Intervention de Georges Tron

Réunion du 22 octobre 2010 à 22h15
Limite d'âge des magistrats de l'ordre judiciaire — Adoption d'un projet de loi organique en procédure accélérée

Georges Tron, secrétaire d'État :

Tout d’abord, je vous remercie sincèrement de nouveau, mesdames, messieurs les sénateurs, de votre présence.

Madame Mathon-Poinat, je note que vous avez été l’une des intervenantes les plus fidèles dans le débat portant sur la réforme des retraites et que vous êtes encore là ce soir. Je vous remercie de votre constance, à la fois dans la participation aux débats et dans la discussion.

Cela dit, vous venez de reprendre les mêmes arguments que ceux que vous aviez avancés précédemment ; nous les avons donc déjà entendus. Vous ne vous étonnerez pas que je sois de nouveau en désaccord avec vous. Heureusement, je suis cohérent moi-même !

Il n’y a pas eu de concertation, avez-vous dit. Tel n’est absolument pas le cas. Ainsi, Éric Woerth et moi-même avons reçu toutes les organisations syndicales concernées pendant trois mois et de façon pérenne. Pour ma part, je me suis penché sur la fonction publique tandis que Michèle Alliot-Marie s’est occupée du problème plus spécifique des magistrats.

Les syndicats auraient découvert de façon incidente ce nécessaire projet de loi organique. Mais ils sont trop avertis pour ignorer qu’une loi spécifique est indispensable pour modifier le statut des magistrats de l’ordre judiciaire.

Vous avez posé des questions propres à la fonction publique. Je ne répéterai pas les explications que j’ai fournies durant le débat précédent. Je peux comprendre que vous ne partagiez pas mon point de vue, mais je crois sincèrement que nous avons eu le souci d’éviter toute vision dogmatique et stigmatisante de la fonction publique.

Je suis en mesure de justifier de nouveau toutes les dispositions que M. Tuheiava et vous-même avez évoquées.

Par exemple, pourquoi porter le taux de cotisation des magistrats de 7, 85 % à 10, 55 % ? Nous avons pris le parti de ne pas remettre en cause la référence aux six derniers mois dans la fonction publique au regard des vingt-cinq meilleures années dans le secteur privé. La raison est simple : les pensions servies atteindront approximativement le même niveau. Je n’insisterai pas sur ce point.

Quant à savoir si le coût d’acquisition de ces pensions est le même, je réponds par la négative. J’ai noté au cours du débat que plusieurs orateurs avaient entendu les arguments que nous avions développés.

La comparaison devait-elle être effectuée uniquement entre le taux de base du secteur privé, environ 6 %, et le taux intégré de 7, 85 % de la fonction publique ? Il a paru nécessaire de prendre également en compte le taux des complémentaires obligatoires du secteur privé. C’est la raison pour laquelle nous avons procédé à un alignement qui, vous le savez, sera étalé sur une période longue, dix années. L’augmentation moyenne de cotisation s’élèvera à 6 euros par an. Objectivement, nous avons choisi une hausse progressive qui sera absorbée par l’évolution du pouvoir d’achat.

Comme je l’ai fait au cours du débat sur le projet de loi portant réforme des retraites, je tiens à votre disposition, mesdames, messieurs les sénateurs, les données en ma possession, notamment celles qui sont relatives à l’augmentation du pouvoir d’achat dans la fonction publique sur les dix dernières années. Celle-ci a été constante et supérieure à 0, 5 %, hormis pendant la seule année « blanche ».

Madame Mathon-Poinat, une nouvelle fois, j’assume complètement l’ajustement des règles entre le secteur public et le secteur privé auquel nous avons décidé de procéder dans la réforme des retraites. Tel est le cas, comme je viens de le confirmer, pour le taux de cotisation. Je ne développerai pas les deux autres mesures phares – vous ne les avez pas évoquées – que sont l’ajustement de l’attribution du minimum garanti sur celle du minimum contributif et l’ajustement de la règle appliquée aux mères ayant quinze ans de service, trois enfants et au moins deux mois d’interruption d’activité pour tenir compte de la spécificité de leur situation.

S’agissant, maintenant, du vieillissement de la magistrature, également évoqué, permettez-moi de répéter les propos tenus au cours de la discussion générale du projet de loi portant réforme des retraites. Le raisonnement selon lequel la poursuite de leur activité par un plus grand nombre de seniors pénaliserait les jeunes est faux pour la magistrature comme pour l’ensemble des secteurs public et privé. Toutes les statistiques le démontrent, cette philosophie du partage du travail qui inspire une grande partie de la gauche – on l’a déjà vu à propos des 35 heures – est totalement démentie par les faits.

Les chiffres, que vous connaissez aussi bien que moi, démontrent que dans les pays scandinaves en général, la Suède par exemple, ou encore en Allemagne, un taux élevé de seniors en activité s’accompagne d’un taux de jeunes en activité d’autant plus élevé. La France a la particularité d’avoir les deux taux les plus bas qui soient.

Bien que ce raisonnement, faux au demeurant, soit ancré dans les esprits, pour la magistrature comme pour les autres secteurs, je voudrais vraiment vous convaincre de vous en débarrasser.

En effet, il n’y a aucune raison de continuer à penser que si des magistrats travaillaient plus longtemps, les étudiants sortant de l’École nationale de la magistrature ou les agents accédant à ce corps par des voies de mobilité diverses seraient moins nombreux à entrer dans la magistrature.

Enfin, vous avez évoqué les régimes privés. Ce faisant, vous faites une nouvelle fois preuve de constance. Mais c’est une qualité que je vous reconnais, croyez-le bien !

Madame la sénatrice, nous ne sommes nullement dans une logique qui aurait pour conséquence le développement des régimes privés. Je crois profondément l’inverse : notre logique consiste, au contraire, à rétablir le financement des retraites.

Au cours des trois semaines de débat sur la réforme des retraites, je vous assure que ma conviction s’est renforcée : en réalité, la meilleure façon d’éviter ce que vous craignez, c’est justement de sauver le système par répartition. Et la meilleure façon de sauver le système par répartition, c’est bien de jouer sur les curseurs d’âge. C’est ma conviction personnelle. D’ailleurs, les quelques interrogations que je me pose sur des systèmes alternatifs seront abordées par le rapport que nous avons décidé d’établir à partir de 2014.

Le jour où nous ne parviendrons plus à un financement équilibré du régime de retraite pour cause d’effondrement des curseurs de la durée de cotisation ou de l’âge d’ouverture des droits, votre inquiétude au sujet de dispositifs que vous avez fustigés sera justifiée. Mais, précisément, nous faisons tout pour l’éviter.

Quoi qu’il en soit, madame la sénatrice, je ne prétends pas répondre à toutes vos demandes ni vous convaincre, mais sachez que j’ai apprécié de retrouver ce soir, et sans surprise, dans vos propos les points que vous avez évoqués au cours de ces trois dernières semaines avec constance et détermination.

Monsieur Tropeano, permettez-moi de m’inscrire en faux contre certaines analyses que vous avez développées.

Bien évidemment, je ne vous fais pas grief de votre hostilité à l’égard du présent projet de loi organique, qui est l’exacte transposition à la magistrature du texte dont nous venons de débattre durant trois semaines au Sénat, deux semaines à l’Assemblée nationale, et cinq ou six mois avec les partenaires sociaux. Au demeurant, vous affirmeriez ce soir l’inverse de ce que vous avez dit collectivement, je serais inquiet ! Vous m’avez donc plutôt rassuré.

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