Séance en hémicycle du 7 mai 2009 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • conducteur
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  • route
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La séance

Source

La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Guy Fischer.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Nous reprenons la discussion de la proposition de loi tendant à assurer une plus grande équité dans notre politique de sécurité routière, notamment en matière de retrait des points du permis de conduire.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Christian Cambon.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre collègue Nicolas About a pris l’initiative de déposer une proposition de loi tendant à assurer une plus grande équité dans notre politique de sécurité routière, notamment en matière de retrait de points du permis de conduire.

Je souhaite avant tout souligner l’intérêt de cette initiative, qui nous a permis d’évoquer un sujet dont tous les parlementaires et de nombreux maires sont régulièrement saisis par les conducteurs, sur lesquels se sont concentrées un certain nombre de sanctions. Ce texte nous aura aussi permis d’entendre, lors des réunions de la commission, Mme le ministre de l'intérieur, Mme Merli, déléguée interministérielle à la sécurité routière, et M. le secrétaire d’État chargé des transports, sur les progrès accomplis en cette matière depuis sept ans.

En effet, depuis 2002, le Gouvernement a placé la lutte contre l’insécurité routière au centre de ses priorités. Comme l’a souligné notre excellent rapporteur, Mme Catherine Troendle, des résultats très encourageants ont été obtenus : les progrès de la sécurité routière ont permis d’épargner près de 13 000 vies et 157 000 blessés. Ce sont les meilleurs chiffres depuis vingt ans !

Allumage des feux de jour, limitations de vitesse, permis probatoires : autant de mesures dont les résultats sont dorénavant indiscutables.

Bien évidemment, le renforcement de la répression des infractions routières, notamment grâce aux radars automatiques, a largement contribué à limiter, sur nos réseaux routiers, une hécatombe dramatique. Le permis à points est bien l’un des principaux leviers de cette politique.

On peut toutefois parfaitement comprendre les réactions des conducteurs, car la multiplication des contrôles et des verbalisations, qui entraînent souvent la suppression de points du permis de conduire, ne sont pas sans conséquence sur la vie professionnelle de nombre d’entre eux. La suspension d’un permis de conduire peut entraîner jusqu’à la perte de l’emploi et engendrer une situation sociale problématique.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

J’ai eu, comme bien d’autres maires, à connaître de telles situations. Néanmoins, cela ne justifie pas de prendre le risque de remettre en cause les succès obtenus en assouplissant les règles de retrait de points. Il ne faut effectivement pas affaiblir les vertus pédagogiques d’un système qui a fait ses preuves en responsabilisant les conducteurs et en infléchissant leur comportement.

Certes, nombre de conducteurs estiment que la multiplication des contrôles et la sévérité des sanctions visent à invalider un nombre maximum de permis de conduire et à recueillir un produit important d’amendes. Mais soyons raisonnables ! Le Gouvernement et les législateurs que nous sommes ne doivent garder à l’esprit que la sécurité et la préservation de la vie et de l’intégrité physique de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Quand on mesure au quotidien les conséquences effroyables, dans la vie des familles, des décès ou des blessures engendrés par ces drames – combien de maires ont eu le triste rôle d’apprendre l’affreuse nouvelle à des familles –, on ne peut accepter que des vies soient fauchées en raison de l’irresponsabilité de chauffards ou de l’imprudence de conducteurs qui ne mesurent pas toujours les conséquences de leur comportement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Il ne faut pas baisser la garde à un moment où chacun s’accorde à reconnaître que notre politique de lutte contre l’insécurité routière porte ses fruits.

Par conséquent, avec nombre de mes collègues du groupe UMP, je soutiens totalement la position de la commission. Je ne voterai donc pas cette proposition de loi.

En revanche, monsieur le secrétaire d’État, je déplore, comme Mme le rapporteur et certains de mes collègues, les nombreuses incohérences de la signalisation routière, …

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

…qui entraînent des variations de vitesse maximale multiples, soudaines et erratiques. Elles rendent en effet trop souvent difficile la connaissance de la vitesse autorisée et donnent aux usagers de la route le sentiment d’avoir été piégés.

Nous en connaissons tous de très nombreux exemples. Dans la région d’Ile de France, à la sortie de l’autoroute A4, la vitesse, limitée sur celle-ci à 90 kilomètres-heure, passe brusquement, après le panneau de fin d’autoroute, à 50 kilomètres-heure. La distance est parfaitement insuffisante pour permettre une décélération sans risque, …

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

… alors qu’un contrôle radar est implanté, comme par hasard, à cet endroit exact. Sur l’autoroute A13, dans le sens province-Paris, la vitesse maximale passe brusquement de 130 à 90 kilomètres-heure. Là encore, les contrôles-radars sont là, pour faire du chiffre. Sur la RN19, dans la traversée de la forêt entre Boissy-Saint-Léger et Villecresnes, la vitesse maximale autorisée change près de six fois sur deux kilomètres ! Est-ce tolérable ?

Ces vitesses maximales autorisées doivent être adaptées à la dangerosité objective de la route et pouvoir être augmentées sur certains tronçons lorsqu’il n’y a pas de difficulté particulière.

Il est donc indispensable, monsieur le secrétaire d’État, de réaliser un véritable plan d’ensemble de la signalisation pour rendre celle-ci plus cohérente, en y associant, comme nous le souhaitons, les autorités régulatrices, qu’il s’agisse des départements ou des communes, sur les tronçons qui les concernent. Ce plan d’ensemble doit établir une progressivité de la vitesse maximale autorisée. Si les conducteurs comprennent clairement les raisons de ces limitations de vitesse, ils les respecteront mieux et plus facilement.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous répondre sur ce point et nous indiquer les mesures que vous comptez prendre pour répondre aux usagers de la route, encore trop nombreux à penser qu’ils se font piéger par une réglementation qui, parfois, démontre sa propre incohérence ?

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports

Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à vous remercier de la qualité des interventions auxquelles Roger Karoutchi puis moi-même avons assisté depuis ce matin. Sur l’ensemble des travées, les orateurs ont exprimé leur préoccupation en matière de sécurité routière.

Après avoir été les mauvais élèves de l’Europe, nous avons mis en place depuis 2002, sur l’initiative des présidents Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy, des mesures alliant la sévérité à l’information, lesquelles ont incontestablement prouvé leur efficacité : elles ont permis de sauver plus de 13 000 vies et d’épargner près de 200 000 blessés, ce qui est considérable.

Si notre dispositif est efficace, il peut bien évidemment être encore amélioré et nombre d’entre vous ont fait des propositions en ce sens.

Le texte de M. About comporte sept propositions concernant, notamment, le retrait de points. La plus emblématique d’entre elles, pour ne pas dire la plus médiatique, porte sur la suppression du retrait d’un point pour les petits excès de vitesse.

Avant que nous examinions chacun des articles, je souhaite rappeler le sens global de la politique de sécurité routière de l’État et souligner le rôle-clef du dispositif du permis à points.

Nombre d’entre vous l’ont rappelé, la responsabilisation des conducteurs est au cœur de la politique menée depuis 2002. L’application effective des règles par tous les conducteurs en est le premier objectif.

Le déploiement du système de contrôle-sanction automatisé a fortement contribué à la diminution du nombre d’accidents. Plus de 2 300 radars sont aujourd’hui installés sur l’ensemble du territoire national. Nous allons bien entendu poursuivre notre action en ce sens, notamment avec l’installation de radars sur les feux de signalisation.

Le résultat, que chacun d’entre nous peut constater au quotidien, est un net abaissement de la vitesse moyenne. Jusqu’alors, les excès de vitesse étaient la principale cause de mortalité sur les routes.

L’égalité de traitement de tous les conducteurs est une préoccupation essentielle. L’équité est la première condition de la crédibilité de la lutte contre l’insécurité routière. Une même application des règles à tous les conducteurs, sans exception, est donc indispensable. Sinon, c’est tout notre dispositif qui s’écroulerait.

Bien sûr, l’acceptabilité sociale des contrôles est une condition de leur efficacité.

La lutte contre l’insécurité routière repose sur un changement durable des comportements de nos concitoyens. En tant qu’élus, vous parcourez de nombreux kilomètres dans vos départements et vous pouvez constater de réels changements de comportement chez la plupart de nos compatriotes.

Les contrôles effectués par les forces de l’ordre doivent être menés avec discernement. L’objectif est non pas de rapporter de l’argent à l’État, mais de garantir la sécurité des automobilistes sur les routes. Sont donc exclus toute politique du chiffre et tout piégeage des usagers de la route.

Les contrôles doivent être concentrés sur les axes identifiés comme les plus dangereux.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

Ces propos n’engagent que vous, monsieur About ! Comme un certain nombre d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis président de Conseil général et ce que j’observe dans mon département me convient tout à fait.

Les mesures de prévention concernent, notamment, les catégories les plus exposées au risque d’accident, à savoir les jeunes ou les conducteurs de deux roues motorisées ; la déléguée interministérielle à la sécurité routière, Michèle Merli, et moi-même allons, cette année, accomplir un effort important à leur égard.

Le permis à points joue un rôle majeur dans ce dispositif. Il répond à un double objectif de responsabilisation et d’égalité. Il s’inscrit dans une démarche pédagogique et préventive, en responsabilisant les conducteurs et en sanctionnant de façon mesurée et progressive le comportement de ceux qui transgressent les règles du code de la route.

La perte de points constitue une alerte : elle doit amener le conducteur à prendre conscience de la nécessité d’une conduite raisonnable et d’un comportement responsable au volant.

Le barème du retrait de points est progressif et les retraits sont proportionnés à la gravité des infractions. Ce dispositif garantit une égalité de traitement de tous les conducteurs.

Le permis à points a déjà été évalué et réformé. Deux objectifs ont guidé cette réforme.

Le premier consiste à mieux informer les usagers ; vous avez été nombreux à insister sur ce point. Un courrier en recommandé est désormais envoyé aux conducteurs ayant perdu la moitié de leurs points et le site internet « Télépoints » permet de faciliter la consultation par chacun du solde de points sur son permis de conduire.

Le second objectif tend à faciliter la récupération des points ; M. Détraigne nous a expliqué ce matin comment il avait procédé. Au bout de six mois, les personnes dont le permis a été invalidé peuvent repasser les seules épreuves théoriques, en d’autres termes le code.

S’agissant des infractions ayant donné lieu au retrait d’un point, le délai de récupération de ce point a été ramené de trois ans à un an.

Pour les conducteurs novices, l’acquisition de l’intégralité du capital est accélérée : en l’absence d’infraction, le nombre de points augmente de deux points par an pendant trois ans.

Tous les bilans montrent que le permis à points remplit parfaitement sa fonction pédagogique.

En 2008, 2, 5 millions de personnes ont récupéré un point sur leur permis de conduire après un an passé sans infraction – l’aspect « prévention » a donc bien fonctionné –, et 1, 8 million de personnes ont recouvré la totalité du capital initial de leurs points.

Ce résultat coïncide avec la baisse continue du nombre des victimes. L’an passé, nous dénombrions 4 274 décès. C’est encore beaucoup trop, mais nous en déplorions 10 000 il y a quelques années. L’objectif du Président de la République est de limiter à 3 000, en 2012, le nombre de tués.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

Nous ne devons pas baisser la garde : nous ne pouvons pas assouplir la politique de sécurité routière, sauf à prendre le risque, terrible, d’un relâchement du comportement des conducteurs et d’un nombre accru de morts et de blessés sur les routes.

Il nous faut donc examiner avec prudence toute adaptation de la politique de sécurité routière. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement, à l’instar de la commission des lois et d’un certain nombre de groupes de cette assemblée, n’est pas favorable à la proposition de loi de M. About.

Monsieur Détraigne, vous avez, ce matin, évoqué dans votre intervention les quotas de PV. En la matière, aucune consigne n’a été donnée au niveau national. Les policiers et les gendarmes ont reçu une circulaire de Mme Alliot-Marie, qui donne des directives très fermes en ce sens, et les préfets doivent vérifier dans chaque département si les instructions locales sont bien conformes à ces prescriptions. Il s’agit non pas de faire du chiffre mais d’être efficaces !

MM. de Legge et Mahéas ont évoqué la ceinture de sécurité, qui fait l’objet d’un article de cette proposition de loi. Son port est devenu un réflexe, et tout mauvais signal en la matière serait effroyable. Chaque année, quatre cents personnes pourraient être sauvées si elles la portaient.

Tout à l’heure, M. Collin a cité l’Espagne, qui ne sanctionne les excès de vitesse qu’au-delà de dix kilomètres par heure. Mais le nombre de tués par habitant dans ce pays est largement supérieur à celui que nous connaissons, et le gouvernement espagnol réfléchit à un durcissement de sa politique dans ce domaine.

MM. Collin et About ont évoqué une déclaration du président Roland du Luart sur le fait que les policiers et les gendarmes ne porteraient pas systématiquement leur ceinture de sécurité. Instruction leur est donnée de le faire, autant pour leur sécurité que pour l’exemplarité. On peut toutefois comprendre que, dans certaines missions très particulières, ils soient dans l’impossibilité de la porter, afin de pouvoir quitter rapidement leur véhicule.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

Nombre d’entre vous ont fait allusion aux emplacements des radars, notamment MM. Mahéas et Cambon. Ceux-ci sont fixés par les préfets, après concertation avec les commissions locales d’usagers. Nous pouvons naturellement améliorer cette concertation en y associant les maires et les conseillers généraux.

En ce qui concerne l’entretien des routes et leur sécurité, le plan de relance prévoit des moyens supplémentaires à cet effet.

Messieurs de Legge et Mahéas, une amende est moins dissuasive que le retrait de points, et aussi moins équitable. Avant l’instauration du service minimum, ceux qui disposaient d’une voiture avec chauffeur pouvaient aller travailler, à la différence de ceux qui prenaient le métro. Il ne faut pas créer une discrimination par l’argent !

M. Fouché a évoqué le cas des conducteurs qui ont eu leur permis invalidé pour solde de points nul. En 2007, sur 88 000 automobilistes sanctionnés, seuls 17, soit 0, 02 %, ont perdu douze fois un point !

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

Et 107 seulement, soit 0, 12 %, n’avaient commis que des infractions entraînant le retrait d’un ou de deux points, par exemple pour avoir roulé à 84 kilomètres par heure en ville, ce qui n’est pas admissible !

Enfin, il est vrai que le dispositif actuel d’harmonisation des limitations de vitesse est insuffisant. Plusieurs orateurs ont cité des exemples de brusques variations de ces limitations de vitesse sur un même axe routier. Celles-ci sont mal acceptées par les usagers de la route et s’expliquent par la grande diversité des acteurs, ce qui fait le charme de notre pays, et, parfois, par une mise en place de panneaux de signalisation pas du tout adaptée.

Outre les préfets, nombre d’élus sont compétents en matière de limitation de vitesse : les maires, au travers des arrêtés qu’ils peuvent prendre sur le territoire de leurs communes, mais aussi les présidents de conseils généraux, par les mesures qu’ils peuvent faire adopter dans leurs départements, en étant très attentifs à la réalité du réseau et en sensibilisant tous les élus pour donner des indications à cet égard.

Je m’engage donc devant la Haute Assemblée à mettre en place très rapidement des mesures concrètes pour mener à bien cette harmonisation, en collaboration avec Mme Alliot-Marie, l’ensemble des services concernés, l’Assemblée des départements de France et l’Association des maires de France.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

Je remercie Mme le rapporteur de l’excellent travail réalisé.

Monsieur About, le Gouvernement est sensible au problème que vous avez soulevé, mais pas à vos arguments. Il n’est donc pas favorable à l’adoption de cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP ainsi qu’au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Nous avons pris note de vos engagements, monsieur le secrétaire d’État.

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 4, présenté par M. Fouché, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après le premier alinéa de l'article L. 223-1 du code de la route, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les utilisateurs professionnels sont dotés d'un permis de conduire spécial. »

II. - L'article L. 223-6 du même code est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Si le conducteur justifiant d'une nécessité absolue de détenir son permis de conduire pour des motifs liés à son activité professionnelle n'a pas commis, dans le délai d'un an à compter de la date du paiement de la dernière amende forfaitaire, de l'émission du titre exécutoire de la dernière amende forfaitaire majorée, de l'exécution de la dernière composition pénale ou de la dernière condamnation définitive, une nouvelle infraction ayant donné lieu à un retrait de un ou deux points, son permis est affecté du nombre maximal de points. » ;

2° Dans le dernier alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre ».

III. - L'article L. 223-8 du même code est ainsi modifié :

1° Dans le 1°, après les mots : « points du permis de conduire, », sont insérés les mots : « le nombre maximal de points du permis de conduire spécial pour les utilisateurs professionnels, » ;

2° Il est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« 6° Les conditions de mise en œuvre de la récupération ;

« 7° Les modalités de la procédure de demande de récupération par le titulaire du permis de conduire. »

La parole est à M. Alain Fouché.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Cet amendement vise à améliorer le système de récupération de points pour les professionnels de la route.

Nous sommes conscients des résultats obtenus grâce à la politique menée ces dernières années. Mais tous les conducteurs ne sont pas sur un pied d’égalité. Il semble ainsi équitable de doter, sous certaines conditions, les professionnels de la route qui justifient d’une nécessité absolue d’un permis de conduire pour travailler d’un meilleur système de récupération des points.

Cela est d’autant plus nécessaire que la menace de retrait du permis paraît disproportionnée lorsque la perte de ce dernier résulte de l’addition de fautes extrêmement légères.

C’est pourquoi cet amendement vise à permettre aux conducteurs dont l’activité professionnelle est intrinsèquement liée à la conduite d’un véhicule automobile de bénéficier d’une durée plus courte pour la récupération des points : celle-ci passerait de trois ans à un an.

Le maintien des amendes et celui du nombre total de points, qui s’ajouteront à la menace toujours réelle de perdre son permis de conduire, permettront de garantir la vigilance tout en établissant une véritable équité entre ceux qui conduisent beaucoup et ceux qui conduisent peu, les premiers courant naturellement un risque beaucoup plus grand de perdre leur permis et, par la même occasion, leur emploi, ce qui est dramatique pour eux.

