Intervention de Christian Cointat

Réunion du 22 octobre 2010 à 22h15
Département de mayotte — Adoption d'un projet de loi organique et d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Christian CointatChristian Cointat, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà environ cent soixante-dix ans, Mayotte demandait à la France de devenir française : la France a dit « oui » ! Mayotte demandait à la France de la protéger, tout particulièrement de la convoitise de ses voisins : la France a dit « oui » !

Voilà environ trente-cinq ans, alors que ses voisins aspiraient à l’indépendance, Mayotte demandait à la France à rester française : la France a dit « oui » !

Voilà environ dix ans, Mayotte demandait expressément à la France à devenir département : la France a dit « oui » !

Ainsi, depuis que le drapeau tricolore flotte sur Mayotte, c’est-à-dire depuis plus longtemps qu’il ne flotte sur la Savoie et Nice, par exemple, Mayotte n’a jamais cessé d’affirmer et de réaffirmer sa volonté d’être française, et ce à part entière. Cela mérite le respect et notre profonde affection.

Le récent referendum qui s’est déroulé à Mayotte le 29 mars 2009 a confirmé, s’il en était besoin, ce profond désir de « francité » : plus de 95 % de votes favorables à la départementalisation.

Il faut rappeler que ce souhait de départementalisation ne date pas d’hier. Exprimé dès la fin de 1958 par les quatre députés territoriaux mahorais, à l’époque noyés dans l’ensemble comorien, il a été renouvelé lors des consultations de la population en 1976.

Ainsi peut-on constater la constance non seulement de nos compatriotes mahorais, mais aussi de la France, autrement dit de l’État qui, malgré les contraintes de toutes natures, a toujours répondu aux vœux de la population de Mayotte, donnant ainsi tout son sens à ce principe fondamental, pourtant trop souvent oublié dans notre pays, de « confiance légitime ».

Les projets de loi organique et ordinaire qui nous sont présentés, mes chers collègues, ont ainsi pour objet de rendre effective cette départementalisation formellement et solennellement affirmée dans la loi du 3 août 2009.

Les dispositions de ces deux textes sont, pour l’essentiel, de nature technique. Elles visent à permettre le passage du statut de collectivité d’outre-mer, relevant de l’article 74 de la Constitution, à celui de département d’outre-mer, régi par l’article 73 du même texte.

La tâche n’était pas facile compte tenu des profondes différences qui existent entre les spécificités locales, qu’elles soient sociales, culturelles ou religieuses, et les standards de métropole ou des départements ultramarins. Passer du droit local au droit commun n’est pas une mince affaire et demande une approche aussi stricte que sérieuse.

Parallèlement, il faut le souligner, cela suppose un effort particulièrement substantiel de la part des Mahorais, et des modifications comportementales considérables, qu’ils ont acceptées en toute connaissance de cause et qui ne sont pas mineures. Que l’on en juge : refonte de l’état civil avec nom et prénoms remplaçant les vocables traditionnels, mise en place d’un cadastre, évaluation des parcelles, adressage, abandon de la justice cadiale, de la polygamie…

La conduite à leur terme de l’ensemble de ces réformes, qui sont déjà largement engagées, est une condition sine qua non préalable à la départementalisation. C’est la raison pour laquelle les projets de loi organique et ordinaire prévoient, sur le plan pratique, une certaine progressivité entre 2011, date de la départementalisation officielle, et 2014, date du basculement vers le droit commun en matière fiscale.

Mme la ministre nous a présenté les différents éléments de ces deux projets de loi organique et ordinaire. Je ne m’y attarderai donc pas, me limitant simplement à en retracer brièvement les points forts.

Les finalités du projet de loi organique sont les suivantes : appliquer à Mayotte les dispositions organiques de droit commun, notamment en ce qui concerne le référendum local, l’autonomie financière et l’habilitation à intervenir dans le domaine de la loi et du règlement ; abroger les dispositions relevant de l’article 74 de la Constitution puisque ce sera désormais l’article 73, relatif aux départements, qui servira de référence ; intégrer Mayotte dans le droit commun électoral et réduire à trois ans la durée du mandat des conseillers généraux qui seront élus en 2011, afin de permettre un renouvellement complet pour six ans du conseil général en 2014 ; reporter au 1er janvier 2014 l’entrée en vigueur du code général des impôts.

