouvons faire mieux. Un travailleur peut avoir exercé dans des conditions pénibles, affectant avec une quasi-certitude son espérance de vie, sans que ces facteurs se traduisent, à 60 ans, par une incapacité physique immédiatement mesurable. Nous l’avons vu à propos de l’amiante.
Nous avions proposé un dispositif de cessation anticipée d’activité au profit des travailleurs se trouvant dans cette situation. Il n’a, hélas, pas été retenu, ce qui conduira quelques membres du groupe de l’Union centriste à s’abstenir sur ce texte, compte tenu de l’importance de ce sujet.
Les autres membres de mon groupe préféreront voir dans la légalisation du dossier médical en santé au travail et dans le dispositif expérimental d’aménagement des conditions de travail de certains salariés les fondations d’une reconnaissance ultérieure de la pénibilité à effets différés.
Quoi qu’il en soit, nul doute qu’il nous faudra, le plus tôt possible, rouvrir ce chantier, peut-être dans le cadre du PLFSS.
Sur le fondement de la foi en cet horizon, parce que cette réforme était nécessaire et parce que nous l’avons améliorée dans le sens d’une plus grande équité, la très large majorité des membres du groupe Union centriste la votera.
Messieurs les ministres, merci de votre écoute constructive et de votre patience.
Merci à nos présidents de séance successifs.
Merci également à la commission des affaires sociales, à sa présidente Muguette Dini et à son rapporteur Dominique Leclerc, ainsi qu’à l’ensemble de ses collaborateurs, pour l’excellence de leur travail.
Enfin, une fois n’est pas coutume, permettez-moi en conclusion de remercier les collaborateurs de notre groupe, en l’occurrence Anne Frémont et Antoine Buéno, pour leur travail et leur endurance.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Je voudrais partager avec les camarades de mon groupe ce sentiment d’avoir bien œuvré et dire que, pour ma part aussi, je suis très sensible à la somme de travail que nous avons accomplie ensemble, mes chers collègues.
Cela étant, je ne vous cache pas ma surprise : alors que le Sénat a la réputation de faire des lois bien cadrées, un texte de cette importance va quitter notre assemblée amputé de l’une de ses dispositions emblématiques, l’article 4, qui prévoit les modalités d’allongement de la durée d’assurance jusqu’en 2020.
Je n’en doute pas ! Mais il est de tradition qu’une deuxième délibération corrige les erreurs. Nous n’avons jamais vu cela au Sénat depuis au moins vingt ans.
Au terme de trois semaines de débats, alors que nous avons été portés par une mobilisation populaire extraordinaire, ce projet de loi se termine par un coup de force de l’Élysée, qui, se livrant à un véritable déni de démocratie, a contraint le Sénat à en finir ce soir.
Tout au long des débats, vous nous avez assené vos discours sur l’inéluctabilité de la réforme, sur les sacrifices nécessaires et sur le poids de la démographie, relayés en cela par de considérables moyens médiatiques prêchant la résignation, la peur des casseurs, la crainte de la pénurie… Construction idéologique que tout cela, comme nous l’avons démontré patiemment.
Nous avons également fait des propositions concrètes pour un autre financement pérenne de notre système de retraite solidaire.
Malgré vos dénégations, avec ce projet de loi, la retraite par répartition aura été jetée par-dessus bord ! Et ce projet de loi jette les fondements de la retraite par capitalisation, que vous appelez de vos vœux et qui s’engouffre déjà dans la brèche ainsi ouverte.
Vous vous apprêtez donc à faire voter une réforme brutale, injuste et inefficace.
Votre réforme est brutale : elle fera de la France le pays le plus régressif de l’Union européenne.
Nous sommes le seul pays où, à travers une seule et même réforme, on agit simultanément sur ces deux leviers que sont les bornes d’âge et la durée de cotisation.
Âge légal à 62 ans, âge du taux plein sans décote à 67 ans : voilà ce que vous imposez à tous et à toutes, avec les conséquences dramatiques dont nous nous sommes fait largement l’écho.
Votre réforme est injuste : alors que les entreprises du CAC 40 voient leurs résultats bondir de 85 %, on fait payer la réforme à 85 % par les salariés, et l’on égratigne à peine le capital.
Injuste aussi parce que c’est la réforme de la super-austérité : elle va s’accompagner d’une véritable glaciation des salaires et des retraites. Quel cynisme, tandis qu’un dirigeant comme celui de Carrefour empochera une retraite à vie de 500 000 euros par an !
Enfin, elle est inefficace parce que vous ne voulez pas nuire à vos amis les nantis. Nous le savons tous, le déficit de la branche vieillesse ne sera pas durablement réduit par ce projet de loi.
Et ce ne sont pas les quelques avancées, largement insuffisantes, que vous avez consenties en direction des femmes fonctionnaires mères de trois enfants ou encore des poly-pensionnés qui changeront notre opinion sur ce texte.
Sans états d’âme, vous allez contraindre des salariés usés aux carrières longues, des femmes aux carrières morcelées et tous ceux qui exercent des métiers pénibles, notamment les catégories actives de la fonction publique hospitalière, et même les victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles, à travailler deux ans de plus ! Quel mépris ! Décidément, le drame des victimes du cancer et de leurs veuves n’aura pas pesé lourd dans la balance face aux intérêts des privilégiés que Mme Parisot et vous-même défendez envers et contre tout.
Pour faire passer ces idées, vous avez choisi une méthode brutale, autoritaire, au Parlement comme dans la rue, contre les jeunes et contre les salariés qui défendent devant les entreprises leur outil de travail et leur dignité.
M. Guy Fischer. Tout cela parce que vous avez perdu la bataille des idées, parce que vous avez peur des ouvriers, des jeunes et de tout un peuple qui refuse de vous voir rayer d’un trait de plume l’une des conquêtes essentielles de la classe ouvrière.
Protestations d’impatience sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Ce projet de loi, improprement qualifié de « réforme » des retraites, est tout sauf une réforme : c’est un acte de « dé-civilisation », de régression sociale sans précédent qui participe d’un projet de société, d’un projet de classe, celui des puissants contre la grande masse des petites gens.
M. Guy Fischer. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte et nous défendrons pied à pied ce droit fondamental qu’est la retraite pour tous à 50 ans !
Rires et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Rires et exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Je voulais bien évidemment parler du droit à la retraite à 60 ans, mes chers collègues. Vous l’aurez tous compris !
Monsieur le président, messieurs les ministres, je m’associe bien entendu aux propos de ma collègue Isabelle Debré, qui a parlé au nom du groupe UMP, mais je voulais dire quelques mots à titre personnel sur cette réforme des retraites.
Nous devons faire face au défi du vieillissement de la population, comme l’ont fait tous nos voisins européens, en allongeant la durée de cotisations. Le statu quo aurait été irresponsable, de même qu’il aurait été irresponsable de baisser le montant des pensions ou d’augmenter massivement les prélèvements fiscaux. La France n’est pas isolée du monde, encore moins des autres pays d’Europe, qui vont finalement beaucoup plus loin que nous dans la réforme.
La France, qui comptait quatre actifs pour un retraité en 1960, en compte moins de deux en 2010 et en comptera seulement 1, 5 dans dix ans.
Par ailleurs, parce que nous vivons plus longtemps, nous devons travailler plus longtemps.
Ce n’est ni un choix idéologique ni un choix dogmatique, c’est une question de simple bon sens et, surtout, de responsabilité.
Quelques mots au sujet des amendements que j’avais déposés et qui n’ont été retenus que partiellement.
En ce qui concerne les femmes, surtout celles issues de cette génération où il était de tradition qu’une femme cesse de travailler lorsqu’elle avait des enfants, qui ont connu une carrière hachée et se retrouvent à l’heure de la retraite avec une très faible pension, des avancées ont été réalisées. Mais peut-être faudra-t-il aller plus loin encore.
J’insisterai également sur l’importance de l’information des Français tout au long de leur carrière, de manière à leur permettre de se déterminer en connaissance de cause sur leur évolution professionnelle.
En ce qui concerne la pénibilité, je pense que nous devrons aller plus loin pour les métiers difficiles, métiers agricoles, métiers du bâtiment – je pense aux maçons, aux couvreurs, aux travailleurs à la chaîne et à toutes ces professions très physiques qui sont vraiment pénibles –, et qu’il conviendra d’ouvrir une large concertation par branche professionnelle…
…, avec comme objectif, lors de la prochaine étape, d’établir des coefficients de pénibilité aussi justes que possible, sachant que nous sommes le premier pays à nous engager dans cette voie.
Concernant les petites pensions des retraités agricoles – sujet qui a été largement évoqué au cours du débat –, je pense que notre discussion se prolongera lors de l’examen du PLFSS.
Dans le secteur agricole également, la rédaction du texte, qui intègre des facteurs de risques, tels que la contrainte physique, l’environnement agressif et certains rythmes de travail, pourrait poser des difficultés d’application et créer des contraintes administratives supplémentaires.
Toutefois, la réflexion nationale prévue dès 2013 sur les objectifs et les caractéristiques d’une réforme systémique, dont le principe a été intégré mercredi soir au texte, sur proposition de notre remarquable rapporteur, Dominique Leclerc, va dans le bon sens et devrait répondre aux préoccupations que j’ai exprimées à travers mes amendements.
L’équilibre de notre système de financement des retraites est extrêmement mouvant, si bien qu’il faut déjà penser demain pour préparer après-demain. En effet, la réforme dont nous sommes en train d’achever l’examen est aussi destinée aux générations futures puisqu’elle préserve l’intégrité d’un système fondé sur la solidarité nationale, que beaucoup nous envient, non seulement parmi nos voisins européens, mais également dans le reste du monde.
La réforme qui est mise en œuvre est indispensable. C’est pourquoi je voterai l’ensemble du projet de loi.
Cela étant, je ne veux par terminer mon intervention sans remercier et féliciter une nouvelle fois notre rapporteur, Dominique Leclerc, …
M. Rémy Pointereau. … non seulement du travail de grande qualité qu’il a accompli, et dont il ressort sans doute épuisé après 130 heures de débat, mais également de la patience et de l’écoute dont il a su faire preuve.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Yannick Bodin s’exclame.
Monsieur le ministre, les Français et l’ensemble de la classe politique, de droite comme de gauche, sont convaincus de la nécessité de réformer notre système de retraite. Quand on veut changer la donne, c’est bien la première condition de la réussite. Cette chance vous a été offerte, mais vous n’avez pas su la saisir.
Pourtant, il aurait suffi de prendre le temps de l’écoute, du dialogue, de l’échange pour passer du diagnostic partagé aux propositions négociées. Il aurait suffi de prendre la mesure des principes qui fondent notre pacte national et du rôle qu’ils jouent en matière de cohésion sociale pour passer d’un simple état des lieux à de nouvelles perspectives.
Nul ne prétend que la discussion aurait pu être facile, nul ne dit que le parcours n’aurait pas été houleux, mais il en serait ressorti quelque chose d’unique, l’un de ces moments de l’histoire où la politique prend tout son sens.
Voilà ce que vous auriez pu faire !
Mais Nicolas Sarkozy n’aime et ne connaît que le conflit. Pour lui, il est plus important d’imposer un choix que de le faire partager. Il préfère les coups de menton aux mains tendues, les bras de fer aux manches relevées. Au lieu de travailler au changement, il exige la soumission.
Résultat ? Une réforme des retraites qui cumule injustice, inefficacité et irresponsabilité, une réforme qui suscite le rejet de la rue, non par ignorance, mais en toute connaissance de cause : les Français savent ce qui les attend !
Sans politique d’emploi appropriée, le recul de l’âge de départ à la retraite n’aboutira qu’à créer de nouveaux chômeurs. Ce constat ne relève pas de l’extrapolation. En effet, si les gens quittent le marché du travail à 58 ans, alors qu’ils ne font valoir leurs droits à la retraite qu’à 61 ans, c’est bien parce qu’ils sortent du travail non par la retraite, mais par le chômage, le licenciement, la maladie.
En reculant cette échéance, c’est à leur dignité que vous allez porter atteinte. En faisant passer de 65 ans à 67 ans l’âge de la retraite sans décote, c’est la précarité des plus faibles que vous allez encore accroître.
Si votre projet de loi n’omet pas de parler de pénibilité, c’est pour retirer, en définitive, toute substance à cette notion. À la pénibilité, vous avez préféré l’invalidité. Les raisons de ce choix ? L’allégement de la responsabilité de l’entreprise et la diminution drastique du nombre de personnes concernées.
Au lieu d’investir sur ces vrais acteurs de santé publique que pourraient être les médecins du travail, ce texte a tout d’une épitaphe. En effet, ceux-ci perdent toute indépendance, et la médecine du travail devient une médecine au service de l’employeur, destinée à l’exonérer de toute responsabilité.
Quant aux injustices que subissent les femmes dans le monde professionnel – temps partiels, salaires moindres, carrières écornées –, vous avez réussi à les creuser encore au moment de leur retraite. Grâce à vous, les écarts de pension entre les hommes et les femmes devraient encore s’accroître et la précarité des femmes, s’accentuer. Était-ce vraiment nécessaire ?
Dans un monde du travail qui exclut les jeunes, les femmes et les seniors, avoir fait de l’augmentation de la durée de cotisation votre unique piste de réforme aboutit à miser avec cynisme sur la multiplication des carrières incomplètes afin de désengager l’État de sa mission de solidarité et l’entreprise de sa responsabilité.
Votre véritable objectif est non pas de maintenir le niveau des pensions, mais d’exclure le maximum de personnes de la retraite à taux plein : une démarche encensée par les assureurs privés, qui voient s’ouvrir à eux un marché juteux.
Des propositions, le groupe socialiste vous en a fait. Vous n’avez même pas daigné les considérer. Nous avons rappelé que l’injustice alimentait la révolte, vous avez ricané. Quand les Français sont massivement descendus dans la rue, vous les avez méprisés.
Le goût du conflit et l’indifférence à la justice ne font pas une politique, encore moins une réforme. Voilà des raisons supplémentaires pour que le groupe socialiste vote contre ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Alors que nous débattions de ce projet de loi, la presse économique rendait public un rapport de la Cour des comptes qui ne vous aura pas échappé. On apprend ainsi que le montant total des niches fiscales et sociales consenties aux entreprises – la plupart du temps sans aucune contrepartie – représente 172 milliards d’euros. Un montant colossal dont l’utilité, compte tenu de la politique salariale et d’emploi que mènent les entreprises, n’est pas avérée. Mais qu’importe : ces niches sont reconduites, année après année, sans que vous cherchiez à en évaluer réellement l’efficacité.