Le principe de la récupération anticipée des points ne vaudrait que lorsque la perte de ceux-ci correspond à des fautes bénignes, la durée de récupération demeurant bien entendu la même pour les fautes lourdes, notamment pour les grands excès de vitesse, la conduite en état d’alcoolémie ou sous l’emprise de stupéfiants.

Il appartiendra à un décret en conseil d’État de préciser l’ensemble de ces éléments.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je souhaite tout d’abord rétablir certaines vérités. Ce n’est pas parce que le rapport de la commission des lois ne va pas dans le sens des attentes de M. About que celui-ci peut se permettre de porter un jugement de valeur sur le travail que j’ai réalisé : j’ai rédigé mon rapport sans tabou et sans céder au politiquement correct.

J’ai relevé des incohérences à plusieurs reprises : vous avez cité la page 21 du rapport, monsieur About ; vous auriez pu aussi mentionner la page 20, ainsi que les recommandations que j’ai formulées tout à l’heure.

La commission a travaillé avec beaucoup de sérieux et en toute indépendance d’esprit.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 4 tend à instaurer un permis à points particulier pour les professionnels de la route. Il reprend la proposition de loi n° 266, cosignée, entre autres, par notre collègue Jean-Paul Alduy. L’objectif est de tenir compte de la situation particulière de ces professionnels de la route, pour lesquels la possession du permis de conduire est indispensable à l’exercice de leur activité.

Ce permis à points particulier serait soumis à des règles spécifiques en matière de récupération des points. Si, dans un délai d’un an après la dernière infraction, le titulaire du permis n’a commis aucune infraction entraînant un retrait d’un ou de deux points, le permis serait crédité de douze points, à savoir le nombre maximal.

Cet amendement pose plusieurs problèmes.

Tout d’abord, il crée une inégalité difficilement justifiable entre les usagers de la route, sauf si l’on considère que ceux qui roulent le plus et qui utilisent les véhicules potentiellement les plus dangereux – je pense aux camions – doivent bénéficier d’une clémence particulière. On peut penser, au contraire, que ces usagers sont plus expérimentés, donc qu’ils conduisent mieux, et dans le respect du code de la route.

Ensuite, comment définir un utilisateur professionnel de la route ? S’agit-il seulement des transporteurs routiers et des taxis ? Ou bien faut-il également inclure dans cette catégorie les artisans, les dirigeants de PME ou toutes les personnes pour lesquelles la voiture constitue un outil de travail très important ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Le débat risque donc d’être complexe, mes chers collègues.

Enfin, le dispositif qui nous est proposé soulève également des problèmes techniques. En effet, l’adoption de cet amendement permettrait à un conducteur de récupérer tous ses points en l’absence d’infraction pendant un an, y compris s’il a commis, un an et un mois auparavant, une infraction sanctionnée par un retrait de six points. Cela apparaît excessivement avantageux.

Aucune donnée ne fait état d’une explosion du nombre de retraits de permis de conduire chez les professionnels de la route. Comme l’a souligné la commission, les règles applicables à la récupération des points tendent à rééquilibrer le système. Dès lors, il n’apparaît pas utile de bouleverser les règles du jeu.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

Monsieur Fouché, votre amendement soulève un problème qui fait fréquemment l’objet de discussions et auquel les élus sont souvent confrontés dans leur permanence.

Selon les statistiques d’accidentologie dont nous disposons, il apparaît que les professionnels de la route, par exemple les chauffeurs routiers, sont ceux qui, de manière générale, sont le plus respectueux des règles de circulation. Nous avons d’ailleurs signé des accords avec les grandes fédérations de transporteurs routiers. Certes, les accidents impliquant des camions sont souvent les plus graves et, en dépit de tous nos efforts en faveur du report modal, 85 % du trafic de marchandises dans notre pays est encore assuré par la route.

Comme l’a indiqué Mme le rapporteur, l’instauration d’un permis spécial à l’intention des professionnels de la route serait injuste. D’une part, une telle mesure introduirait une rupture du principe d’égalité des conducteurs devant la loi et pourrait, de ce fait, se révéler inconstitutionnelle. D’autre part, qui inclurait-on dans cette liste ? Les élus, les artisans, les médecins, les avocats, les étudiants, ceux qui ne disposent d’aucun moyen de transport collectif ?

Monsieur Fouché, vous êtes l’élu d’un grand département rural où, parfois, les gens n’ont pas d’autre solution que de prendre leur véhicule pour aller travailler. L’adoption de votre amendement pourrait entraîner un certain relâchement des comportements, en particulier en milieu urbain. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez bien, c’est souvent en milieu urbain, par la force de l’habitude, que l’on compte le plus grand nombre d’accidents.

Pour conclure, je citerai l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, selon lequel l’accroissement d’un kilomètre par heure de la vitesse a pour effet d’augmenter de 4 % le nombre de tués sur les routes.

Monsieur le sénateur, votre sens de l’État et votre connaissance du terrain devraient vous conduire à retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement serait obligé, à regret, d’émettre un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Je voudrais indiquer à Mme le rapporteur que, loin de porter un jugement négatif sur son rapport, j’ai trouvé celui-ci très intéressant et que j’admire par ailleurs la façon dont elle a mené ses travaux. Il n’en demeure pas moins que, tout en partageant nombre des recommandations de la commission, je suis en désaccord avec ses conclusions.

Monsieur le secrétaire d'État, le rapport de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière est devenu, en quelque sorte, mon livre de chevet et je l’ai lu avec une grande attention. Or les propos que vous venez de tenir sur l’accidentologie des poids lourds sont tout à fait inexacts. Par conséquent, je vous invite à relire les passages de ce rapport consacrés aux vitesses de circulation, de jour comme de nuit, des poids lourds, lesquels indiquent que près de 20 % de ceux-ci dépassent systématiquement les vitesses maximales autorisées.

En outre, il est très difficile d’établir des relevés de vitesse pour les poids lourds compte tenu de la complexité de la grille des limitations de vitesse qui leur est applicable en fonction de leur catégorie.

D’une manière générale, ceux-ci ne peuvent rouler à plus de 90 kilomètres par heure. Or les flashes ne se déclenchant qu’en cas de dépassement de la vitesse autorisée pour les véhicules légers, seuls les dépassements par un poids lourd de plus de 40 kilomètres par heure de la vitesse maximale autorisée sur autoroute pourra, le cas échéant, être sanctionnée.

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, mon objectif est nullement de permettre les excès de vitesse ! Si vous décidiez de réduire à 110, à 100 ou à 90 kilomètres par heure la vitesse maximale autorisée, comme c’est notamment le cas aux États-Unis, nous adopterions la même position : nous considèrerions qu’il faut du tact et de la mesure dans toute chose. En roulant à 111 ou à 91 kilomètres par heure, les gens ne seraient pas plus dangereux qu’en roulant à 110 ou à 90 kilomètres par heure. Que l’on ne nous rende pas responsables des tués sur la route, alors que rien n’est fait pour réduire les accidents nocturnes, qui représentent 45 % des décès !

On nous dit qu’il ne faut surtout pas modifier les limitations de vitesse, alors que le rapport de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière confirme que, en moyenne, on roule plus vite la nuit que le jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

On nous dit aussi que seuls ceux qui ont « picolé » roulent la nuit. Penser cela, c’est non seulement faire preuve d’un grand mépris envers les Français, mais c’est encore considérer que rien ne peut être fait pour réduire la vitesse moyenne de circulation la nuit. Le trafic nocturne représente 10 % du trafic total, mais il est à l’origine de 45 % des tués !

On ne fait rien, car agir coûterait trop cher ! Les actions en faveur de la sécurité routière se concentrent sur la circulation diurne, qui représente 90 % du trafic total, parce que c’est à ce moment que les forces de l’ordre peuvent le plus verbaliser. Pour ma part, je ne trouve pas cette politique très équilibrée.

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, je relèverai une autre inexactitude dans ce que vous avez dit. Effectivement, ceux dont le permis a été supprimé sont souvent amenés à rouler avec un deux-roues. Or le trafic des deux-roues représente 1 % du trafic global, mais 14 % des décès. Le retrait des permis de conduire n’est donc pas forcément une solution.

Je reviendrai, au cours de la discussion des articles suivants, sur les autres observations que vous avez faites.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

Monsieur About, le Gouvernement n’entend pas modifier les règles en permanence.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

Des voix se font toujours entendre pour que soit abaissé le taux maximal autorisé d’alcool dans le sang, pour que soit réduite la vitesse maximale en ville et sur les routes, respectivement à 40 et à 80 kilomètres par heure… Or le Président de la République, le Premier ministre et l’ensemble du Gouvernement estiment que les règles sont désormais comprises par l’ensemble des Français…

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

…et qu’il importe de les faire appliquer strictement. Notre politique en matière de sécurité routière est établie et nous n’avons pas l’intention de changer constamment les règles du jeu, ni dans un sens ni dans l’autre. Lorsque nos concitoyens auront adopté les bons reflexes, nous aurons gagné !

Tout affaiblissement des règles conduirait à augmenter le nombre des morts. Nous n’irons pas dans cette direction !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Monsieur Fouché, l'amendement n° 4 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Oui, je le maintiens, monsieur le président.

Dans mon esprit, les professionnels de la route sont non pas les étudiants, mais, par exemple, les chauffeurs routiers ou les chauffeurs de taxi, pour lesquels il conviendrait de prévoir des dispositions spécifiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Je comprends bien l’argumentation de l’auteur de cet amendement. À l’évidence, les professionnels de la route ont absolument besoin de leur permis de conduire pour travailler. Toutefois, il me semble que l’on est en droit d’attendre de leur part une plus grande prudence que celle que l’on attend d’un simple conducteur. Leur permis de conduire, c’est leur gagne-pain, et ils en sont très conscients.

Il est fait référence à l’addition de fautes dites « bénignes », par exemple un dépassement de moins de 30 kilomètres par heure de la vitesse autorisée, ou à une accumulation, sur de courtes distances, de panneaux de signalisation indiquant différentes vitesses maximales autorisées. Ces situations sont réelles, mais elles devraient faire l’objet de discussions avec les collectivités territoriales, ce qui serait une innovation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Comme je l’ai dit au cours de la discussion générale, des anomalies rendent les règles incompréhensibles et, mécaniquement, difficilement observables.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Je suis heureux que M. le secrétaire d'État ait annoncé une amélioration de la concertation. Cela prouve que l’on peut tout de même faire évoluer un peu les normes, même si elles sont d’ordre réglementaire. Je crois d’ailleurs que c’est la volonté de chacun dans cet hémicycle.

Toujours est-il que 30 kilomètres par heure de moins, ce n’est pas rien ! La solution consiste donc à revoir les panneaux de limitation de vitesse et à faciliter la récupération des points.

La création d’un permis de conduire spécial et la réduction de trois ans à un an de la durée nécessaire pour récupérer ses points sont des solutions qui soulèvent plus de problèmes qu’elles n’en résolvent. Ce serait la porte ouverte à de nombreuses demandes. Je pense au simple particulier qui habite la campagne et qui travaille à 60 kilomètres de son domicile, sans transport en commun. Ce genre de situation est courant, et il est alors indispensable d’avoir un permis de conduire, sauf à utiliser une mobylette. Pour autant, on ne peut pas parler de professionnel de la route.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

M. Jacques Mahéas. Monsieur About, nous vivons dans un monde que nous espérons être de confort. On peut effectivement aller au travail à bicyclette ou en patins à roulettes, mais c’est plus difficile !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Ces situations sont fréquentes ! Cela ne me fait pas rire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

J’ai connu dans mon conseil municipal un jeune énarque qui se rendait à la gare du RER en patins à roulettes ! Pour autant, cette personne n’est pas un professionnel de la route, comme le sont les chauffeurs routiers ou les chauffeurs de taxi.

L’adoption de cet amendement ne manquerait pas de provoquer un appel d’air pour d’autres demandes, tout aussi légitimes humainement et économiquement.

Ensuite, une telle dérogation me paraîtrait contre-productive pour la sécurité routière. Une dynamique se met en place progressivement. Il convient de ne pas la briser en créant, de manière quelque peu arbitraire, des droits spécifiques au profit de certains.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je mets aux voix l'amendement n° 4.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 142 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Après l'article L. 223-8 du code de la route, il est inséré un article L. 223-9 ainsi rédigé :

« Art. L. 223-9. - Toute contravention résultant d'un dépassement de la vitesse maximale autorisée de moins de 5 km par heure ne peut pas donner lieu à une réduction du nombre de points du permis de conduire.

« L'application de l'alinéa précédent entraîne la restitution immédiate des points retirés sur le permis de conduire des automobilistes, qui ont fait l'objet d'une telle sanction, sous réserve qu'ils se soient acquittés au préalable de l'amende forfaitaire correspondante, fixée par décret pris en Conseil d'État, en application de l'article L. 529 du code de procédure pénale. »

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 5, présenté par M. Mahéas et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mahéas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Je me suis déjà longuement exprimé sur ce sujet lors de la discussion générale.

L’article 1er vise à supprimer la réduction d'un point du permis de conduire lorsque l'excès de vitesse ne dépasse pas la vitesse maximale autorisée de cinq kilomètres par heure, mais il maintient l'amende forfaitaire de 45 euros.

Une différence de cinq kilomètres ajoutée à la marge technique de cinq kilomètres ferait que le dépassement des limitations de vitesse ne serait sanctionné qu'à partir de 10 kilomètres au-dessus de la vitesse autorisée.

La suppression du retrait de points créerait une inégalité entre les conducteurs ayant les moyens financiers d'acquitter de nombreuses amendes et les autres.

En outre, l'expérience démontre qu'en matière de répression des contraventions routières l'amende est beaucoup moins dissuasive que le retrait de points.

Une telle proposition ne diffuse pas un bon message, surtout au moment des grands week-ends de printemps et peut entraîner une hausse du nombre des accidents. En effet, des études indiquent qu'une élévation, même minime, de la vitesse induit une augmentation du nombre de morts et que les très petits excès de vitesse sont une cause importante d'accidents.

Telles sont les raisons qui motivent notre volonté de supprimer l’article 1er, lequel ouvrirait une brèche dans une politique qui porte peu à peu ses fruits.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 1, présenté par M. About, est ainsi libellé :

Supprimer le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 223-9 du code de la route.

La parole est à M. Nicolas About.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Cet amendement vise à supprimer le dispositif de rétroactivité prévu à l’article 1er, parce que j’ai bien conscience que cette rétroactivité pourrait constituer un motif de rejet de l’ensemble de l’article.

Dans ces conditions, me direz-vous, pourquoi avoir prévu une telle mesure ? En fait, je m’étais appuyé sur les jugements rendus par plusieurs tribunaux.

Le tribunal de Saint-Dié a considéré qu’il était illégal que les radars soient fabriqués et contrôlés par une seule entreprise, en l’occurrence la Sagem.

Le tribunal de Vesoul a estimé que la grande légèreté – restons corrects – avec laquelle les forces de l’ordre installent certains radars mobiles aboutit à des erreurs considérables, qui peuvent aller de 4 % à 30 %, voire plus, sur le kilométrage constaté.

Ces tribunaux ont donc supprimé les amendes de ceux qui, pardonnez-moi, mon cher collègue, avaient assez d’argent pour aller devant les tribunaux.

C’est là l’iniquité ! Les riches peuvent se permettre d’engager un recours, de supporter la consignation d’une somme plus importante que celle de l’amende, de prendre un avocat afin d’éviter la condamnation. Et, lorsqu’ils gagnent, ils récupèrent des points anciens, parce que la procédure laisse courir les délais.

Mais, mes chers collègues, lorsqu’ils obtiennent satisfaction du tribunal, cela ne vaut que pour eux.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Le tribunal n’annule pas, pour les autres contrevenants, les retraits de points et amendes qui ont été prononcés dans l’illégalité la plus totale.

Lorsque l’on constate que des forces de l’ordre n’ont pas opéré correctement ou qu’elles ont eu recours à des dispositifs illégaux, pourquoi n’annule-t-on pas toutes les contraventions ? C’est tout à fait scandaleux !

C’est ce que l’on appelle la justice à deux vitesses : les riches peuvent s’en sortir, mais les pauvres, qui n’étaient pas des contrevenants et qui ont été flashés à tort, sont tenus de payer leurs amendes et se voient en outre retirer des points.

Comme je l’ai indiqué à la tribune tout à l’heure, il n’y a plus que les conducteurs honnêtes, les grands naïfs ou ceux qui sont trop pauvres pour pouvoir se défendre qui, aujourd’hui, tombent sous le coup de la loi que nous avons mise en place.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous transmettrai, si vous le souhaitez, l’ensemble des instructions écrites délivrées par les commissaires de police. Elles donnent exactement, pour 2009, le nombre d’interpellations auxquelles il faut procéder, le nombre de contraventions qui doivent être délivrées pour infractions au code de la route, le nombre de délits pour défaut de permis de conduire, de refus d’obtempérer qu’il faut constater ; il faut donc se débrouiller pour que la personne refuse d’obtempérer ! Pour le secteur considéré, le nombre de refus d’obtempérer devait être de quarante-cinq en 2003 et le nombre de timbres-amendes pour infractions au code de la route, hors stationnement, devait être de deux cent trente. À qui veut-on faire croire que les forces de l’ordre ne reçoivent pas de directives ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Les arguments que vient d’évoquer M. About m’inspirent quelques observations.

D’abord, il n’y a pas de jurisprudence définitive tant que la Cour de cassation ne s’est pas prononcée. Vous savez mieux que quiconque, monsieur About, qu’une décision de justice ne constitue pas un précédent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

C’est notre état de droit ! La décision d’un tribunal ne vaut que pour l’affaire qui a été jugée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Certains tribunaux ont estimé qu’il y avait une incertitude et ils ont donc décidé de ne pas prononcer de condamnation. Ainsi en est-il pour les radars, car c’est la même entreprise qui fabrique et qui contrôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

C’est illégal du point de vue du tribunal de Vesoul et de celui de Saint-Dié !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Le jugement du tribunal de Vesoul concerne la légèreté des forces de l’ordre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur About, vous affirmez vouloir rétablir l’égalité ! En fait, avec votre dispositif, vous établissez une inégalité nouvelle selon que le contrevenant peut, ou non, payer des amendes.

