Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les deux textes relatifs au département de Mayotte que nous examinons aujourd’hui marquent l’aboutissement du combat politique de deux générations, engagé depuis plus de cinquante ans.
À cet instant solennel, je voudrais rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui ont initié et mené ce combat.
Je pense à Georges Nahouda et ses quatre compagnons qui ont initié ce combat le 5 mai 1958, en déposant à l'assemblée territoriale des Comores une motion tendant à transformer Mayotte en département d'outre-mer, à l'instar des quatre vieilles colonies.
Je pense aussi à Zakia Madi, le martyr de ce combat, tombé le 13 octobre 1969 à la jetée de Mamoudzou.
Je pense encore à Zaïna Mdere, notre icône, Bwéni Mtiti, Fatima Ali, Younoussa Bamana, notre leader emblématique, Abdallah Houmadi, Hamissi Madi et à tant d'autres qui ont mené ce combat avec celles et ceux qui, aujourd'hui, sont fragilisés par l'âge, la maladie ou le handicap, au premier rang desquels il faut citer notre sénateur honoraire Marcel Henry, notre guide éclairé, Zaïna Meresse et Koko Djoumoi, proches compagnes de lutte de Zaïna Mdere, Younoussa Ben Ali, Zoubert Adinani et mon collègue Adrien Giraud, compagnons de lutte de Marcel Henry.
Je pense, enfin, à la jeune génération et en particulier à deux amis : Mansour Kamardine, ancien député de Mayotte, qui a conduit avec courage les réformes législatives indispensables à l'accélération du processus départemental, à travers la loi Girardin de 2003 et la loi Sarkozy de 2006, et Ahamed Attoumani Douchina, président du conseil général de Mayotte, qui a pris avec ses collègues la résolution du 18 avril 2008 prévue par la loi, demandant au Premier ministre l'organisation d'une consultation populaire sur la transformation de Mayotte en département d'outre-mer, régi par l'article 73 de la Constitution.
Je voudrais également exprimer la reconnaissance des Mahorais envers les gouvernements successifs de la France pour leur contribution à l'évolution institutionnelle récente de l'île.
Parmi ces gouvernements, je citerai, tout d’abord, celui de Jacques Chirac, qui a assuré le maintien de Mayotte dans la République avec l'accord du Président Valéry Giscard d’Estaing et l'appui du président du Sénat, Alain Poher, à la suite de la consultation des populations des Comores du 22 décembre 1974, et de la déclaration du Conseil constitutionnel du 30 décembre 1975. En outre, comme pour faire écho à la motion de 1958, la loi de 1976 relative à Mayotte a posé le cap de la départementalisation de l'île.
Je citerai, ensuite, le gouvernement de Lionel Jospin, qui a négocié et signé l'accord du 27 janvier 2000 sur l'avenir de Mayotte comportant une clause de rendez-vous pour un basculement éventuel vers le droit commun départemental en 2010, inscrite dans la loi du 11 juillet 2001.
Je citerai, en outre, le gouvernement de Dominique de Villepin, qui a accéléré le processus départemental en ramenant la clause de rendez-vous de 2010 à 2008 par la loi du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, dite « DSIOM », et qui a envisagé l’extension à Mayotte du plan national de revalorisation des minima sociaux 2007-2010 au bénéfice des personnes âgées et des adultes handicapés.
Je citerai, enfin, le gouvernement de François Fillon, qui a organisé sans délai la consultation de la population du 29 mars 2009 voulue et décidée par Nicolas Sarkozy, Président de la République, et qui a tiré les conséquences du vote positif des Mahorais traduites par la loi du 3 août 2009 et les deux projets de loi que nous examinons ce soir, que dis-je ? ce matin.
Mais ces deux textes ne constituent pas seulement l’aboutissement d’une longue lutte politique, ils ouvrent aussi la voie à d’autres défis pour l’avenir.
En premier lieu, celui de l’intégration régionale. Il s’agira, d’une part, d’obtenir la transformation du statut européen de Mayotte, de pays et territoires d’outre-mer – PTOM – en région ultrapériphérique – RUP – de l’Union européenne. Sur ce sujet, vous avez indiqué, madame la ministre, que la demande française sera transmise aux autorités de l’Union européenne au cours du second semestre 2011. Il s’agira, d’autre part, d’obtenir l’insertion de Mayotte dans son ensemble régional, par l’adhésion de l’île à la charte des jeux des îles de l’océan Indien, à la commission de l’océan Indien ainsi qu’aux autres organismes régionaux.
