Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux a adopté une trentaine d'articles qui, selon les cas, nous agréent ou non.
Tout au long des débats sur ce texte, nous avons parfois soutenu des points particuliers qui nous semblaient pouvoir conforter tel ou tel aspect de la ruralité. Nous avons également combattu les articles de sensibilité libérale faisant appel à la générosité financière des communes manquant totalement de moyens ; je pense tout particulièrement aux collectivités situées en zones de revitalisation rurale.
Je dois avouer être agréablement surpris de voir maintenu l'article 4 bis A, qui instaure enfin le coefficient multiplicateur en période de crise conjoncturelle dans le secteur des fruits et légumes. Cette victoire correspond à une longue histoire de luttes du MODEF, mais aussi du PCF et, plus largement, de tous les producteurs qui souffrent de crises à répétition depuis des décennies.
Désormais, deux étapes restent à franchir pour que cette mesure soit effective et qu'elle ne relève pas de l'hypocrisie parlementaire : la première consiste à publier le ou les décrets attendus ; la seconde est la reconnaissance par l'Europe de sa validité.
Sachez, mes chers collègues, que toute la profession sera particulièrement attentive au devenir de cet article, désormais gravé dans le marbre de la loi française. A ce sujet, j'aimerais vous entendre, monsieur le secrétaire d'Etat, afin que toute ambiguïté soit levée sur le sort de cette mesure.
A propos de la situation de crise structurelle figurant à l'article 8 sexies, les notions de prix minimum et de prix de référence, que j'ai eu l'occasion de proposer dans ce texte, auraient été nettement préférables à un calcul du prix moyen des cinq dernières années qui, dans de nombreux cas, n'ont pas été des références en la matière.
La loi d'orientation agricole et la loi Jacob seront l'occasion de revenir sur la politique des prix. J'ose espérer assister à une expérimentation grandeur nature de cette mesure, sans pour autant souhaiter une crise, afin de pouvoir élargir, à terme, le mécanisme de coefficient multiplicateur en dehors des périodes de crise.
Il est temps qu'une véritable politique des prix se substitue à une politique des primes. Manifestement, ni la politique gouvernementale, ni la politique agricole commune, ni la politique européenne ne vont dans ce sens.
De nombreuses mesures d'exonération, de déduction d'impôts et de défiscalisation portent sur les zones de revitalisation rurale. A ce titre, je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, que les critères de zonage ne réduisent pas les ZRR comme une peau de chagrin, s'agissant notamment du critère de « forte proportion de population agricole », dont les chiffres sont en chute libre.
Selon notre conception d'un véritable développement rural, il aurait été nécessaire de prévoir des mesures fortes et des financements importants en faveur du maintien de la population agricole, par une politique des prix audacieuse et par l'installation ou le maintien d'au moins un commerce multiservice dans chaque commune de France.
Il aurait également été souhaitable non seulement de mettre en oeuvre des mesures plus significatives en faveur du logement et de l'accueil des populations temporaires et permanentes, mais aussi de prendre des initiatives audacieuses au bénéfice d'une véritable décentralisation culturelle, sans oublier des dotations financières plus importantes aux collectivités locales rurales, des services publics de proximité, des moyens de transports adaptés, des conditions de travail et des salaires décents dans l'agroalimentaire, une répartition harmonieuse des pôles d'emplois qui, aujourd'hui, se concentrent le long de grands axes routiers et autour des grandes villes. J'arrête là cette énumération, mais je pourrais continuer encore longtemps.
Pendant ce temps, les exploitations agricoles continuent de disparaître, les services publics et les petits commerces ferment, les collectivités tentent de sauver l'essentiel mais manquent cruellement de moyens, le Gouvernement ne remplace qu'un fonctionnaire sur deux et s'apprête à se « délester » de la scolarisation des enfants âgés de deux à quatre ans sur les collectivités.
Pendant ce temps, l'emploi se concentre géographiquement ou se délocalise. L'Europe, après avoir brisé les monopoles de services publics qui assuraient partout présence et péréquation tarifaire, s'apprête à libéraliser les services par la directive Bolkestein et destine ses fonds structurels à d'autres pays.
A part cela, cette situation me fait penser au refrain : « Tout va très bien, madame la marquise ».
Ajoutez-y une dose de PAC dévastatrice, d'OMC ultralibérale, de Constitution européenne très libérale, d'économie de la connaissance la plus compétitive, et vous obtiendrez un cocktail au goût bien amer, à moins que le rapport de M. Camdessus ne fasse sursauter la France.
Dans ce contexte, madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, vous comprendrez que le groupe communiste républicain et citoyen émette un vote négatif sur les conclusions de cette commission mixte paritaire.