L’égalité vaut pour tous les citoyens ! Cet argument s’appliquait également à l’amendement de M. Alain Foucher. La meilleure façon d’éviter amendes et retraits de points, c’est de respecter parfaitement le code de la route.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La commission n’ayant pas adopté l’article 1er, elle ne peut qu’être favorable à l’amendement de suppression n° 5.

L’amendement n° 1 tend à supprimer la rétroactivité en matière d’annulation des retraits de points pour les excès de vitesse de moins de cinq kilomètres à l’heure. La rétroactivité est en pratique quasi impossible à mettre en œuvre et fragiliserait tout le dispositif du permis à points.

La commission n’ayant pas adopté cette mesure pour des raisons de fond qui ont été précédemment développées, elle est défavorable à cet amendement, qui ne modifie pas fondamentalement la portée du présent article.

Comme l’a indiqué M. le président de la commission des lois, si l’article 1er était adopté, il en résulterait une nouvelle injustice ; je tiens à le redire en cet instant, car il faut que ce soit clair pour tout le monde.

Pour les conducteurs qui disposent de moyens financiers, l’amende ne sera pas dissuasive : pour eux, la vitesse maximale autorisée sera donc systématiquement de cinq kilomètres supérieure à la limitation réelle. Les autres, les plus défavorisés, ceux qui n’ont pas les moyens de payer des amendes, seront pénalisés dès le départ. Il y aura donc deux statuts de conducteurs.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

Comme nous l’avons tous appris à l’école primaire, cinq plus cinq égalent dix. Il existe déjà une marge de cinq kilomètres. Si l’on supprime le retrait de points pour les dépassements de moins de cinq kilomètres de la vitesse maximale autorisée, on arrive, en fait, à une tolérance de dix kilomètres. Or, je le rappelle, un kilomètre de plus, ce sont plusieurs centaines de vies en moins.

Par voie de conséquence, je suis favorable à l’amendement n° 5 de suppression de l’article 1er et défavorable à l’amendement n° 1.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je mets aux voix l'amendement n° 5.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 143 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l’article 1er est supprimé et l’amendement n° 1 n’a plus d’objet.

Après l'article L. 412-2 du même code, il est inséré un article L. 412-3 ainsi rédigé :

« Le fait, pour tout conducteur, de ne pas porter la ceinture de sécurité, ne peut être sanctionné que par une amende dont le montant est défini par décret pris en conseil d'État. »

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 6, présenté par M. Mahéas et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mahéas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Cet article supprime la réduction de points du permis de conduire en cas de non-port de la ceinture de sécurité par le conducteur. Il maintient l'amende seule de 135 euros au motif qu'il y a des abus de verbalisation et que, à grande vitesse, la ceinture de sécurité ne constitue pas une garantie efficace en cas d'accident.

Contrairement à ces affirmations, les études montrent que 20 % des conducteurs non ceinturés impliqués dans un accident ont été tués, alors que moins de 2 % des conducteurs ceinturés ont péri. Il est vrai que je ne connais pas la distinction entre petite et grande vitesse ; je ne sais pas s’il y a des statistiques en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Par ailleurs, ces contrevenants prennent le risque de faire peser des frais de santé sur la société quand ils sont blessés.

Enfin, à la suite de la réduction de points du permis, le port de la ceinture de sécurité par le conducteur a beaucoup progressé : à la campagne, le taux est passé, entre 1997 et 2007, de 94 % à 98, 6 % ; en ville, il est passé de 69 % à 96 %. À l'arrière du véhicule, le taux tourne entre 77 % et 85 %. Ces progrès doivent être encouragés et il ne faut pas casser cette dynamique.

Je suis d’accord avec M. About quand il dit qu’il est anormal de permettre à certaines catégories de personnes de ne pas porter la ceinture de sécurité. Il faudrait peut-être examiner de près les taux de blessés ou de tués observés dans ces professions.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Ce serait effectivement intéressant ! Si les taux étaient identiques, cela signifierait que le port de la ceinture ne sert à rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Quoi qu’il en soit, nous souhaitons supprimer cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Cet amendement de suppression va tout à fait dans le sens de la position de la commission des lois, qui n’a pas adopté cet article.

Par conséquent, la commission émet un avis favorable.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

Le Gouvernement est également favorable à cet amendement de suppression.

La troisième cause de mortalité, après l’alcool et la vitesse, c’est le défaut de port de ceinture de sécurité, et le risque d’être tué est doublé dans ce cas. Les jeunes enfants sont très vulnérables : un choc sans ceinture à une vitesse de 20 kilomètres par heure peut leur être fatal. Les statistiques montrent que, malgré tous nos efforts, un enfant sur dix n’est pas attaché, et sept sur dix le sont mal.

L’an dernier, quatre cents vies auraient pu être sauvées si tous les conducteurs et leurs passagers avaient mis la ceinture de sécurité. Toute mesure qui engendrerait un relâchement des comportements se traduirait par une augmentation du nombre de victimes. Nous ne le voulons pas !

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Je regrette infiniment que Mme le rapporteur n’ait pas déposé, comme c’était son intention initialement, un amendement visant à limiter la sanction, en cas de non-port de la ceinture, à la perte d’un seul point.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

La loi a pourtant fixé à plusieurs reprises le nombre de points perdus ! Vous l’avez d’ailleurs fait en commission des lois voilà un an.

Il s’agit, comme l’a rappelé la Cour européenne des droits de l’homme, d’une sanction pénale, qui relève donc du législateur. Il ne faut pas baisser la garde, même si, je le répète, la ceinture de sécurité n’assure aucune protection à grande vitesse et peut même être la cause de la mort.

La ceinture de sécurité est particulièrement utile dans les agglomérations et à une vitesse inférieure à 70 kilomètres par heure. Curieusement, M. le secrétaire d’État a pris un décret permettant de transgresser cette règle en ville pour tous ceux qui roulent beaucoup ; la majorité des Français ne font que cinquante minutes de voiture par jour.

Il y a donc là un paradoxe : les personnes qui roulent toute la journée sont dispensées du port de la ceinture de sécurité. Il serait très intéressant, effectivement, de savoir si, parmi ces conducteurs, le nombre de blessés graves ou de tués est plus important. Dans le cas contraire, cela démontrerait que le port de la ceinture de sécurité est inutile. Cette étude n’a pas dû être effectuée. Sinon, je suppose que M. le secrétaire d’État aurait immédiatement modifié son décret pour imposer à tous le port de la ceinture de sécurité. Car on ne peut pas imaginer qu’il veuille faire courir un risque de mort à ces professionnels qui passent leur temps sur la route ; je pense aux livreurs, aux coursiers qui portent des plis, aux ambulanciers, aux chauffeurs de taxi…

M. le secrétaire d’État a rappelé l’importance de la ceinture de sécurité pour les enfants. Or c’est aussi un décret ministériel qui permet aux enfants de ne pas satisfaire à cette obligation dans les taxis. Un siège adapté permettant de rehausser l’enfant et d’assurer sa sécurité pourrait pourtant être imposé dans les taxis. Manifestement, cela ne paraît pas utile. Je suis très étonné !

Je ne demande pas la suppression totale de la réduction de points : je me serais contenté du retrait d’un point et d’une amende de 135 euros, ce qui est déjà beaucoup, sans parler de ceux qui n’ont pas les moyens d’engager un recours devant les tribunaux.

Mes chers collègues, faites bien attention à ne pas emmener vos enfants lorsque vous prenez un taxi, car M. le secrétaire d’État accepte que leur sécurité n’y soit pas assurée !

M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation. – Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je mets aux voix l'amendement n° 6.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 144 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l’article 2 est supprimé.

Après l'article L. 413-5 du même code, il est inséré un article L. 413-6 ainsi rédigé :

« La vitesse de nuit sur l'ensemble du réseau est réduite dans des conditions définies par décret pris en Conseil d'État. Elle ne peut être supérieure à la vitesse limitée par temps de pluie. »

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L’amendement n° 3, présenté par M. Fouché, a été retiré.

L'amendement n° 7, présenté par M. Mahéas et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mahéas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

M. Jacques Mahéas. J’ai l’impression de faire le travail de la majorité !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Cet article prévoit de réduire la vitesse pour le conducteur qui circule de nuit dans les mêmes conditions qu'en temps de pluie ou de brouillard au motif que, la nuit, les vitesses moyennes sont plus élevées que dans la journée et que les dépassements de vitesse sont supérieurs.

J’ai été sensible aux propos de M. About, je dois le reconnaître. Mais les études montrent que la surmortalité la nuit s'explique essentiellement par la surconsommation d’alcool ; nous ne sommes pas d’accord sur ce point. Je dis non pas que, globalement, ceux qui roulent de nuit conduisent plus vite, mais que les accidents sont plutôt liés à un problème d’alcoolémie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

En effet !

Il est donc préférable de s'attaquer à la vraie source du risque, en multipliant les contrôles d'alcoolémie et de stupéfiants la nuit, lesquels sont rares. Ce dispositif serait plus approprié que l’instauration d'autres limitations de vitesse.

Telles sont notamment les raisons qui motivent cet amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Cet amendement de suppression va également dans le sens de la position de la commission des lois, qui n’a pas adopté cet article.

Par conséquent, la commission émet un avis favorable.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

Je fais miens les propos de M. Mahéas.

Le Gouvernement ne souhaite pas passer son temps à modifier des règles qui sont connues des Français. Depuis 2002, les comportements, les réflexes sont en train de changer. Faisons appliquer strictement les normes en vigueur sans en ajouter de nouvelles.

C’est pourquoi le Gouvernement est favorable à l’amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Monsieur le secrétaire d’État, vous dites qu’il ne faut pas changer les règles. Or cela s’est déjà produit de nombreuses fois depuis plusieurs années, notamment voilà un an ! Mais lorsque nous proposons un changement, peut-être parce que nous sommes un groupe minoritaire, on nous oppose cet argument. Chacun en tirera les conclusions !

Dans ma Bible, le rapport de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, il est dit que les vitesses moyennes pratiquées de nuit sont toujours supérieures à celles de jour. Et si le trafic de nuit ne représente que 10 % du trafic, il est responsable de 45 % des tués sur la route, sans parler des blessés. Pourtant, on me répond : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » Il n’y a surtout pas à légiférer.

J’ai le sentiment que cette question mérite une autre réponse. On parle de six kilomètres par heure de plus ; or on nous a dit tout à l’heure qu’un kilomètre par heure de plus augmentait de 4 % le nombre de tués. Mais tout le monde s’en moque parce qu’il faudrait modifier la réglementation en vigueur !

Nous ne cherchons pas à faciliter les excès de vitesse. Nous disons simplement qu’à la vitesse fixée il faudrait respecter l’épaisseur du trait, parce qu’aucune voiture n’est dotée d’équipement permettant au conducteur de contrôler la vitesse à laquelle il roule. Par conséquent, tolérer un dépassement d’un ou deux kilomètres par heure, ce serait introduire du bon sens dans la loi et arrêter d’être aveugle, comme le disait Yves Détraigne tout à l’heure.

S’il existe réellement un problème la nuit, comme l’affirment l’Observatoire et la sécurité routière, eh bien ! imposons une diminution des vitesses !

Nous avons la possibilité de réduire de façon considérable le nombre de tués. J’avais cru, tout à l’heure, que c’était l’objectif premier, car on m’a dit ceci : avec l’article 1er, vous allez inciter les gens à rouler plus vite, vous allez donc augmenter le nombre de tués et vous en serez responsable ; avec l’article 2, vous voulez empêcher que l’on supprime des points en cas de non-port de la ceinture de sécurité, vous aurez également des morts sur la conscience. Et avec l’article 3, qui concerne la vitesse de nuit, il ne faudrait rien faire, bien que ce soit à ce moment-là que l’on roule trop vite, comme l’indique l’Observatoire !...

J’ai voulu aller jusqu’à l’article 3 pour que chacun comprenne qu’il ne s’agit pas d’un problème de sécurité publique. Il faut s’en tenir à la situation actuelle et ne rien changer. Cela donne satisfaction à tout le monde et, surtout, on ne sanctionne que les comportements humains et non l’absence d’action du Gouvernement ou, éventuellement, des collectivités territoriales : on punit uniquement les conducteurs qui se trouvent dans des situations un peu limites. C’est dommage, parce que, dans les départements ou les régions où l’on a accompli des efforts d’aménagement, par exemple en Bretagne, on a trois fois moins de risques de se tuer sur la route.

Souvenons-nous des carnages sur les routes nationales quand celles-ci relevaient de la responsabilité de l’État ! Depuis qu’elles ont été confiées aux départements, ces routes nationales ont été aménagées et il y a moins de morts. Mais on évite de le dire, car ce serait montrer du doigt tout ce qui n’était pas fait à l’époque et qui est réalisé aujourd’hui par les collectivités territoriales.

Il n’est pas bon d’avoir raison trop tôt, mais je suis certain que nous délibérerons de nouveau sur ces sujets, que cela plaise ou non, car 71 % des Français n’y comprennent plus rien, se sentent grugés, et ils ont raison.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

Monsieur About, il se trouve que l’un des commissaires du Gouvernement présents est membre de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière. Par conséquent, il connaît bien les chiffres.

En 2007, la vitesse moyenne des véhicules relevée sur les autoroutes était de 120 kilomètres par heure le jour et de 115 kilomètres par heure la nuit. La vitesse moyenne des véhicules relevée sur les routes nationales était de 82 kilomètres par heure le jour et de 82 kilomètres par heure la nuit. Vous avez raison sur un point seulement : la vitesse moyenne des véhicules en agglomération est de 53 kilomètres par heure le jour et de 58 kilomètres par heure la nuit.

Par ailleurs, je voudrais vous donner lecture de la dernière circulaire de Mme le ministre de l’intérieur aux forces de l’ordre : « Je vous demande de concentrer les contrôles des forces de l’ordre sur les accès et horaires correspondant à la majeure partie des accidents dans lesquels les jeunes trouvent la mort, en particulier le week-end et la nuit. »

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Je vais vous donner lecture de la page 140 du rapport de l’Observatoire :

« Vitesses pratiquées de nuit par les voitures de tourisme : […]

« On constate également que mis à part les autoroutes de liaison où les vitesses moyennes sont inférieures de 5 km/h, les centres-villes d’agglomérations moyennes et les routes nationales où elles sont égales, les vitesses moyennes pratiquées de nuit sont toujours supérieures aux vitesses pratiquées de jour, l’écart le plus important en valeur absolue concernant les routes de dégagement (+6 km/h) puis les traversées des petites agglomérations par les routes nationales (+5 km/h) et enfin les voies d’entrée/sortie des agglomérations (+4 km/h). »

Pardonnez-moi, je ne suis que médecin, mais je sais encore lire le français ! Ou alors, il y a deux rapports : celui que l’on distribue aux parlementaires et celui que l’on remet au ministre. On n’a pas le droit de se moquer des parlementaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je mets aux voix l'amendement n° 7.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 145 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l’article 3 est supprimé.

La parole est à M. Nicolas About.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

; pardonnez-moi, par une majorité. Je n’en ai pas l’habitude ! (Rires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Mais il est vrai que l’on retrouve nombre de vos amis au Gouvernement !

Une majorité a décidé qu’il ne fallait rien changer et qu’il n’y avait donc pas lieu de légiférer. Pour ma part, je pensais qu’il fallait moins de tués la nuit sur les routes, que l’on pouvait introduire un peu de mesure, de bon sens et d’humanité. Ce n’est pas possible ! Par conséquent, je ne défendrai pas les articles suivants, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Dans ces conditions, nous renonçons à demander des scrutins publics sur les prochains articles, monsieur le président.

Dans le I de l'article L. 324-2 du même code, après les mots : « est puni de 3 750 euros d'amende » sont insérés les mots : « et le retrait de trois points du permis de conduire ».

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 8, présenté par M. Mahéas et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mahéas.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

Favorable.

L'amendement est adopté.

Le II de l'article L. 324-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 8° - La vente du véhicule dont le condamné s'est servi pour commettre l'infraction, s'il en est le propriétaire. Le fruit de la vente est reversé au profit du fonds de garantie automobile institué par l'article L. 420-1 du code des assurances. »

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 9, présenté par M. Mahéas et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mahéas.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

Favorable.

L'amendement est adopté.

L'article L. 211-1 du code des assurances est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les contrats d'assurance couvrant la responsabilité mentionnée aux premier et deuxième alinéas du présent article continuent à produire leurs effets, jusqu'à leur date d'échéance, lorsque l'assuré a perdu la totalité des points de son permis de conduire, dont plus de la moitié en application du 4° du III de l'article R. 413-14 du code de la route. »

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 10, présenté par M. Mahéas et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mahéas.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

Favorable.

L'amendement est adopté.

Après l'article L. 211-7 du même code, il est inséré un article L. 211-7-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 211-7-1. - À la date d'échéance du contrat, et au moment de son renouvellement, l'assureur vérifie auprès de l'assuré que celui-ci est toujours titulaire du permis de conduire. Il lui demande, simultanément au versement de la prime ou de la cotisation, la production d'un certificat de détention du permis de conduire, établi depuis moins d'un mois par la préfecture de son département de résidence. »

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 11, présenté par M. Mahéas et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mahéas.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

Favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

En conséquence, l'article 7 est supprimé.

Tous les articles de la proposition de loi ayant été successivement supprimés, il n’y a pas lieu de procéder à un vote sur l’ensemble.

La proposition de loi est rejetée.

La parole est à M. Nicolas About.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Je souhaite simplement remercier tous ceux qui ont participé à ce débat, ainsi que Mme le rapporteur pour le travail qu’elle a accompli. Je regrette cependant que l’on ait donné la preuve que, malheureusement, l’ordre du jour réservé aux parlementaires ne leur permet pas de faire avancer un certain nombre d’idées.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Non, indépendamment de ma proposition de loi, il n’y a pas eu la moindre suggestion de nature à répondre à certaines préoccupations en matière de sécurité routière.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur About, soit les propositions de loi, d’où qu’elles viennent, font l’objet d’un consensus – cela arrive – et la commission peut alors proposer des modifications afin de les améliorer, soit la commission n’est pas d’accord sur l’essentiel, auquel cas on discute en séance publique des textes tels qu’ils sont rédigés. C’est à la fois respecter l’auteur de la proposition de loi et permettre le débat !

