Monsieur le sénateur, accompagnant actuellement le Président de la République au sommet de la FAO à Rome, M. Barnier ne peut être présent pour répondre à votre importante question. Je me ferai donc son porte-parole aujourd’hui, et ce avec d’autant plus de plaisir que j’ai gardé de mes quelques années de collaboration avec Edgard Pisani un goût marqué pour les questions agricoles.
Les règles qui sont actuellement négociées au sein de l’Organisation mondiale du commerce ont pour ambition de régir l’ensemble du commerce mondial : produits agricoles, produits industriels, services, etc. Dans sa logique même, cette négociation suppose que les membres de l’OMC s’échangent des concessions sur des secteurs totalement différents, par exemple entre l’agriculture et l’industrie.
Pourtant, l’agriculture ne peut se réduire, comme vous l’avez dit, à une variable d’ajustement dans les négociations commerciales, car l’alimentation est un enjeu stratégique. La crise alimentaire mondiale le souligne clairement, tout comme elle montre qu’une libéralisation commerciale aveugle n’est pas une solution pour le secteur agricole. Le commerce ne peut être la seule réponse à cette crise.
L’enjeu aujourd’hui, c’est d’abord de produire plus pour nourrir une population mondiale qui atteindra 9 milliards d’habitants en 2050.
L’enjeu aujourd’hui, c’est de coordonner l’aide alimentaire d’urgence, de soutenir la relance de la production pour la prochaine campagne agricole dans les pays du Sud, d’aider ces pays à se doter d’une véritable politique agricole et à relancer leurs investissements dans ce secteur.
Bref, l’agriculture mondiale a besoin de régulation et de coordination entre les pays producteurs plus que de la libéralisation poussée par l’OMC, qui profitera aux pays émergents agro-exportateurs, mais qui n’apportera pas de réponse structurelle à la question des équilibres alimentaires mondiaux.
En regard de ces enjeux, il est légitime de réfléchir à une nouvelle gouvernance mondiale en matière agricole afin de mieux coordonner les interventions des Nations unies, des institutions financières internationales, des États, du secteur privé et des organisations non gouvernementales. Tel est le sens du partenariat mondial pour l’agriculture et l’alimentation que le Président de la République présentera aujourd’hui même au sommet de la FAO à Rome.