Intervention de Bernard Vera

Réunion du 22 octobre 2010 à 14h30
Réforme des retraites — Vote sur l'ensemble

Photo de Bernard VeraBernard Vera :

Cette réforme des retraites est-elle financée ? Cette question a souvent été évoquée tout au long de nos débats, et comme les réponses apportées manquent pour le moins de clarté, je me permettrai de rappeler quelques points.

Le recul de l’âge de la retraite étant un recul social, il se matérialise par une économie d’un nouveau genre, qui consiste à réduire la dépense publique pour les retraites. Cela satisfait bien entendu tous ceux qui ont les yeux fixés sur la « ligne bleue » des comptes publics et qui pensent que moins de retraites, et donc moins de revenus pour les ménages, c’est moins de déficit !

Une autre économie vient la décote. Cette dernière va coûter singulièrement aux femmes salariées, dont on repousse encore la date de départ à la retraite et qui ne pourront pas réunir les 41, 5 années de cotisations induites par l’article 4. Cette décote va tasser le revenu des retraités et pensionnés et contraindre, là encore, à laisser perdurer dans notre législation sociale et fiscale des mesures d’aide aux personnes âgées qui engloutiront rapidement les pseudo-économies que vous aurez programmées.

Une troisième économie tient à la spéculation sur la mort que vous mettez en place avec cet allongement naturel de la vie professionnelle qui découlerait mécaniquement de l’augmentation de l’espérance de vie. Comme si les ouvriers, les employés ou les agriculteurs de notre pays avaient une espérance de vie aussi longue que celle des cadres ! Comme si l’usure des corps était sans effet sur la santé des individus§

Vous l’avez d’ailleurs en partie reconnu en proposant une prise en compte de l’incapacité ou de l’invalidité qui ne vise, en réalité, qu’à dispenser le patronat de continuer à verser des salaires à tous ceux qui ne sont plus suffisamment productifs.

Votre réforme confine d’ailleurs à l’inhumanité. C’est en effet la retraite des ouvriers morts avant l’âge contre la retraite chapeau légitimée de leur patron.

Le financement de cette réforme des retraites se fait d’abord et avant tout contre les salariés et les retraités : elle se traduit par plus de cotisations et moins de pensions ! Travailler plus et plus longtemps pour toucher moins et moins longtemps, voilà le nouveau slogan de Nicolas Sarkozy.

Les mesures de mise à contribution des revenus du capital et du patrimoine, annoncées pour la prochaine loi de finances, procèdent de l’anecdote et relèvent du pur affichage.

Lorsqu’on n’augmente pas le produit de l’impôt de solidarité sur la fortune, qu’on ne remet pas en cause l’exonération des plus-values des entreprises, qu’on ne touche pas à l’exonération des donations, on ne change rien aux profondes inégalités de patrimoine qui frappent notre pays.

Mais il est une dernière question qu’il convient de bien garder à l’esprit.

Les retraités constituent 20 % de la population française. Les dépenses de retraite, c’est-à-dire les pensions et retraites versées, constituent aujourd’hui 13, 5 % de la richesse nationale. Mes chers collègues, honnêtement, est-il juste ou injuste que la France n’accorde à ses retraités que le septième de la richesse nationale, alors qu’ils constituent le cinquième de la population ?

Plutôt que d’organiser la remise en cause de notre système par répartition au profit d’un régime par capitalisation, ne convient-il pas plutôt de se demander comment relever le niveau des retraites ? Car, depuis la réforme Balladur en 1993, l’indexation des pensions sur les prix gèle le pouvoir d’achat des retraités. Cela prive l’ensemble de l’économie d’un potentiel de croissance important, que la retraite à 60 ans avait d’ailleurs en grande partie dégagé.

Aussi, contrairement à une légende abondamment entretenue par tous les catastrophistes, nous ne souffrons pas en France d’une insuffisance structurelle de financement des retraites attribuée abusivement à l’allongement de la durée de vie. Nous souffrons surtout de l’existence de 3 millions de chômeurs, de 3 millions de travailleurs précaires et de près de 9 millions de bas salaires. C’est d’abord là qu’il faut voir la cause de l’assèchement des cotisations sociales.

Voilà les pistes de justice qu’il faudrait exploiter.

Messieurs les ministres, vous avez refusé tout débat sur nos propositions alternatives de financement des retraites. Vous refusez, dans ce projet de loi, de prendre les dispositions nécessaires pour garantir le droit à la retraite pour tous, à 60 ans et à taux plein.

Pour toutes ces raisons, je voterai résolument contre ce projet de loi. §

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