Dans le même temps, on découvrait un nouveau chiffre tout aussi colossal : 136 milliards d’euros ! C’est le montant des ressources de trésorerie dont disposent les entreprises du CAC 40. Par ressources de trésorerie, il faut entendre les sommes que le patronat refuse de distribuer aux salariés sous forme d’augmentations de salaires, les sommes que le patronat refuse d’utiliser pour l’investissement à long terme, notamment dans la reconversion écologique des entreprises.
Ce sont en revanche des sommes que les dirigeants d’entreprise n’hésitent pas à utiliser pour spéculer, c’est-à-dire racheter des actions ou des entreprises, les contraindre à des plans sociaux drastiques et les revendre bien plus cher une fois que le sale boulot de casse sociale est terminé !
Ce sont des sommes immobilisées afin de permettre à la spéculation de se nourrir d’elle-même, quitte à faire gonfler une bulle économique qui finira bien par éclater un jour et dont les victimes seront toujours les salariés.
Ce sont enfin des sommes qui permettent d’assurer à une minorité de cadres dirigeants des avantages financiers dont le niveau et les conditions d’attribution sont tellement scandaleux que la majorité de nos concitoyens en attendent aujourd’hui la suppression.
Pourtant, malgré ces réalités, le Gouvernement et sa majorité continuent à affirmer qu’il n’y aurait plus aujourd’hui les moyens de financer la retraite à 60 ans, et je tiens à l’ajouter car c’est notre conviction, à taux plein.
Nos concitoyens ne sont pas dupes. Ils ont parfaitement compris que de l’argent pour financer les retraites et la protection sociale, il y en a, mais qu’il était très bien protégé dans les coffres des banques internationales. Ils ont très bien compris que, à la question de l’utilité de l’argent, vous répondiez satisfaction des appétits du marché, alors que nous, nous répondons satisfaction des besoins humains et sociaux.
Du reste, la manière dont vous vous êtes empressés de venir au secours des banques, sans rien exiger d’elles en retour, est la démonstration de ce que nous dénoncions. Vous vous mettez encore et toujours au service de la spéculation et vous abandonnez pas à pas le champ de la solidarité, qui est pourtant la base de notre pacte social.
Sauf que vous ne vous contentez pas de refuser la réorientation de l’argent de la solidarité vers la finance : vous accroissez la rapidité de ce transfert. Disant cela, je pense naturellement au bouclier fiscal, dont la spécificité est que le nombre de ses bénéficiaires croît au fil des ans, alors que la majorité de nos concitoyens sont, eux, de plus en plus pauvres.
Ce transfert, vous l’organisez aussi au niveau des comptes sociaux. Pour satisfaire les exigences du patronat, vous n’avez de cesse d’inventer des contrats atypiques, tous plus précaires les uns que les autres. Ils sont reconnaissables à une double caractéristique : les salaires qui en découlent sont si bas qu’ils ne permettent pas de vivre dignement, et encore moins de s’assurer une retraite suffisante. Ils participent de plus activement à l’assèchement des comptes de la sécurité sociale.
Il faut dire que, pour vous, comme pour le MEDEF et les actionnaires, les protections sociales qui sont encore liées au travail sont une charge pour l’employeur. Mais, en réalité, ce qui accroît le coût du travail, ce ne sont pas les droits sociaux, ce sont les exigences démesurées des actionnaires en termes de dividendes.
Selon la Commission européenne, la part des salaires dans la valeur ajoutée, en France, a chuté de 9, 3 % entre 1983 et 2006, alors que, dans le même temps, la part des dividendes versés aux actionnaires passait de 5 % à près de 25 %, soit cinq fois plus !
Au lieu de vous attaquer au droit social, vous seriez mieux inspirés en vous attaquant au droit fiscal et en mettant tout en œuvre pour conforter un principe simple, celui qui est issu du Conseil national de la Résistance : le travail des salariés leur confère le droit, après leur période d’activité, d’avoir accès à une vie personnelle, épanouie et en bonne santé.
C’est parce que votre projet de loi ne contient aucune des mesures nécessaires pour garantir la satisfaction de ce principe que nous voterons contre.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir félicité la présidente de la commission des affaires sociales ainsi que notre excellent rapporteur, je tiens à dire le soutien que j’apporte au projet de loi tel qu’il ressort de nos délibérations. Mes raisons sont les mêmes que celles qui ont été exposées par mes collègues du groupe de l’UMP et ceux du groupe de l’Union centriste.
À mes yeux, l’ampleur du déficit de l’ensemble de nos régimes sociaux, qui se monte à 35 milliards d’euros, exige des décisions courageuses, dont l’allongement de la durée de cotisation et le déplacement des bornes d’âge sont les meilleures illustrations. J’ai d’ailleurs lu dans le rapport de M. Leclerc que le total de la dette cumulée entre 2010 et 2020 pourrait s’élever à 475 milliards d’euros si nous ne faisions rien. Il est évident que ce n’est pas envisageable.
Mon soutien va également à la réflexion concernant le futur régime unifié et l’orientation vers un régime par points ou en comptes notionnels. À cet égard, les travaux effectués par le COR et la CFDT méritent d’être pris en compte.
Les aléas de la conjoncture économique internationale et l’évolution de notre démographie nous commandent en effet d’être très attentifs à l’échéance de 2020. À défaut, nous serons contraints, mes chers collègues, d’avoir de nouveau recours à des mesures d’âge ou aux dispositions fiscales.
Mes collègues ayant souligné tous les éléments positifs du texte, j’aborderai, pour ma part, le problème de financement des régimes de retraite.
Tous nos débats, auxquels j’ai un peu participé, ont été dominés par la nécessité de recourir ou non à la fiscalité frappant le patrimoine et les entreprises. Pour notre part, nous avons opté pour une augmentation modérée de la fiscalité du patrimoine, qui rapportera entre 4 milliards et 5 milliards d’euros chaque année. Les propositions des groupes de l’opposition allaient beaucoup plus loin. Si elles avaient été adoptées, elles auraient pu avoir des conséquences dangereuses pour l’emploi et la compétitivité de nos entreprises.
Prenons un exemple. L’année dernière, nous avons passé de nombreuses heures à discuter de la réforme de la taxe professionnelle. À l’issue du débat, nous avons créé la contribution économique territoriale, qui comprend un prélèvement sur la valeur ajoutée des entreprises.
Dans les propositions du parti socialiste, dont on nous a parlé à longueur de séance, ce prélèvement augmente de 1 point pour être porté à 2, 5 %. Cette mesure rapporterait 7 milliards d’euros. Or cette somme correspond précisément à l’avantage que nos entreprises – et je pense tout particulièrement à nos entreprises industrielles – ont retiré de la réforme de la taxe professionnelle !
Autrement dit, pour financer un problème qui ne fera que s’aggraver compte tenu de l’écart entre le nombre de retraités et le nombre d’actifs, on détruit d’un seul coup l’avantage qui avait été accordé aux entreprises afin que celles-ci développent leurs investissements et renforcent leur compétitivité face à la concurrence internationale.
Dans ces conditions, il faut tout faire, mes chers collègues, pour éviter de pénaliser nos enfants et petits-enfants. Il faut leur léguer une économie dynamique et concurrentielle.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le président, mes chers collègues, je voterai ce texte.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur plusieurs travées de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de l’examen du projet de loi portant réforme des retraites, après trois semaines de discussion pour tenter de corriger un texte profondément injuste. La question des retraites méritait pourtant que l’on s’y attarde et qu’on laisse le Parlement faire son travail. Le président du Sénat n’avait-il pas souhaité que notre Haute Assemblée prenne tout le temps nécessaire à un débat serein ?
Pourtant, monsieur le ministre, non seulement vous n’avez accepté que des modifications très marginales à votre texte, mais surtout – et c’est particulièrement regrettable – vous n’avez pu vous empêcher de « dégainer » l’article 44, alinéa 3, de la Constitution et de recourir au vote bloqué, synonyme, quoi que vous en disiez, de passage en force et d’outrage au Parlement.
Vous aviez déjà engagé la procédure accélérée sur ce texte, nous privant ainsi d’une deuxième lecture. Une telle attitude montre combien, dans le contexte d’une vaste mobilisation dans tout le pays et sur un pareil texte, qui concerne chaque Français, le Gouvernement est aux abois, il panique, il a peur ! Le recours au vote bloqué est et restera, dans l’histoire parlementaire de notre République, comme une faute politique.
Monsieur le ministre, vous avez refusé d’entendre les millions de Français qui manifestent depuis plusieurs semaines et expriment avec force leurs inquiétudes. Vous vous éloignez chaque jour un peu plus de nos concitoyens. Vous vous coupez des Français. Vous vous réfugiez dans votre tour d’ivoire. Votre réforme des retraites est vouée à l’échec : on ne réforme jamais contre les Français, et vous n’échapperez pas à cette règle historique.
Cette réforme est en sursis, ce Gouvernement est en sursis. Le compte à rebours a commencé il y a déjà plusieurs semaines : ce n’est donc qu’une question de temps !
Pourquoi craindre les Français ? Pourquoi avoir dès le départ organisé un simulacre de concertation, à grand renfort de plan de communication payé par le contribuable ? Pourquoi ne pas faire confiance aux partenaires sociaux et aux forces politiques et aux parlementaires de ce pays ? Pourquoi vouloir à tout prix faire cette réforme toute prête, écrite à l’avance ?
Suivant en cela la volonté du chef de l’État, le Gouvernement n’a pas hésité à organiser, avec des succès très différents, un Grenelle de l’environnement et un grand débat sur l’identité nationale : deux sujets sur lesquels vous avez convié chaque Français à s’exprimer.
Mais, sur le dossier des retraites, rien ! Pas de grand débat national, surtout pas de Grenelle ou d’états généraux des retraites. Manifestement, vous ne vous êtes volontairement pas donné les moyens d’associer les Français à votre réforme.
Vous avez refusé d’engager le débat alors que cette réforme touche au patrimoine commun de tous les Français. Comment s’étonner aujourd’hui qu’ils descendent par millions dans la rue ? Quelle erreur majeure de gouvernance et, surtout, quel gâchis ! Car, mes chers collègues, rares sont nos concitoyens qui ne souhaitent pas réformer les retraites. Une réforme est nécessaire et nul ici ne dit le contraire !
La réforme qui nous est proposée est profondément injuste. Elle est injuste parce que vous reportez sur les salariés et les classes moyennes l’essentiel du poids de la réforme ; parce que le recul de la retraite à taux plein de 65 à 67 ans pénalise les salariés qui ont commencé à travailler tôt, ceux qui ont des emplois pénibles, les jeunes, les seniors et ceux qui auront les carrières les plus morcelées ou précaires, lesquels consentiront en proportion un effort plus important que les autres – bien entendu, je pense tout particulièrement aux femmes.
Les concessions que vous avez consenties aux parents qui ont eu trois enfants et aux parents d’enfant handicapé sont infimes au regard de ce qu’il aurait été nécessaire de faire. Il fallait aller plus loin, beaucoup plus loin.
Votre projet de réforme ne permettra pas de pérenniser notre système par répartition. Il serait judicieux de nous inspirer des différentes solutions retenues par certains de nos partenaires européens. C’est pourquoi nous avons voté les amendements prévoyant une réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d’une réforme systémique. Le groupe du RDSE avait d’ailleurs déposé un amendement qui allait en ce sens et nous militons pour un système par points.
Votre réforme est vouée à l’échec. Les Français n’y croient pas, ils n’en veulent pas ! Seul un système juste permettra de trouver les moyens de son financement, et ces moyens dépendent notamment du retour de la croissance. C’est avant tout en sortant de la politique d’austérité générale qui touche l’Europe et en activant la croissance que nous pourrons augmenter le nombre d’emplois et donc celui des cotisants.
Or, à aucun moment, votre réforme ne prend en compte ces paramètres.
Il faut en finir avec votre politique de rigueur. Il faut une politique volontaire de relance pour retrouver le chemin de la croissance, de l’emploi et, ainsi, financer les retraites des Français. Toute autre solution serait insuffisante et sans réelle ambition pour sauver le système par répartition.
Le recul de l’âge de départ à la retraite n’a aucun sens si plus de la moitié des personnes de 57 à 60 ans ne travaillent plus et si les jeunes de 20 à 30 ans peinent à entrer sur le marché du travail.
Par ailleurs, la spéculation financière effrénée qui est à l’origine de la crise économique actuelle aurait dû vous conduire à taxer plus largement les revenus de la sphère financière.
Si vous ne nous aviez pas censurés, nous aurions pu notamment débattre sur le fond de l’un des amendements du RDSE visant à intégrer une taxe anti-spéculative au cœur d’un de nos dispositifs fiscaux en vue de trouver de nouvelles recettes pour financer les retraites.
Monsieur le ministre, l’exigence de justice sociale n’a pas été au cœur de nos débats. Vous l’aurez compris, la grande majorité des membres du groupe du RDSE votera résolument contre ce texte.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, avec cette réforme, les femmes payent le prix fort ! Elles seront les premières à en faire les frais. Pourtant, nous sommes bien en 2010 et, avec ce texte que vous avez mené à marche forcée, l’égalité entre les hommes et les femmes reste un vague idéal, réalisé seulement dans les discours du Gouvernement ou dans ses communiqués mensongers publiés dans la presse, alors même que notre pays a chuté de dix-sept rangs au classement des pays selon ce critère : 137e sur 142.
Mais les femmes de notre pays ne sont pas dupes ; elles savent bien que, par cette réforme, les inégalités déjà profondément établies dans notre société sont aggravées et deviennent un couperet au-dessus de leur espérance d’une vie meilleure.
Dans notre système par répartition, le montant des retraites des femmes est le reflet de leur parcours professionnel, s’articulant entre temps partiel souvent imposé, salaires inférieurs à ceux des hommes, congés de maternité, congé parental… Les femmes sont clairement défavorisées tout au long de leur carrière et, avec votre réforme, elles devront subir les conséquences des inégalités patriarcales de notre société jusque dans leur retraite.
Certes, à eux seuls, les systèmes de retraite ne peuvent corriger toutes les inégalités professionnelles et sociales dont les femmes sont victimes. Ils ne peuvent cependant pas les ignorer ni rejeter l’essentiel des corrections à opérer sur la solidarité nationale.
Pour garantir des ressources pérennes à nos retraites par répartition, il fallait trouver d’autres financements que ceux des seuls salariés et ne pas demander toujours plus d’efforts aux femmes. Notre groupe avait formulé des propositions que vous avez délibérément refusées. Pourtant, les moyens existent : les entreprises du CAC 40 disposent aujourd'hui d’un matelas de 146 milliards d’euros de trésorerie, soit une hausse de 5 % par rapport à l’an dernier. La crise ne les a donc pas affaiblies tant que cela.
