Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 22 octobre 2010 à 14h30
Réforme des retraites — Vote sur l'ensemble

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

Monsieur le ministre, les Français et l’ensemble de la classe politique, de droite comme de gauche, sont convaincus de la nécessité de réformer notre système de retraite. Quand on veut changer la donne, c’est bien la première condition de la réussite. Cette chance vous a été offerte, mais vous n’avez pas su la saisir.

Pourtant, il aurait suffi de prendre le temps de l’écoute, du dialogue, de l’échange pour passer du diagnostic partagé aux propositions négociées. Il aurait suffi de prendre la mesure des principes qui fondent notre pacte national et du rôle qu’ils jouent en matière de cohésion sociale pour passer d’un simple état des lieux à de nouvelles perspectives.

Nul ne prétend que la discussion aurait pu être facile, nul ne dit que le parcours n’aurait pas été houleux, mais il en serait ressorti quelque chose d’unique, l’un de ces moments de l’histoire où la politique prend tout son sens.

Voilà ce que vous auriez pu faire !

Mais Nicolas Sarkozy n’aime et ne connaît que le conflit. Pour lui, il est plus important d’imposer un choix que de le faire partager. Il préfère les coups de menton aux mains tendues, les bras de fer aux manches relevées. Au lieu de travailler au changement, il exige la soumission.

Résultat ? Une réforme des retraites qui cumule injustice, inefficacité et irresponsabilité, une réforme qui suscite le rejet de la rue, non par ignorance, mais en toute connaissance de cause : les Français savent ce qui les attend !

Sans politique d’emploi appropriée, le recul de l’âge de départ à la retraite n’aboutira qu’à créer de nouveaux chômeurs. Ce constat ne relève pas de l’extrapolation. En effet, si les gens quittent le marché du travail à 58 ans, alors qu’ils ne font valoir leurs droits à la retraite qu’à 61 ans, c’est bien parce qu’ils sortent du travail non par la retraite, mais par le chômage, le licenciement, la maladie.

En reculant cette échéance, c’est à leur dignité que vous allez porter atteinte. En faisant passer de 65 ans à 67 ans l’âge de la retraite sans décote, c’est la précarité des plus faibles que vous allez encore accroître.

Si votre projet de loi n’omet pas de parler de pénibilité, c’est pour retirer, en définitive, toute substance à cette notion. À la pénibilité, vous avez préféré l’invalidité. Les raisons de ce choix ? L’allégement de la responsabilité de l’entreprise et la diminution drastique du nombre de personnes concernées.

Au lieu d’investir sur ces vrais acteurs de santé publique que pourraient être les médecins du travail, ce texte a tout d’une épitaphe. En effet, ceux-ci perdent toute indépendance, et la médecine du travail devient une médecine au service de l’employeur, destinée à l’exonérer de toute responsabilité.

Quant aux injustices que subissent les femmes dans le monde professionnel – temps partiels, salaires moindres, carrières écornées –, vous avez réussi à les creuser encore au moment de leur retraite. Grâce à vous, les écarts de pension entre les hommes et les femmes devraient encore s’accroître et la précarité des femmes, s’accentuer. Était-ce vraiment nécessaire ?

Dans un monde du travail qui exclut les jeunes, les femmes et les seniors, avoir fait de l’augmentation de la durée de cotisation votre unique piste de réforme aboutit à miser avec cynisme sur la multiplication des carrières incomplètes afin de désengager l’État de sa mission de solidarité et l’entreprise de sa responsabilité.

Votre véritable objectif est non pas de maintenir le niveau des pensions, mais d’exclure le maximum de personnes de la retraite à taux plein : une démarche encensée par les assureurs privés, qui voient s’ouvrir à eux un marché juteux.

Des propositions, le groupe socialiste vous en a fait. Vous n’avez même pas daigné les considérer. Nous avons rappelé que l’injustice alimentait la révolte, vous avez ricané. Quand les Français sont massivement descendus dans la rue, vous les avez méprisés.

Le goût du conflit et l’indifférence à la justice ne font pas une politique, encore moins une réforme. Voilà des raisons supplémentaires pour que le groupe socialiste vote contre ce projet de loi.

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