Par ailleurs, la médiatisation, soutenue par des sondages, était très réussie... Nous avons réellement débattu de cette question ! Que l’on n’aboutisse pas aux mêmes conclusions me semble logique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je tenais à apporter ces précisions. Nous avons respecté vos intentions, monsieur About, contrairement à ce que vous pourriez penser, et nous n’avons eu aucun mépris pour votre proposition de loi ; simplement, nous ne l’approuvons pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

J’espère que vous n’y reviendrez pas dans un an ou deux, comme vous l’avez fait l’année dernière !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

M. Jacques Mahéas. Une majorité de notre assemblée s’est prononcée contre ce texte, mais ce n’est pas « la » majorité : le groupe socialiste est fondamentalement dans l’opposition.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Je le dis de façon générale : on peut se retrouver sur un texte !

Je voudrais tout de même faire observer à la majorité qu’il ne faut pas tout s’approprier. De nombreux orateurs ont déclaré qu’à partir de 2002 tout avait été extraordinaire. Ce n’est pas vrai ! Je rappelle que le permis à points a été créé en 1992, sous le Gouvernement de Pierre Bérégovoy.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

C’est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Cette mesure ne fut pas très populaire et elle entraîna quelques difficultés aux élections suivantes.

Pour ma part, j’ai défendu bec et ongles, très régulièrement, la baisse du taux d’alcoolémie toléré, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, à l’époque où j’étais député. Je ne suis pas complètement d’accord avec M. le secrétaire d’État : M. About a lancé des pistes de réflexion et des améliorations sont encore possibles.

En effet, alors que ce gouvernement chamboule beaucoup de choses – d’une manière qui n’est, à mon avis, guère constructive –, il serait paradoxal de considérer que, en matière de sécurité routière, les règles sont immuables.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Comme je l’ai déjà souligné dans mon intervention liminaire, ce texte a le grand mérite de nous amener à prendre position sur la question de l’acceptabilité de la politique de sécurité routière menée depuis 2002.

Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite vivement que les questions que j’ai soulevées puissent trouver une réponse. J’apprécierais que vous vous engagiez sur ce point.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

Il sera naturellement tenu compte des observations formulées par les différents intervenants. Nous engagerons notamment une réflexion sur l’harmonisation des vitesses.

Quelles que soient les différences d’analyse, une unanimité s’est exprimée en faveur d’une politique forte en matière de sécurité routière.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

En tant qu’élus, nous sommes tous confrontés au drame que vivent les familles de victimes d’accidents de la route.

Même si je ne partage pas le point de vue de M. About, je tiens à le remercier, au nom du Gouvernement, d’avoir engagé ce débat de qualité, qui a permis d’aborder un certain nombre de questions intéressant nos compatriotes.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, présentée par M. Robert Hue et ses collègues du groupe CRC-SPG, relative à l’évaluation et au contrôle de l’utilisation des aides publiques aux entreprises, aux banques et aux établissements financiers (nos 239 et 378).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Robert Hue, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 19 février dernier, devant la montée du mouvement social et l’exigence grandissante, au sein de l’opinion, d’un contrôle des aides publiques aux entreprises, le Président de la République a déclaré : « Plus que jamais, le dialogue social est nécessaire. Désormais, les organisations syndicales seront associées aux opérations de restructuration dans les entreprises. Elles participeront aussi au contrôle des aides publiques. […] C’est une transparence que nous devons aux contribuables. »

C’était déjà, précisément, dans cet esprit que la loi relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises avait été votée en janvier 2001. Sous la pression du patronat, elle fut abrogée, avec zèle, par la majorité de droite du Sénat dès décembre 2002. Pourtant, alors que nous assistons aujourd’hui à une véritable fuite en avant en matière d’aides publiques aux entreprises et aux établissements financiers et que, malgré la crise, les entreprises du CAC 40 ont vu leurs bénéfices augmenter de plus de 12 % en 2008, il serait plus que jamais nécessaire qu’une loi pertinente et efficace permette d’assurer la transparence, ainsi que le contrôle et l’intervention des organisations syndicales, des représentants des élus et de l’État. Tel est le sens de la proposition de loi que nous vous soumettons, mes chers collègues.

Je vous propose d’examiner ce texte à l’aune de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, en particulier de son article XV : « La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration. »

Que nous dit ce texte fondateur de l’État de droit dans notre pays ? Que lever l’impôt est une nécessité, qu’il est légitime que la charge publique soit justement répartie, que ceux qui ont plus paient plus, tandis que ceux qui ont moins paient moins. Il est tout aussi légitime que le peuple, la société dans son ensemble, sache à quoi servent les impôts recouvrés, étant entendu que les modalités de fixation des droits et de recouvrement sont déterminées par la loi.

C’est dans ce cadre – faut-il le souligner ? – que nous pouvons aujourd’hui appréhender le contrôle parlementaire de la dépense publique.

Toutefois, la dépense publique revêt des formes de plus en plus complexes, et les aides publiques aux entreprises ne présentent pas toujours le caractère d’une dépense. Qui peut avoir à craindre la clarté et la transparence ? Que pourrait fonder, selon vous, monsieur le rapporteur, une sorte d’a priori purement idéologique selon lequel demander la transparence dans l’utilisation de l’argent public témoigne d’une suspicion à l’égard de ceux qui bénéficient de ce dernier ?

Il est légitime que le régisseur d’un poste de recettes du Trésor public rende des comptes sur sa gestion, comme il est légitime que le responsable d’une association ou d’une collectivité subventionnée produise tout élément d’appréciation de la situation de son organisme. Je crois que personne ici ne voit en ces contrôles la manifestation d’une quelconque suspicion.

Mes chers collègues, la présente proposition de loi peut être interprétée comme la manifestation d’un tout aussi légitime souci de transparence en matière d’utilisation de l’argent public.

Que vous ayez supposé, monsieur le rapporteur, que nous considérons avec suspicion les entreprises bénéficiaires de l’argent public révèle en fait quelque chose de plus profond : vous et ceux qui partagent vos vues estimez tout simplement, et ce depuis fort longtemps, ne pas avoir de leçons à recevoir ni, en réalité, de comptes à rendre.

Dois-je pourtant vous rappeler que l’essentiel des procédures menées par la Cour des comptes comme par les chambres régionales des comptes, s’agissant notamment des budgets locaux, ne conduisent à rien d’autre qu’à la délivrance d’un quitus ?

Revenons d’ailleurs quelques instants sur le problème du contrôle de l’utilisation des fonds publics, tant par la Cour des comptes que par le Parlement.

Vous nous chantez les louanges de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. En vertu de cette loi organique, ainsi d’ailleurs que de la dernière révision constitutionnelle, les parlementaires disposeraient de larges moyens de contrôle et d’investigation sur la gestion des dépenses publiques.

Or, que constatons-nous ? D’une part, la pratique des « chapitres réservoirs », maintes fois dénoncée par la Cour des comptes, n’a pas disparu, loin de là ! D’autre part, c’est bien souvent en dernière instance le Gouvernement qui garde la haute main sur la ventilation effective de la dépense publique.

Je sais, monsieur le rapporteur, que vous avez déjà voté à plusieurs reprises des lois de finances dont les crédits, bien que soumis au contrôle du Parlement et de la Cour des comptes, ont été « ajustés » du seul fait du Gouvernement, ajustements que la majorité à laquelle vous appartenez a entérinés sans broncher ni sourciller.

Dans le même ordre d’idées, toujours en matière de dépense publique, les exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises ne font que croître et embellir année après année depuis l’adoption de la loi quinquennale du 20 décembre 1993 relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle. Cette seule progression pourrait d’ailleurs nous amener à nous interroger sur l’opportunité d’un tel engagement de dépenses.

Je citerai deux chiffres à cet égard : en 1993, l’État consacrait l’équivalent de 1 milliard d’euros à l’allégement des cotisations sociales des entreprises, au profit de publics ciblés et en vertu de politiques très précises ; aujourd’hui, ce sont 42 milliards d’euros de recettes qui échappent ainsi à la sécurité sociale, distraits du mode « normal » de recouvrement par cotisation, et si 3 milliards ou 4 milliards d’euros sont inscrits au passif de la sécurité sociale, le solde, c’est-à-dire de 38 milliards à 39 milliards d’euros, est pris en charge par l’État au travers d’un transfert de recettes fiscales…

Mes chers collègues, peut-on décemment refuser de s’interroger sur l’efficacité d’une dépense publique qui a été multipliée par quarante en une quinzaine d’années ? Je ne connais pas beaucoup de chapitres budgétaires ayant connu une telle progression sur la même période ! Je crois d’ailleurs me souvenir que, à l’instar de quelques-uns de vos mandants, vous êtes évidemment partisans de la réduction de la dépense publique, chaudement recommandée par le MEDEF et les cercles et aréopages patronaux les plus divers.

Madame la ministre, le 5 juin 2008, la Cour des comptes a déposé, à la demande de la mission d’information commune de l’Assemblée nationale sur les exonérations de cotisations sociales, un rapport sur la question des allégements de cotisations sociales.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce rapport comportait de nombreuses critiques à l’égard des dispositifs existants. Il mettait en cause, par exemple, les allégements généraux de cotisations sur les bas salaires, au motif, précisément, qu’ils entraînent une généralisation de ces derniers. Il était également particulièrement critique envers les dispositifs d’exonérations ciblées, pointant la faiblesse de leur évaluation. Notons d’ailleurs que, parmi les grands pays européens, seule l’Italie met en œuvre de telles politiques sans exercer le moindre contrôle : un pays aussi profondément libéral que le Royaume-Uni n’a jamais utilisé cet outil pour « aider » les entreprises !

Le rapport de juin 2008 faisait suite à un autre rapport, le rapport Méhaignerie, remis en septembre 2006, qui portait lui aussi sur les politiques d’allégement de cotisations pour les emplois dits peu qualifiés.

Tout cela montre, mes chers collègues, que voilà bien longtemps que l’on s’interroge sur le bien-fondé de certains engagements de dépenses publiques en faveur des entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Cependant, telle sœur Anne, nous ne voyons rien venir…

En effet, hormis les déclarations du Président de la République lui-même sur la nécessité de rendre compte de l’engagement des deniers publics et celles de M. Xavier Bertrand sur la conditionnalité des aides publiques, où en sommes-nous ?

Sur toutes ces questions, rien n’est venu modifier l’ordre des choses. Ainsi, les groupes Auchan et Carrefour peuvent, sans la moindre difficulté, continuer à développer emplois précaires et temps partiel subi, sans encourir d’autre sanction que bénéficier de toujours plus d’allégements de cotisations sociales ! Et que l’on ne tente pas une diversion en orientant le débat sur le cas des PME et des PMI, car elles font généralement preuve de transparence : nous parlons ici des grands groupes, qui bien souvent les étranglent d’ailleurs…

Cela dit, pour avancer dans le débat et savoir exactement à quoi s’en tenir, il importe de définir ce que nous entendons par « aides publiques aux entreprises ».

Chacun l’aura compris, les sommes considérables dévolues aux allégements de cotisations sociales constituent un élément clé de ces aides publiques : quelque 40 milliards d’euros de recettes fiscales transférées alors que le déficit budgétaire atteint 104 milliards d’euros, cela pose question !

Cependant, les aides publiques, ce sont aussi, par exemple, les multiples aides directes dont bénéficient les entreprises, qu’elles proviennent des collectivités locales, de l’État ou, parfois, de l’Europe. Les modalités de contrôle de ces aides sont d’ailleurs fort diverses et aucunement unifiées, avec toutes les dérives que cela suppose.

Les aides publiques aux entreprises, ce sont aussi les très importantes dépenses fiscales que l’État prend désormais en charge en lieu et place des entreprises normalement redevables, au travers des allégements de l’impôt sur les sociétés ou de la taxe professionnelle, des dispositions relatives au crédit d’impôt, de certaines mesures spécifiques concernant d’autres droits et taxes, du crédit d’impôt recherche : autant de dispositifs dont aucun élément fondamental n’est venu, pour l’heure, démontrer le bien-fondé. Il serait sans doute instructif de faire, par exemple, le bilan du plafonnement de feu la taxe professionnelle au regard de la situation de l’emploi dans les entreprises !

En outre, que dire des 360 milliards d’euros d’aides publiques aux banques prévus dans le plan de sauvetage de cet automne, même quand il s’agit de garanties, et non d’aides directes ?

Madame la ministre, mes chers collègues, il est apparu au fil du temps que, faute d’avoir fixé des conditions plus précises de contrôle des sommes avancées par l’État pour secourir les banques françaises, on ne pouvait éviter ni la chute du cours de l’action Natixis, ni l’affaire Bouton, ni encore la persistance de l’inégalité d’accès au crédit au détriment des PME et TPE !

Pourtant, selon un sondage du CSA de la semaine dernière, 90 % des Français – excusez du peu ! – estiment nécessaire de contrôler les aides publiques et de ne les accorder aux entreprises que si celles-ci s’engagent à maintenir l’emploi. Ils ont raison, d’autant que le montant des aides publiques aux entreprises est parvenu à un niveau jamais atteint auparavant : 40 milliards d’euros d’allégements de cotisations sociales, 20 milliards d’euros d’exonérations de taxe professionnelle, 10 milliards d’euros d’aides directes à l’automobile et plus de 320 milliards d’euros de garanties aux établissements bancaires !

Ce constat donne tout son sens à notre proposition de loi, mais vous n’entendez rien, comme en témoigne, à mon sens, le rapport de la commission des finances ! Certes, ce constat, vous affirmez le partager – il serait difficile de faire autrement ! –, mais cela s’arrête là.

Votre opposition est purement idéologique. Non seulement vous nous accusez d’entretenir un climat de suspicion envers les entreprises, mais vous écrivez également, monsieur le rapporteur, que nos propositions constituent un dispositif bureaucratique empreint de lourdeur et n’apportant aucune réelle plus-value, pour reprendre un mot qui vous est cher !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

À vous en croire, nous préconiserions presque la constitution de soviets !

Exclamations amusées sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

pour contrôler le mode de rémunération des dirigeants ! Soyons sérieux !

Dans le prolongement de son discours du 19 mars, le Président de la République a annoncé un décret sur le contrôle des aides publiques, mais la lecture de ce décret, qui a pour objet de rendre obligatoire l’information du comité d’entreprise dès qu’une aide publique est accordée, fait apparaître qu’il s’agit d’un leurre complet, puisqu’il n’est nullement question de contrôle ni de sanction. De plus, toute possibilité d’intervention des organisations syndicales est écartée.

L’argent public doit impérativement concourir à atteindre un grand objectif national de maintien et de création d’emplois, ainsi que de développement et d’investissements utiles à la création de richesses réelles.

Or, visiblement, la majorité de cette assemblée s’apprête à refuser toute transparence dans l’utilisation de l’argent public. Pourtant, l’enjeu financier est considérable, et il s’agit de l’argent de nos concitoyens ! Allez-vous amener l’opinion publique à considérer cette absence de transparence comme un véritable camouflage d’État ? Allez-vous laisser se poursuivre ce qui pourrait relever – je le dis avec gravité – du détournement de fonds publics ?

Mme la ministre fait un signe de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Enfin, et c’est à mes yeux le plus grave, vous nous accusez de jouer sur l’émotionnel en temps de crise : ayez le courage de dire aux Français que vous ne souhaitez pas instaurer la transparence dans l’utilisation de l’argent public !

En résumé, la commission nationale d’évaluation et de contrôle des aides publiques aux entreprises dont nous sollicitons la création aura du pain sur la planche. Elle devra travailler au plus près du terrain – c’est pourquoi nous prévoyons des commissions régionales – et en lien direct avec le contrôle parlementaire, seul déterminant en dernière instance, dont elle est appelée à devenir un auxiliaire indispensable.

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par nos collègues du groupe CRC-SPG sur laquelle nous sommes invités à nous prononcer reprend, presque à l’identique, un dispositif mis en place par la loi du 4 janvier 2001 relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises, qui fut abrogée dans le collectif budgétaire de décembre 2002. Il s’agit de créer une commission nationale et des commissions régionales d’évaluation et de contrôle des aides publiques aux entreprises.

Une telle proposition repose sur un postulat légitime : il convient de s’assurer que les aides octroyées aux entreprises sont utiles et remplissent l’objectif en vue duquel elles ont été conçues et versées.

Nous ne pouvons que partager le souci de transparence des auteurs du présent texte, toutefois celui-ci risque de se révéler contre-productif, car il pourrait fragiliser l’activité des organes de contrôle existants, à commencer par le Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

De plus, la proposition de loi vise à « ressusciter » des commissions dont le moins que l’on puisse dire est qu’elles n’ont pas obtenu de résultats convaincants durant leur existence passée, au cours de la période 2001-2002.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Les auteurs de la proposition de loi souhaitent que les aides publiques aux entreprises soient correctement contrôlées. Là encore, nous ne pouvons que partager un tel objectif. La commission des finances est en effet, plus que toute autre, sensible à la notion de contrepartie aux aides publiques et, de manière générale, soucieuse du contrôle de l’efficacité de toute dépense publique, y compris des dépenses fiscales ou sociales. Chaque membre de la commission des finances peut, en tant que rapporteur spécial, en témoigner dans son domaine de compétence en temps normal.

Je rappelle que les aides octroyées dans le contexte de la crise actuelle visent à assurer le maintien du financement de l’économie et sont accordées dans un cadre conventionnel, comportant des engagements des entreprises bénéficiaires.

Il est vrai que ce soutien public est important. Comment pourrait-il en être autrement dans la conjoncture actuelle ? Mon rapport écrit retrace l’action volontariste de l’État depuis l’éclatement de la crise des subprimes, à l’automne dernier : financement et renforcement des fonds propres des banques, mise à leur disposition de 17 milliards d’euros auparavant centralisés à la Caisse des dépôts et consignations, renforcement des capacités d’intervention d’OSEO, aides à la trésorerie des entreprises, dispositifs dits « CAP » et « CAP + » pour maintenir à flot le crédit interentreprises…

Au regard de cet effort public, le contrôle est donc légitime, qu’il s’agisse des aides « ordinaires » ou des aides « de crise ».

