Comme le rappelait mon collègue Caffet, la méthode employée par le Gouvernement pour élaborer et faire adopter son projet de réforme des retraites n’est sans doute pas la meilleure puisqu’elle nous a conduits à la situation déplorable dans laquelle se trouve plongé notre pays depuis quelques semaines.
Pour parvenir à une réforme efficace sur un sujet aussi sensible et crucial que celui des retraites, il aurait fallu prendre au moins la peine et le temps de négocier avec les syndicats et ne pas se contenter d’une consultation formelle.
Les syndicats sont, dans leur totalité, en désaccord frontal – et durable – avec ce projet de loi et ils ont des propositions alternatives à mettre dans le débat. Ils sont soutenus par un large mouvement social, ainsi que par l’opinion publique. Dès lors, tout plaide pour la suspension de votre réforme. Il faudrait la reprendre là par où elle aurait dû commencer : dans une concertation avec les forces syndicales.
Force est de constater que le Gouvernement a refusé de suivre ce conseil de sagesse et de modération pour s’engager dans une épreuve de force à l’issue incertaine.
Le Gouvernement, par ailleurs, a trahi les engagements pris auprès des Français au plus haut niveau de l’État. La déclaration solennelle du Président de la République concernant le maintien de l’âge du départ à la retraite à 60 ans a été évoquée à de nombreuses reprises au cours de nos échanges.
Le Gouvernement, si prompt à rappeler, à chaque fois qu’est entreprise une réforme, que cette dernière figurait au programme de campagne du candidat Sarkozy, s’est bien gardé de commenter cette anomalie, alimentant encore la perte de confiance de nos concitoyens en la parole publique.
Certes, messieurs les ministres, vous avez invoqué la crise pour expliquer ce revirement. Mais alors pourquoi n’avez-vous pas, malgré la crise ou à cause d’elle, renoncé au bouclier fiscal ?
Enfin, les débats au Parlement n’ont pas été à la hauteur des enjeux. À l’Assemblée nationale, l’opposition parlementaire comme les non-inscrits ont été réduits au silence ; ici, en dépit de l’opiniâtreté de l’opposition sénatoriale, le Gouvernement a continué de se dérober devant le débat de fond que l’on était en droit d’attendre.
Monsieur le ministre, vous nous avez répété inlassablement qu’il n’y avait pas d’alternative, comme le martelait Mme Thatcher en son temps – « There is no alternative » –, selon une méthode qui lui avait si bien réussi et qui, jusqu’à présent, vous a si peu souri. En effet, si les Français, dans leur grande majorité, et l’ensemble des organisations syndicales sont convaincus qu’une réforme du système des retraites est nécessaire, le mouvement social que vous avez suscité et qu’ils soutiennent en réclame une autre, ce qui rend encore plus incompréhensible votre obstination.
Le fond de votre réforme est doublement critiquable, car injuste et inefficace.
En effet, il n’a pas échappé à la présidente de la CNAV, par ailleurs syndicaliste, Mme Danièle Karniewicz – et ce n’est pas une gauchiste ! –, que le financement de votre réforme n’était pas assuré. Nous l’avons déjà souligné, mais il n’est pas inutile de le répéter.
Si les 15 milliards d’euros qui restent à financer à l’horizon 2020 y sont pudiquement qualifiés de « contribution nette de l’État », il n’en demeure pas moins que le recours à l’endettement ne suffira pas à assurer la pérennité de notre système de retraite par répartition.
Contrairement à ce qu’a pu déclarer le Président de la République, en l’état actuel de cette réforme, nos concitoyens ont toutes les raisons de se dire qu’ils ont des soucis à se faire pour leur avenir. D’ailleurs, la tournure que prend le mouvement social indique bien qu’ils sont plus inquiets que jamais.
Rien dans cette réforme n’est satisfaisant ! Non seulement elle ne permettra pas de sauver notre système de retraite par répartition, mais elle frappe les salariés les plus fragiles, les seniors, les femmes, les jeunes diplômés, les précaires, ceux qui exercent un métier pénible, tout en épargnant les privilégiés.
Les quelques mesures consenties par le Gouvernement et votées par le Sénat n’en changent ni la teneur injuste ni l’inefficacité ! C’est pourquoi, comme l’ensemble de mes collègues du groupe CRC-SPG, je voterai contre ce projet de loi.