En réalité, ce qui dérange profondément dans notre proposition de loi, et qui a toujours dérangé la majorité sénatoriale, c’est la volonté de transparence dans l’utilisation des deniers publics que tend à promouvoir la mise en place d’une commission nationale et de commissions régionales d’évaluation et de contrôle des aides publiques aux entreprises.
Notre proposition de loi originelle a été à trois reprises rejetée sans examen par le Sénat, les 24 février, 26 juin et 20 décembre 2000 ! La position exprimée aujourd’hui par le rapporteur ne brille donc pas par son originalité !
Sur le fond, cette obstination a un caractère idéologique affirmé : quand il s’agit de fonds publics dédiés au soutien aux entreprises, il ne saurait y avoir, dans l’esprit de la majorité sénatoriale, la moindre préoccupation d’approche critique et d’évaluation. La question de l’argent public distribué aux entreprises relève du tabou, de l’intouchable !
Pourquoi en est-il ainsi ? Sans doute estime-t-on, avec le plus grand mépris de la volonté populaire et des aspirations des salariés, que les questions budgétaires sont affaire trop sérieuse pour être traitée sur la place publique ! Qui sont ces libéraux, opposés par principe à l’interventionnisme d’État dans l’économie, chantres de la privatisation et de l’autorégulation, qui quémandent sans cesse de nouveaux subsides publics dès que la moindre difficulté se fait jour ?
En outre, établir un parallèle entre les sommes sans cesse croissantes engagées pour soutenir l’activité des entreprises et l’emploi et la réalité de la croissance et du chômage serait sans doute un exercice dérangeant. Il serait d’ailleurs possible d’établir un autre parallèle, qui ne serait guère plus réjouissant, entre allégements de la fiscalité et obligations sociales des entreprises.
De 1993 à 2007, alors que nous constations une progression de 1 milliard d'euros à 42 milliards d'euros des allégements de cotisations sociales, accompagnée de nouveaux allégements de l’impôt sur les sociétés ou de la taxe professionnelle, la part des dividendes dans la valeur ajoutée de nos entreprises passait de 7 % à 16 % des profits bruts ! Ces données figurent en toutes lettres dans le rapport rédigé par M. Cotis, directeur général de l’INSEE, à la demande du Président de la République.
Ceux-là mêmes qui refusent que le Parlement légifère sur la rémunération des dirigeants des entreprises cotées entendent aujourd'hui empêcher que l’on contrôle les fonds publics et repousser cette idée dangereuse de confier aux salariés de nouveaux pouvoirs d’intervention !
Car tout est là : la commission nationale d’évaluation et de contrôle des aides publiques aux entreprises et sa déclinaison régionale ne seraient rien d’autre qu’un outil de plus au service des salariés et des élus locaux pour appréhender la réalité des relations que l’État entretient avec le monde des affaires, de l’industrie et du commerce.
Mes chers collègues, allez-vous rejeter la proposition de loi que nous vous soumettons au moment même où le Président de la République veut rendre obligatoire l’information des comités d’entreprise sur les aides publiques et où M. Xavier Bertrand parle de plus en plus de « conditionnaliser » les exonérations de cotisations sociales ?
Dans un rapport récent déposé au nom de la commission des finances, le rapporteur spécial de la mission « Travail et emploi » estime que, « de fait, l’évaluation de ce dispositif – l’allégement général des cotisations sociales sur les bas salaires – ne fait l’objet d’aucune mesure de sa performance au regard de la politique de l’emploi, que ce soit dans les projets de loi de finances successifs, ou dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale. […]
« Aujourd’hui, une diminution progressive du niveau et du coût des exonérations doit être envisagée, afin de redéployer ces moyens vers d’autres politiques, notamment le soutien à la compétitivité des entreprises. »