Alors qu’aujourd’hui les femmes peuvent partir à la retraite à 65 ans à taux plein, avec votre texte prétendument en leur faveur, il leur faudra dorénavant être nées entre 1951 et 1955, avoir élevé au moins trois enfants, avoir interrompu leur activité professionnelle pour élever ces enfants et avoir validé avant cette interruption ou réduction d’activité un nombre de trimestres minimum qui sera fixé plus tard.
Que dire aussi du dispositif destiné aux mères de famille fonctionnaires que vous avez brisé en le plaçant sous le joug du rapprochement public-privé, au détriment du choix de vie de ces milliers de femmes.
Par ailleurs, selon vous, la question de l’égalité serait réglée pour les nouvelles générations : c’est faux puisqu’à 30 ans les femmes salariées totalisent déjà deux trimestres de cotisation de moins que leurs collègues masculins. Aujourd'hui, quatre femmes sur dix perçoivent des retraites de 600 euros, et cette réforme n’y changera rien !
Une nouvelle fois, vous maniez avec beaucoup de brio l’art d’annoncer le pire pour faire apparaître le moins pire comme une avancée progressiste. Avec vous, et ce texte l’illustre hélas magnifiquement, un recul est présenté comme une avancée !
Malgré les recommandations de la HALDE, du COR, et de notre délégation aux droits des femmes, vous refusez de prendre en compte le rôle social des femmes, au travers tant de leurs maternités, qui assurent le renouvellement des générations, que du rôle indispensable qu’elles jouent directement dans l’économie de notre pays.
Exiger l’égalité entre les femmes et les hommes, c’est entraîner l’ensemble de notre société vers le haut. Or vous effectuez le choix inverse et tirez vers le bas nos concitoyennes : leur niveau de pension va se réduire comme peau de chagrin et leur droit à la retraite sera infiniment plus faible et fragilisé.
Bref, vous avez choisi, pour les femmes de ce pays, la précarité, l’iniquité et l’inégalité.
L’avenir des retraites pour les femmes est avant tout un choix de société, mais votre choix porte un coup fatal à des années de combats et de luttes sociales des femmes pour faire évoluer positivement leur rôle et leur place dans notre société.
En menaçant de fermeture les centres d’interruption volontaire de la grossesse, en supprimant des classes de maternelle, en voulant faire travailler les femmes toujours plus, y compris le dimanche, en détruisant notre code du travail et notre système social, vous abaissez les femmes à un rôle dont elles se croyaient libérées et les ramenez à une place purement domestique.
La retraite n’est pas seulement un revenu, c’est aussi un temps libéré qui permet d’organiser sa vie après son activité professionnelle…
… et surtout qui offre la possibilité de vivre mieux plus longtemps. Ce temps d’espérance de vie en bonne santé gagné, vous souhaitez l’affecter uniquement au travail ; vous refusez d’admettre que la retraite peut être un temps de vie épanouissant pour l’individu et utile à l’ensemble de la société.
Aussi, au moment où se joue le sort de nombreuses femmes qui devront travailler deux ans de plus pour prétendre au bénéfice d’une retraite à taux plein, je ne peux m’empêcher de penser à elles, à leurs carrières morcelées, aux ouvrières astreintes à une chaîne de production et soumises aux horaires décalés, à celles qui n’ont pas accès à l’emploi, à celles qui sont obligées d’arrêter leur activité pour élever leurs enfants. Aujourd’hui, toutes ces femmes sont mes sœurs et je partage leurs préoccupations, leur refus de cette réforme !
En pensant à toutes, je voterai contre ce texte ! C’est la voix de toutes les femmes que je veux porter dans notre assemblée pour m’opposer à cette régression sociale inadmissible : femmes, hommes, nous sommes tous concernés par ce recul de civilisation !
Messieurs les ministres, si vous l’emportez aujourd’hui au Parlement, je ne suis pas certaine que le peuple qui est dans la rue soit du même avis, et notre groupe continuera à être à ses côtés !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Vous représentez à peine 3 % des suffrages !
Vous avez dit aux Français qu’il était urgent de sauver le système de retraite par répartition et qu’une grande réforme était nécessaire pour assurer aux enfants d’aujourd’hui leurs retraites de demain. C’est ainsi que vous avez d’emblée mis en scène le débat.
Et puis, dans la nuit de mercredi à jeudi, nous avons connu un grand moment de vérité dans l’hémicycle, pour ne pas dire que nous avons entendu un aveu ! Au détour d’un amendement, on apprenait finalement que, même avec cette réforme, nous allions tout droit à la banqueroute du système et que beaucoup trop d’injustices allaient perdurer.
M. Arthuis et M. Longuet ont plaidé en ce sens avec beaucoup de conviction.
En attendant, vous nous proposiez, dès 2013, de nous atteler à la vraie réforme capable de sauver notre système de retraite par répartition.
En attendant, des millions de salariés, ceux qui ont déjà le moins, ceux qui ont commencé à « trimer » très jeunes, qui ont travaillé le plus dur, la nuit, ceux qui ont été exposés aux produits toxiques, ceux qui ont été soumis à un stress permanent, tous ceux-là devront payer le déficit actuel, tandis que les revenus du capital, les bonus, les stock-options, mais aussi les banques, que ces mêmes salariés ont sauvées il n’y a pas si longtemps avec leurs impôts, devraient être exemptés de cet effort !
Les quatre millions de nos concitoyens retraités qui touchent autour de 900 euros par mois, soit le seuil de pauvreté admis par l’Union européenne, et les cinq millions dont la pension est inférieure à 1100 euros mensuels, dont le niveau de pension a baissé de 20 % depuis 2002, verront celui-ci décroître encore avec votre réforme.
Vous avez donc menti aux Français.
Vous leur avez menti, d’abord, en disant, au moment de l’élection, que vous ne toucheriez pas à la retraite à 60 ans et en faisant le contraire trois ans plus tard.
Vous leur avez menti, ensuite, quand vous avez dit que vous engageriez une grande négociation sur cette question essentielle. De négociation, il n’y en a point eu.
Vous aviez dit aussi qu’un débat national aurait lieu, par le truchement de la représentation parlementaire.
Vous aviez promis une grande loi, une grande réforme, et vous avez accouché aux forceps d’une petite loi, qui met le feu au pays et ne garantit en rien la pérennité de notre système de retraite par répartition, qui brise notre cohésion sociale et la solidarité nationale, et qui est aujourd’hui rejetée par une grande majorité des Français.
Votre maître, à l’Élysée, veut incarner la force. C’est son obsession. En réalité, il n’incarne que la fébrilité. La seule force vraie, à laquelle ont adhéré les Français et à laquelle ils adhéreront encore demain, c’est la force tranquille, qui rassemble notre peuple pour réformer dans un esprit de justice.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Messieurs les ministres, c’est avec un sentiment de révolte que je vis ici les derniers instants d’un débat... qui n’en fut jamais un.
Ce que vous nous avez infligé pendant ces trois semaines ne mérite pas le nom de débat. Pas plus que vous ne méritez le nom de réformateurs : vous êtes des démolisseurs. Des démolisseurs pressés de liquider les héritages de 1981, 1968, 1945, et bientôt, j’imagine, 1936.
Et pourquoi pas aussi de la nuit du 4 août 1789, pendant que vous y êtes !
Vous êtes des machines à remonter le temps de la démocratie et du progrès social.
Vous êtes restés désespérément sourds à nos explications et à nos propositions, sourds aux offres de dialogue des responsables syndicaux, qui ne s’y feront peut-être pas prendre deux fois, sourds à notre exigence d’organiser un référendum, sourds aux grondements de la rue.
Ah, la rue ! C’était un objectif de votre chef que de la « mater ». Qu’il y prenne garde : on ne mate pas impunément un peuple en colère !
À la fin de l’épreuve parlementaire, je peux affirmer que votre bilan est remarquable. D’aucuns disent ici – d’autres le pensent, mais sans oser le dire – que vous avez changé les règles, mais rien réglé. Ces esprits chagrins ont tort, la preuve : en achevant ce débat au coup de sifflet du maître de vos destins personnels respectifs, vous avez réglé son compte au Parlement. En programmant la mise à mort de la retraite par répartition, vous avez réglé son compte à la solidarité nationale et à notre pacte républicain.
Vous avez réglé leur compte aux femmes, aux jeunes, aux chômeurs, aux victimes de carrières longues, pénibles ou dangereuses. N’est-ce pas remarquable ?
Vous dites que vous avez eu le courage de dire la vérité aux Français. C’est faux. Ce qui est vrai, c’est que vous avez menti avec autant d’aplomb que de persévérance.
Vous avez menti par vos comparaisons européennes : ce n’est pas parce qu’ils y étaient contraints que nos voisins – y compris sociaux-démocrates, hélas ! – ont fait les poches des pauvres gens. C’est parce qu’ils n’ont pas eu le courage de répudier le traité de Lisbonne, de défier le FMI et de prendre l’argent là où il est !
Vous avez menti sur la démographie. Non, la France n’est pas un pays vieillissant. C’est simplement un pays où, grâce à vous, il n’y a pas de boulot pour les jeunes, où il n’y en a plus pour les seniors, et où il y a de la précarité entre les deux !
Vous avez menti à propos de la retraite des femmes.
Vous avez menti -– et comment ! – sur la pénibilité, dont je me demande si vous l’avez déjà éprouvée un jour en dehors de cette enceinte. D’ailleurs, il n’y a plus de métiers pénibles ou dangereux, il n’y a plus que des salariés inaptes à la vie moderne et des tire-au-flanc !
Vous avez menti enfin sur l’efficacité de votre réforme. Votre retraite, c’est la charité garantie par la répartition, payée par les actifs au profit des retraités, mais c’est surtout le financement de tout le reste par la capitalisation, payée par les nantis pour eux-mêmes.
Deux questions, avant que vous ne nous quittiez pour aller fêter ça avec Guillaume et Nicolas…
À qui profitera votre réforme ? Aux assureurs et aux gestionnaires des fonds de pension. Vous garantissez leur profit, tandis qu’eux ne garantissent en aucun cas la retraite de leurs clients.
La politique serait-elle au service des affaires ? Vos récents exploits, monsieur le ministre, démontrent que ce mélange des genres vous est étranger...
Qui trinquera ? Celui à qui on demandera de fournir 85 % de l’effort alors qu’il peine à se loger et à se nourrir, celui qui devra cotiser deux ans de plus et percevra moins, celui qui, vivant plus longtemps peut-être, sera privé de deux ans de retraite en bonne santé.
Vous faites mal aux Français, monsieur le ministre « sarko-commandé », et vous leur faites peur : en semant le doute sur la pérennité de la répartition, vous les obligez à jouer leur fin de vie au casino boursier. C’est cela qui est irresponsable !
Les Français ont déjà compris que le déficit des retraites n’était qu’une broutille au regard des milliards d’exonérations que rien ne justifie, sinon votre passion pour les éleveurs de chevaux et les cultivateurs de truffes...
... au regard de la masse des dividendes que se partagent les actionnaires, du déficit de cotisations que nous vaut votre politique du travailleur jetable et du manque à gagner que l’on doit aux niches fiscales des saint-bernard des grandes fortunes.
Les Français nous écoutent, nous entendent, nous attendent.
Les pauvres sont plus solidaires que vos amis : ils le prouveront dès demain, en partageant le peu qui leur reste avec ceux qui ont eu le courage de résister, et qui l’ont payé de plusieurs jours de grève.
Nous sommes résolument du côté de Jaurès, pour qui « la retraite, dans le vrai sens du mot, est une somme suffisante pour permettre au vieillard...
... de continuer sans autre élément, sans autre discours, dans le milieu où il a vécu jusque-là, une existence décente et indépendante ».
Oui, nous sommes résolument du côté du peuple, que vous provoquez sans vergogne. En votant contre votre projet, en nous engageant à effacer au plus vite les traces de votre forfait, nous lui adressons le témoignage indéfectible de notre solidarité.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, mes chers collègues, on pourrait se dire que le Sénat et plus largement le Parlement devraient sortir renforcés d’un débat qui aura, ici, duré trois semaines.
Malheureusement, il n’en est rien.
Je ne reviens pas sur les conditions dans lesquelles la discussion s’est achevée à l’Assemblée nationale. Au Sénat, nous avons eu certes un long débat. Mais avons-nous eu le grand débat que les Français attendaient, digne d’une grande démocratie parlementaire ?
La réponse est malheureusement « non ».
En effet, depuis le début, vous refusez d’entendre tout message, je dis bien : tout message.
Vous avez refusé d’écouter les syndicats, indispensables corps intermédiaires. Vous avez caricaturé les propositions de l’opposition. Vous refusez d’entendre la voix des manifestants et des grévistes. Vous refusez de prendre en compte l’opinion des Français qui, sondage après sondage, expriment un refus, à des niveaux sans précédent, de votre projet.
Et, depuis trois semaines, vous refusez d’entendre les sénateurs de l’opposition. Avec le vote bloqué, vous voulez mettre aussi au pas les parlementaires.
Un long débat a certes eu lieu, mais aucun dialogue ne s’est instauré. Vous auriez pu, vous auriez dû mettre les projets, tous les projets, sur la place publique et les comparer. Au lieu de quoi vous avez esquivé les grands enjeux, en les évacuant en séance de nuit ou en modifiant sans cesse l’ordre du jour. Ces petites manœuvres et petites procédures ne sont franchement pas dignes du Sénat, du Parlement, ni de l’attente des Français.
La mise en place du vote unique restera comme la caricature de votre comportement. Rappelons-nous : M. Woerth nous expliquait hier que les articles de son projet de loi étant adoptés, il n’y avait plus rien à discuter : « circulez, il n’y a plus rien à voir ! »
Vous avez décidé de ne pas écouter nos propositions pour un autre financement, pour une réforme juste, pour une réforme efficace, pour une réelle prise en compte des situations des jeunes en stage, des mères de familles, des personnes handicapées, pour une prise en compte de la pénibilité, etc.
Mais, comme l’a dit notre collègue Évelyne Didier, les Français l’ont entendu. Malgré vous, nous avons gagné ce combat, car les Français savent désormais qu’une autre réforme est possible. Ils ne sont pas dupes, car, comme par hasard, au moment où viennent en débat nos amendements qui proposent un autre modèle et un autre mode de financement, vous mettez un terme au débat en humiliant le Sénat.
Cela laissera durablement des traces parce que des engagements ont été pris et qu’ils n’ont pas été tenus.
