Monsieur le rapporteur, vous exposez clairement dans votre rapport les enjeux du texte. La richesse et la pertinence de vos analyses doivent beaucoup à votre parfaite connaissance du monde de l’entreprise, monde dont le président Hyest est également un spécialiste incontestablement reconnu.
Nous aurons l’occasion de le constater, les amendements que vous avez proposés contribueront à améliorer la qualité du dispositif. Je tiens tout particulièrement à vous remercier de cet important travail, de nature à renforcer sensiblement les positions de nos entreprises.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tel est l’enjeu de ce projet de loi, qui peut se décliner en trois axes.
Le premier permet à nos entreprises de se renforcer grâce aux fusions transfrontalières.
Près de 20 % des opérations de fusion ayant lieu en France sont concernées par les dispositions dont vous allez débattre. En valeur, ces opérations représentent près de 45 milliards d’euros.
Lorsque le projet de loi sera adopté, la fusion transfrontalière deviendra aussi simple que celle de sociétés de même nationalité. Des sociétés de formes différentes pourront fusionner, qu’il s’agisse de sociétés à responsabilité limitée, de sociétés anonymes, de sociétés en commandite par actions, de sociétés par actions simplifiées ou de sociétés européennes.
La fusion pourra en outre avoir lieu soit par absorption, – une société disparaissant au profit de l’autre –, soit par constitution d’une société nouvelle, laquelle intégrera les sociétés désirant fusionner.
Ce renforcement de nos entreprises ne se fera pas au détriment des salariés, dont les droits sont préservés : le texte prévoit pour eux des modalités spécifiques d’information sur les conséquences juridiques et économiques de la fusion.
De même, les droits des actionnaires minoritaires sont maintenus dans leur intégralité. Toutes nos procédures internes de consultation et de recours des actionnaires minoritaires seront applicables au processus de fusion transfrontalière.
Pour une plus grande sécurité juridique, les opérations de fusion transfrontalière seront en outre soumises à un double niveau de contrôle, afin de les rendre juridiquement incontestables.
Le premier contrôle est formel : c’est le rôle du greffier du tribunal de commerce, qui devra délivrer l’attestation de conformité des opérations de fusion.
Le second est un contrôle de fond portant sur deux points : le contrôle de légalité de la réalisation de la fusion ou de la constitution de la nouvelle société ; le contrôle du respect, par toutes les sociétés qui fusionnent, des modalités relatives à la participation des salariés.
Le texte confie ce contrôle soit au notaire, soit au greffier du tribunal de commerce. Il appartiendra à l’entreprise de choisir. Le notaire ou le greffier délivrera le certificat de légalité, qui garantit et sécurise l’opération de fusion. La solution offrant la possibilité à l’entreprise de choisir entre le notaire et le greffier est assez sage. Un décret viendra d’ailleurs préciser les modalités pratiques de contrôle.
Le deuxième axe du projet de loi concerne la création de la société coopérative européenne.
Par ce biais, nous renforçons le secteur coopératif, qui est l’un des secteurs économiques les plus dynamiques en France. Il représente en effet 20 millions de coopérateurs, allant du secteur agricole au secteur bancaire, 21 000 entreprises employant 900 000 personnes, 510 000 entreprises associées et 200 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
Avec la société coopérative européenne, nous offrons aux coopérateurs l’opportunité de se développer au-delà de nos frontières.
Sont bien évidemment concernées les grandes structures déjà multinationales – je pense en particulier au secteur bancaire et à la grande distribution –, mais également les petites et moyennes coopératives. C’est un point essentiel, car ces dernières attendent avec impatience un tel label pour se faire connaître plus facilement en dehors de nos frontières ou pour se lier entre elles en vue d’élargir leur marché.
La société coopérative européenne est une société à capital variable. Elle comporte des associés issus d’au moins deux États membres de l’Union européenne. Il sera possible de la créer soit par la voie de la fusion, soit par la voie de la transformation. Il sera également possible de créer directement une société coopérative européenne.
Cette société s’appuiera sur de véritables règles de gouvernance. Je citerai en particulier la possibilité d’avoir un directoire et un conseil de surveillance, et non plus seulement un conseil d’administration, ainsi que celle de disposer d’un directeur général responsable de la gestion courante.
De plus, le projet lève certaines options ouvertes par le règlement communautaire pour améliorer et renforcer la sécurité des créanciers ou des associés.
Il s’agit de mesures concrètes : l’interdiction de dissocier le siège statutaire du lieu de l’administration centrale ; l’extension de la protection des créanciers en cas de transfert de siège ; la possibilité pour le procureur de la République de s’opposer au transfert de siège ou à une fusion pour des raisons d’intérêt public, le comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement disposant du même pouvoir pour le secteur bancaire.
Enfin, comme pour la société européenne ou pour les fusions transfrontalières, le texte prévoit également, avec des modalités pratiques similaires, un double contrôle lorsqu’il y a fusion ou transfert de siège : l’un sur les formalités préalables, confié au greffier du tribunal de commerce ; l’autre de légalité, confié, au choix, au greffier ou au notaire.
J’en viens au troisième axe du projet de loi, qui, au-delà du droit des fusions et de la société coopérative européenne, renforce la gouvernance d’entreprise et améliore notre dispositif de transparence des sociétés, en tenant compte des apports du droit communautaire.
Comme vous le savez, la France dispose déjà d’un dispositif de transparence, portant sur le contrôle interne et les modalités d’organisation des travaux des conseils d’administration et de surveillance. Le projet complète ce dispositif par une meilleure information des actionnaires sur les pratiques de gouvernance d’entreprise mises en place par les sociétés. Il en résultera plus de transparence, puisque les actionnaires connaîtront mieux le fonctionnement de la société et qu’ils seront ainsi davantage en mesure d’évaluer la portée de leur engagement.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi est essentiel pour la vie des affaires. J’ai commencé mon propos en le situant dans la perspective de la présidence française de l’Union européenne. C’est dans cette même perspective que je souhaite le conclure.
Les hommes, les idées et les biens circulent librement au sein de l’Union européenne. La contrainte des frontières n’existe plus. Notre marché intérieur est l’un des plus aboutis au monde, alors que le droit des sociétés reste encore trop enfermé dans le cadre national.
Une entreprise française qui veut commercer en Estonie ou en Slovaquie doit d’abord expliquer son statut juridique à ses partenaires pour qui des structures comme la société par actions simplifiée, la SAS, ou la SARL sont inconnues. Nos partenaires ont du mal à accorder leur confiance.
Il est donc de notre responsabilité aujourd’hui de remédier à cette situation en offrant à nos sociétés un nouvel instrument juridique, reconnu par tous : il s’agit du projet de société privée européenne, que je défendrai au cours de la présidence française.
Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont, tracées en quelques mots, les grandes lignes du projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter au nom du Gouvernement.