Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes collègues vous l’ont dit, nous sommes amers d’avoir été muselés, censurés, sans possibilité de nous exprimer et de voter sur chacun des articles additionnels, alors que ce droit d’expression constitue l’essence même de notre mandat.
L’article 24 de la Constitution dispose en effet explicitement : « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques. ». Or, monsieur le ministre, c’est l’inverse qui se passe. Nous sommes en effet au regret de constater que c’est le Gouvernement qui contrôle l’action du Parlement !
Ce fait est particulièrement grave pour notre démocratie. C’est une insulte faite à nos concitoyens qui s’opposent fermement à votre réforme et dont nous nous faisons l’écho depuis trois semaines dans ce débat.
L’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen précise aussi que : « La Loi est l’expression de la volonté générale. » Nulle part il n’est mentionné que la loi est l’expression de la volonté du MEDEF et de l’UMP !
Or 70 % de nos concitoyens sont opposés à votre réforme des retraites. La volonté générale, c’est eux et personne d’autre ! Votre acharnement est méprisant. Il ne tiendra qu’à vous de répondre à la colère de nos concitoyens qui se sont engagés à poursuivre leur mobilisation.
Les prétendues concessions que vous avez faites ne sont que poudre aux yeux, notamment celles que vous croyez avoir faites en faveur des femmes. En effet, les femmes perçoivent en moyenne 825 euros par mois de retraite et, à la fin de 2007, 70 % des retraités du régime général qui percevaient le minimum contributif étaient des femmes ! Malheureusement, cette tendance ne fait que se confirmer et va encore s’aggraver avec votre réforme.
Moins de la moitié des femmes valident une carrière complète. En effet, elles sont plus nombreuses que les hommes à interrompre leur carrière. Aujourd’hui, seulement 1, 5 % des pères cessent leur emploi ou réduisent leur activité professionnelle après la naissance d’un enfant, contre 35 % des mères.
À cela s’ajoute le fait que, lorsqu’elles travaillent, les femmes perçoivent des salaires inférieurs de 27 % à ceux des hommes. En outre, leurs conditions de travail sont parmi les plus précaires. Elles sont les premières titulaires de CDD, de contrats aidés et de temps partiel subi. Huit travailleurs précaires sur dix sont des femmes. Ce sont encore les femmes qui, arrivées à l’âge de 65 ans, âge actuel de la retraite sans décote, ont une durée moyenne sans emploi de vingt ans.
Face à ces injustices, et pour répondre à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, vous avez cru trouver la parade grâce à un beau tour de passe-passe de l’Élysée. Mais, à l’image de la grande majorité des Français, dont 70% sont opposés à cette réforme, nous ne sommes pas dupes. Le Gouvernement ne fait pas un geste en faveur des femmes. Il n’en fait un qu’en faveur des mères de famille, mais seulement certaines d’entre elles, et des femmes handicapées, mais, là encore, certaines d’entre elles uniquement. En d’autres termes, le Gouvernement fait l’aumône, car – et fort heureusement ! – toutes les femmes ne sont pas handicapées et ne sont pas non plus toutes mères de familles.
Si ces dispositions étaient nécessaires, elles sont donc bien loin d’être suffisantes. Elles n’ont été proposées que par pur souci d’affichage, pour permettre de diffuser dans les quotidiens gratuits la propagande gouvernementale sur le bien-fondé d’une réforme qui serait juste pour les femmes. Mais seules les mères de famille qui ont trois enfants et qui sont nées entre 1951 et 1955 seront peut-être rassurées. Que proposez-vous aux autres, c’est-à-dire à la grande majorité d’entre elles, celles qui n’ont pas eu d’enfant et celles qui n’en ont pas eu trois ? Rien d’autre qu’une retraite minable. C’est tout simplement scandaleux !
C’est l’une des très nombreuses raisons pour lesquelles nous ne voterons pas les amendements portant articles additionnels qui ont été retenus – sélectionnés, devrais-je dire – par le Gouvernement.