Les finalités du projet de loi ordinaire sont les suivantes : mettre en place le département et la région de Mayotte avec une collectivité unique, préfigurant ainsi l’évolution souhaitée par la Martinique et la Guyane – Mayotte sera donc un précurseur ; créer un comité local d’évaluation des charges liées aux transferts de compétences ; fusionner les deux conseils consultatifs locaux que sont le conseil économique et social, d’une part, le conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement, d’autre part ; instaurer avant le 31 décembre 2013 un fonds de développement pour accompagner la départementalisation ; créer une chambre régionale des comptes… Il s’agit de prendre toutes les dispositions nécessaires pour que Mayotte devienne un département.

Il est également prévu de ratifier toute une série d’ordonnances, ainsi que de donner des habilitations au Gouvernement pour rapprocher du droit commun la législation relative à Mayotte.

À ce propos, il est toujours tentant d’utiliser un véhicule législatif relatif à l’outre-mer pour ratifier des ordonnances qui n’ont strictement aucun rapport avec la collectivité ou le département en cause. Il serait peut-être souhaitable à l’avenir, madame la ministre, d’avoir le courage de ne pas mélanger les projets de loi de ratification à d’autres textes, ce qui ne fait que « polluer » d’une façon un peu gênante leur qualité intrinsèque. Certaines collectivités n’ont aucun rapport, si ce n’est d’être françaises, avec la collectivité concernée par le texte. J’exprime donc le vœu que les projets de loi soient élaborés d’une manière plus rationnelle et plus claire.

La marche vers une transformation à l’échelon européen du statut de Mayotte, de pays et territoire d’outre mer en région ultrapériphérique, est amorcée, et l’on peut s’en féliciter.

La commission des lois a retenu l’essentiel de ces dispositions qu’elle vous propose d’adopter. Le dépôt d’une longue série d’amendements d’ordre rédactionnel à des fins de clarification mis à part, elle a procédé à quelques aménagements, que je me permets de préciser brièvement.

Elle propose d’avancer la mise en place du fonds de développement avant la fin de 2011 et non pas de 2013, car c’est dès le basculement de la collectivité en département que cet instrument sera le plus nécessaire. Mme la ministre a déjà répondu à ce sujet, et je l’en remercie vivement.

La commission vous propose également d’élargir les compétences du comité local d’évaluation des charges en prenant en compte la création comme l’extension de compétences.

Elle estime également souhaitable de conserver, pour l’instant, les deux conseils consultatifs locaux. En effet, ceux-ci existent non seulement à Mayotte, mais également dans les départements d’outre-mer. Il n’est donc pas urgent de les fusionner. C’est plutôt dans un cadre global, touchant l’ensemble des départements d’outre-mer qu’il convient de réaliser cette réforme, à laquelle la commission n’est d’ailleurs pas opposée, au contraire ! Rien ne justifie de se limiter à Mayotte. Certes, nous le savons, Mayotte sera la première à devenir département et région sous forme d’une collectivité unique, mais cette démarche est également engagée pour d’autres départements d’outre-mer.

Enfin, la commission des lois, toujours dans le souci d’aligner Mayotte sur le droit commun, estime que, à l’instar des autres départements d’outre-mer, l’octroi de mer doit être introduit dans les ressources du département. Si l’on veut que ce dernier réussisse son développement économique, encore faut-il lui permettre de disposer des ressources nécessaires.

La commission, après un examen attentif et approfondi des conséquences de ce passage de collectivité à département, a considéré que tout raccourcissement du calendrier pour l’introduction de la fiscalité de droit commun, comme semblent le souhaiter les élus mahorais, serait beaucoup trop dangereux, compte tenu de l’ampleur des tâches qu’il faut encore accomplir. Elle se permet donc de faire siens les propos que vous avez tenus devant elle, madame la ministre, selon lesquels ce calendrier étant fondé sur le réalisme, le pragmatisme et le volontarisme, il ne devait pas être modifié.

La commission vous invite donc, mes chers collègues, à adopter ces projets de loi organique et ordinaire dans la rédaction aménagée qu’elle vous propose, sous réserve de l’adoption de quelques amendements. Tout le monde sait, par exemple, que le nombre de conseillers généraux doit passer de dix-neuf à vingt-trois. Encore faut-il que la loi le prévoie...

Depuis 1958, les Mahorais attendent que Mayotte devienne département français d’outre-mer. La cible tant attendue est enfin en vue. Nous parcourons la dernière ligne droite. Encore un petit effort : votons !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion