Monsieur le ministre, depuis trois semaines, j’ai l’impression que nous sommes dans un vaste théâtre, avec des scènes qui se déroulent, un peu de Beaumarchais, beaucoup de Pirandello, des phases dramatiques, quelques phases comiques. C’est aussi parfois un théâtre d’ombres. Ceux qui sont sur scène ou sur l’avant-scène ne sont pas les véritables acteurs, ces derniers étant derrière le rideau. On parle du MEDEF, mais il y en a d’autres, dans les hautes sphères de notre République : des conseillers du Prince, et le Prince lui-même.
Quant à nous, nous avons suivi un autre scénario. Il me fait penser à une œuvre de Dostoïevski, La confession de Stavroguine : dans une grande salle où toute la cour est rassemblée, le souverain somnole quelque peu, quand le personnage principal vient pincer l’oreille du souverain pour qu’il ouvre son regard sur le monde.
C’est un peu ce que nous avons voulu faire, afin que vous regardiez ce qu’il y a ailleurs, hors du cercle de vos conseillers, de vos amis, de vos fréquentations, hors de vos habitudes.
Vous nous avez dit, avec constance d’ailleurs, pendant plusieurs semaines, que vous vouliez sauver ce principe qui guide notre système de retraites : la répartition. Sauver la répartition… Péché d’orgueil ! Croyez bien que nous ne relâcherons pas notre vigilance !
Vous nous avez dit aussi qu’il n’y avait qu’une seule voie possible, une seule voie qui soit bonne : autre péché d’orgueil ! Il faut se méfier des seules voies possibles. Elles nous ont souvent, au cours de l’histoire, ici ou ailleurs, conduits dans des impasses et nous l’avons chèrement payé.
Les manifestations monstres par lesquelles le peuple nous a constamment, d’une certaine façon, imposé sa présence ici – vous les avez sans doute vues vous-mêmes, sinon par vos fenêtres, au moins par la petite lucarne –…