Cependant, mes chers collègues, nous devons nous souvenir que nos entreprises doivent pouvoir agir vite dans un contexte social tendu.

Quels que soient les efforts des uns ou des autres, la très forte dégradation de la conjoncture – la « pire crise depuis la Libération », pour reprendre les termes employés par le rapporteur général, Philippe Marini, lors de sa présentation du dernier collectif budgétaire – ne peut que se traduire par une augmentation du chômage. En dépit de l’existence d’amortisseurs sociaux, cela entraîne de la souffrance, parfois du désespoir.

À mon sens, en examinant ce texte, nous ne devons pas oublier deux exigences fondamentales.

D’abord, il ne faut pas faire d’amalgame et considérer tous les entrepreneurs de France comme des fraudeurs potentiels.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Ensuite, alors que, dans un contexte de crise aiguë, il convient d’agir vite, nous ne devons pas créer de nouvelles lourdeurs. Or le dispositif qui nous est proposé tend précisément à en instaurer et risque même de nuire à l’efficacité des actuels organes de contrôle.

Les possibilités de contrôle des aides publiques abondent déjà dans notre pays.

Sur le plan institutionnel et démocratique, le Parlement doit exercer et exerce un contrôle. Ce devoir de contrôle a été renforcé et de nouveau légitimé par la loi organique relative aux lois de finances et par la révision constitutionnelle de juillet 2008. En particulier, le rapporteur général et les rapporteurs spéciaux de la commission des finances disposent d’un pouvoir étendu de communication de pièces et documents, …

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Alors, pourquoi le Président de la République a-t-il demandé un décret ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

… et nous publions chaque année des rapports peu complaisants sur l’utilisation des deniers publics, en nous efforçant d’assurer un meilleur suivi de nos préconisations.

Le contrôle parlementaire s’exerce également en continu au travers d’auditions et de questions écrites ou orales au Gouvernement.

De nouvelles modalités peuvent aussi être imaginées dans un contexte particulier, comme c’est le cas avec le comité de suivi du dispositif de financement de l’économie, mis en place par décret en décembre 2008 à la demande du Parlement.

Le contrôle est également juridictionnel. Il est exercé par les juridictions administratives et judiciaires et, surtout, par la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes. En application des articles 58-1 et 58-2 de la LOLF, la Cour des comptes remplit une mission d’assistance auprès des commissions des finances. Nous lui demandons environ cinq enquêtes par an.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Absolument ! C’est le rôle du Parlement. C’est vous qui contrôlez, mes chers collègues !

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

C’est ainsi à la suite d’une enquête réalisée par la Cour des comptes que notre collègue Serge Dassault a publié, en février 2007, un rapport d’information sur l’efficacité des aides à l’emploi.

Dans le même esprit, l’article L. 211-4 du code des juridictions financières prévoit que les chambres régionales des comptes peuvent assurer la vérification des comptes de toute entité, publique ou privée, …

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

… qui bénéficie d’un concours financier supérieur à 1 500 euros d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public national ou local.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Les collectivités sont bien contrôlées, c’est sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Le contrôle est encore exercé par l’administration elle-même, par les corps généraux d’inspection, par les services de contrôle des impôts, par les contrôleurs budgétaires et comptables ministériels, ainsi que par les préfets ou représentants de l’État. Il est notamment mis en œuvre sous l’angle du droit et du budget communautaires, qu’il s’agisse du respect du plafond des aides de minimis ou du contrôle décentralisé des aides agricoles et des fonds structurels. Mon rapport détaille les modalités de ces contrôles et rappelle que notre collègue Joël Bourdin a récemment publié un rapport sévère sur les refus d’apurement d’aides agricoles.

L’évaluation a souvent été considérée comme le « parent pauvre » de la mise en œuvre des politiques publiques.

Il y a pourtant une évaluation a posteriori, qui repose en premier lieu sur le Parlement, par le biais d’offices bicaméraux d’évaluation, d’auditions, de la remise, prévue par le biais d’amendements, de rapports spécifiques du Gouvernement ou du respect de certaines conditions avant la mise en place de tout nouveau dispositif d’aide à l’activité économique…

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Quant à l’évaluation a priori, traditionnellement considérée comme absente ou parcellaire, elle va connaître un réel essor puisque la loi organique du 15 avril 2009 prévoit une nouvelle obligation d’assortir tout projet de loi d’une étude d’impact détaillée.

Tous ces contrôles, j’en conviens, ne sont pas parfaits, mais ils existent et il n’est pas nécessaire d’en rajouter. La réintroduction d’un dispositif qui n’a pas fait ses preuves aboutirait en définitive à appauvrir le rôle d’un Parlement qui, depuis peu, dispose de pouvoirs accrus en termes de contrôle et d’évaluation des aides publiques.

Il semble que l’on instrumentalise, au travers de la présente proposition de loi, une « perception émotionnelle » de la crise actuelle.

Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

En outre, le dispositif proposé me paraît lourd. Il présente un certain caractère « bureaucratique » – je reprends le mot –, avec une commission nationale et vingt-deux commissions régionales dotées de prérogatives étendues, des effectifs nombreux et des charges de gestion supplémentaires pour les services ministériels et préfectoraux qui devraient assurer le secrétariat.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Alors que le comité des sages du patronat, lui, sera formidable…

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

À notre sens, le véritable contrôle ne peut procéder que d’une analyse économique et juridique objective, seule à même de caractériser des situations d’abus manifeste ou de non-respect d’engagements formels de la part des entreprises.

Je l’ai dit en préambule, les modalités retenues dans la proposition de loi en vue d’améliorer le contrôle des aides aux entreprises me paraissent très discutables. Je vais maintenant résumer rapidement le contenu des différents articles du texte.

L’article 1er crée une commission nationale d’évaluation et de contrôle des aides publiques aux entreprises, chargée de vérifier l’utilisation des aides accordées à ces dernières et aux établissements financiers, mais sans préciser la nature des aides concernées. Il indique certaines formes du contrôle et élargit le champ de compétence aux fonds structurels européens.

L’article 2 donne la composition de la commission nationale, mais sans fixer le nombre de parlementaires, de représentants de l’État, de représentants des syndicats et des organisations patronales, de personnalités qualifiées qui y siègeront. L’expérience l’a montré, une telle composition risque de rendre la commission pléthorique…

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

… et de paralyser son fonctionnement.

L’article 3 précise les pouvoirs de la commission : consultation lors de la création de tout nouveau dispositif d’aide publique, autosaisine, saisine par des millions d’instances – en effet, la commission pourra être saisie, notamment, par un maire…

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

… ou par l’une des 2, 5 millions d’entreprises que compte notre pays –, c’est-à-dire extrêmement large et risquant de se révéler inefficace, information par les préfets et tout ordonnateur d’aide publique.

L’article 4 crée des commissions régionales, précise leur composition, analogue à celle de la commission nationale, et leurs modalités d’intervention. Les missions qui leur sont assignées risquent de se limiter à la formulation de « vœux pieux », ce qui fait douter de leur efficacité économique…

L’article 5 donne au comité d’entreprise ou à un délégué du personnel un droit de saisine de l’ordonnateur d’une aide publique. L’ordonnateur pourrait suspendre ou retirer ladite aide, ou en exiger le remboursement. Une telle disposition est de nature à créer une forte insécurité juridique pour les entreprises, incompatible avec leur bon fonctionnement.

L’article 6 inclut les aides publiques dans le champ du rapport que les entreprises de 300 salariés et plus doivent remettre annuellement à leur comité d’entreprise. Or une telle disposition, tout à fait légitime, figure déjà dans la partie réglementaire du code du travail.

L’article 7 précise que le secrétariat de la commission nationale est assuré par les services des ministres chargés de l’économie, des finances, du travail et des affaires sociales.

Enfin, l’article 8 renvoie à un décret les modalités d’application de la proposition de loi.

Je rappellerai que, lors du débat qui a conduit, en 2002, à la suppression des commissions de contrôle, l’un des principaux arguments avancés en faveur de leur maintien tenait à la difficulté, pour le Parlement, de trouver le temps d’exercer ses missions de contrôle. Mais c’était avant la révision constitutionnelle et la mise en place de la nouvelle organisation des travaux du Parlement, qui a désormais plus de temps, grâce à l’instauration de la semaine de contrôle de l’action du Gouvernement, et de moyens pour exercer cette mission.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

C’est donc à lui qu’incombe au premier chef, conformément à la Constitution, la mission de contrôler la bonne utilisation des aides publiques, et non à des commissions dont la légitimité et l’efficacité seraient contestables. À titre personnel, je serais d’ailleurs très favorable à ce qu’une étude approfondie soit conduite, en particulier par la commission des finances, sur l’utilité des aides, notamment sociales.

En conséquence, et sans surprise, je vous invite, mes chers collègues, à n’adopter aucun article de cette proposition de loi, ce qui reviendra à rejeter celle-ci.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord remercier M. Hue d’avoir rappelé, dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi, la détermination du Président de la République à entretenir et à développer le dialogue social, qu’il avait exprimée en ces termes : « Plus que jamais le dialogue social est nécessaire. Désormais les organisations syndicales seront associées aux opérations de restructuration dans les entreprises. Elles participeront ainsi au contrôle des aides publiques. »

Les organisations syndicales sont dorénavant associées, vous le savez, à toutes les démarches engagées par les entreprises pour obtenir des aides publiques, ce qui représente à la fois un contrôle préalable à l’attribution de celles-ci et un suivi de leur utilisation. C’est là, monsieur Hue, une forme de contrôle au plus près du terrain, au principe duquel vous vous rallierez sans aucun doute…

Vous avez indiqué que, en 1993, 1 milliard d’euros avaient été consacrés à des allégements de charges. Je note que le volume de ces derniers a considérablement augmenté à la suite du passage aux 35 heures… Les courbes le montrent : c’est à cette occasion que les allégements de charges ont pris leur essor, et je ne suis donc pas sûre qu’instaurer les 35 heures ait été une si bonne idée !

J’insisterai sur le caractère exceptionnel que revêt aujourd’hui la démarche de l’État, lié aux circonstances exceptionnelles que traverse notre économie. Après tout, d’autres dispositions sont mises en œuvre depuis des années sans que l’on se soit particulièrement inquiété des modalités du contrôle – nécessaire – de l’utilisation des deniers publics, et je ne crois pas que beaucoup d’entre nous assimileraient celle-ci, comme vous l’avez fait, à un « détournement de fonds publics »…

Les circonstances économiques actuelles ont très clairement contraint l’État à intervenir de façon inhabituelle et massive, en particulier dans certains secteurs. Je reviendrai sur les divers plans que nous avons ainsi mis en œuvre, en profitant d’ailleurs de cette occasion, mesdames, messieurs les sénateurs, pour vous rendre des comptes, car il revient aux parlementaires, en tant que représentants du peuple, d’être les premiers destinataires de telles informations. Je relève au passage que le Parlement dispose des moyens de contrôler efficacement, notamment par le biais d’auditions ou de commissions particulières, l’utilisation qui est faite des deniers publics, dont il vote l’affectation lors de l’examen des projets de loi de finances ou des projets de loi de finances rectificative.

Les moyens financiers supplémentaires que nous avons dû mettre en place au cours des douze derniers mois pour faire face à des circonstances exceptionnelles l’ont été d’abord à l’échelon européen, puisque, dès avant la faillite de la banque Lehman Brothers, nous avions sollicité la Banque européenne d’investissement pour qu’elle mobilise des fonds au bénéfice des entreprises, ce qui a été fait.

Par la suite, nous avons mis en place, comme l’a parfaitement rappelé M. le rapporteur, un financement massif, à hauteur de 22 milliards d’euros, en faveur des petites et moyennes entreprises, car nous étions convaincus que ces dernières seraient le plus menacées par ce que l’on a depuis appelé un credit crunch : OSEO a ainsi apporté toute la palette de ses moyens d’intervention, soit en garantie, soit en cofinancement, et l’épargne publique a été mobilisée.

Nous avons par ailleurs mis en place au profit de ces entreprises un dispositif particulier, qui lui aussi fait appel à des fonds publics, à savoir le complément d’assurance-crédit public et le complément d’assurance-crédit public « plus », pour pallier les insuffisances du système d’assurance-crédit en vigueur, lequel contribue largement au fonctionnement du crédit interentreprises dans notre pays. À ce titre, j’indique que, au 1er avril, quelque 202 millions d’euros d’encours brut avaient déjà été garantis.

En outre, nous avons bien entendu été obligés de mettre en œuvre des plans de soutien spécifiques à certains secteurs d’activité.

L’ensemble de ces plans ont été soumis à votre examen, mesdames, messieurs les sénateurs, en général au travers de projets de loi de finances rectificative. Le premier d’entre eux, le projet de loi de finances rectificative du 16 octobre 2008 pour le financement de l’économie, qui est donc intervenu à peine un mois après la faillite de Lehman Brothers, avait pour objet de créer la SFEF, la société de financement de l’économie française, et la SPPE, la société de prise de participation de l’État.

Monsieur Hue, vous avez évoqué un montant de garanties très lourd. Je souligne que le montant de l’enveloppe votée par votre assemblée a été défini selon une perspective maximaliste, dans l’hypothèse où nous aurions été confrontés au pire. À ce jour, la SFEF a emprunté un peu plus de 50 milliards d’euros sur le marché pour financer des prêts consentis aux banques et aux établissements financiers, à un taux d’intérêt de 4 %, permettant une juste rémunération.

Cette démarche, qui engage la signature de l’État français, permet aux banques de se refinancer. Je rappelle une fois de plus qu’il ne s’agissait évidemment pas de faire un cadeau aux banques, comme on l’a répété ici et là, mais de soutenir le financement de notre économie en leur consentant des prêts qui produisent des intérêts.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Le montant de l’intervention de la SPPE dans le secteur financier, nécessaire pour renforcer les fonds propres des banques, s’élève à ce jour à 13, 5 milliards d’euros, avec une première tranche de 10, 5 milliards d’euros versée sous forme de titres super subordonnés et une seconde tranche de 3 milliards d’euros supplémentaires apportée par le biais de la souscription d’actions préférentielles de la Banque nationale de Paris-Paribas, non assorties de droit de vote.

Je précise que, dans l’un et l’autre cas, la rémunération des fonds publics est évidemment élevée et que l’aide de l’État est conçue et construite de telle sorte que, dès que leurs finances le leur permettront, les banques remboursent ces titres super subordonnés et rachètent ces actions préférentielles.

Le deuxième secteur ayant bénéficié de concours particuliers de l’État sous forme de fonds publics est celui de l’automobile. Il a été le premier grand domaine d’activité de l’économie réelle à subir de plein fouet les conséquences de la crise financière, la plupart des acheteurs de voiture recourant au crédit.

La SFEF a donc mis en place un financement spécifique de 2 milliards d’euros au bénéfice des filiales bancaires des constructeurs automobiles, lesquels se sont vu consentir en outre 6, 5 milliards d’euros de prêts. Nous avons également mis en place divers outils – je pense en particulier à la prime à la casse et au système de bonus-malus – pour soutenir un secteur dont l’importance tient à la fois aux avancées technologiques qu’il procure, notamment en matière de conception de moteurs hybrides ou électriques, et au nombre de salariés qu’il emploie.

En regard de ces aides publiques, nous avons demandé des contreparties. Nous l’avons fait chaque fois et, chaque fois, vous avez institué, par la loi, les moyens de contrôler la réalité des engagements souscrits, qui sont d’ordre économique et d’ordre éthique.

Le Gouvernement a ainsi rapidement mis en place un comité de suivi, ce à quoi il s’était engagé lors des débats sur la loi de finances rectificative du 16 octobre 2008, qui a instauré le dispositif de soutien au secteur bancaire que j’évoquais à l’instant. Le comité de suivi du dispositif de financement de l’économie française, auquel appartient M. le président de la commission des finances, s’est déjà réuni à deux reprises. J’ai assisté à sa mise en place ; j’ai mis à sa disposition, et je continuerai à le faire, toutes les données accessibles, ainsi que les meilleurs fonctionnaires de mon administration, pour qu’il puisse faire toute la lumière sur les opérations engagées, dans le respect de la confidentialité des informations lorsque cela est nécessaire, ce qui est souvent le cas, s’agissant de sociétés cotées.

Par ailleurs, pour veiller au respect des engagements économiques, aux termes desquels l’argent prêté doit être non pas conservé, mais restitué à l’économie sous la forme de prêts aux entreprises, un médiateur du crédit, M. René Ricol, a été institué. À la demande du Président de la République, il a mis en place, en s’appuyant sur le réseau territorial de la Banque de France, des médiateurs dans les départements, afin de s’assurer que les banques, après avoir commis des excès dans l’appréciation des risques, ne tombent pas dans le travers inverse en restreignant l’accès au crédit.

Le médiateur du crédit s’emploie à faciliter le financement des entreprises. Chaque mois, le ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi publie les chiffres concernant l’évolution des encours de crédit des banques qui bénéficient d’un soutien de l’État. Ces données sont auditées par la Banque de France et diffusées par le site internet du ministère, afin que chacun puisse en prendre connaissance.

Enfin, le Président de la République a demandé au Premier président de la Cour des comptes de conduire un certain nombre d’enquêtes au sein des banques, pour qu’il soit rendu compte par celles-ci de l’utilisation des fonds dont elles ont bénéficié. Le Premier président de la Cour des comptes s’est engagé à publier un rapport sur ce thème avant la fin de l’été. Pour l’aider dans cette tâche, j’ai mis à sa disposition certains de mes meilleurs inspecteurs.

En ce qui concerne l’aide à l’industrie automobile, le choix de l’appellation « pacte automobile » ne relève pas du hasard, mais tient au fait que ce plan comprend des engagements des constructeurs. Ainsi, le Gouvernement a demandé aux constructeurs automobiles de s’engager à ne pas procéder à des plans sociaux en 2009 et à maintenir leurs sites de production français en activité pendant la durée des prêts accordés.

