Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 22 octobre 2010 à 14h30
Réforme des retraites — Vote sur l'ensemble

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Le 5 octobre, devant notre assemblée, monsieur le ministre, vous déclariez que, « grâce à ce texte, le dialogue social pourra gagner en légitimité et en efficacité ». La réalité est malheureusement tout autre !

Le mouvement social contre votre réforme s’amplifie, comme l’a rappelé Guy Fischer et, en réponse, vous durcissez la répression ! Ces méthodes exacerbent un peu plus le conflit social qui s’est installé dans notre pays : encore ce matin, vous avez eu recours à la réquisition pour briser la grève.

Vous aviez aussi assuré, monsieur le ministre, que le débat devant le Sénat ne serait pas écourté, que vous laisseriez le temps à l’opposition d’exprimer ses positions. Là encore, la réalité est tout autre.

Tout d’abord, vous avez décidé d’engager la procédure accélérée, qui ne permet qu’une lecture devant chaque chambre et réduit considérablement le débat. Ensuite, vous avez demandé l’examen en priorité des articles 4, 5 et 6, les plus emblématiques du projet de loi, espérant ainsi arrêter les manifestations dans le pays. Enfin, vous avez multiplié les séances de nuit, au risque d’épuiser les orateurs.

L’organisation de nos débats n’est vraiment pas respectueuse du travail parlementaire : suspensions de séance, absence de quorum, scrutins publics… Tout cela donne une bien mauvaise image du Parlement, et c’est uniquement de votre fait ! Sans compter le renvoi de la discussion de tous les articles additionnels à la fin de l’examen du projet de loi. Autrement dit, on renvoie à la fin, en vote bloqué, le débat sur les propositions censées offrir des solutions de rechange à votre projet : car c’est bien ce débat qui n’a pas eu lieu !

L’objectif, on le sait, était de limiter une nouvelle fois l’expression des voix divergentes au sein de cette assemblée : vous vouliez à tout prix accréditer l’idée qu’une seule solution est possible. Mais vous avez échoué !

Même s’il est prévu par la Constitution, le recours à la procédure du vote unique aboutit à une confiscation du pouvoir législatif par le pouvoir exécutif.

Un certain nombre de propositions, émanant de la gauche comme de la droite, qui méritaient d’être discutées ont été écartées – la totalité des nôtres, bien entendu ! – par le Gouvernement qui a choisi seul les amendements à retenir et ceux à rejeter.

Je pense, par exemple, aux propositions que nous voulions défendre concernant les groupements agricoles d’exploitation en commun, les GAEC : il aurait été intéressant que nous puissions exposer nos positions sur cette question. En ce qui concerne les effets de la réforme sur les retraites agricoles, je voudrais d’ailleurs souligner encore une fois que le monde agricole est meurtri et qu’il sortira davantage affaibli de la réforme des retraites.

La réflexion sur les retraites ne peut être menée en la déconnectant de la question du travail et de la rémunération. Comment pouvez-vous demander aux exploitants et aux salariés agricoles de travailler plus, plus longtemps, pour avoir droit à une retraite, alors que la plupart d’entre eux connaissent des difficultés économiques sans précédent. La pénibilité des activités de ce secteur, qui n’est plus à démontrer, l’augmentation des maladies graves liées à l’exercice des métiers agricoles, l’absence de prise en compte de certaines carrières et, notamment, de celle du conjoint, font des professionnels de l’agriculture les symboles de l’injustice de votre réforme.

Monsieur le ministre, ce projet de loi portant réforme des retraites sonne le glas du système par répartition : contrairement à vos affirmations, il anéantit la solidarité intergénérationnelle. La politique conduite par le Gouvernement est non seulement inefficace du point de vue du financement, mais elle est inacceptable au regard de l’intérêt général.

Le vote auquel nous procédons aujourd’hui ne constitue pas la fin du débat, bien au contraire ! Il n’est que l’une des expressions de l’opposition de la grande majorité des Français – je devrais plutôt dire la grande majorité des gens de ce pays – à la réforme des retraites, telle que vous la proposez.

Les sénateurs du groupe CRC-SPG voteront évidemment contre ce texte et ils se battront aux côtés de tous les Français pour défendre une réforme plus juste.

Ce soir, mes chers collègues, le MEDEF est heureux ! Il a été particulièrement discret ces dernières semaines, mais cela se comprend : il n’avait plus besoin d’intervenir puisqu’il a inspiré cette réforme, tout le monde en est parfaitement conscient ! §

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