Plus grave, vous nous reprochez de ne pas avoir d’idées, lorsque nos idées viennent en débat, vous arrêtez le débat.
À nos yeux, le Parlement est autre chose qu’une chambre d’enregistrement, qui accepte les manœuvres et les procédures dictées par un Président de la République exaspéré, impatient, par un Président de la République qui tape du pied, et aussi par un exécutif qui manque de sérénité face à une situation qu’il ne maîtrise plus.
Mais, plus largement, c’est une occasion ratée pour sortir de la situation difficile dans laquelle le Président de la République a conduit le pays.
Cette réforme, injuste, inefficace et régressive a été vécue par les Français comme une synthèse de la politique menée depuis 2007. Après le bouclier fiscal, la loi TEPA, les aides aux banques sans contreparties, les nouvelles niches fiscales, ce projet a été vécu comme l’agression de trop. Car, encore une fois, cette loi épargne les plus aisés et frappe d’abord les plus faibles.
Votre réforme est injuste parce qu’elle met à contribution les seuls salariés. Les revenus du capital sont eux, encore une fois, à l’abri.
Votre réforme est injuste parce qu’elle frappe d’abord les salariés les plus fragiles. Je pense notamment à ceux qui ont commencé à travailler très tôt et qui, demain, arrêteront encore plus tard. Je pense aussi à celles qui ont connu des parcours précaires, qui subissent le temps partiel et les horaires fractionnées, celles qui ont subi les aléas de l’existence, comme l’a si bien dit notre collègue du groupe CRC-SPG.
Tous, ils ne méritent pas d’être pénalisés une nouvelle fois lorsque l’âge de la retraite arrive pour eux... Le double passage de 60 à 62 ans et de 65 à 67 ans signifiera pour beaucoup une vie de « galères ».
Nous vous le redisons : écoutez-nous, écoutez les Français. Il est encore temps d’éviter la surenchère, le blocage et la division. La France a besoin d’être tirée vers le haut, d’être rassemblée. Elle a besoin de se mettre au niveau d’une grande démocratie parlementaire, où il n’est pas de grande réforme sans concertation et sans recherche de l’unité.
Parce qu’il s’agit d’une occasion ratée et parce que votre projet est injuste, nous ne le voterons pas.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais également, avant tout, dire mon indignation concernant les conditions inadmissibles dans lesquelles a été mené ce débat sur les retraites.
Pour ma part, j’y vois la marque de fabrique d’un pouvoir qui se montre autoritaire parce qu’il sait qu’il a perdu la bataille de l’opinion et, de facto, sa légitimité démocratique. Ce débat a été caractérisé de bout en bout par l’immensité du mépris que le Gouvernement éprouve pour la pluralité des expressions, et j’en suis véritablement scandalisée.
À l’absence totale de dialogue social avec les instances représentatives des salariés de ce pays ont succédé le dédain vis-à-vis des manifestants et des grévistes qui, par millions, depuis des semaines, ne cessent de dénoncer l’ignominie de ce projet de loi, puis la négation des droits du Parlement, où l’on a saisi toutes les occasions pour réduire à la portion congrue le droit d’expression de l’opposition par l’utilisation de douteuses techniques de procédure.
Monsieur le ministre, nous sommes les représentants du peuple que vous écrasez, et nous ne cesserons d’être les porte-voix de leur mécontentement, quelles que soient vos tentatives.
Vous pensiez nous empêcher de parler avec l’utilisation de l’article 44, que, par décence, on avait jusqu’alors laissé quasiment inutilisé, mais nous vous prouvons que vous aviez tort.
Malgré votre acharnement à déstabiliser l’opposition parlementaire, à l’Assemblée nationale en empêchant les explications de vote, au Sénat en utilisant le vote unique qui permet au Gouvernement de choisir au préalable les amendements retenus dans le texte, nous ne nous tairons pas.
Étienne de la Boétie, dans son célèbre Discours de la servitude volontaire, écrit : s’ils « sont grands, ce n’est que parce que nous sommes à genoux ». Alors, monsieur le ministre, le pouvoir exécutif fait aujourd’hui la démonstration de sa petitesse, car personne ici ne pliera face au Gouvernement : ni le peuple, ni les parlementaires.
Comme Mirabeau, « nous sommes entrés ici par la volonté du peuple, et nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes »,
Rires et exclamations sur les travées de l ’ UMP.
M. Nicolas About. Si vous êtes Mirabeau, qui joue le rôle du marquis de Dreux-Brézé ?
Sourires sur les mêmes travées.
Si servitude il y a, soyez assurés qu’elle ne sera jamais volontaire, et vous devrez alors assumer devant le peuple qui gronde, et devant l’Histoire qui ne ment pas, que vos réformes n’ont été votées qu’au prix de la négation des droits démocratiques.
Vous vous riez des acquis les plus élémentaires issus de la Révolution française : le droit pour les parlementaires de manifester leur opposition par le dépôt d’amendements et par le vote sur ces derniers. C’est totalement inacceptable.
Cela dit, vous ne pouvez pas empêcher les citoyens de manifester leur colère, comme ils le feront encore le 28 octobre et le 6 novembre, car non seulement ils ont pris conscience du caractère néfaste de votre projet, mais surtout, ils savent que, dans le pactole des sociétés du CAC 40, il y a de quoi assurer l’équilibre des retraites !
Monsieur le ministre, je ne sais pas si vous mesurez bien la gravité de vos actes, mais votre passage en force rompt le contrat social qui fait l’unité de notre pays. C’est, je le répète, d’une extrême gravité.
Nous voterons donc contre ce texte, qui porte l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans, celui de la retraite sans décote à 67 ans et la durée de cotisations à 41, 5 annuités. Nous ne nous leurrons pas en effet : la CMP réintroduira cette dernière disposition dans le texte.
Ces mesures sont injustes et dangereuses. Elles sont particulièrement défavorables aux plus démunis, ceux dont la carrière professionnelle a été difficile parce qu’ils ont commencé à travailler jeunes, parce qu’ils ont connu de longues années de chômage, parce que leur vie active aura été marquée par l’emploi précaire, ou encore parce qu’ils ont dû interrompre leur carrière. Je pense particulièrement aux femmes, qui sont nombreuses, plus que les hommes, à s’arrêter un temps de travailler ou à passer à temps partiel pour s’occuper de leurs enfants.
Cumulées, ces trois principales atteintes portées au régime de retraite actuel auront des conséquences dramatiques pour chaque assuré, qui se verra obligé de choisir entre une retraite à taux plein accordée à un âge critique et une retraite à un âge décent, mais en sacrifiant une partie de ce à quoi il a droit.
C’est à un choix scandaleux que l’on contraint les salariés : une retraite miséreuse ou le travail jusqu’à la mort.
Invoquant des arguments démographiques trompeurs, vous faites ainsi porter le choix de vos réformes idéologiques par les travailleurs. Nous n’aurons de cesse de le répéter : ces dispositions pèsent à 85 % sur les salariés, les revenus du capital étant une fois de plus épargnés.
Cette réforme détruit le système de retraite par répartition et la solidarité intergénérationnelle, qui sont pourtant aux fondements de notre système social. Elle est inadmissible, autant que les conditions de sa discussion au Parlement.
Je souhaite une fois encore exprimer toute mon indignation face à votre mépris à l’égard de l’opposition et du peuple de France, un mépris qui traduit cependant une certaine fébrilité dans vos rangs.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le ministre, vous ne pouvez ignorer que le projet de loi que vous vous apprêtez à faire voter repose sur une hypothèse macroéconomique irréaliste. Vous savez que vous serez amené, face à la faiblesse de la croissance, à réviser vos chiffres à la baisse et, malheureusement, ceux du chômage à la hausse.
Vous savez aussi que vous avez fait un choix de court terme. Vous l’avez fait sous la pression des marchés financiers et des agences de notation. Vous avez ainsi fermé la porte de l’avenir aux jeunes générations.
Bien sûr, vous allez très bientôt être amené à puiser dans le Fonds de réserve pour les retraites et ce sera une très mauvaise opération financière pour le pays. En effet, si vous aviez renoncé à entamer ce fonds avant le terme prévu, c’est-à-dire en 2020, vous auriez engrangé des revenus qui auraient pu être supérieurs au coût de la dette sociale.
Au-delà, je pense qu’il s’agit là de votre part, monsieur le ministre, d’un acte politique, voire idéologique. Il vous fallait absolument, comme la droite s’y emploie consciencieusement depuis 2002, effacer une mesure prise par le gouvernement de gauche de Lionel Jospin.
Par ailleurs, vous avez usé d’une stratégie dont on a bien vu qu’elle était décidée ailleurs. Le groupe UMP n’en était même pas maître ! Cette stratégie devait à toute force s’intégrer dans les séquences de communication du Président de la République. C’est ainsi que vous avez consenti, dans la nuit de mercredi à jeudi, vers deux heures du matin, à vous engager à partir de 2013 dans la voie d’une réforme systémique. C’était bien l’aveu que la réforme que vous proposez depuis le début de la discussion n’était pas celle qu’il fallait au pays.
Pendant longtemps au Théâtre français, à la fin de la pièce, un comédien s’avançait et disait, souvent en latin du reste : « La pièce est dite. » Oui, la pièce est dite, votre texte va être voté, monsieur le ministre, mais vous savez bien qu’il ne s’agira là que d’un épilogue provisoire.
Tout à l'heure, M. Longuet a cru devoir suggérer l’idée d’une inexpérience que trahiraient les propositions de la gauche. Eh bien, j’ose le dire : quoi qu’il puisse penser de nos propositions, le combat va continuer, de manière pacifique, bien sûr, aussi bien ici, dans l’hémicycle, où nous nous retrouverons la semaine prochaine, que dans la rue, puisque deux nouvelles journées d’action sont programmées.
Nous avons également deux rendez-vous d’importance, car il va falloir trouver des recettes. Nous vous ferons encore des contre-propositions à partir du 8 novembre, ici même, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, de même que nous vous reparlerons des propositions fiscales que vous n’avez pas voulu écouter lorsque nous débattrons du projet de loi de finances, à partir du 18 novembre.
Enfin, l’ultime rendez-vous, c’est 2012, l’élection cardinale. Le suffrage universel sera notre juge de paix. Pour notre part, nous avons défendu ici les valeurs de la gauche. Vous avez défendu la vision à court terme de la droite. Nous en reparlerons en 2012 et le peuple saura choisir.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce qui s’est passé hier au Sénat ne s’inscrit pas dans la série des incidents habituels de la vie parlementaire. C’est beaucoup plus grave.
Face à l’ampleur de la contestation qui monte dans le pays et dont nous avons voulu nous faire ici les porte-parole au cours de ces dernières semaines, le Gouvernement, suivant la voix de son maître, a décidé de museler l’opposition.
Le mandat de Nicolas Sarkozy est ponctué de coups de force de l’exécutif contre le Parlement : qu’il s’agisse de la suppression du Défenseur des enfants, de la réforme de l’audiovisuel, de la réforme des collectivités locales ou de la réforme des retraites – et la liste n’est pas exhaustive –, le pouvoir personnel a systématiquement pris le pas sur la représentation populaire.
Aujourd’hui, vous passez au cran du dessus : vous envoyez les forces de police contre de jeunes lycéens, vous intervenez de façon violente dans les raffineries en grève, vous méprisez les mobilisations monstres qui agitent le pays depuis plusieurs semaines et vous bâillonnez l’opposition au cœur même d’une institution de la République.
Que cherchez-vous réellement en menant une telle politique ? Doit-on y voir une marque d’irresponsabilité et d’immaturité totale du pouvoir ou un mépris cynique de la démocratie et de la représentation populaire ? Sans doute les deux… En réalité, c’est surtout un aveu d’échec, car vous n’avez trouvé rien d’autre que la violence et la coercition pour imposer cette réforme impopulaire.
Malgré la censure que vous nous imposez, j’évoquerai une ultime fois le sort que vous réservez à la fonction publique dans cette réforme.
Vous avez diminué de 30 000 postes par an les effectifs de la fonction publique, créant ainsi des pénuries dramatiques dans bon nombre de secteurs, à tel point que les inspecteurs généraux de l’éducation nationale tirent la sonnette d’alarme, inquiets du manque cruel de professeurs dans les collèges et les lycées. Aujourd’hui, en guise de réponse à cette carence organisée, vous obligez les fonctionnaires à travailler deux ans de plus. Étonnez-vous ensuite que les lycéens défilent dans les rues !
Vous avez dérégulé, mis en concurrence, privatisé, amputé les services publics et gelé leurs crédits, à tel point que de nombreux secteurs n’arrivent plus à assurer leur mission auprès de la population. Comment les collectivités locales vont-elles pouvoir mener leurs politiques sociales alors que les budgets baissent et que les transferts de charges ne sont pas compensés ? Comment l’hôpital public va-t-il pouvoir continuer à soigner tous les citoyens, quels qu’ils soient et quels que soient leurs revenus, alors que vous l’avez dépouillé de ses moyens et mis en concurrence avec le privé ?
Enfin, vous avez gelé les salaires des fonctionnaires, si bien que leur pouvoir d’achat a baissé de plus de 9 % depuis 2000, baisse qui s’est accélérée ces dernières années. Aujourd’hui, avec cette réforme injuste et impopulaire, vous franchissez un pas supplémentaire en réduisant de nouveau le niveau de vie des fonctionnaires.
Pour légitimer cette politique, vous continuez de montrer du doigt une fonction publique prétendument privilégiée et invoquez pompeusement l’égalité et la justice pour indexer les cotisations de retraite de la fonction publique sur celles du privé. Cette manipulation n’a que trop duré !
Les inégalités en France s’expliquent non par un clivage pas entre la fonction publique et le secteur privé, mais par un partage entre revenus du capital et salaires de plus en plus défavorable à ces derniers. En la matière, ce qui guide le Gouvernement, ce ne sont plus les idéaux de justice et d’égalité, c’est la volonté de préserver les privilèges d’une classe qui ne recherche que l’accumulation des profits.
Au nom du groupe CRC-SPG, en mon nom propre, mais aussi au nom de tous les manifestants, de tous les grévistes et de tous ceux qui les soutiennent, je voterai contre cette réforme inique. §
Messieurs les ministres, nous voterons résolument contre ce projet de loi.
Non, nous n’acceptons pas que 85 % des financements reposent sur les classes moyennes et populaires, tandis que les catégories les plus aisées sont protégées.
Non, nous n’acceptons pas que ceux qui ont souffert leur vie durant au travail soient les laissés-pour-compte de cette réforme injuste.