Monsieur Hue, je vous invite à examiner attentivement l’évolution des volumes de production et la localisation des lignes d’assemblage : vous constaterez que cet engagement est respecté, probablement même au-delà de ce qui avait été espéré.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Le Gouvernement a également demandé aux entreprises du secteur automobile de maintenir leurs efforts de recherche et développement malgré la crise et d’œuvrer pour plus de solidarité au sein de la filière automobile.

À ce sujet, je souligne que le respect scrupuleux par les constructeurs automobiles des dispositions de la loi de modernisation de l’économie, notamment la réduction des délais de paiement à soixante jours à compter de la date de facture, en vigueur depuis le 1er janvier, a permis à lui seul de renforcer de 2 milliards d'euros la trésorerie des sous-traitants.

La mise en œuvre du pacte automobile et le respect des engagements que je viens de rappeler sont régulièrement examinés par le comité stratégique pour l’avenir de l’automobile, réuni par Luc Chatel à Bercy et qui est composé de représentants de l’État, des constructeurs, des équipementiers et sous-traitants, des organisations syndicales, des élus et des établissements de recherche.

Le déploiement des dispositifs de complément d’assurance-crédit public CAP et CAP + fait également l’objet d’un suivi très régulier. Les assureurs-crédit informent chaque mois le ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi du montant des produits CAP et CAP + activés, ainsi que du volume de leurs encours globaux d’assurance-crédit. Cela me permet de vous donner le montant précis des encours ainsi garantis à la date du 1er avril.

La création d’une commission nationale d’évaluation et de contrôle des aides publiques aux entreprises, telle que vous la proposez, monsieur le sénateur, ne serait à mon sens ni moderne ni archaïque, mais simplement superfétatoire, dans le meilleur des cas.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Mme Christine Lagarde, ministre. C’est au Parlement que s’exerce le meilleur contrôle de l’utilisation des deniers publics et des moyens exceptionnels mis en œuvre pour soutenir certains secteurs d’activité !

Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Avec quels résultats concrets ? Il n’y en a pas !

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Monsieur le sénateur, le comité de suivi du dispositif de financement de l’économie française s’est déjà réuni à deux reprises. Je puis vous assurer qu’il est totalement indépendant et a accès à toutes les informations nécessaires. Je puis témoigner de la qualité de son travail, de la précision des données dont il dispose, de l’excellent climat de coopération qui y règne, de sa volonté de transparence totale, dans le respect de la confidentialité qui s’impose en matière d’informations concernant des sociétés cotées.

Dans ces conditions, et compte tenu des modifications qui ont été apportées au processus législatif, imposant notamment au Gouvernement de transmettre au Parlement une étude d’impact pour chaque projet qu’il lui soumet, ainsi que de l’ensemble des travaux de suivi et d’audit, il me semble que la Haute Assemblée dispose de tous les moyens nécessaires pour contrôler qu’il est fait bon usage des fonds publics. Sachez que toute mon attention et toute mon énergie sont mobilisées pour que cela soit le cas.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la discussion qui s’est engagée sur la proposition de loi de notre groupe met en évidence la nature du problème.

Avec quelques années de recul, on peut s’interroger sur l’empressement qu’a manifesté la majorité sénatoriale à procéder à la suppression pure et simple de la loi Hue, par la voie d’un amendement parlementaire que son auteur n’avait même pas défendu en séance publique et qui avait été prestement repris par le rapporteur général.

En effet, mes chers collègues, cet empressement à supprimer un organisme prétendument inutile est étonnante : il existe tant de structures inutiles dans notre paysage institutionnel !...

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

En réalité, ce qui dérange profondément dans notre proposition de loi, et qui a toujours dérangé la majorité sénatoriale, c’est la volonté de transparence dans l’utilisation des deniers publics que tend à promouvoir la mise en place d’une commission nationale et de commissions régionales d’évaluation et de contrôle des aides publiques aux entreprises.

Notre proposition de loi originelle a été à trois reprises rejetée sans examen par le Sénat, les 24 février, 26 juin et 20 décembre 2000 ! La position exprimée aujourd’hui par le rapporteur ne brille donc pas par son originalité !

Sur le fond, cette obstination a un caractère idéologique affirmé : quand il s’agit de fonds publics dédiés au soutien aux entreprises, il ne saurait y avoir, dans l’esprit de la majorité sénatoriale, la moindre préoccupation d’approche critique et d’évaluation. La question de l’argent public distribué aux entreprises relève du tabou, de l’intouchable !

Pourquoi en est-il ainsi ? Sans doute estime-t-on, avec le plus grand mépris de la volonté populaire et des aspirations des salariés, que les questions budgétaires sont affaire trop sérieuse pour être traitée sur la place publique ! Qui sont ces libéraux, opposés par principe à l’interventionnisme d’État dans l’économie, chantres de la privatisation et de l’autorégulation, qui quémandent sans cesse de nouveaux subsides publics dès que la moindre difficulté se fait jour ?

En outre, établir un parallèle entre les sommes sans cesse croissantes engagées pour soutenir l’activité des entreprises et l’emploi et la réalité de la croissance et du chômage serait sans doute un exercice dérangeant. Il serait d’ailleurs possible d’établir un autre parallèle, qui ne serait guère plus réjouissant, entre allégements de la fiscalité et obligations sociales des entreprises.

De 1993 à 2007, alors que nous constations une progression de 1 milliard d'euros à 42 milliards d'euros des allégements de cotisations sociales, accompagnée de nouveaux allégements de l’impôt sur les sociétés ou de la taxe professionnelle, la part des dividendes dans la valeur ajoutée de nos entreprises passait de 7 % à 16 % des profits bruts ! Ces données figurent en toutes lettres dans le rapport rédigé par M. Cotis, directeur général de l’INSEE, à la demande du Président de la République.

Ceux-là mêmes qui refusent que le Parlement légifère sur la rémunération des dirigeants des entreprises cotées entendent aujourd'hui empêcher que l’on contrôle les fonds publics et repousser cette idée dangereuse de confier aux salariés de nouveaux pouvoirs d’intervention !

Car tout est là : la commission nationale d’évaluation et de contrôle des aides publiques aux entreprises et sa déclinaison régionale ne seraient rien d’autre qu’un outil de plus au service des salariés et des élus locaux pour appréhender la réalité des relations que l’État entretient avec le monde des affaires, de l’industrie et du commerce.

Mes chers collègues, allez-vous rejeter la proposition de loi que nous vous soumettons au moment même où le Président de la République veut rendre obligatoire l’information des comités d’entreprise sur les aides publiques et où M. Xavier Bertrand parle de plus en plus de « conditionnaliser » les exonérations de cotisations sociales ?

Dans un rapport récent déposé au nom de la commission des finances, le rapporteur spécial de la mission « Travail et emploi » estime que, « de fait, l’évaluation de ce dispositif – l’allégement général des cotisations sociales sur les bas salaires – ne fait l’objet d’aucune mesure de sa performance au regard de la politique de l’emploi, que ce soit dans les projets de loi de finances successifs, ou dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale. […]

« Aujourd’hui, une diminution progressive du niveau et du coût des exonérations doit être envisagée, afin de redéployer ces moyens vers d’autres politiques, notamment le soutien à la compétitivité des entreprises. »

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

« Dès 2005, […] le Centre d’analyse stratégique constatait que “les marges de manœuvre pour amplifier la politique d’allégement du coût du travail sur les bas salaires [avaient] atteint leurs limites” dans la mesure où les cotisations patronales de sécurité sociale au niveau du SMIC avaient presque totalement disparu. La question était d’ores et déjà posée du redéploiement des moyens affectés à la politique de soutien aux bas salaires, peu qualifiés et présentant de faibles perspectives d’évolution, vers des politiques d’organisation du travail qualifiantes.

« À cet égard, votre rapporteur spécial considère que l’efficacité des allégements généraux de cotisations sociales au regard de la politique de l’emploi doit faire l’objet d’une évaluation […]. »

Pour une fois, nous partageons l’avis exprimé au nom de la commission des finances. Nous estimons qu’il est effectivement plus que temps que les politiques de l’emploi et les politiques d’aide aux entreprises fassent l’objet d’une évaluation.

Dans le respect des prérogatives du Parlement, décisionnaire en dernier ressort, c’est cette tâche que nous entendons confier à la commission nationale d’évaluation et de contrôle des aides publiques aux entreprises que nous proposons aujourd’hui de mettre en place.

Transparence, responsabilité, recherche d’efficacité dans l’action publique : voilà les principes qui guident notre démarche ! S’opposer à cette proposition de loi revient, de fait, à refuser de prendre en compte ces impératifs.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi de notre collègue Robert Hue, cosignée par l’ensemble des sénateurs communistes républicains et citoyens, vise à instaurer une évaluation de la performance, notamment au regard de la politique de l’emploi, du dispositif des aides publiques octroyées aux entreprises par l’État ou les collectivités territoriales dans le contexte de la crise économique et financière que nous traversons.

Si le groupe UMP approuve cet objectif, il est en revanche en désaccord avec nos collègues sur le choix de l’instrument d’évaluation : ils proposent en effet la création d’une commission nationale d’évaluation et de contrôle des aides publiques aux entreprises, avec une déclinaison régionale.

Force est de constater que ce serait retomber dans un travers que nous tentons pourtant d’éviter depuis quelques années déjà, celui d’une économie trop lourdement administrée.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

De grâce, ne nous enfermons pas dans le piège d’une bureaucratie excessive, alors même que nous avons engagé une révision générale des politiques publiques et n’avons de cesse de tenter de simplifier les démarches administratives qui entravent nos entreprises ! Ne démultiplions pas les contrôles et les tracasseries administratives, qui ne sauraient constituer un moyen efficace pour lutter contre le chômage.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Monsieur Hue, il existe une dichotomie entre cette proposition de loi, étayée par une conception de l’économie appartenant au passé, nostalgique d’une économie administrée, …

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Vous ne voyez pas ce qui se passe, notamment le retour de l’État ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

… et la réalité contemporaine d’une économie de marché moderne, libre, …

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

… soumise à la concurrence et qui, si elle n’est pas parfaite, a fait ses preuves – une économie à laquelle les membres de mon groupe demeurent attachés.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Ma chère collègue, je dis ce que je veux ! J’ai écouté M. Hue avec beaucoup d’attention, …

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

M. Alain Gournac. … sans l’interrompre. Je vous demande d’en faire autant et de respecter des positions différentes de la vôtre : je ne suis pas communiste, et ce n’est pas demain que je vais le devenir !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Certes, le capitalisme doit être moralisé, et ne pas relever seulement d’une logique financière oublieuse de l’homme.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Tel est l’enseignement principal de la crise actuelle. Mais le texte dont nous discutons aujourd’hui participe maladroitement, de notre point de vue, à la traduction de cette aspiration dans le domaine du concret.

Il convient d’autant plus d’éviter l’écueil d’une bureaucratie excessive que celle-ci est inutile. Il existe déjà des possibilités de contrôle administratif, en interne, mais aussi judiciaire et financier, pleinement opérantes. Et que dire du contrôle parlementaire de l’action de l’État, que nous avons renforcé voilà peu ! À cet égard, je m’étonne que, alors que l’on n’a de cesse de réclamer le renforcement du pouvoir de contrôle du Parlement, il nous soit proposé aujourd'hui de mettre en place un dispositif de contournement de ce dernier !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Le contrôle des aides publiques aux entreprises relève pleinement du champ des prérogatives de nos assemblées. Ces dernières ont une légitimité démocratique supérieure à la commission nationale qu’il nous est proposé de créer. Il relève de la compétence des rapporteurs spéciaux des commissions des finances des deux assemblées de s’assurer du bon emploi des crédits publics.

Je rappelle, en outre, la création du groupe de travail sur la crise financière internationale commun à l’Assemblée nationale et au Sénat.

De même, des dizaines d’auditions relatives au suivi de la crise financière et du plan de soutien aux banques, auxquelles ont également participé nos collègues de l’opposition, ont été menées par la commission des finances de la Haute Assemblée.

Je suis, par conséquent, étonné de cette initiative parlementaire qui va à l’encontre du renforcement des pouvoirs du Parlement que nous avons tant souhaité.

La création d’une telle commission nationale, centrée sur le contrôle des entreprises, risquerait, en outre, de jeter le discrédit sur la profession de chef d’entreprise, en érigeant en postulat une possible malhonnêteté de sa part.

Si des abus existent bien, ils sont le fait d’une petite minorité. Largement relayés par les médias, ils suscitent systématiquement une réaction politique de notre part. Vous êtes déjà intervenue, madame la ministre, ainsi que le Président de la République lui-même, lorsque sont survenus des cas de mauvaise gouvernance de grandes entreprises. Vous avez eu raison de le faire !

Cependant, il ne saurait être question de stigmatiser les dirigeants d’entreprise, qui, dans leur très grande majorité, jouent un rôle essentiel dans la sauvegarde de l’économie et des emplois.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’étonne.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Comme cela a déjà été rappelé, lorsqu’il était député, notre collègue Robert Hue avait déposé une proposition de loi similaire relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises. Elle avait été adoptée par la majorité parlementaire d’alors, contre l’avis de la Haute Assemblée. Cette loi du 4 janvier 2001 n’était qu’une loi de circonstance, en réaction à l’« affaire Michelin », qui avait fait grand bruit à l’époque.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Nous avions bien anticipé, au vu de ce qui s’est passé ensuite !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

C’est donc avec raison que ladite loi a été abrogée par le collectif budgétaire de 2002.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Le contexte a certes changé : raison de plus pour conserver le cap du réalisme et du pragmatisme ! Les membres du groupe UMP suivront donc la position de la commission des finances et voteront contre chacun des articles de ce texte.

Parmi ces derniers, celui qui est relatif à la saisine est très significatif et montre bien le caractère inapproprié du dispositif qui nous est soumis.

Comme dans la loi de 2001, les possibilités de saisine sont beaucoup trop larges, voire irréalistes, comme l’a souligné très justement le rapporteur : est-il sérieux, par exemple, d’ouvrir la saisine aux 36 000 maires que compte notre pays ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Sous la précédente loi de contrôle des fonds publics accordés aux entreprises, toutes les requêtes que des parlementaires avaient formulées auprès de cette commission nationale étaient restées lettre morte.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

C’est faux ! Vous avez bloqué l’application de cette loi, qui avait été promulguée au mois de janvier 2001, dès votre arrivée au pouvoir en 2002 !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Les réponses apportées étaient tout à fait évasives. Cela montre bien que cette commission ne pouvait faire face aux trop nombreuses demandes que suscitaient de trop larges possibilités de saisine, de nouveau prévues dans la présente proposition de loi.

Plus généralement, un examen attentif de l’ensemble du dispositif qui nous est soumis montre à quel point il serait inapplicable. C’est ce que démontre très bien notre excellent collègue Albéric de Montgolfier dans le rapport qu’il a présenté au nom de la commission des finances. Je tiens à saluer la qualité et la pertinence de son argumentation.

Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, le groupe UMP votera contre cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui est examinée dans un contexte très particulier : celui d’une crise financière mondiale très grave, sans précédent depuis 1929, qui entraîne de nombreux pays de l’OCDE dans une récession économique dont nul ne connaît la durée ni l’issue.

Cette crise a donné au Parlement l’occasion de se prononcer à deux reprises sur des mesures proposées pour y faire face, soit de sa propre initiative, soit à la demande du Gouvernement, lors des débats relatifs au plan de relance et au projet de loi de finances rectificative pour 2009.

Cela étant, dans nos départements respectifs, que constatons-nous ? Partout, la même peur du lendemain, une défiance, parfois exacerbée, à l’encontre des banques et des établissements de crédit, ainsi qu’un climat social très tendu, notamment dans les territoires concernés par des fermetures d’entreprises ou par des plans sociaux de grande envergure, dont les ravages, en termes de chômage et de précarisation, risquent d’être considérables.

Je souligne d’ailleurs qu’il est parfois très curieux de constater que certaines entreprises, dont les bénéfices sont en constante et régulière augmentation, profitent de ce contexte de crise pour cesser leurs activités en France et les délocaliser sous des cieux plus propices, fiscalement parlant, souvent au cœur même de l’Union européenne, dans des États où les coûts salariaux sont particulièrement bas. Eu égard à l’appétit toujours plus vorace de certains groupes d’actionnaires, la crise a quelquefois bon dos !

C’est pourquoi l’idée de nos collègues du groupe CRC-SPG de mieux évaluer et de mieux contrôler l’utilisation des aides publiques allouées à certaines entreprises mérite plus que jamais toute notre attention.

Il s’agit de responsabiliser tant l’État, dans son rôle d’ordonnateur, que les entreprises concernées, au regard du respect de l’engagement pris de maintenir leurs activités et, par conséquent, les emplois sur le territoire national.

Rappelons que, dans la conjoncture actuelle, le soutien public est très important : renforcement des fonds propres des banques, renflouement de celles-ci à hauteur de 17 milliards d’euros, aides à la trésorerie des entreprises, etc. Le Gouvernement et le Parlement ont mis en œuvre toutes sortes de mesures propres à instaurer une capacité d’intervention rapide des pouvoirs publics pour éviter une faillite généralisée du système. Au regard de ces efforts exceptionnels, un contrôle est donc légitime et souhaitable, quelle que soit du reste la forme des aides publiques.

Cette nécessité d’assurer un contrôle plus efficace des aides est en outre renforcée par le comportement de certains patrons, notamment en matière d’attribution de primes de sortie ou de stock-options, à l’heure où les entreprises et les banques affichent des pertes colossales. Il est donc impératif de moraliser en amont les comportements patronaux tout en veillant, en aval, à ce que les aides financières soient efficacement utilisées.

Pourtant, rappelons que, sur proposition de notre excellent collègue Jean Arthuis lors des débats sur le projet de loi de finances rectificative pour 2009, un décret doit prochainement prévoir les conditions d’attribution ou de versement des éléments de rémunération variable, des indemnités et des avantages indexés sur la performance, ainsi que des rémunérations différées, à certains dirigeants, particulièrement lorsque leur entreprise a bénéficié d’aides de l’État.

