Elles sont tout de même dix à être en quelque sorte clandestines, sans mauvais jeu de mots.
Il n’est pas bon de donner à ces deux projets d’importance une impression d’impalpabilité en raison du nombre considérable d’ordonnances, et donc le sentiment qu’il s’agit finalement de textes fourre-tout. Certes, l’encombrement du calendrier législatif rend le recours aux ordonnances bien utile, mais reconnaissons au moins ensemble que si l’on pouvait éviter l’épisode du « panier garni » dans les textes de l’outre-mer, nul ne s’en plaindrait.
Je voudrais à présent m’attarder un instant, madame la ministre, sur l’autre facteur de réussite du processus de départementalisation, c’est-à-dire les conditions du développement économique, social et culturel de Mayotte, car, finalement, là est le problème. Nous souhaitons tous que les Mahorais et Mayotte connaissent un important développement économique, social et culturel.
Comment la collectivité pourra-t-elle demain réussir à faire pleinement face à ses nouvelles compétences ? Les moyens suivront-ils ? Car ils sont la clé de l’envol économique de Mayotte et de l’amélioration du niveau de vie de ses habitants.
Le conseil général, dans son avis de juillet dernier, a demandé que le fonds mahorais de développement économique, social et culturel entre en vigueur non en 2013, comme le prévoyait initialement le projet du Gouvernement, mais en 2011. La commission des lois, à l’unanimité, a modifié l’article 10 afin que celui-ci soit mis en place au plus tard au 31 décembre 2011. Ce point ne devrait pas poser de problème.
Vous évoquez l’enveloppe de 30 millions d’euros prévue pour doter ce fonds sur la période 2011-2013. J’espère d'ailleurs que celle-ci n’en restera pas à l’état prospectif et sympathique d’autorisations d’engagement et qu’elle se transformera bien en crédits de paiement. Quoi qu’il en soit, que se passera-t-il si les moyens ne sont pas à la hauteur des enjeux ? Je crains, madame la ministre, sans vous en tenir personnellement pour responsable, que compte tenu des moyens budgétaires alloués vous ne soyez pas en mesure d’être au rendez-vous des défis énormes qui sont à relever.
Or l’attente est très forte, notamment en termes d’infrastructures publiques. La pression démographique importante à Mayotte, due non seulement à la pyramide des âges, mais aussi au flux des Comoriens qui arrivent clandestinement sur le territoire mahorais, génère des besoins importants au niveau de la santé – hôpitaux, dispensaires –, mais également au niveau scolaire.
Vous nous avez indiqué, madame la ministre, lors de votre audition devant la commission des lois, que le ministère de l’éducation nationale voulait organiser un transfert le plus vite possible. En d’autres termes, cela signifie que le ministère de l’éducation nationale souhaite se débarrasser le plus rapidement possible des contraintes financières et des charges de la construction.
Va-t-on assister au même phénomène que celui que Christian Cointat et moi-même avons constaté lors d’une mission en Nouvelle-Calédonie, où les travaux du lycée professionnel Escoffier de Nouméa sont interrompus, bien que les autorisations d’engagement aient été votées, les entreprises n’ayant pas été payées ? Je n’ai pas besoin de rappeler l’enjeu primordial de la construction d’établissements scolaires, notamment pour que les jeunes enfants, qui sont nombreux à entrer à l’école sans parler le français, apprennent à maîtriser notre langue dans des conditions acceptables.
Je voudrais ouvrir une brève parenthèse sur le phénomène de l’immigration, abordé par ma collègue et amie Éliane Assassi. Il est bien évident que celui-ci fait partie du décor et que la manière dont il est traité aujourd’hui n’est pas satisfaisante. Je ne reprendrai pas son analyse, afin de ne pas prolonger nos débats, mais je la partage pleinement et je salue son engagement permanent sur ce sujet.
Que dire des infrastructures sanitaires, du soutien au réseau de distribution de l’eau et à l’assainissement ? Que dire des conditions de logement, notamment à Mamoudzou ?
Je ne terminerai pas sans dire un mot de la nécessité d’achever la réforme de l’état civil. Je sais que la commission de révision de l’état civil a vu ses moyens renforcés et sa mission prolongée jusqu’en avril 2011.
Je relierai cette question à celle de la création d’un registre du cadastre. Garantir, en matière foncière, le droit individuel de propriété est un véritable défi à relever à Mayotte, terre de tradition orale, où les règles de droit local, régies sous l’autorité des cadis, prévalaient encore jusqu’à une époque très récente.
Ces questions sont primordiales pour la mise en place de la réforme de la fiscalité locale.
La possibilité pour les dix-sept communes de Mayotte de lever l’impôt doit entraîner une dynamique fructueuse pour ces collectivités et leurs habitants. Elle participe de la réussite pleine et entière du processus de départementalisation.
Sur le plan financier, vous l’avez évoqué, la manne européenne – si toutefois le libéralisme effréné qui règne à Bruxelles ne la réduit pas à la portion congrue – espérée par l’accession de Mayotte au statut de région ultrapériphérique, ou RUP, pour la prochaine session des fonds structurels est bien sûr porteuse d’espoir.
Mais nous savons que l’acquisition du statut de RUP suppose au préalable une décision à l’unanimité des Vingt-Sept États membres de l’Union européenne. Dans cette perspective, Mayotte sera comptable de ses capacités à endosser les acquis communautaires et à faire face aux obligations communautaires dans des domaines aussi variés et importants que la santé, les transports, l’environnement.
Pour conclure, madame la ministre, le groupe socialiste votera en faveur de ces deux textes. Mayotte a remporté son combat politique et institutionnel. Nous savons que les moyens du développement économique, social et culturel auront du mal à être assurés compte tenu des contraintes budgétaires actuelles et de la politique menée. Veillons à ne pas faire de cette réforme institutionnelle un marché de dupes faute de transferts publics suffisants permettant à Mayotte, à son tour, de développer son économie avec ses propres atouts en dépendant à terme le moins possible des flux financiers publics.