D’ailleurs, l’injustice de la réforme est évidente aux yeux d’une proportion largement majoritaire de Français puisque 70 % d’entre eux se rebellent contre le « détricotage » à l’œuvre dans votre texte, car il met en péril un édifice auquel ils sont très attachés.
Non, les Français ne veulent pas vivre dans un monde qui soit pire que celui de leurs parents. Avec eux, nous refusons cette fatalité du pire.
Voilà pourquoi nous avons défendu et pourquoi nous continuerons de défendre « cette ligne de vie, cette ligne de combat », selon le mot de Pierre Mauroy, à qui nous devons la conquête sociale majeure que fut la retraite à 60 ans. Je me devais de le rappeler en cet instant tristement historique, monsieur Fourcade.
Voilà pourquoi, aussi, il faut répondre à l’angoisse des jeunes, particulièrement inquiets et pour leur travail et pour leur avenir. Or, au million de manifestants, le pouvoir a répondu par des déclarations martiales, des déblocages musclés. Le pouvoir a bel et bien braqué le pays contre lui. Il l’a bloqué en refusant de reprendre les négociations.
Enfin, comme si cela ne suffisait pas, vous avez imposé le vote bloqué au Sénat. D’autres que moi ont parlé de « coup de force permanent ». En fait, vous avez empêché la représentation nationale de poursuivre un débat essentiel portant sur un sujet majeur qui engage le pacte social et républicain, car vous êtes gêné, embarrassé, monsieur le ministre : le débat au Sénat éclaire en effet les Français sur la véritable nature de votre projet de loi terriblement injuste. Vous vous êtes empressé de vous débarrasser de la patate chaude !
Voilà pourquoi vous avez voulu écourter le débat. Voilà pourquoi vous précipitez la réunion de la CMP. Vous avez peur de l’expression du peuple !
Vous avez délibérément choisi, depuis le début, de privilégier l’affrontement, c'est-à-dire de dresser une France contre une autre, alors qu’il aurait fallu opter pour le rassemblement et pour le consensus national.
En fait, le caractère injuste de vos réformes, ce nouveau passage en force, cette façon de diviser sont caractéristiques du mode de gouvernance qui est à l’œuvre depuis trois ans.
Permettez-moi de souligner que la raideur du Gouvernement tranche avec l’esprit de responsabilité de l’opposition sénatoriale, des organisations syndicales et des millions de Français qui ont manifesté. Alors qu’ils vous demandaient l’ouverture de discussions, vous leur avez opposé une fin de non-recevoir !
Voilà bien un projet de loi rétrograde, vu par une majorité de Français comme une provocation. Rien de surprenant, me dit-on du côté de la France d’en bas. C’est effectivement dans la logique des gouvernements qui se sont succédé depuis 2002 : cette réforme s’inscrit bien dans un plus vaste train de mesures rétrogrades, qu’il s’agisse, entre autres de la remise en cause des 35 heures, du travail du dimanche ou des attaques les plus variées contre le code du travail.
Vous avez une idée fixe : revenir sur les avancées sociales de ces dernières décennies, revenir sur les acquis de la période Mitterrand et Mauroy, revenir sur les acquis sociaux du gouvernement Jospin et de la gauche plurielle.
Face à la montée du rejet de votre texte, la voie de la négociation avec les partenaires sociaux s’offrait encore à vous. Vous lui avez préféré, avec le Président de la République, celle de l’autoritarisme. Quel gâchis pour la France et pour les Français !
Vous avez donc ajouté la régression démocratique à la régression sociale.
Sachez que les traces de ce nouveau coup que vous assenez au peuple français, seront durables. Les Français n’oublieront pas de sitôt ! Vous avez perdu cette bataille devant l’opinion publique, et nous en reparlerons bientôt.
À l’issue de près de trois semaines de débats, jour et nuit, il n’y aura de notre part ni résignation ni abattement, sachez-le. Pour nous, le combat continue. C’est inscrit dans la longue marche de l’humanité.
Vous pourrez freiner cette extension du temps libre, du temps libéré, du temps conquis sur le temps de travail. Mais je vous le répète, vous ne pourrez jamais l’arrêter. Gardez-vous d’oublier que le travail est certes l’un des facteurs essentiels d’intégration sociale, mais il n’est pas le seul facteur d’épanouissement des êtres humains. Il y a aussi le temps des loisirs, de la culture, de l’échange, de la rencontre.
M. Roland Courteau. Cela implique que les hommes et les femmes disposent de ce temps libéré du travail contraint que vous vous efforcez chaque fois de réduire un peu plus.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Sourires sur les travées de l ’ UMP.
Cette réforme des retraites est-elle financée ? Cette question a souvent été évoquée tout au long de nos débats, et comme les réponses apportées manquent pour le moins de clarté, je me permettrai de rappeler quelques points.
Le recul de l’âge de la retraite étant un recul social, il se matérialise par une économie d’un nouveau genre, qui consiste à réduire la dépense publique pour les retraites. Cela satisfait bien entendu tous ceux qui ont les yeux fixés sur la « ligne bleue » des comptes publics et qui pensent que moins de retraites, et donc moins de revenus pour les ménages, c’est moins de déficit !
Une autre économie vient la décote. Cette dernière va coûter singulièrement aux femmes salariées, dont on repousse encore la date de départ à la retraite et qui ne pourront pas réunir les 41, 5 années de cotisations induites par l’article 4. Cette décote va tasser le revenu des retraités et pensionnés et contraindre, là encore, à laisser perdurer dans notre législation sociale et fiscale des mesures d’aide aux personnes âgées qui engloutiront rapidement les pseudo-économies que vous aurez programmées.
Une troisième économie tient à la spéculation sur la mort que vous mettez en place avec cet allongement naturel de la vie professionnelle qui découlerait mécaniquement de l’augmentation de l’espérance de vie. Comme si les ouvriers, les employés ou les agriculteurs de notre pays avaient une espérance de vie aussi longue que celle des cadres ! Comme si l’usure des corps était sans effet sur la santé des individus§
Vous l’avez d’ailleurs en partie reconnu en proposant une prise en compte de l’incapacité ou de l’invalidité qui ne vise, en réalité, qu’à dispenser le patronat de continuer à verser des salaires à tous ceux qui ne sont plus suffisamment productifs.
Votre réforme confine d’ailleurs à l’inhumanité. C’est en effet la retraite des ouvriers morts avant l’âge contre la retraite chapeau légitimée de leur patron.
Le financement de cette réforme des retraites se fait d’abord et avant tout contre les salariés et les retraités : elle se traduit par plus de cotisations et moins de pensions ! Travailler plus et plus longtemps pour toucher moins et moins longtemps, voilà le nouveau slogan de Nicolas Sarkozy.
Les mesures de mise à contribution des revenus du capital et du patrimoine, annoncées pour la prochaine loi de finances, procèdent de l’anecdote et relèvent du pur affichage.
Lorsqu’on n’augmente pas le produit de l’impôt de solidarité sur la fortune, qu’on ne remet pas en cause l’exonération des plus-values des entreprises, qu’on ne touche pas à l’exonération des donations, on ne change rien aux profondes inégalités de patrimoine qui frappent notre pays.
Mais il est une dernière question qu’il convient de bien garder à l’esprit.
Les retraités constituent 20 % de la population française. Les dépenses de retraite, c’est-à-dire les pensions et retraites versées, constituent aujourd’hui 13, 5 % de la richesse nationale. Mes chers collègues, honnêtement, est-il juste ou injuste que la France n’accorde à ses retraités que le septième de la richesse nationale, alors qu’ils constituent le cinquième de la population ?
Plutôt que d’organiser la remise en cause de notre système par répartition au profit d’un régime par capitalisation, ne convient-il pas plutôt de se demander comment relever le niveau des retraites ? Car, depuis la réforme Balladur en 1993, l’indexation des pensions sur les prix gèle le pouvoir d’achat des retraités. Cela prive l’ensemble de l’économie d’un potentiel de croissance important, que la retraite à 60 ans avait d’ailleurs en grande partie dégagé.
Aussi, contrairement à une légende abondamment entretenue par tous les catastrophistes, nous ne souffrons pas en France d’une insuffisance structurelle de financement des retraites attribuée abusivement à l’allongement de la durée de vie. Nous souffrons surtout de l’existence de 3 millions de chômeurs, de 3 millions de travailleurs précaires et de près de 9 millions de bas salaires. C’est d’abord là qu’il faut voir la cause de l’assèchement des cotisations sociales.
Voilà les pistes de justice qu’il faudrait exploiter.
Messieurs les ministres, vous avez refusé tout débat sur nos propositions alternatives de financement des retraites. Vous refusez, dans ce projet de loi, de prendre les dispositions nécessaires pour garantir le droit à la retraite pour tous, à 60 ans et à taux plein.
Pour toutes ces raisons, je voterai résolument contre ce projet de loi. §
Beaucoup ayant déjà été dit dans ces explications de vote, j’irai à l’essentiel.
En premier lieu, messieurs les ministres, je crois que vous et votre Gouvernement allez rentrer dans l’histoire pour avoir mis en œuvre l’une des pires régressions sociales que la France ait connues depuis plusieurs décennies.
Et cela, vous l’avez fait sans aucun mandat politique.
C’est une régression sociale parce qu’à la suppression du départ à la retraite à 60 ans vous ajoutez des mesures d’âge, ce qui vous amène à construire le système le plus rétrograde, le plus régressif et le plus dur d’Europe pour les salariés.
Le président Fischer l’a rappelé avant moi, à l’allongement de la durée de cotisation vous ajoutez le report de l’âge de départ à la retraite, ce qu’aucun pays européen n’a fait. Aucun pays d’Europe n’a conjointement utilisé ces deux mesures.
Quand les autres pays européens ont utilisé ces mesures d’âge et l’allongement de l’âge de départ à la retraite, ils l’ont fait en se donnant du temps, afin que cette réforme soit humainement et socialement supportable.
C’est ainsi qu’en Allemagne la réforme entrera en vigueur en 2029 et au Royaume-Uni, en 2036.
Vous êtes donc bien en train de construire le système de retraite le plus dur d’Europe.
Le deuxième élément de régression sociale est celui de l’incroyable injustice de cette réforme. Nous en avons beaucoup parlé, et je me contenterai ici de rappeler deux points. D’abord, le financement repose pour l’essentiel sur les salariés : vous n’avez demandé d’effort à personne d’autre ! Ensuite, et cette injustice fondamentale est emblématique de votre réforme, vous vous attaquez aux plus faibles, à ceux dont les carrières sont les plus courtes, notamment, aux femmes.
Le troisième élément de régression sociale est celui de la pénibilité. Vous présentez votre texte comme une nouvelle conquête sociale…
… alors que vous avez systématiquement refusé de considérer qu’il pouvait y avoir une dimension professionnelle ou collective dans cette pénibilité. Vous en êtes restés à une conception purement individuelle. Encore fallait-il qu’elle soit avérée puisque ce que vous introduisez dans le texte n’est pas la pénibilité mais l’incapacité constatée et avérée.
Évidemment, puisque c’est au moment de la retraite qu’il faut tirer les conséquences de la pénibilité du travail !
Tout cela pour parvenir à une réforme inefficace, sachant que votre réforme ne financera pas le système de retraite à moyen et long terme : nous l’avons suffisamment prouvé au cours de nos débats.
Il y a également le problème de la méthode qui a présidé à l’élaboration et à la discussion de cette réforme. Pendant des mois, ce furent le refus systématique d’écoute et les manœuvres permanentes. En matière de manœuvres, nous avons d’ailleurs eu un exemple dans la nuit de mercredi à jeudi. Le Gouvernement a en effet voulu faire un arrêt sur image. Il s’agissait de l’image d’un Sénat acceptant unanimement un amendement appelé en priorité par Claude Guéant et proposant une réforme systémique de nos régimes de retraite, c’est-à-dire une réforme qui serait enfin juste, mais dont le débat ne commencerait, évidemment, qu’en 2013.
Monsieur le ministre, que n’avez-vous mené plus tôt cette réflexion sur la réforme systémique ? Car vous aviez un autre choix, celui d’engager le débat avec les forces vives du pays, devant le pays !
Vous ne l’avez pas fait ! Vous auriez pu, pendant cet intervalle de deux ou trois ans, financer les déficits, avérés, de nos systèmes de retraite en recourant, par exemple, au Fonds de réserve pour les retraites. Mais vous avez préféré ajouter à l’injustice le pillage du Fonds de réserve constitué sous le gouvernement de Lionel Jospin.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte et, dès la semaine prochaine, nous serons aux côtés des manifestants, c’est-à-dire de la majorité de Français…
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Comme le rappelait mon collègue Caffet, la méthode employée par le Gouvernement pour élaborer et faire adopter son projet de réforme des retraites n’est sans doute pas la meilleure puisqu’elle nous a conduits à la situation déplorable dans laquelle se trouve plongé notre pays depuis quelques semaines.
Pour parvenir à une réforme efficace sur un sujet aussi sensible et crucial que celui des retraites, il aurait fallu prendre au moins la peine et le temps de négocier avec les syndicats et ne pas se contenter d’une consultation formelle.
Les syndicats sont, dans leur totalité, en désaccord frontal – et durable – avec ce projet de loi et ils ont des propositions alternatives à mettre dans le débat. Ils sont soutenus par un large mouvement social, ainsi que par l’opinion publique. Dès lors, tout plaide pour la suspension de votre réforme. Il faudrait la reprendre là par où elle aurait dû commencer : dans une concertation avec les forces syndicales.
Force est de constater que le Gouvernement a refusé de suivre ce conseil de sagesse et de modération pour s’engager dans une épreuve de force à l’issue incertaine.
Le Gouvernement, par ailleurs, a trahi les engagements pris auprès des Français au plus haut niveau de l’État. La déclaration solennelle du Président de la République concernant le maintien de l’âge du départ à la retraite à 60 ans a été évoquée à de nombreuses reprises au cours de nos échanges.
Le Gouvernement, si prompt à rappeler, à chaque fois qu’est entreprise une réforme, que cette dernière figurait au programme de campagne du candidat Sarkozy, s’est bien gardé de commenter cette anomalie, alimentant encore la perte de confiance de nos concitoyens en la parole publique.
Certes, messieurs les ministres, vous avez invoqué la crise pour expliquer ce revirement. Mais alors pourquoi n’avez-vous pas, malgré la crise ou à cause d’elle, renoncé au bouclier fiscal ?
Enfin, les débats au Parlement n’ont pas été à la hauteur des enjeux. À l’Assemblée nationale, l’opposition parlementaire comme les non-inscrits ont été réduits au silence ; ici, en dépit de l’opiniâtreté de l’opposition sénatoriale, le Gouvernement a continué de se dérober devant le débat de fond que l’on était en droit d’attendre.
Monsieur le ministre, vous nous avez répété inlassablement qu’il n’y avait pas d’alternative, comme le martelait Mme Thatcher en son temps – « There is no alternative » –, selon une méthode qui lui avait si bien réussi et qui, jusqu’à présent, vous a si peu souri. En effet, si les Français, dans leur grande majorité, et l’ensemble des organisations syndicales sont convaincus qu’une réforme du système des retraites est nécessaire, le mouvement social que vous avez suscité et qu’ils soutiennent en réclame une autre, ce qui rend encore plus incompréhensible votre obstination.
Le fond de votre réforme est doublement critiquable, car injuste et inefficace.
En effet, il n’a pas échappé à la présidente de la CNAV, par ailleurs syndicaliste, Mme Danièle Karniewicz – et ce n’est pas une gauchiste ! –, que le financement de votre réforme n’était pas assuré. Nous l’avons déjà souligné, mais il n’est pas inutile de le répéter.
Si les 15 milliards d’euros qui restent à financer à l’horizon 2020 y sont pudiquement qualifiés de « contribution nette de l’État », il n’en demeure pas moins que le recours à l’endettement ne suffira pas à assurer la pérennité de notre système de retraite par répartition.
Contrairement à ce qu’a pu déclarer le Président de la République, en l’état actuel de cette réforme, nos concitoyens ont toutes les raisons de se dire qu’ils ont des soucis à se faire pour leur avenir. D’ailleurs, la tournure que prend le mouvement social indique bien qu’ils sont plus inquiets que jamais.
Rien dans cette réforme n’est satisfaisant ! Non seulement elle ne permettra pas de sauver notre système de retraite par répartition, mais elle frappe les salariés les plus fragiles, les seniors, les femmes, les jeunes diplômés, les précaires, ceux qui exercent un métier pénible, tout en épargnant les privilégiés.
Les quelques mesures consenties par le Gouvernement et votées par le Sénat n’en changent ni la teneur injuste ni l’inefficacité ! C’est pourquoi, comme l’ensemble de mes collègues du groupe CRC-SPG, je voterai contre ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous ici d’une génération qui, dans son enfance, entendait souvent ses parents dire, à l’occasion d’un décès : « Encore un qui n’atteindra pas la retraite » ou bien : « Celui-là n’aura pas profité longtemps de sa retraite ». Nous tous avons vécu cela, et aussi l’espoir de la retraite à 60 ans. Pierre Mauroy et Jack Ralite nous l’ont rappelé avec humanité. L’oublier n’est pas possible.
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous assurer aujourd’hui que l’abaissement de l’âge de la retraite à 60 ans n’a pas été un puissant facteur favorisant notre espérance de vie ?
Ce temps de vie en plus, cette vie ajoutée aux années, nous les devons aux progrès de la recherche et de la science, aux fantastiques avancées médicales, à l’amélioration de nos conditions de vie. Mais c’est aussi – j’en ai la conviction – très fortement lié aux conquêtes sociales qui ont allégé les peines et les souffrances au travail.
Qui peut nier que la diminution du temps de travail, la médecine du travail, l’amélioration des conditions de travail, la reconnaissance partielle de la pénibilité et, bien entendu, l’abaissement de l’âge de la retraite ont été des leviers pour cette formidable avancée humaine, ouvrant devant nous un temps de vie plus long ?
Avec ces progrès considérables, la vie a changé, rendant plus insupportables encore les injustices qui frappent les plus démunis d’entre nous, pour qui ces progrès n’ont pas été mis en partage et qui ne peuvent pas profiter de toutes ces avancées.
Or, aujourd’hui, avec ce projet de loi, pour la première fois dans l’histoire humaine, vous tentez de faire rimer progrès humain avec régression sociale. C’est insupportable ! Benoist Apparu lui-même vient de déclarer qu’il assumait cette régression. C’est inacceptable !
Tout au long des débats, nous avons apporté la preuve que d’autres choix étaient possibles, en particulier à travers ceux de nos amendements que vous avez censurés par le vote unique. Avec la force de nos convictions, nous avons tenté de dégager les pistes d’une autre voie.
En effet, la retraite c’est d’abord un choix de société, de civilisation, qui pose concrètement la question de la vie.
Ne mesure-t-on pas le degré de développement d’une société aux capacités humaines à se dégager des contraintes que la nature lui impose ?
Aujourd’hui, l’espace-temps s’élargit ; de nouveaux horizons s’ouvrent à nous. Notre espérance de vie s’allonge. N’est-ce pas alors le moment de créer les conditions d’une nouvelle période de la vie ?
Pouvons-nous envisager un nouvel âge de la vie pour s’occuper de soi, de ses enfants et petits-enfants, pour se cultiver, découvrir le monde, aller à la rencontre des autres et se mettre à leur disposition, donner du temps à la société ?
Mais il est vrai que, de toutes ces questions, vous n’avez pas voulu parler !
Comme un petit boutiquier, vous avez les yeux uniquement fixés sur la ligne bleue des bilans financiers. Ainsi que le chantait Jacques Brel, vous êtes de « ces gens-là » chez qui « on ne cause pas, on compte » !
Nous, nous avons la conviction que notre pays a les moyens de garantir à tous la possibilité de partir en retraite dès 60 ans à taux plein.
Les caisses du CAC 40 se remplissent des milliards d’allégements fiscaux que vous leur octroyez, vidant ainsi au profit de quelques actionnaires de vos amis, les caisses publiques qui devraient servir au bien-être de tous.
Le « chacun pour soi », qui est votre marque de fabrique, est en fait une manière de vivre égoïste.
Vous présentez cette contre-réforme des retraites comme étant la seule possible, la revêtant d’un voile teinté de pragmatisme qui cache mal vos arrière-pensées idéologiques.
Ce que vous voulez, c’est casser les solidarités sociales intergénérationnelles et intragénérationnelles que notre histoire a forgées au sein de notre société.
L’individu seul contre tous : telle est votre vision du monde !
Vous niez la nécessité d’une œuvre collective pour façonner un projet commun. La concurrence doit régner en toute chose. Le vivre-ensemble est pour vous un vivre à côté où chacun doit seul assumer sa vie.
Votre vision du monde freine aujourd’hui son évolution, casse notre pacte social.
À l’inverse de ce que vous proposez, et c’est maintenant une exigence qui s’exprime majoritairement, il faut une autre répartition des richesses pour répondre aux besoins de développement de notre société. Cette exigence monte ; il faudra bien la satisfaire.
Malgré le fort mécontentement que cette loi suscite, vous allez la voter. Vous allez tenter de l’imposer à notre peuple. Votre obstination montre que vous ne comprenez pas le peuple. Vous ne l’entendez pas, vous ne l’écoutez pas. Vous êtes sourd à ses préoccupations, à ses craintes, mais aussi à ses espoirs.
Aujourd’hui, vous lui répondez même par la force. « Bloqueurs, casseurs, même combat », a dit le Président. Tel un pompier pyromane, il crie au feu après avoir attisé les braises. Il s’entête, et vous avec lui, en réduisant le débat démocratique au Parlement et dans la société.
Et pourtant, vous le savez maintenant, ce vote d’aujourd’hui ne règle rien. Tout reste à faire. Tout est encore possible.
Alors, avec l’ensemble des membres de mon groupe, je voterai contre ce projet de loi, parce qu’il est injuste, inefficace et parce qu’il ne répond en rien aux enjeux de notre temps.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne peux que m’associer à toutes les critiques formulées par mes collègues du groupe socialiste et, d’une manière générale, de la gauche sénatoriale.
Au moment où s’achèvent nos débats, et avant de joindre mon vote à celui de tous ceux qui disent non à la réforme proposée, je veux souligner que le Gouvernement a fait preuve d’une singulière et totale surdité face aux interventions des élus d’outre-mer.
Monsieur le ministre, ces élus se sont efforcés, comme c’était leur devoir, de vous démontrer la nécessité de tenir compte des évidentes différences de situation en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane et à la Réunion.
Alors que l’on entend ici et là, notamment au sommet de l’État, de très beaux discours sur la notion de diversité et sur la nécessité de tenir compte des réalités locales, vous avez refusé d’envisager la moindre adaptation aux conditions particulières que connaissent ces salariés d’outre-mer.
Je pense à nos salariés du secteur agricole, qui partent avec des retraites de misère, ou à ceux du BTP. D’une manière plus générale, c’est la plupart de nos retraités qui connaissent des situations plus graves que celles des retraités de l’Hexagone ! Ils sont chez nous proportionnellement beaucoup plus nombreux, et ils seront plus pénalisés que leurs homologues de métropole par la réforme.
C’est pourquoi nous vous avons tout naturellement demandé de différer l’application de ce texte dans nos départements. Ce ne serait pas la première fois. Cela a toujours pu se faire lorsque c’était à notre détriment...
Nous avons proposé que soit élaboré au préalable un rapport faisant le point sur la situation de nos retraités. Une telle étude aurait pu mesurer l’incidence de différents facteurs, notamment de la situation économique et sociale, de la précarité, des faibles revenus, de la situation particulière des femmes. Mais vous n’avez rien voulu entendre et, encore moins, comprendre.
En outre, monsieur le ministre, j’ai été particulièrement choqué que vous n’ayez absolument pas réagi à mon intervention de lundi soir.
Mon propos visait à attirer votre attention sur la situation des travailleurs et des petits exploitants agricoles ayant été exposés pendant des années, dans les bananeraies des Antilles, aux effets d’un pesticide cancérigène, le chlordécone.
Je soulignais qu’ils avaient continué à y être exposés sans protection alors que le produit était interdit dans l’Hexagone depuis plusieurs années.
Et j’ai remarqué que ce qui, à l’heure actuelle, est vécu chez nous comme un drame, avait l’air de vous laisser totalement indifférent. En tout cas, vous n’avez pas prononcé un mot de réponse à mon intervention.
Je vous indiquais qu’il fallait prévoir pour eux un système peut-être comparable à celui qui a été élaboré pour les victimes de l’amiante. Faudra-t-il attendre que des procès se tiennent – certains sont déjà engagés – pour s’apercevoir que l’on a une fois de plus laissé se dérouler un drame sans réagir ? Et après, certains se demanderont évidemment pourquoi leur sort n’est pas plus pris en compte…
C’est donc aussi pour ces raisons supplémentaires par rapport à celles de mes collègues de l’Hexagone que je voterai contre ce projet de réforme des retraites. Heureusement, j’ai la conviction, certainement partagée sur ces travées, que cette réforme n’est pas promise à un très grand avenir !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans mon explication de vote, j’aborderai essentiellement l’engagement de la jeunesse contre ce projet de loi.
Alors que nous achevons l’examen de votre texte – au pas de charge ! –, aujourd’hui encore des lycéens, des étudiants manifestent contre lui. Et leur mobilisation n’a pas faibli cette semaine.
Monsieur le ministre, mesurez-vous que cette irruption de notre jeunesse est un événement majeur – je dis bien : majeur ! –, l’expression d’une prise de conscience, d’une terrible angoisse par rapport à l’avenir ? Il faut l’entendre, il faut l’écouter ! Elle porte une réalité incontournable : vous ne pourrez pas contourner cette force d’avenir qu’est notre jeunesse !
Vous comptez sur les vacances scolaires pour voir le mouvement se dissoudre ; d’où ce coup de force pour accélérer nos débats ! Mais leurs organisations ont d’ores et déjà appelé lycéens et étudiants à se mobiliser lors des deux prochaines journées d’action, le 28 octobre et le 6 novembre.
Votre attitude à leur égard est, depuis le début, celle du mépris. Lorsqu’ils ont commencé à rejoindre en nombre les cortèges aux côtés des salariés, vous avez d’abord crié à la « manipulation », accusant l’opposition de « jeter dans la rue des jeunes de 15 ans » !
Vous avez ensuite entonné le couplet de l’« irresponsabilité ». Un comble ! Vous qui ne cessez depuis près de dix ans de les renvoyer à leurs responsabilités, notamment en abaissant la responsabilité pénale à 13 ans !
« Les casseurs n’auront pas le dernier mot ! », a lancé hier le Président de la République, faisant un amalgame inacceptable entre manifestants et casseurs pour tenter de retourner une opinion publique qui condamne très largement cette réforme et qui soutient la mobilisation : à hauteur de 70 % selon un sondage paru ce matin !
Pourtant, à en croire le conseiller du Président, M. Soubie, cette réforme serait « d’abord faite pour eux », les jeunes. Si c’est le cas, comment, dès lors, les priver du droit de s’en mêler ?
Oui, cette réforme les concerne ! Les jeunes qui se mobilisent l’ont bien compris, et ils entendent donc exercer leur droit de la critiquer. Il est faux de dire que ce débat n’est pas le leur.
La jeunesse qui manifeste l’a bien compris : derrière la question des retraites, se pose également celle de l’emploi et de sa précarisation galopante, donc de leur avenir.
Faut-il rappeler que, pour la très grande majorité d’entre eux, l’entrée dans la vie active suppose un passage obligé par la précarité et le chômage ? D’après l’OCDE, il faut entre huit et onze ans à un jeune Français pour décrocher un emploi stable après la fin de ses études et l’âge moyen d’entrée dans l’emploi stable s’établit désormais à 27 ans. Cette réalité, les jeunes la connaissent, certains l’éprouvent même déjà !
Combiné aux périodes de précarité et de chômage, l’allongement de la durée des études fait qu’avec cette réforme atteindre le nombre d’annuités requis pour une retraite complète deviendrait impossible !
Ce mouvement traduit donc aussi l’inquiétude des jeunes quant à leur avenir. Selon le baromètre annuel IPSOS pour le Secours populaire, publié en septembre dernier, un jeune sur deux se dit « angoissé » et plus d’un sur trois « en colère » en pensant à l’avenir.
Le maintien et la défense d’une solidarité intergénérationnelle a donc trouvé un écho chez ces jeunes, car cette réforme et les effets qu’elle produira vont à l’encontre même du principe de solidarité entre les générations, qui veut que les plus âgés laissent leurs emplois aux plus jeunes, …
… lesquels peuvent alors cotiser et participer au financement des retraites.
Alors, être responsable aujourd’hui, pour eux, c’est participer aux manifestations afin de faire entendre leur voix. Il est encore temps de les entendre et de recevoir les organisations syndicales et celles qui représentent la jeunesse. Votre majorité va voter ce texte, mais il reste encore le temps de la commission mixte paritaire, puis celui de la promulgation.
