Monsieur le ministre, vous ne pouvez ignorer que le projet de loi que vous vous apprêtez à faire voter repose sur une hypothèse macroéconomique irréaliste. Vous savez que vous serez amené, face à la faiblesse de la croissance, à réviser vos chiffres à la baisse et, malheureusement, ceux du chômage à la hausse.
Vous savez aussi que vous avez fait un choix de court terme. Vous l’avez fait sous la pression des marchés financiers et des agences de notation. Vous avez ainsi fermé la porte de l’avenir aux jeunes générations.
Bien sûr, vous allez très bientôt être amené à puiser dans le Fonds de réserve pour les retraites et ce sera une très mauvaise opération financière pour le pays. En effet, si vous aviez renoncé à entamer ce fonds avant le terme prévu, c’est-à-dire en 2020, vous auriez engrangé des revenus qui auraient pu être supérieurs au coût de la dette sociale.
Au-delà, je pense qu’il s’agit là de votre part, monsieur le ministre, d’un acte politique, voire idéologique. Il vous fallait absolument, comme la droite s’y emploie consciencieusement depuis 2002, effacer une mesure prise par le gouvernement de gauche de Lionel Jospin.
Par ailleurs, vous avez usé d’une stratégie dont on a bien vu qu’elle était décidée ailleurs. Le groupe UMP n’en était même pas maître ! Cette stratégie devait à toute force s’intégrer dans les séquences de communication du Président de la République. C’est ainsi que vous avez consenti, dans la nuit de mercredi à jeudi, vers deux heures du matin, à vous engager à partir de 2013 dans la voie d’une réforme systémique. C’était bien l’aveu que la réforme que vous proposez depuis le début de la discussion n’était pas celle qu’il fallait au pays.
Pendant longtemps au Théâtre français, à la fin de la pièce, un comédien s’avançait et disait, souvent en latin du reste : « La pièce est dite. » Oui, la pièce est dite, votre texte va être voté, monsieur le ministre, mais vous savez bien qu’il ne s’agira là que d’un épilogue provisoire.
Tout à l'heure, M. Longuet a cru devoir suggérer l’idée d’une inexpérience que trahiraient les propositions de la gauche. Eh bien, j’ose le dire : quoi qu’il puisse penser de nos propositions, le combat va continuer, de manière pacifique, bien sûr, aussi bien ici, dans l’hémicycle, où nous nous retrouverons la semaine prochaine, que dans la rue, puisque deux nouvelles journées d’action sont programmées.
Nous avons également deux rendez-vous d’importance, car il va falloir trouver des recettes. Nous vous ferons encore des contre-propositions à partir du 8 novembre, ici même, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, de même que nous vous reparlerons des propositions fiscales que vous n’avez pas voulu écouter lorsque nous débattrons du projet de loi de finances, à partir du 18 novembre.
Enfin, l’ultime rendez-vous, c’est 2012, l’élection cardinale. Le suffrage universel sera notre juge de paix. Pour notre part, nous avons défendu ici les valeurs de la gauche. Vous avez défendu la vision à court terme de la droite. Nous en reparlerons en 2012 et le peuple saura choisir.