À cet égard, l’État doit faire face à ses responsabilités, et les Français n’admettront jamais que, en cas de crise sociale aiguë, la faiblesse des futures dispositions réglementaires l’emporte sur la rigueur des engagements votés par le Parlement.

C’est donc dans la logique même de ces engagements que nous devons nous prononcer sur le bien-fondé de la proposition de loi qui nous est soumise. Dans un environnement tendu où, plus que jamais, notre pays a besoin qu’un dialogue social s’instaure, les premières victimes de la crise doivent pouvoir se sentir davantage impliquées dans le renforcement du contrôle de l’utilisation des aides publiques.

Les dispositions contenues dans la présente proposition de loi accordent-elles réellement un droit supplémentaire à la collectivité ? Ne risquent-elles pas simplement d’alourdir les procédures de contrôle déjà existantes ?

En réalité, elles ne doivent pas être le fruit d’un climat émotionnel, au demeurant légitime, mais doivent se fonder sur la raison et sur le souci de l’efficacité, sans être redondantes avec les missions de contrôle assurées par le Parlement et par la Cour des comptes.

Dans ces conditions, notre groupe ne s’opposera pas à l’adoption de cette proposition de loi émanant de nos collègues du groupe CRC-SPG. Certains de ses membres la soutiendront.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC -SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord d’excuser M. Rebsamen, qui a été rappelé dans sa ville de Dijon. J’interviens donc au nom du groupe socialiste, qui soutient cette proposition de loi pour les raisons que je vais indiquer.

Madame la ministre, votre présence aujourd'hui dans cet hémicycle témoigne de l’importance du sujet dont nous traitons. Il est important que le Gouvernement prenne ce débat au sérieux, étant donné la profondeur de la crise que nous vivons.

Notre soutien à ce texte répond à un souci de continuité. En effet, la proposition de loi que nous soumettent, sur l’initiative de Robert Hue, nos collègues du groupe CRC-SPG, pose, à la lumière de la crise financière, la question des contreparties des aides publiques, question que nous avons nous-mêmes toujours posée.

C’est d’ailleurs pour cela que, sous le gouvernement conduit par Lionel Jospin, nous avions, déjà sur une proposition de notre collègue Robert Hue, alors député, adopté le texte devenu la loi du 4 janvier 2001, loi que vous vous êtes empressés de supprimer, comme l’a rappelé notamment M. Gournac, dès le collectif budgétaire de 2002.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Vous comprendrez donc, dans la continuité que je viens de rappeler, la portée symbolique que revêt pour nous la présente proposition de loi, surtout dans les circonstances actuelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Non ! Nous sommes dans l’opposition, nous faisons notre travail politique.

Je voudrais également vous rappeler une autre loi. Il n’a pas été suffisamment dit en effet que la loi de modernisation sociale, qui avait, elle aussi, été votée sous le gouvernement Jospin, impliquait un engagement très fort des entreprises amenées à supprimer leur activité ou à délocaliser, afin qu’elles participent à la réindustrialisation du bassin d’emploi ou à l’animation du site.

Cette loi ne plaisait pas non plus à la nouvelle majorité de 2002 et, pour des raisons qu’il faut bien qualifier de purement idéologiques – voilà les excès auxquels conduit quelquefois l’esprit de revanche !– ses dispositions ont, pour la plupart, elles aussi été supprimées.

Certains voudront bien se souvenir que le texte de 2001 avait été adopté après que le groupe Michelin eut annoncé simultanément la suppression de 7 500 emplois sur trois ans et une progression de 17 % de son résultat net ! Le lendemain, dès l’ouverture de la séance à la Bourse de Paris, le titre s’était envolé, gagnant plus de 11 % … Or, peu après, la presse révélait que Michelin avait perçu depuis 1983 environ 10 milliards de francs d’aides publiques à l’emploi.

C’était finalement une préfiguration de ce que nous vivons aujourd’hui, quoique l’échelle soit bien plus grande et l’inflation des chiffres quasi exponentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

La crise financière est un révélateur de ce genre de pratiques.

Toujours pour illustrer la continuité de nos positions en la matière, je note que, pendant la dernière élection présidentielle – peut-être l’a-t-on oublié, mais, comme j’ai cru comprendre que certains, sur les tréteaux de la campagne pour les élections européennes, rappellent les promesses qu’ils avaient faites à l’époque, vous me permettrez de faire de même – notre candidate avait pris l’engagement, dans la proposition n° 14 du Pacte présidentiel qu’elle proposait aux Français, de subordonner l’octroi d’aides publiques aux entreprises à la condition qu’elles ne licencient pas quand elles dégageaient des profits substantiels.

Continuité encore, quand Michel Liebgott et Aurélie Filippetti, nos collègues députés de Moselle – département lourdement frappé par la crise – estiment tout récemment que l’État doit demander au groupe ArcelorMittal le remboursement des aides publiques perçues.

Continuité enfin, quand Martial Bourquin, notre collègue sénateur du Doubs, déclare il y a peu : « La plus grande opacité règne aujourd’hui sur les aides à l’automobile ». L’élu franc-comtois assure douter « de la réalité des contreparties sociales apparemment demandées par le Gouvernement en échange de prêts à taux très intéressants. » Il plaide « pour une véritable traçabilité des aides publiques à l’automobile », ce qui est l’objet de la proposition de résolution qu’il a déposée.

Sans insister plus longtemps sur la continuité de nos vues sur ce sujet, j’ajouterai que nous avions soulevé, dès l’examen de la loi de finances rectificative pour 2009, qui comprenait le plan d’aide d’urgence aux établissements bancaires, le problème des contreparties. Nous avions bien vu alors les réticences qui se manifestaient quand nous demandions, au titre de ces contreparties, notamment la modération des rémunérations, en particulier celle des parts variables, ce à quoi nous sommes très attachés.

Comité de suivi ou pas, monsieur le président de la commission des finances, on voit combien il est difficile d’obtenir que l’on ne se contente pas de codes de bonne conduite et, puisque la question de ses droits a été évoquée, que le Parlement ait son mot à dire sur l’utilisation des fonds publics et les contreparties attendues des établissements en matière de rémunérations.

M. le rapporteur invoque l’inefficacité du texte voté en 2001 pour sceller le sort de la présente proposition de loi, argument repris par notre collègue de l’UMP Alain Gournac.

Chers collègues de la majorité, étant donné que la loi en question a été promulguée le 4 janvier 2001 et que vous l’avez supprimée en 2002, peut-on raisonnablement considérer qu’elle a été inefficace ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Personne ici ne saurait prétendre qu’une loi atteint sa pleine efficacité en quelques mois de mise en œuvre, surtout au beau milieu d’une campagne électorale et lorsque, par-dessus le marché, intervient un changement de gouvernement ! Bref, ce premier argument ne tient pas.

Vous en invoquez un autre, monsieur le rapporteur : nous disposerions déjà des outils nécessaires. Vous mettez en avant, notamment, le contrôle exercé par les commissions des finances, avec l’appui de la Cour des comptes, grâce aux dispositions de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances.

Permettez-moi de passer sur les chambres régionales des comptes, dont le rôle n’est franchement pas de vérifier l’utilisation des fonds publics par les entreprises. Elles ont bien d’autres choses à vérifier, à commencer par la sincérité des comptes des collectivités locales et l’équilibre de ces comptes, auquel les collectivités sont tenues.

Certes, nous exerçons le contrôle que vous évoquez. Moi-même, je suis membre de la commission des finances et rapporteur spécial, mais vous savez bien, monsieur le président de la commission des finances, que, d’une part, les dispositions prévues par la présente proposition de loi ne feraient que renforcer ce contrôle, avec lequel elles ne sont pas du tout incompatibles, et que, d’autre part, notre contrôle est par définition limité, aussi bien dans le temps que dans son périmètre.

Quant à la révision de la Constitution - vous l’avez votée, pas nous ! -, on voit bien, à la manière dont elle se traduit depuis le début de sa mise en œuvre il y a quelques semaines, qu’elle renforce le dispositif de contrôle dans son inefficacité bien plutôt qu’elle ne l’améliore !

M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur protestent.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Ne venez donc pas nous parler aujourd’hui des semaines sénatoriales de contrôle !

La mise en œuvre de cette réforme confirme rétrospectivement que nous avons bien fait de ne pas la voter. Le Gouvernement dispose de quinze jours, période qu’il continue de charger de textes sur lesquels il déclare l’urgence - nous légiférerons donc encore plus mal -, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

… tandis que les quinze jours réservés au Parlement – pour le contrôle, paraît-il – servent en fait à épuiser les parlementaires assidus. Et, pendant ce temps-là, justement, nous ne faisons pas le travail de contrôle qui nous incombe.

Monsieur le président de la commission des finances, vous en êtes témoin : la semaine dernière, à l’occasion de deux débats importants consacrés respectivement à la crise financière, sur l’initiative de nos collègues communistes, et aux heures supplémentaires, à la demande de notre groupe, nous avons déjà dénoncé ce processus qui nous conduit à parler toujours plus, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pour ne rien dire !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

… souvent devant un hémicycle vide, et ce au détriment de l’action.

Par conséquent, encore une fois, n’invoquez surtout pas les semaines de contrôle !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Quant au comité de suivi du plan de financement de l’économie française, que vous avez évoqué pour l’aide apportée aux banques, madame la ministre, je ne vois pas en quoi il serait en contradiction avec la proposition de loi.

Ce comité s’est réuni deux fois. Le Parlement est représenté en son sein par les présidents des commissions des finances des deux assemblées et par les deux rapporteurs généraux, qui rendent compte à la commission des finances et aux autres parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Je ne vois cependant pas pourquoi l’action de ce comité de suivi ne pourrait pas trouver un utile complément dans le travail d’un organe plus proche du terrain, ce qui est tout de même l’objectif ici. Au contraire, elle n’en serait que plus efficace.

Mme la ministre a utilisé l’adjectif « superfétatoire ». Je voudrais quand même rappeler que la majorité - pas nous ! - a voté, il y a quelques semaines, dans le cadre du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2009, un crédit de 100 millions d’euros pour les commissaires à la réindustrialisation déployés dans certaines régions.

C’est tout de même une somme, 100 millions d’euros, et, sachant qu’il existe déjà des préfets de région dotés d’une administration et de services, ces commissaires pourraient bien être, eux, qualifiés de « superfétatoires ».

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Ou bien est-ce une façon de reconnaître que la mise en œuvre de la RGPP, la révision générale des politiques publiques, prive les préfectures de région de leurs moyens ?

Monsieur le rapporteur, vous avez déclaré, dans vos conclusions, que cette proposition de loi contribuerait « également à induire le soupçon sur le bien-fondé des aides apportées aux entreprises et participe d’une défiance idéologique à l’encontre de la vie des affaires, encourageant en cela une tendance déjà trop présente dans la société française. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Monsieur le rapporteur, vous êtes très sévère pour les auteurs de la proposition de loi, mais, tout de même, n’avons-nous pas observé, vous comme nous – j’en prends à témoin le président de la commission des finances - que, pendant toute l’année 2008, donc en pleine crise, les entreprises ont continué à procéder à des rachats d’actions, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

… que les conseils d’administration ont continué à octroyer bonus et parachutes dorés ? Comment peut-on, dans ces conditions, parler de « défiance idéologique » ? Mais je ne développe pas, ce n’est pas le sujet.

Je lis toujours très attentivement la dernière page du cahier n° 3 du Figaro, où figurent les résultats d’enquêtes menées en temps réel auprès des lecteurs. Et vous m’accorderez que les lecteurs du Figaro se situent plutôt à droite…

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Eh bien, quand on les interroge sur le sujet, il y a tout de même 77 % de ces lecteurs pour considérer qu’il est normal de contrôler les aides publiques accordées aux entreprises.

Qu’est-ce que cela signifie, sinon qu’il ne s’agit pas là d’un problème idéologique, sauf à qualifier d’« idéologique » l’opinion majoritaire ? Sur ce sujet, les avis ne recoupent pas le clivage habituel entre droite et gauche, car, si nous représentions 77 % des voix, cela se saurait, et sans doute ne serions-nous pas alors dans l’opposition !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Vous stigmatisez aussi dans votre rapport le caractère « bureaucratique » du mécanisme de contrôle proposé. Je pourrais de mon côté vous en citer beaucoup, des systèmes « bureaucratiques » !

Nous avons fait un voyage d’étude aux États-Unis, dont il faut bien reconnaître qu’ils étaient, à une certaine époque, l’objet d’une véritable vénération. Or nous avons constaté que les phénomènes bureaucratiques se retrouvaient partout, donc quelle que soit l’idéologie majoritaire. Il ne s’agit pas, là non plus, d’un bon argument.

Pour conclure, je crois que, dans le contexte de la crise actuelle, la proposition de loi de nos collègues du groupe CRC-SPG participe au mouvement général actuel de retour à la raison.

Ce qui est proposé est tout simple et peut contribuer, d’une certaine façon, à redonner un peu de la confiance perdue dans l’action publique, et à réinstaurer une transparence qui a manqué jusqu’à présent. Voilà pourquoi nous voterons cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au terme de cette discussion générale de la proposition de loi de Robert Hue et des membres du groupe CRC-SPG, le Sénat doit se prononcer sur l’opportunité de la création d’une commission nationale de contrôle et d’évaluation des aides publiques aux entreprises, qui, naturellement, serait accompagnée d’institutions similaires au niveau régional.

Aussi bien M. le rapporteur que Mme la ministre et M. Gournac ont exprimé un point de vue proche de celui de la commission des finances.

Bien sûr, le contexte de crise dans lequel nous nous trouvons oblige soudain à replacer l’État au cœur de l’économie, afin de rétablir la confiance et de prévenir le risque systémique.

Bien sûr, nous devons engager des fonds publics dans des proportions considérables, et nos concitoyens exigent que nous exercions pleinement notre devoir de vigilance, de contrôle et d’évaluation. C’est bien d'ailleurs ce que nous entendons faire !

Madame la ministre, comme vous l’avez rappelé, vous avez mis en place un comité de suivi du dispositif de financement de l’économie. J’en suis membre, ainsi que mon homologue président de la commission des finances de l’Assemblée nationale et les deux rapporteurs généraux. Mme Bricq comme M. Vera pourront témoigner que Philippe Marini et moi-même veillons à rendre compte systématiquement à la commission des finances du Sénat des propos tenus au sein de ce comité de suivi.

Toutefois, au-delà de l’actualité immédiate, je voudrais vous rappeler, mes chers collègues, que nous avons révisé la Constitution, dont l’article 24 pose désormais clairement les principes qui régissent le rôle du Parlement. Celui-ci, certes, « vote la loi », mais aussi « contrôle l’action du Gouvernement » et « évalue les politiques publiques ».

Mme Bricq fait état de certaines déceptions nées en cette période de rodage de procédures nouvelles. Il est vrai que nous ne sommes pas toujours très nombreux dans l’hémicycle quand, sur l’initiative des groupes, des séances sont consacrées au contrôle… Toutefois, mes chers collègues, le contrôle du Parlement ne saurait se réduire à la discussion plus ou moins improvisée de quelques questions orales !

M. Nicole Bricq acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Le contrôle, c’est un engagement permanent, du début à la fin de l’année, qui nous oblige à procéder à des vérifications sur place et sur pièces et nous rend attentifs aux dysfonctionnements de la sphère publique.

Si le Parlement n’exerce pas ses missions de contrôle, qui, à mes yeux, sont au moins aussi importantes que son rôle législatif, que fait-il quand il devient évident que la puissance publique n’a plus de prise sur la réalité ? Une loi ! Or rien ne change et, très vite, nos compatriotes sont témoins de l’impuissance publique. Il faut des lois, certes, mais sachons ne légiférer que d’une main tremblante !

Le contrôle et l’évaluation, en revanche, nous mettent au contact des réalités et nous aident à sortir des considérations idéologiques ou dogmatiques.

C’est en constatant ce qui se passe sur le terrain que nous forgeons nos convictions, et nous pouvons alors tenter de les faire partager aux autres parlementaires. Si tel n’est pas le cas, nous restons dans le registre des propos convenus. Il nous arrive alors de parler pour ne rien dire, au risque de donner du Parlement une image quelque peu dérisoire eu égard à la gravité des situations auxquelles se trouvent confrontés nos compatriotes...

Mes chers collègues, nous devons, nous, parlementaires, conduire notre propre réforme et sortir d’un rituel qui est finalement assez commode. Il ne suffit pas d’affirmer que, une semaine par mois, le Sénat se consacre au contrôle en séance publique pour changer l’image du Parlement et accroître sa valeur ajoutée spécifique !

Notre mission ne peut se borner à l’interpellation et à l’incantation : nous devons aller observer ce qui se passe sur le terrain. C’est à ce prix que nous ferons disparaître ce soupçon de complicité avec les dysfonctionnements de la sphère publique qui pèse sur le Parlement.

Mes chers collègues, je vous encourage donc à persévérer dans le contrôle et l’évaluation.

Dans ces conditions, monsieur Hue, est-il nécessaire de nous dessaisir de nos prérogatives pour les confier à une commission nationale de contrôle et d’évaluation des aides publiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Les deux formes de contrôle sont possibles !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Dans la commission que je propose, les salariés sont représentés !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Rejeter sur les autres les responsabilités qui nous incombent, c’est nous dispenser à bon compte d’assumer notre propre mission.

Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Quant à l’utilisation des aides publiques par les entreprises, la transparence est désormais suffisante, me semble-t-il, pour que les comités d’entreprise et les délégués du personnel puissent prendre connaissance des comptes, …

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Ce n’est pas ce que disent les salariés !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

… du moins dans les sociétés qui ne dissimulent pas ou n’externalisent pas une partie de leurs opérations dans des territoires non coopératifs. Du reste, ceux-ci disparaîtront bientôt, grâce à vous, madame la ministre, et grâce à la Commission européenne, et nous pourrons alors réaliser un contrôle interne des entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Contrôlez vraiment une seule entreprise, et on en reparlera !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Au-delà de ce problème, je rêve d’une société où il n’y aurait plus d’aides publiques aux entreprises

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

En effet, madame la ministre, nous devrons un jour avoir ce grand débat devant les Français et nous interroger sur nos prélèvements obligatoires.