Monsieur le ministre, aujourd’hui, cette jeunesse prend pleinement ses responsabilités ; l’Histoire enseignera que vous avez refusé de prendre les vôtres ! Notre vote contre votre projet de loi est un vote d’espoir pour notre jeunesse !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Ah ! sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le ministre, vous avez parlé de dialogue. Curieux dialogue social que celui qui suscite l’opposition de toutes les centrales syndicales et mobilise des millions de manifestants pendant plusieurs semaines !
Alors, on s’interroge : quel dialogue ? Avec le MEDEF, bien sûr, avec les amis fortunés du Fouquet’s ! Et qui paie l’addition du Fouquet’s ? Les salariés, évidemment, car cette loi est injuste : deux ans de plus au « turbin » pour les travailleurs aux métiers pénibles ! Deux ans de plus pour les femmes qui n’obtiendront pas tous leurs droits à taux plein ! Pas d’avancées pour les poly-pensionnés, les paysans, les petits artisans, les précaires !
Non seulement cette loi est injuste, mais elle est inefficace, car déjà le financement des retraites n’est pas assuré. Vous n’arriverez pas à remettre au travail les seniors, ce qui conduira à la baisse de leurs pensions.
Cette loi ne va pas diminuer le chômage et n’augmentera donc pas, point pourtant fondamental, l’assiette des cotisations destinées à financer les retraites.
Enfin, cette loi va à contresens de l’histoire : alors que les moyens techniques de production nous permettent de mieux vivre, on veut repousser l’horizon du havre de paix que représente la retraite. Alors qu’il faut préserver la planète, économiser les ressources et l’énergie, on prétend que la solution consiste à travailler toujours plus !
Pourquoi cette politique sarkozyste du « ça passe et ça casse » ? Parce que la droite a choisi l’adaptation aux lois du marché international, c’est-à-dire la baisse du coût du travail, l’augmentation des cadences et de la productivité, l’appel à la précarité et à la sous-traitance, la restriction des droits du travail et des salariés. En parallèle, elle a sans complexe choisi de baisser la taxation des plus riches, de favoriser la circulation des capitaux et, par là même, d’encourager la spéculation.
Au cours de ce débat, nous avons vu se dérouler le fil conducteur de votre projet de loi. Tout d’abord, pour plaire au FMI…
… et aux agences de notation, vous reculez aujourd’hui de deux ans l’âge de départ à la retraite. Et, dès demain, vous vous orienterez vers la retraite par points, …
… conception individuelle de l’assurance vieillesse. Puis, logique du marché oblige, vous avancerez progressivement vers un système par capitalisation, que l’on sent poindre dans les articles relatifs à l’épargne retraite !
Au cours de ce débat, nous avons assisté à une confrontation droite-gauche, entre ceux qui veulent l’adaptation libérale au marché, qui font la promotion de l’individualisme – vous l’avez dit à plusieurs reprises ! – et ceux qui veulent garantir la solidarité, qui prônent des réponses collectives aux enjeux de demain.
Vous n’avez pas voulu débattre avec la société en organisant un référendum, mais ce débat aura lieu ! Pendant ces trois semaines, parlementaires de gauche et écologistes, nous avons confronté nos propositions et affiné nos convergences. Nous pouvons dire aux millions de manifestants que leur combat n’est pas fini, que nous continuons avec eux la lutte contre les inégalités, que nous sommes aujourd’hui porteurs d’un projet pour les retraites…
M. Jean Desessard. … alternatif, crédible et solidaire, qui, un jour ou l’autre, s’imposera ! C’est pourquoi nous, sénatrices et sénateurs Verts, sommes opposés à ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Je commencerai mon intervention par une citation : « Je garantirai la pérennité du régime de retraite […]. Je ne changerai pas le régime par répartition [...] par un régime où chacun épargnerait de son côté [...]. Il faudra que tout soit mis sur la table : la seule piste que je ferme tout de suite, c’est celle de la diminution des pensions [...] Les pensions sont trop basses. »
C’est avec ce genre de déclarations péremptoires que le Président de la République avait esquissé, en janvier dernier, la réforme des retraites dont nous achevons temporairement la discussion. C’est aussi avec ce genre de déclarations que l’on aboutit, quelques mois plus tard, à préférer la matraque au dialogue social et les coups de force institutionnels au fructueux et indispensable débat parlementaire !
Pendant ce temps, certains se préparent à récolter les dividendes de cette réforme : Guillaume Sarkozy a engagé son entreprise dans une politique visant à en faire un acteur majeur de la retraite complémentaire privée et il a trouvé des alliés plus puissants que lui, notamment les grands financiers de l’État… mais avec une telle carte de visite, cela n’a rien d’étonnant !
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Ensemble, tous ces partenaires vont créer, le 1er janvier prochain, une société commune qui rêve de rafler une bonne part du marché qui se profile. En clair, la réforme est un formidable outil qui conduira à l’asphyxie financière des grands régimes par répartition.
Et, selon l’AGEFI, agence économique et financière, « le conseil d’administration de l’assureur coté a approuvé les modalités de création de cette coentreprise, baptisée Sevriena », et le « démarrage opérationnel de Sevriena, qui héritera des portefeuilles de ses deux maisons-mères, est prévu pour janvier 2011 ».
Que fera Sevriena ? Tout simplement, la création, la gestion, la distribution de produits de retraite complémentaire par capitalisation à titre collectif ou individuel. Il s’agit bien de drainer vers la bourse, vers les placements financiers, les 300 milliards d’euros actuels de prestations d’assurance vieillesse, quitte à ce que les plus démunis ne puissent pas en bénéficier.
Le rêve de Guillaume Sarkozy, c’est de faire main basse sur les complémentaires avec la bénédiction politique de son frère et de tous ceux qui approuvent cette loi scélérate, c’est-à-dire vous !
Nouvelles protestations sur les mêmes travées.
Dire que cette réforme fait le lit des fonds de pension en défaisant la couverture collective n’est rien d’autre que rappeler une évidence ! Dire que les inégalités sociales vécues durant la vie professionnelle se retrouveront au moment de la retraite et jusqu’au seuil du tombeau, c’est en rappeler une autre ! C’est bel et bien ce que cette réforme programme, organise et structure ! Vous ne sauvez pas la retraite par répartition ni notre régime de retraite, vous l’apportez sur un plateau d’argent aux Sarkozy, de Castries et consorts pour que gonflent sans limite les masses financières mises en jeu à la bourse.
Vous le faites en spéculant sur le gel du pouvoir d’achat des retraités et sur l’exploitation sans cesse accrue de ceux qui travaillent ! Nous refusons le hold-up d’aujourd’hui, avant le hold-up à venir de la capitalisation, et nous voterons contre cette réforme. Rendez l’argent du travail à ceux qui l’ont fabriqué, et donc aux travailleurs !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Le 5 octobre, devant notre assemblée, monsieur le ministre, vous déclariez que, « grâce à ce texte, le dialogue social pourra gagner en légitimité et en efficacité ». La réalité est malheureusement tout autre !
Le mouvement social contre votre réforme s’amplifie, comme l’a rappelé Guy Fischer et, en réponse, vous durcissez la répression ! Ces méthodes exacerbent un peu plus le conflit social qui s’est installé dans notre pays : encore ce matin, vous avez eu recours à la réquisition pour briser la grève.
Vous aviez aussi assuré, monsieur le ministre, que le débat devant le Sénat ne serait pas écourté, que vous laisseriez le temps à l’opposition d’exprimer ses positions. Là encore, la réalité est tout autre.
Tout d’abord, vous avez décidé d’engager la procédure accélérée, qui ne permet qu’une lecture devant chaque chambre et réduit considérablement le débat. Ensuite, vous avez demandé l’examen en priorité des articles 4, 5 et 6, les plus emblématiques du projet de loi, espérant ainsi arrêter les manifestations dans le pays. Enfin, vous avez multiplié les séances de nuit, au risque d’épuiser les orateurs.
L’organisation de nos débats n’est vraiment pas respectueuse du travail parlementaire : suspensions de séance, absence de quorum, scrutins publics… Tout cela donne une bien mauvaise image du Parlement, et c’est uniquement de votre fait ! Sans compter le renvoi de la discussion de tous les articles additionnels à la fin de l’examen du projet de loi. Autrement dit, on renvoie à la fin, en vote bloqué, le débat sur les propositions censées offrir des solutions de rechange à votre projet : car c’est bien ce débat qui n’a pas eu lieu !
L’objectif, on le sait, était de limiter une nouvelle fois l’expression des voix divergentes au sein de cette assemblée : vous vouliez à tout prix accréditer l’idée qu’une seule solution est possible. Mais vous avez échoué !
Même s’il est prévu par la Constitution, le recours à la procédure du vote unique aboutit à une confiscation du pouvoir législatif par le pouvoir exécutif.
Un certain nombre de propositions, émanant de la gauche comme de la droite, qui méritaient d’être discutées ont été écartées – la totalité des nôtres, bien entendu ! – par le Gouvernement qui a choisi seul les amendements à retenir et ceux à rejeter.
Je pense, par exemple, aux propositions que nous voulions défendre concernant les groupements agricoles d’exploitation en commun, les GAEC : il aurait été intéressant que nous puissions exposer nos positions sur cette question. En ce qui concerne les effets de la réforme sur les retraites agricoles, je voudrais d’ailleurs souligner encore une fois que le monde agricole est meurtri et qu’il sortira davantage affaibli de la réforme des retraites.
La réflexion sur les retraites ne peut être menée en la déconnectant de la question du travail et de la rémunération. Comment pouvez-vous demander aux exploitants et aux salariés agricoles de travailler plus, plus longtemps, pour avoir droit à une retraite, alors que la plupart d’entre eux connaissent des difficultés économiques sans précédent. La pénibilité des activités de ce secteur, qui n’est plus à démontrer, l’augmentation des maladies graves liées à l’exercice des métiers agricoles, l’absence de prise en compte de certaines carrières et, notamment, de celle du conjoint, font des professionnels de l’agriculture les symboles de l’injustice de votre réforme.
Monsieur le ministre, ce projet de loi portant réforme des retraites sonne le glas du système par répartition : contrairement à vos affirmations, il anéantit la solidarité intergénérationnelle. La politique conduite par le Gouvernement est non seulement inefficace du point de vue du financement, mais elle est inacceptable au regard de l’intérêt général.
Le vote auquel nous procédons aujourd’hui ne constitue pas la fin du débat, bien au contraire ! Il n’est que l’une des expressions de l’opposition de la grande majorité des Français – je devrais plutôt dire la grande majorité des gens de ce pays – à la réforme des retraites, telle que vous la proposez.
Les sénateurs du groupe CRC-SPG voteront évidemment contre ce texte et ils se battront aux côtés de tous les Français pour défendre une réforme plus juste.
Ce soir, mes chers collègues, le MEDEF est heureux ! Il a été particulièrement discret ces dernières semaines, mais cela se comprend : il n’avait plus besoin d’intervenir puisqu’il a inspiré cette réforme, tout le monde en est parfaitement conscient ! §
Monsieur le ministre, depuis trois semaines, j’ai l’impression que nous sommes dans un vaste théâtre, avec des scènes qui se déroulent, un peu de Beaumarchais, beaucoup de Pirandello, des phases dramatiques, quelques phases comiques. C’est aussi parfois un théâtre d’ombres. Ceux qui sont sur scène ou sur l’avant-scène ne sont pas les véritables acteurs, ces derniers étant derrière le rideau. On parle du MEDEF, mais il y en a d’autres, dans les hautes sphères de notre République : des conseillers du Prince, et le Prince lui-même.
Quant à nous, nous avons suivi un autre scénario. Il me fait penser à une œuvre de Dostoïevski, La confession de Stavroguine : dans une grande salle où toute la cour est rassemblée, le souverain somnole quelque peu, quand le personnage principal vient pincer l’oreille du souverain pour qu’il ouvre son regard sur le monde.
C’est un peu ce que nous avons voulu faire, afin que vous regardiez ce qu’il y a ailleurs, hors du cercle de vos conseillers, de vos amis, de vos fréquentations, hors de vos habitudes.
Vous nous avez dit, avec constance d’ailleurs, pendant plusieurs semaines, que vous vouliez sauver ce principe qui guide notre système de retraites : la répartition. Sauver la répartition… Péché d’orgueil ! Croyez bien que nous ne relâcherons pas notre vigilance !
Vous nous avez dit aussi qu’il n’y avait qu’une seule voie possible, une seule voie qui soit bonne : autre péché d’orgueil ! Il faut se méfier des seules voies possibles. Elles nous ont souvent, au cours de l’histoire, ici ou ailleurs, conduits dans des impasses et nous l’avons chèrement payé.
Les manifestations monstres par lesquelles le peuple nous a constamment, d’une certaine façon, imposé sa présence ici – vous les avez sans doute vues vous-mêmes, sinon par vos fenêtres, au moins par la petite lucarne –…
… mais aussi les résultats de quelques sondages vous ont montré que cette « seule voie possible » pour sauver les retraites, après tout, n’était peut-être pas la meilleure.
À l’issue de cette caricature de réforme, que reste-t-il ? Des gens qui vont continuer à souffrir, des femmes qui vont rester en lutte contre une indifférence généralisée vis-à-vis de leurs propres souffrances de femmes et de travailleuses, plus d’un million de retraités en dessous du seuil de pauvreté, des aspirants à la retraite qui avaient un petit espoir de gagner un peu plus et qui vont voir s’éloigner cette retraite tant attendue, notamment ceux qui exercent des métiers extrêmement pénibles.
C’est la majorité de notre population qui est concernée, et c’est aussi la jeunesse. La jeunesse perd espoir en nous, les adultes, en nous, les seniors. Nous ne savons pas la rassurer. Nous ne savons que la désespérer.
Monsieur le ministre, je crois que nous partageons avec vous la responsabilité de cette faute parce que nous n’avons pas su vous convaincre de nous écouter. Nous n’avons pas su vous persuader qu’il y avait d’autres possibilités.
Vous nous avez sans arrêt renvoyés à notre incompétence. Vous nous avez dit que nous, la gauche, et notamment le parti socialiste, mais aussi nos amis du Front de gauche, n’avions pas la capacité, que nous ne savions pas compter et que nous n’avions pas effectué de chiffrage. Vous nous avez dit, en quelque sorte, que nous n’étions pas des gens sérieux.
Monsieur le ministre, je regrette ce manque de modestie. En politique, il faut avoir de la modestie et de l’humilité. Or, pendant ces trois semaines, excusez-moi de vous le dire d’une manière aussi directe, je n’ai pas perçu ces qualités en vous, et je le regrette.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, votre Haute Assemblée s’apprête à se prononcer sur un projet de loi fondamental pour l’avenir de notre système de retraite par répartition.
