Intervention de Bariza Khiari

Réunion du 22 octobre 2010 à 14h30
Réforme des retraites — Vote sur l'ensemble

Photo de Bariza KhiariBariza Khiari :

La réponse est malheureusement « non ».

En effet, depuis le début, vous refusez d’entendre tout message, je dis bien : tout message.

Vous avez refusé d’écouter les syndicats, indispensables corps intermédiaires. Vous avez caricaturé les propositions de l’opposition. Vous refusez d’entendre la voix des manifestants et des grévistes. Vous refusez de prendre en compte l’opinion des Français qui, sondage après sondage, expriment un refus, à des niveaux sans précédent, de votre projet.

Et, depuis trois semaines, vous refusez d’entendre les sénateurs de l’opposition. Avec le vote bloqué, vous voulez mettre aussi au pas les parlementaires.

Un long débat a certes eu lieu, mais aucun dialogue ne s’est instauré. Vous auriez pu, vous auriez dû mettre les projets, tous les projets, sur la place publique et les comparer. Au lieu de quoi vous avez esquivé les grands enjeux, en les évacuant en séance de nuit ou en modifiant sans cesse l’ordre du jour. Ces petites manœuvres et petites procédures ne sont franchement pas dignes du Sénat, du Parlement, ni de l’attente des Français.

La mise en place du vote unique restera comme la caricature de votre comportement. Rappelons-nous : M. Woerth nous expliquait hier que les articles de son projet de loi étant adoptés, il n’y avait plus rien à discuter : « circulez, il n’y a plus rien à voir ! »

Vous avez décidé de ne pas écouter nos propositions pour un autre financement, pour une réforme juste, pour une réforme efficace, pour une réelle prise en compte des situations des jeunes en stage, des mères de familles, des personnes handicapées, pour une prise en compte de la pénibilité, etc.

Mais, comme l’a dit notre collègue Évelyne Didier, les Français l’ont entendu. Malgré vous, nous avons gagné ce combat, car les Français savent désormais qu’une autre réforme est possible. Ils ne sont pas dupes, car, comme par hasard, au moment où viennent en débat nos amendements qui proposent un autre modèle et un autre mode de financement, vous mettez un terme au débat en humiliant le Sénat.

Cela laissera durablement des traces parce que des engagements ont été pris et qu’ils n’ont pas été tenus.

Plus grave, vous nous reprochez de ne pas avoir d’idées, lorsque nos idées viennent en débat, vous arrêtez le débat.

À nos yeux, le Parlement est autre chose qu’une chambre d’enregistrement, qui accepte les manœuvres et les procédures dictées par un Président de la République exaspéré, impatient, par un Président de la République qui tape du pied, et aussi par un exécutif qui manque de sérénité face à une situation qu’il ne maîtrise plus.

Mais, plus largement, c’est une occasion ratée pour sortir de la situation difficile dans laquelle le Président de la République a conduit le pays.

Cette réforme, injuste, inefficace et régressive a été vécue par les Français comme une synthèse de la politique menée depuis 2007. Après le bouclier fiscal, la loi TEPA, les aides aux banques sans contreparties, les nouvelles niches fiscales, ce projet a été vécu comme l’agression de trop. Car, encore une fois, cette loi épargne les plus aisés et frappe d’abord les plus faibles.

Votre réforme est injuste parce qu’elle met à contribution les seuls salariés. Les revenus du capital sont eux, encore une fois, à l’abri.

Votre réforme est injuste parce qu’elle frappe d’abord les salariés les plus fragiles. Je pense notamment à ceux qui ont commencé à travailler très tôt et qui, demain, arrêteront encore plus tard. Je pense aussi à celles qui ont connu des parcours précaires, qui subissent le temps partiel et les horaires fractionnées, celles qui ont subi les aléas de l’existence, comme l’a si bien dit notre collègue du groupe CRC-SPG.

Tous, ils ne méritent pas d’être pénalisés une nouvelle fois lorsque l’âge de la retraite arrive pour eux... Le double passage de 60 à 62 ans et de 65 à 67 ans signifiera pour beaucoup une vie de « galères ».

Nous vous le redisons : écoutez-nous, écoutez les Français. Il est encore temps d’éviter la surenchère, le blocage et la division. La France a besoin d’être tirée vers le haut, d’être rassemblée. Elle a besoin de se mettre au niveau d’une grande démocratie parlementaire, où il n’est pas de grande réforme sans concertation et sans recherche de l’unité.

Parce qu’il s’agit d’une occasion ratée et parce que votre projet est injuste, nous ne le voterons pas.

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