Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce qui s’est passé hier au Sénat ne s’inscrit pas dans la série des incidents habituels de la vie parlementaire. C’est beaucoup plus grave.
Face à l’ampleur de la contestation qui monte dans le pays et dont nous avons voulu nous faire ici les porte-parole au cours de ces dernières semaines, le Gouvernement, suivant la voix de son maître, a décidé de museler l’opposition.
Le mandat de Nicolas Sarkozy est ponctué de coups de force de l’exécutif contre le Parlement : qu’il s’agisse de la suppression du Défenseur des enfants, de la réforme de l’audiovisuel, de la réforme des collectivités locales ou de la réforme des retraites – et la liste n’est pas exhaustive –, le pouvoir personnel a systématiquement pris le pas sur la représentation populaire.
Aujourd’hui, vous passez au cran du dessus : vous envoyez les forces de police contre de jeunes lycéens, vous intervenez de façon violente dans les raffineries en grève, vous méprisez les mobilisations monstres qui agitent le pays depuis plusieurs semaines et vous bâillonnez l’opposition au cœur même d’une institution de la République.
Que cherchez-vous réellement en menant une telle politique ? Doit-on y voir une marque d’irresponsabilité et d’immaturité totale du pouvoir ou un mépris cynique de la démocratie et de la représentation populaire ? Sans doute les deux… En réalité, c’est surtout un aveu d’échec, car vous n’avez trouvé rien d’autre que la violence et la coercition pour imposer cette réforme impopulaire.
Malgré la censure que vous nous imposez, j’évoquerai une ultime fois le sort que vous réservez à la fonction publique dans cette réforme.
Vous avez diminué de 30 000 postes par an les effectifs de la fonction publique, créant ainsi des pénuries dramatiques dans bon nombre de secteurs, à tel point que les inspecteurs généraux de l’éducation nationale tirent la sonnette d’alarme, inquiets du manque cruel de professeurs dans les collèges et les lycées. Aujourd’hui, en guise de réponse à cette carence organisée, vous obligez les fonctionnaires à travailler deux ans de plus. Étonnez-vous ensuite que les lycéens défilent dans les rues !
Vous avez dérégulé, mis en concurrence, privatisé, amputé les services publics et gelé leurs crédits, à tel point que de nombreux secteurs n’arrivent plus à assurer leur mission auprès de la population. Comment les collectivités locales vont-elles pouvoir mener leurs politiques sociales alors que les budgets baissent et que les transferts de charges ne sont pas compensés ? Comment l’hôpital public va-t-il pouvoir continuer à soigner tous les citoyens, quels qu’ils soient et quels que soient leurs revenus, alors que vous l’avez dépouillé de ses moyens et mis en concurrence avec le privé ?
Enfin, vous avez gelé les salaires des fonctionnaires, si bien que leur pouvoir d’achat a baissé de plus de 9 % depuis 2000, baisse qui s’est accélérée ces dernières années. Aujourd’hui, avec cette réforme injuste et impopulaire, vous franchissez un pas supplémentaire en réduisant de nouveau le niveau de vie des fonctionnaires.
Pour légitimer cette politique, vous continuez de montrer du doigt une fonction publique prétendument privilégiée et invoquez pompeusement l’égalité et la justice pour indexer les cotisations de retraite de la fonction publique sur celles du privé. Cette manipulation n’a que trop duré !
Les inégalités en France s’expliquent non par un clivage pas entre la fonction publique et le secteur privé, mais par un partage entre revenus du capital et salaires de plus en plus défavorable à ces derniers. En la matière, ce qui guide le Gouvernement, ce ne sont plus les idéaux de justice et d’égalité, c’est la volonté de préserver les privilèges d’une classe qui ne recherche que l’accumulation des profits.
Au nom du groupe CRC-SPG, en mon nom propre, mais aussi au nom de tous les manifestants, de tous les grévistes et de tous ceux qui les soutiennent, je voterai contre cette réforme inique. §