Dans ces deux cas, il faudra faire des efforts de part et d’autre pour que le dialogue reprenne dans le cadre du groupe de travail de haut niveau – GTHN – et que, parallèlement, des actions de coopération s’engagent, par exemple, à l’initiative du commissaire au développement endogène pour la zone océan Indien.
En second lieu, il faudra amplifier le développement économique par la mise en œuvre du contrat de projet 2008-2013, des mesures du conseil interministériel de l’outre-mer – CIOM – du 6 novembre 2009, de la loi pour le développement économique de l’outre-mer – LODEOM –, accompagner le progrès social en respectant, comme vous l’avez indiqué, madame la ministre, le calendrier du pacte pour la départementalisation, promouvoir la culture et l’identité mahoraises à travers, notamment, l’enseignement de l’histoire de Mayotte et la mise en œuvre des dispositions relatives à la charte européenne des langues et cultures régionales.
Enfin, les deux projets de loi comportent de nombreuses avancées.
Ainsi, le conseil général de Mayotte sera la première collectivité unique de l’outre-mer, régie par l’article 73 de la Constitution, exerçant à la fois les compétences dévolues aux départements et aux régions, avant celles de la Martinique et de la Guyane.
Cet article définit le régime législatif applicable : les lois nouvelles s’appliquent de plein droit, intégralement ou avec des adaptations. De même, les lois et règlements en vigueur en métropole et dans les départements d’outre-mer seront étendus dans les mêmes conditions par les deux projets de loi, ainsi que par une série d’ordonnances qui interviendront dans les 18 mois – le délai reste à déterminer, puisque la commission propose 6 mois et le Gouvernement 12 – suivant la publication des lois de départementalisation.
Le projet de loi organique abroge l’ancien statut de Mayotte, relevant de l’article 74, et le remplace par le nouveau statut de département de Mayotte régi par l’article 73. En outre, il modifie le code électoral en précisant que le mandat des conseillers généraux renouvelables en mars 2011 s’achèvera en 2014. À cette date, le nombre de conseillers territoriaux pourrait passer de 19 à 23, et le mode de scrutin pourrait sans doute comporter une dose de proportionnelle, sous réserve de l’adoption définitive du projet de loi portant réforme des collectivités territoriales ou de l’inscription de cet accroissement du nombre de conseillers territoriaux par exemple dans le cadre du projet de loi ordinaire.
Avant les transferts de compétences de l’État au conseil général et aux communes, il sera procédé à l’évaluation des charges correspondantes, ce qui n’a pas été le cas en 2002 et en 2004 dans le cadre de la loi du 11 juillet 2001. La date d’entrée en vigueur du département définie par le projet de loi simple et l’extension à Mayotte du régime communal et intercommunal de droit commun par ordonnance se feront avec un décalage raisonnable : il était de 18 mois précédemment, entre la loi du 11 juillet 2001 et l’ordonnance du 12 décembre 2002.
Pour accompagner les premiers pas du département, l’île bénéficiera, dès 2011, de deux ressources nouvelles en complément du contrat de projet, des mesures du CIOM et de la LODEOM, à savoir le fonds de développement économique, social et culturel doté de 30 millions d’euros, et le fonds d’aide à l’équipement communal créé par le CIOM en 2009 et inscrit dans la loi de finances pour 2010, qui sera doté de 5 millions d’euros en 2011, en complément de la dotation scolaire et du fonds intercommunal de péréquation, ou FIP.
Par ailleurs, les projets de loi prorogent les dotations spécifiques des communes jusqu’au 31 décembre 2013, hormis la dotation exceptionnelle relative à la prise en charge des frais d’état civil, la commission de révision de l’état civil, ou CREC, devant terminer ses travaux en mars 2011.
Le droit de l’octroi de mer et la taxe spéciale de consommation seront applicables à Mayotte en 2014, en même temps que l’extension du code général des impôts, du code des douanes et la « rupéisation ».
Afin d’assurer la transition entre la fin des dotations spécifiques des communes et la mise en place de la nouvelle fiscalité dont on ne sait pas combien elle rapportera aux finances de nos communes, il est urgent d’accélérer les travaux d’adressage et d’évaluation de la valeur locative du foncier, …