Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, tout d’abord, je tiens à remercier tous ceux qui sont intervenus à cette tribune et tous les sénateurs présents dans l’hémicycle malgré l’heure avancée, car c’est un jour historique pour Mayotte et les Mahorais qui, je le sais, attendent cette départementalisation promise depuis tant d’années.
Je vous remercie de vos interventions, qui témoignent de l’intérêt que vous portez à ce processus institutionnel et qui reflètent les enrichissements que les deux textes du Gouvernement vous doivent. Je tiens en particulier à remercier le rapporteur de ces textes, M. Cointat, avec qui nous avons étroitement travaillé, ainsi que le président de la commission des lois, M Hyest.
Compte tenu de l’heure, j’éprouve quelques scrupules à reprendre la parole, mais vous comprendrez que, par courtoisie pour les orateurs et pour les Mahorais, je tente de répondre rapidement aux questions qui ont été soulevées.
Tout d’abord, MM. Frimat et Giraud ont souhaité avoir des précisions sur le calendrier des transferts de compétences. Ceux-ci interviendront après concertation avec le conseil général de Mayotte qui sera issu des urnes en mars prochain.
Il faut en effet que ce changement soit pensé et voulu par l’équipe qui sera chargée de l’assumer. Il n’y a aucune réticence de la part du Gouvernement à effectuer ces transferts, à condition qu’ils soient bien préparés, pour que la population n’en pâtisse pas en termes de services rendus, en particulier, vous avez raison de le souligner, monsieur Frimat, dans le domaine de l’éducation nationale.
En tout état de cause, je m’engage à préparer dès maintenant la création du comité local d’évaluation des charges, pour qu’il puisse être opérationnel dès le mois d’avril prochain.
Je tiens aussi à rassurer M. Frimat : le Gouvernement est bien déterminé à consacrer les moyens nécessaires à la transformation de Mayotte en département, dans le respect, naturellement, des équilibres budgétaires décidés pour l’ensemble de la nation.
Concrètement, cela se traduit, par exemple, par un effort spécifique d’aide en matière de construction d’équipements scolaires du premier degré. Ce domaine était considéré par tous comme prioritaire pour réussir la départementalisation de Mayotte.
Le projet de loi de finances pour 2011 prévoit ainsi la reconduction jusqu’en 2013 de la dotation spéciale de construction et d’équipement des établissements scolaires versée aux communes de Mayotte, ainsi qu’une majoration de son montant de 5 millions d’euros, qui sera ainsi porté à 10 millions d’euros pour 2011.
Quant au fonds d’aide à l’équipement communal, prévu dans le cadre du comité interministériel de l’outre-mer et qui a été évoqué par MM. Giraud et Ibrahim Ramadani, je vous confirme que sa création est bien prévue, mais qu’elle interviendra dans le cadre d’un autre vecteur législatif. Ce fonds concernera en effet l’ensemble des départements d’outre-mer et devra être abondé par l’augmentation du produit de la taxe sur les tabacs perçu à l’échelon local. Bien évidemment, il aura vocation à bénéficier aussi aux communes de Mayotte.
Concernant la mise en place d’une fiscalité locale, je souhaite préciser que le cadastre est aujourd’hui à jour, mais que sa valorisation est encore imparfaite et inachevée. C’est la raison pour laquelle mes services et ceux du ministère du budget, à l’échelon national, mais aussi à Mayotte, travaillent ensemble pour que les échéances de 2014 soient respectées.
Ensuite, M. le rapporteur ainsi que plusieurs d’entre vous ont mis l’accent sur le développement de Mayotte. Nous sommes tous convaincus que c’est le développement économique qui sera à la base de l’évolution de Mayotte et qui permettra de faire de la départementalisation une réussite.
Vous m’avez interrogée sur la mise en place d’exonérations de charges sociales pour les entreprises afin de favoriser la croissance et l’emploi. Le Gouvernement a prévu, sur la base des habilitations demandées dans le projet de loi, de prendre une ordonnance dans ce domaine. Le travail préparatoire est d’ores et déjà engagé puisqu’une mission d’inspection conjointe de l’Inspection des finances, de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, et de l’Inspection générale de l’administration, l’IGA, a été nommée le 21 octobre pour faire des propositions précises en la matière.
Comme le sénateur Ibrahim Ramadani l’a souligné, le développement de Mayotte sera également favorisé par le fonds de développement économique, social et culturel, dont la création a été avancée à 2011, selon le souhait exprimé par votre rapporteur, et qui est d’ores et déjà prévu dans mon budget. Je m’engage en outre à ce que le décret d’application soit préparé dans les meilleurs délais afin que ce fonds soit opérationnel en avril 2011, au moment de la création du département.
Comme cela a été souligné par plusieurs d’entre vous, la transformation de Mayotte en région ultrapériphérique constitue une étape complémentaire du processus de départementalisation en cours. Elle va effectivement permettre de mobiliser les fonds structurels.
Le sénateur Giraud s’est également fait l’écho de certaines attentes locales, qui nécessitent une accélération du calendrier de mise en œuvre des minima sociaux.
Je sais, monsieur le sénateur, la situation de dénuement de certains foyers mahorais, notamment de personnes âgées disposant de ressources très faibles. C’est la raison pour laquelle, ainsi que l’a souhaité le Président de la République, nous avons prévu de revaloriser dès cette année l’allocation pour les handicapés et l’allocation pour les personnes âgées. Voyez-vous, madame Assassi, nous avons toujours eu le souci d’améliorer les conditions de vie des Mahorais, et c’est tout le sens de la départementalisation. Mais, monsieur Giraud, aller plus vite dans l’attribution de nouveaux minima sociaux ne nous paraît pas de nature à encourager l’activité et l’emploi, ce à quoi nous sommes tous attachés.
Les ordonnances prévues par le projet de loi permettront de travailler, comme prévu, à la mise en œuvre progressive de la protection sociale de droit commun à Mayotte. Je vous confirme que cela concernera aussi les retraites des agriculteurs, évoquées par MM. Giraud et Ibrahim Ramadani, et pour lesquelles un travail a d’ores et déjà été engagé avec la Mutualité sociale agricole.
Comme j’ai pu m’en rendre compte lors de mon dernier déplacement à Mayotte au mois de juillet, ce sujet est vraiment important pour la partie de la population mahoraise qui vit de la terre. C’est aussi un sujet à traiter si l’on veut développer une agriculture à Mayotte et donner aux agriculteurs des perspectives professionnelles et de revenus dépassant le cadre de l’autosubsistance.
En ce qui concerne la carte vitale, elle sera délivrée avant la fin de cette année pour les assurés sociaux mahorais se rendant fréquemment en métropole ou dans les départements d’outre-mer, ce qui permettra, je le pense, une amélioration très concrète de leur prise en charge. En revanche, sa généralisation à Mayotte nécessitera des travaux longs et beaucoup plus complexes.
Monsieur Ibrahim Ramadani, vous avez également souhaité connaître les intentions du Gouvernement concernant la mise en œuvre de la CMU et de la CMU complémentaire à Mayotte. Un tel changement, vous en conviendrez, implique d’abord l’appréciation du rôle de tous les partenaires de santé à l’échelon local. Actuellement, une réflexion plus globale sur l’accès aux soins des publics est en cours.
Quoi qu’il en soit, pour l’heure, je souligne que la pratique d’accueil des patients au centre hospitalier me semble adaptée et de nature à traiter l’ensemble des patients, quels que soient leur âge et leurs origines.
Je vous confirme également que l’article 13 du projet de loi qui vous est soumis prévoit bien l’application du code de la mutualité à Mayotte. Dès que la loi sera votée et promulguée, il sera d’application immédiate.
M Giraud a également abordé la question des fonctionnaires mahorais. En moins de deux ans, monsieur le sénateur, nous avons réussi l’intégration des agents publics mahorais dans les trois fonctions publiques. Cette intégration signifie pour les fonctionnaires de meilleures garanties d’emploi, un niveau de rémunération amélioré grâce à un régime indemnitaire plus favorable et des perspectives d’évolution de carrière.
Compte tenu de ces évolutions récentes, je vous confirme qu’il n’est ni envisagé ni souhaitable de créer à Mayotte un régime de surrémunération supplémentaire.
Vous avez également soulevé la question de l’immigration clandestine et de l’efficacité de la politique mise en œuvre par le Gouvernement. Je crois que les chiffres de reconduite témoignent de l’engagement des forces de police et de gendarmerie pour faire respecter les règles en la matière et garantir la stabilité sociale demandée par les Mahorais.
Enfin, des interrogations ont été soulevées concernant le calendrier de la départementalisation. Ce calendrier, je le rappelle, est volontariste afin de respecter les engagements pris par plusieurs gouvernements successifs, comme cela a été rappelé, et sur lesquels s’est engagé le Président de la République. Nous le respecterons.
Le processus a été initié en conseil des ministres au début de l’année 2008, puis s’est poursuivi avec la consultation des Mahorais en mars 2009. À l’été 2009, la loi créant le département de Mayotte à compter de mars 2011 a été votée, et nous soumettons aujourd’hui au Parlement les deux projets de lois permettant la transformation effective de Mayotte en département. Je pense donc que l’on peut dire qu’aucun retard n’a été pris sur ce dossier.
Quant à la mise en œuvre du droit commun, elle se poursuit à un rythme soutenu, de manière continue. Pour ce faire, le Gouvernement sollicite l’habilitation du Parlement à légiférer par ordonnances. Je sais que ce n’est peut-être pas satisfaisant, mais, monsieur Frimat, nous aurons tout loisir de débattre lors de leur ratification par le Parlement.