C’est une étape essentielle du débat démocratique que nous avons eu sur les retraites. Durant près de 150 heures de débat, nous avons abordé chacun des points qui composent le projet du Gouvernement, mais aussi l’ensemble des propositions que chacun d’entre vous a formulées.
Au terme de notre débat, je tiens à remercier madame la présidente de la commission des affaires sociales, Muguette Dini, et à saluer la qualité du travail de votre rapporteur, Dominique Leclerc. Je remercie également les présidents de chaque groupe pour leur investissement personnel. Je souhaite également remercier le président Frimat, ainsi que le président Gérard Larcher, et l’ensemble des vice-présidents qui se sont succédé.
Le débat a été riche. Il a surtout été utile.
Le texte sur lequel vous allez vous prononcer contient des évolutions majeures. Sans remettre en cause l’équilibre du texte, ces avancées nous ont permis d’aller plus loin sur des sujets essentiels. Je pense bien sûr à la question de la retraite des mères de famille.
Je pense aux travailleurs handicapés. Je pense aux personnes exposées à l’amiante.
Je pense aux chômeurs de longue durée. Je pense aux parents d’enfants handicapés.
M. Éric Woerth, ministre. Et je pense, enfin, au débat important que nous avons eu sur l’engagement d’une réflexion nationale sur une évolution systémique de nos régimes de retraite.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Comme cela avait été le cas à l’Assemblée nationale, en particulier sur la question fondamentale de la pénibilité, le débat dans votre Haute Assemblée a été d’une grande qualité.
Une grande qualité parce qu’il s’agit de l’un des débats les plus longs de toute l’histoire de la Ve République.
Protestations sur les mêmes travées.
Au total, à l’issue de l’examen parlementaire, le projet du Gouvernement aura connu dix-huit évolutions significatives. Cela montre, pour ceux qui en doutaient, à quel point le Gouvernement a toujours considéré qu’il avait un projet qui pouvait évoluer, un projet qui n’était pas fermé.
À l’Assemblée nationale et au Sénat, nous avons eu des échanges, des débats, et, finalement, nous avons adopté des amendements qui ont affiné les contours de cette réforme pour en renforcer l’équité, l’efficacité et la justice.
Tout au long de ce débat, le Gouvernement avait cependant un objectif : que l’équilibre du texte soit préservé. Faire évoluer le texte oui, le dénaturer non.
Cet objectif, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons pu constater, Georges Tron et moi-même, qu’il était aussi le vôtre. Vous avez vous-mêmes eu à cœur de préserver les fondements de cette réforme, en particulier, bien sûr, le relèvement de l’âge de départ à la retraite, sans lequel aucun équilibre financier n’est possible.
C’est une nouvelle fois la marque de la sagesse de votre Haute Assemblée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme devant toute réforme engageant l’ensemble de la société, des inquiétudes s’expriment. Il est normal d’écouter les positions de chacun, et nous l’avons fait jour et nuit dans cet hémicycle, sur chacun des articles de notre projet.
Mais il vient un moment où il faut décider. L’esprit de responsabilité l’exige.
Pour garantir le financement de notre système de retraite, pour maintenir la solidarité entre les générations, nous devons accepter d’évoluer vers un nouvel âge de départ à la retraite : à 62 ans.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce moment est solennel parce qu’il est celui de la lucidité, de la responsabilité, du courage.
Ce n’est pas en regardant toujours vers le passé que nous préserverons notre modèle social.
Mais si, justement, en regardant ce que nous a légué l’histoire de notre pays, grâce aux conquêtes de ceux qui nous ont précédés !
Ce n’est pas en nous accrochant aux symboles d’hier que nous demeurerons une grande nation.
Ce n’est pas en ignorant la réalité de la France d’aujourd’hui que nous pourrons regarder nos enfants dans les yeux.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Les grandes dates de notre pacte social, ce ne sont pas seulement celles où l’on crée des droits nouveaux. Ce sont aussi celles où l’on se donne les moyens de financer tous ces droits.
L’année 2010 sera à ce titre une date fondamentale pour notre protection sociale.
Aujourd’hui, les vrais défenseurs de notre système social, ce sont ceux qui garantissent son avenir.
Certains, dans cet hémicycle, refusent une réforme qui est dans l’intérêt de tous les Français.
M. Éric Woerth, ministre. Je le regrette, mais je n’ai pas de doute sur un point. Un jour viendra où les adversaires d’hier seront reconnaissants au Président de la République
Rires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
, au Gouvernement et à la majorité parlementaire que je remercie pour son indéfectible soutien.
Mêmes mouvements et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Vous nous remercierez d’avoir eu le courage d’assumer entièrement nos responsabilités. J’en veux pour preuve le fait que certains dans l’opposition soutiennent désormais l’allongement de la durée de cotisation lancé par la réforme Fillon de 2003, après l’avoir combattu pendant tant d’années. Le temps fera aussi son œuvre sur l’âge de la retraite, je n’en doute pas.
Bravo ! et applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Sénat achève aujourd’hui, après trois semaines de débats souvent passionnés, l’examen d’une réforme fondamentale.
Face à la situation gravement dégradée des comptes de l’assurance vieillesse, le Gouvernement, en décidant d’avancer de deux ans le rendez-vous prévu en 2012 par la loi de 2003, a choisi la voie de la responsabilité et du courage.
Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
À cet instant, je crois pouvoir dire que notre assemblée, tant en commission qu’en séance publique, a été fidèle à sa vocation et qu’elle a su marquer de son empreinte ce projet de loi sur deux points essentiels.
Le premier est le renforcement de la dimension solidaire de notre système de retraite.
Le second est l’introduction d’une vision prospective allant au-delà du nécessaire rééquilibrage des comptes de l’assurance vieillesse.
Le Sénat a complété le projet de loi sur de nombreux points pour en renforcer les mesures de solidarité. Il a pris des mesures en faveur des mères de famille ayant interrompu leur activité pour élever leurs enfants et des parents d’enfants handicapés.
Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Vous n’y avez jamais pensé !
Il a choisi de maintenir à 65 ans l’âge d’annulation de la décote pour les assurés handicapés et les aidants familiaux. Il a élargi le champ de la retraite anticipée pour les personnes handicapées.
Notre assemblée a aussi veillé à préserver la situation des chômeurs en fin de droits pour éviter qu’ils soient sans ressources avant d’atteindre l’âge de la retraite.
Le Sénat a souhaité maintenir intégralement le régime de départ en retraite des victimes de l’amiante, considérant que le relèvement des âges légaux ne pouvait pas s’appliquer à ces personnes.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il a fortement précisé les dispositions relatives à la pénibilité et a amélioré les règles relatives à la médecine du travail
Vives protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.
Peut-on vraiment dire, mes chers collègues, que ces avancées sont négligeables ou insignifiantes ?
Enfin, notre assemblée a donné au projet de loi une dimension plus prospective en prévoyant une réflexion nationale sur une éventuelle réforme systémique de l’assurance vieillesse à compter du premier semestre 2013.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Cette réflexion nationale très large devra nous permettre, après que nous aurons répondu à l’urgence que représentent les déficits insoutenables des régimes, de préparer sur le long terme la modernisation d’un système de retraite par répartition auquel chacun d’entre nous est profondément attaché…
M. Dominique Leclerc, rapporteur. … et d’apporter, j’en suis convaincu, beaucoup plus d’équité. Mais c’est peut-être cela qui vous fait peur dans cette réforme !
Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Au moment de conclure ce débat, je souhaite remercier l’ensemble des sénateurs qui se sont investis dans la discussion du présent projet de loi, permettant de faire progresser la réflexion sur de nombreux points.
Je remercie également tous les présidents de séance qui ont dirigé nos débats au long de ces trois semaines.
Je tiens à saluer l’investissement des membres du Gouvernement – MM. Éric Woerth et Georges Tron – qui ont répondu à chacun d’entre nous et qui ont su, comme cela a déjà été dit, prendre en compte nos réflexions.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je remercie tout particulièrement la présidente de la commission des affaires sociales, qui a toujours été attentive à l’expression de chacun, au respect des propos des uns et des autres, ainsi qu’au déroulement de nos travaux dans les meilleures conditions possibles.
Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
Je remercie enfin les collaborateurs de la commission de leur travail, de leur investissement et de leur accompagnement au cours de ces semaines.
Applaudissements sur les mêmes travées.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je crois profondément que la réforme que nous nous apprêtons à voter est nécessaire pour préserver notre pacte intergénérationnel, que nos travaux auront permis d’améliorer fortement cette dernière et, surtout, que les plus jeunes de nos concitoyens retrouveront confiance dans cette retraite par répartition
Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je vous invite donc avec force, mes chers collègues, à adopter le présent projet de loi.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il est essentiel pour l’avenir de notre pays !
Mmes et MM. les sénateurs du groupe UMP et de l’Union centriste se lèvent et applaudissent.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Mes chers collègues de la majorité, levez-vous au moins pour Mme Dini ! C’est une femme !
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je suis très honorée d’être la dernière à prendre la parole sur ce texte important.
Je crois pouvoir dire que les débats que nous avons consacrés à ce texte ont été à la hauteur des enjeux, de l’intérêt très légitime que les concitoyens lui portent et de la préoccupation extrême que nous inspire l’état des comptes sociaux.
Cette question appelait de notre part sérieux et gravité.
Notre présence exceptionnellement assidue, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, au long des séances…
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Notre présence, disais-je, est la manifestation évidente de notre attention partagée, et je souhaite en remercier chacun d’entre vous, mes chers collègues.
Certes, la question traitée a aussi suscité des échanges vifs, parfois trop vifs à mon goût, …
Mme Muguette Dini, présidente de la commissiondes affaires sociales. … car je crois que la Haute Assemblée doit rester le lieu de la courtoisie et de la sérénité, et ne pas être celui des réactions agressives et de la discourtoisie.
Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
Notre assiduité a permis à chacun de s’exprimer longuement et dans le respect de ses convictions et de sa sensibilité.
Durant ces trois dernières semaines, nous avons siégé pendant 140 heures, soit deux fois et demie le temps consacré au texte par l’Assemblée nationale et l’équivalent d’un mois de travail d’un salarié à temps plein. C’est bien plus que les 83 heures de débat consacrées à la réforme des retraites de 2003, …
… et plus que les 106 heures du précédent record détenu par la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
Si l’on y ajoute le temps des travaux préparatoires effectués en commission des affaires sociales, trente heures, et au sein de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale – la MECSS –, 40 heures, personne ne pourra prétendre que la réflexion a été bâclée.
Le Sénat aura profondément marqué le texte que nous allons voter dans un instant. Je suis heureuse que des mesures spécifiques aient été adoptées pour préserver les droits des personnes les plus fragiles, qui méritaient qu’un traitement particulier leur soit réservé, au nom de la justice et de la solidarité nationale.
Nous pouvons en être heureux et nous ferons au mieux pour que ces acquis ne soient pas remis en cause par la commission mixte paritaire.
Je me réjouis aussi que le travail exploratoire de la MECSS, pour lequel nous devons remercier Christiane Demontès et Dominique Leclerc, nous ait conduits à ouvrir la voie d’une réflexion nationale sur une future réforme systémique de notre assurance vieillesse.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Il est évidemment impossible d’imaginer que la question des retraites puisse être réglée une fois pour toutes, quelle que soit la qualité des réformes entreprises.
Mme Nicole Bricq s’exclame.
Par nature, c’est un ouvrage qui doit être remis régulièrement sur le métier, dès lors qu’il évolue perpétuellement en fonction des facteurs démographiques, économiques et sociaux.
C’est donc faire preuve d’une véritable conscience politique, au sens le plus noble du terme, que de nous attacher déjà à réfléchir aux retraites de demain, …
… celles des générations futures, de nos jeunes que l’on sait inquiets et dont il faut conforter l’adhésion à notre pacte social.
J’adresse les remerciements de la commission aux présidents de séance : tous les vice-présidents ont apporté leur aide précieuse au bon déroulement de nos travaux auquel le président Gérard Larcher a lui-même largement contribué.
Je salue aussi l’engagement des membres du Gouvernement Éric Woerth et Georges Tron, qui ont, infatigablement et patiemment, répondu à toutes nos questions.
Je veux également dire toute mon admiration à M. le rapporteur, Dominique Leclerc, pour le travail considérable qu’il a conduit à son terme dans des conditions difficiles. Il est vraiment le seul à avoir été présent pendant les cent quarante heures de débat, après avoir participé aux quarante heures de réunion de la MECSS et aux trente heures de réunion de la commission. Il est incontestablement le sénateur spécialiste des retraites !
Qu’il trouve ici l’expression de notre profonde gratitude.
Je n’oublie pas, bien sûr, les collaborateurs de la commission. Avec ce cumul de textes en ce début de trimestre, ils fournissent un travail considérable, y compris la nuit et les week-ends.
Merci encore à chacun d’entre vous tous, membres du Gouvernement, élus et collaborateurs de la commission, d’avoir participé à ce grave débat.
Mmes et MM. les sénateurs du groupe UMP et de l’Union centriste se lèvent et applaudissent.
M. le président. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il n’est pas de ma fonction de me prononcer oralement sur le présent projet de loi et, rassurez-vous, je ne sortirai pas du cadre de cette fonction.
Sourires.
Je voudrais néanmoins ajouter des remerciements à ceux – nombreux – qui ont déjà été exprimés.
Ces remerciements s’adressent aux services des comptes rendus – analytique et intégral –, au service de la séance et, au-delà de ces équipes, à tout le personnel du Sénat.
Applaudissements
Plusieurs nuits de suite, nous avons terminé nos travaux à trois heures vingt du matin. Aujourd’hui, les journalistes nous font le grand honneur d’être présents, et nous avons donc tous rangé nos fauteuils roulants, nos appareils Sonotone et nos perfusions.
Rires. – Applaudissements sur les travées de l ’ UMP
Même si j’ai l’intuition – je serai surpris d’être démenti – que le vote qui va se dérouler ne sera pas unanime, peut-être pouvons-nous être unanimes, un court moment, pour remercier les services.
Nouveaux applaudissements
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 82 :
Nombre de votants339Nombre de suffrages exprimés330Majorité absolue des suffrages exprimés166Pour l’adoption177Contre 153Le Sénat a adopté.
Mmes et MM. les sénateurs du groupe UMP et de l’Union centriste se lèvent une nouvelle fois et applaudissent.
J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales m’a fait connaître qu’elle a d’ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu’elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d’une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réforme des retraites dont nous venons d’achever l’examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt-deux heures quinze.