Certains trouvent formidable que les entreprises payent des impôts. Formidable, en effet… Toutefois, les impositions des sociétés sont, en définitive, supportées par les consommateurs, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

car elles sont répercutées sur les prix de marché. Qui pourrait affirmer que les impôts des entreprises sont payés par d’autres que les Français eux-mêmes ?

Dès lors, nous devons pouvoir inspirer une réforme des prélèvements obligatoires qui viserait à supprimer les aides publiques et, probablement, à alléger très significativement les impôts payés par les entreprises, parce que ceux-ci se retrouvent dans le prix des produits et des services mis sur le marché et achetés par les consommateurs, c'est-à-dire par nos concitoyens.

Cela étant, chers collègues, ne perdez pas de vue que, si l’impôt transite par les entreprises, il peut être tentant pour certaines d’entre elles – ce n’est pas très compliqué –, d’aller produire ailleurs, là où les coûts sont moins élevés !

Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Mais nous devrons bien un jour surmonter nos contradictions et dominer nos tendances schizophréniques. Car, c’est bien connu, les Français ne veulent pas travailler le dimanche, mais ils aiment faire leurs courses ce jour-là.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

De même, ils veulent payer le moins cher possible les produits qu’ils consomment, mais ils veulent aussi un salaire convenable et une protection sociale suffisante.

Nous aurons à débattre de toutes ces questions, et il serait intéressant de le faire ici même…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … pour tenter de faire justice de ces contradictions, faute de quoi nous risquons d’être suspectés de nous contenter facilement d’incantations et de gesticulations.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Merci, mon cher collègue. Votre évaluation est un encouragement !

Souriressur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je souhaite que nous puissions dégager des espaces de dialogue, parce que les Français attendent que nous répondions concrètement à leurs préoccupations, au lieu de nous contenter de mettre en place de nouvelles commissions.

Il n’est pas inutile de chercher à multiplier les possibilités de contrôle, mais – je me permets d’y insister – cela relève d'abord des prérogatives du Parlement, qui a été créé pour cela, et pour consentir l’impôt !

Dans ces conditions, vous le comprendrez, la commission des finances, tout en respectant ce texte, ne le soutiendra pas et demandera au Sénat de le rejeter.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Il est créé une Commission nationale d'évaluation et de contrôle des aides publiques aux entreprises, chargée de mesurer les impacts économiques et sociaux et de vérifier l'utilisation des aides publiques de toute nature accordées aux entreprises et aux établissements financiers par l'État et les collectivités locales ou leurs établissements publics, afin d'en améliorer l'efficacité pour l'emploi, la formation professionnelle et les équilibres territoriaux.

La Commission nationale est également compétente pour évaluer et contrôler l'utilisation des fonds structurels européens.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Nous estimons qu’il est indispensable de renforcer le contrôle de l’utilisation de l’argent public par tout moyen approprié.

Monsieur le rapporteur, vous affirmez que le Parlement est là pour cela, que la Cour des comptes peut jouer son rôle de gardienne de la lisibilité et de la sincérité budgétaires, que la loi organique relative aux lois de finances, comme M. le président de la commission vient de le rappeler, nous dote de nouveaux moyens d’investigation.

Mais alors, pourquoi le Sénat ne s’est-il jamais penché, de sa propre initiative, sur la politique d’allégement des cotisations sociales, d’une manière plus critique que celle qui consiste, au fil des discussions relatives aux projets de loi de finances ou de loi de financement de la sécurité sociale, à faire un rapide point d’ordre sur la situation ?

Madame la ministre, vous nous avez affirmé tout à l'heure que la progression des dépenses d’allégement des cotisations sociales était, pour l’essentiel, liée aux 35 heures.

Or l’une des premières dispositions adoptées par François Fillon, à l’époque, pas si lointaine, où celui-ci avait la charge du ministère du travail, fut de supprimer l’incitation à la réduction du temps du travail, pour lui substituer un allégement général des cotisations sociales sur les bas salaires ! C’est cette décision que nous payons aujourd’hui, et à plus d’un titre, d’ailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

En effet, les allégements de cotisations sociales sur les très bas salaires ont pour conséquence, notamment, la généralisation de ce type de rémunération, car les entreprises sont fortement incitées à privilégier ces très bas salaires, le plus souvent sans tenir compte de la réalité de la qualification des salariés, ni même du contenu de leur travail !

Dans de nombreuses branches professionnelles, dans maints bassins d’emploi, les rémunérations qui égalent ou approchent le SMIC sont le lot commun des salariés !

Les administrateurs de Pinault-Printemps-Redoute peuvent bien se distribuer de généreuses plus-values ou des stock-options, il n’empêche que, pour une très large part, les salariés du groupe n’ont souvent que le SMIC pour toute rémunération, sans compter le temps partiel subi, qui est pratique courante !

Si nous proposons de créer cette commission nationale, c’est parce que nous voulons faire précisément le point sur le sens de l’action publique tournée vers les entreprises. En effet, l’argent public, c’est celui de tous les Français, qu’ils soient riches ou plus modestes. Il est légitime que nos compatriotes sachent où va cet argent et à quoi il sert !

Telle est la mission que nous entendons confier à cette commission nationale, en faisant d’elle l’outil d’une juste évaluation de l’allocation des ressources publiques.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Mes chers collègues, sans revenir sur les différents arguments qui ont été évoqués alors, je rappellerai que la commission n’a pas adopté cet article 1er.

Oui, nous devons contrôler l’utilisation de l’argent public ! Mais, comme vient de le rappeler le président de la commission des finances, c’est le Parlement, aux termes de l’article 24 de la Constitution, qui se trouve chargé de cette mission d’évaluation, et non une quelconque commission dont j’ai démontré qu’elle ne pourrait pas fonctionner.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

À nous maintenant d’inventer notre rôle, dans le cadre de la semaine de contrôle parlementaire, procédure encore toute nouvelle. À nous d’examiner les aides publiques, mais aussi les allégements de charges sociales, car j’ai bien noté les remarques qui ont été formulées à cet égard.

Mes chers collègues, nous avons tout à fait la légitimité nécessaire pour exercer cette mission, bien plus en tout cas qu’une commission ressuscitant une structure qui, par le passé, n’a pas fonctionné !

Je vous invite donc à suivre la position de la commission et à ne pas voter l’article 1er de la présente proposition de loi.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Je souhaite revenir sur la conditionnalité des aides.

Je le rappelle, le Sénat a adopté en novembre dernier le projet de loi en faveur des revenus du travail, qui prévoit précisément la mise en œuvre du principe de conditionnalité. En l’occurrence, les allégements de charges ne seront maintenus au bénéfice des entreprises que dès lors que celles-ci engagent une négociation annuelle des salaires.

Or il a été prévu, très intelligemment d'ailleurs, qu’un bilan serait dressé, à la fin de l’année 2009, pour vérifier que les entreprises procèdent bien à cette négociation annuelle des salaires.

Je rappelle aussi que, aux termes de ce texte, les entreprises qui ne respecteraient pas cette obligation seraient soumises à une pénalité équivalant à 10 % du montant des allégements de charges.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je mets aux voix l'article 1er.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 146 :

Le Sénat n'a pas adopté.

La Commission nationale est composée :

- de députés et sénateurs désignés par leur assemblée respective ;

- de représentants de l'État ;

- de représentants des organisations syndicales représentatives de salariés ;

- de représentants des organisations professionnelles représentatives d'employeurs ;

- de personnalités qualifiées, à raison de leur compétence en matière économique et sociale. Une représentation du milieu associatif est prévue à ce titre.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

L’article 2 tend à préciser la composition de la commission nationale d’évaluation et de contrôle des aides publiques aux entreprises que nous appelons de nos vœux.

Naturellement, j’ai analysé avec beaucoup de soin la position de la commission des finances et le rapport de M. de Montgolfier. J’avoue que, si je ne suis peut-être pas vraiment surpris, je ne suis pas moins scandalisé par une partie de l’argumentation développée.

M. le rapporteur écrit qu’il « est pour le moins circonspect sur la composition envisagée de la commission. L’absence de précisions quant au nombre de ses membres, tant au niveau global que par catégorie de titulaires, est de nature à la rendre pléthorique, bavarde, et à paralyser son fonctionnement. »

Une « catégorie de titulaires » rendrait donc cette instance « bavarde »… Une telle position témoigne d’un terrible mépris pour le dialogue social.

Au fond, ceux que l’on ne veut pas entendre dans cette affaire, ce sont les salariés !

J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt les arguments de M. le président de la commission des finances, de M. le rapporteur et de Mme la ministre sur les pouvoirs du Parlement ou le contrôle juridictionnel. Nous pourrions parfaitement débattre de ces points sur lesquels, comme vous le savez, nous ne sommes pas d’accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Il n’empêche que la question clé peut être résumée en deux termes : transparence et salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Le Gouvernement ne veut pas de la transparence parce qu’il relaie ce qui peut apparaître comme une volonté du patronat de dissimuler certaines choses.

Quant aux salariés, dès que leur présence au sein d’une commission est envisagée, on parle aussitôt, monsieur le rapporteur, de bavardage… Je trouve cela tout à fait édifiant !

Notre collègue Alain Gournac, quant à lui, estime inconcevable que tous les maires, …

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

… les 36 000 maires, soient en mesure de saisir la commission.

Mon cher collègue, je sais d’expérience que certaines situations sont inacceptables localement. Je ne suis plus maire depuis quelques semaines, mais je l’ai été pendant trente-deux ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Je m’en réjouis pour vous, mais là n’est pas la question.

Ne faut-il pas, à un moment donné, que le maire d’une commune accueillant sur son territoire une entreprise qui fait vivre un quartier complet, voire le village ou la ville entière, puisse disposer d’une possibilité de saisine ? La commission régionale qu’il est proposé d’instaurer le permettrait, mais, de ce contrôle-là, on ne veut pas non plus !

Globalement, le contrôle exercé par les élus du peuple, par les maires des petites villes, ce contrôle-là ne compte pas quand il s’agit des aides publiques. Il en va naturellement de même pour celui des salariés : à la limite, ceux-ci peuvent disposer d’un brin d’information, mais, du côté de la majorité, on ne souhaite ni leur participation ni leur intervention concrète !

C’est dans la nature des choses… À une autre époque, j’aurais même dit que c’est dans la « nature de classe » des choses.

Exclamations amusées sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

À propos précisément des salariés, Mme la ministre, dont je me félicite également de la présence aujourd'hui, a fait référence, dans son intervention, au secteur automobile et aux contreparties exigées pour les 11 milliards d’euros d’aides publiques. Elle a mentionné le pacte automobile et a dit ce que j’ai déjà entendu mille fois, à savoir qu’il n’y aurait pas de plans sociaux dans les entreprises ayant reçu des aides publiques.

J’ai ici, sous les yeux, un document qui m’a été adressé hier, dans la perspective de notre débat de ce jour. Il concerne l’entreprise PTPM d’Ay, dans la Marne, et le groupe Trèves, un sous-traitant de PSA Peugeot Citroën, qui a été largement soutenu dans le cadre du pacte automobile.

Le groupe Trèves a notamment bénéficié, à hauteur de 55 millions d’euros, du fonds de modernisation des équipementiers automobiles, donc d’argent public. Or il organise des licenciements et une délocalisation à l’étranger, avec la menace de 700 suppressions d’emplois en France, dont 130 suppressions dues à la fermeture du site de la Marne.

Les salariés se sont organisés. Ils ont fait la démonstration qu’une autre gestion, un autre fonctionnement étaient envisageables. Faute de lieu d’où les salariés puissent être entendus, la section syndicale CGT de ce sous-traitant du secteur automobile a proposé aux habitants de la petite ville de signer un dépôt de plainte contre le groupe industriel, qui utilise les fonds publics pour restructurer, et non pour développer le potentiel industriel. Plus de 400 citoyens ont déjà signé.

À travers cet exemple de proximité, on voit bien que les salariés n’avaient aucun recours. Si une commission régionale avait existé, ils auraient pu la saisir et on aurait pu discuter de la qualité du plan qu’ils proposaient. Là, c’était impossible !

Cet exemple démontre le bien-fondé d’une commission régionale que pourraient saisir les salariés et les élus. Quant aux contreparties du groupe PSA Peugeot Citroën au titre du pacte automobile, je vous demande, madame la ministre, de regarder de très près le dossier.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Ces séances doivent réellement être l’occasion de débats : j’ai bien écouté Robert Hue et entendu ses interrogations quant aux maires et aux élus territoriaux. Je vais tenter de lui répondre.

Mon expérience d’élu territorial me laisse penser qu’il n’existe pas de réelles difficultés en matière de contrôle des fonds publics.

Lorsque nous décidons d’attribuer une aide dans le cadre défini par la loi, nous passons des conventions avec les entreprises concernées et nous subordonnons l’octroi de cette aide à un engagement en termes de création d’emploi.

Que peut-on faire quand, malheureusement, l’objectif n’a pas été atteint à l’échéance conventionnelle ? Pour peu que l’entreprise traverse des difficultés, raison pour laquelle elle n’a pas pu créer tous les emplois qu’elle ambitionnait de créer, faut-il lui demander de rembourser les aides, au risque de précipiter alors le dépôt de bilan ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Que faites-vous, mes chers collègues, dans de tels cas ?

Des opérations de contrôle ont donc bien lieu au quotidien, dans la France entière, mais les élus sont souvent piégés dans des situations difficilement supportables.

Que doit faire un maire qui, à la veille d’une élection, se voit signifier que, s’il n’attribue pas une aide particulière, l’entreprise ira ailleurs parce qu’une commune dans le département voisin ou dans le canton voisin lui propose des conditions plus favorables ?

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

C’est le chef d’entreprise qui vous dit cela, mais il y a aussi des salariés !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Avez-vous eu l’occasion de diriger une entreprise, même petite ? Discuter est formidable, mais on vous appelle aussi à l’action !

La politique privilégie malgré tout l’action. On ne peut se contenter d’incantations. Peut-on vraiment estimer avoir rempli sa mission en créant une commission nationale et des commissions locales ? Peut-on, de ce seul fait, se considérer comme le garant du bon usage des fonds publics ? Ce serait trop facile ! Et à quoi bon, alors, élire périodiquement des députés et des sénateurs ?

Vraiment, je voudrais vous en convaincre, nous devons maintenant nous préoccuper de la compétitivité des entreprises et de nos territoires…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

… et nous interroger sur des dispositifs législatifs et réglementaires certes admirables et que le monde entier nous envie, mais qui ne jouent pas toujours dans le sens de cette exigence.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Si c’est pour servir des dividendes aux actionnaires…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je partage vos sentiments sur ce sujet : je considère aussi comme une véritable injustice ces surrémunérations et ces bonus. Ils accréditent une espèce de gloutonnerie et de cupidité que rien ne retiendrait, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

… comme si l’éthique avait disparu !

Nous devons donc apporter une attention particulière à la transparence. Je vous demande d’ailleurs de noter, mes chers collègues, que j’ai là un point de convergence avec M. Hue. Nous progressons !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

La transparence est effectivement le meilleur régulateur. C’est elle qui peut nous permettre de prévenir certains excès. Nous devons donc établir des règles qui garantissent cette transparence.

Cependant, monsieur Hue, lorsque vous légiférez, vous le faites pour le territoire national. Or l’économie est largement européenne, voire, aujourd’hui, globale.

Si vous pouvez voter des lois extrêmement strictes, qui vous donneront bonne conscience et le sentiment, au coucher, du devoir accompli, la matière néanmoins s’échappe : les entreprises sont effectivement volatiles et peuvent passer d’un territoire à l’autre sans aucune difficulté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce constat doit sans doute vous amener à militer pour l’Europe, et pour une Europe en mesure d’édicter des principes et des règles.

Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Quoi qu’il en soit, n’ayant pas été pleinement convaincu par votre propos, cher collègue, à titre personnel, je ne voterai pas l’article 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Puisque M. le président de la commission des finances engage un débat fort sérieux au sujet des collectivités locales, je voudrais l’informer que des collectivités ayant accordé des aides publiques à des entreprises ont été conduites, parce que les engagements n’étaient pas respectés, à porter l’affaire en justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Le juge leur a quelquefois donné raison. Si la jurisprudence peut s’appuyer sur la loi, c’est encore mieux : les collectivités peuvent ainsi récupérer plus facilement les aides qui ont été indûment employées.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Alain Gournac, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Monsieur Hue, avec beaucoup de respect, je ne voudrais pas vous laisser penser un instant que je souhaite affaiblir le rôle du maire. Telle n’est certainement pas mon intention, en ce qui me concerne !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Le maire joue un rôle de stabilisateur de la société, et il faut à tout prix le protéger. Or, pour le protéger, il faut éviter de le placer dans une situation difficile, ce à quoi on aboutirait si on vous suivait. En effet, si, malgré la saisine de la commission par ses soins, le résultat n’est pas positif, c’est le maire qui sera mal jugé. Le pauvre aura pourtant fait le maximum pour essayer de trouver une solution.

Loin de moi donc l’idée que le maire ne serait pas concerné par le sort de l’entreprise qui fait vivre le village ou le canton.

Par ailleurs, comme vous, monsieur Hue, comme M. le président de la commission des finances, je suis partisan de la transparence. Mais cette transparence, nous la voulons grâce au Parlement : un député, peut-être même deux, et un sénateur, voire deux, représentent un territoire ; ils ont donc toute possibilité de saisir leur assemblée respective, c’est-à-dire de repositionner quelque peu – je croyais que vous étiez d’accord sur ce point ! – le Parlement dans son rôle.

Le Parlement a un rôle capital à jouer dans ce contrôle, notamment par le biais de ses commissions des finances, même si ce dernier est encore susceptible d’améliorations.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Je tenais absolument à lever toute ambiguïté sur mon propos.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Le débat est très intéressant mais, à mon avis, un peu surréaliste : nous venons, en effet, par notre premier vote, de supprimer l’article prévoyant la création de la commission nationale, et, dès lors que la commission n’existe plus, la proposition de loi n’a plus de sens. Pourquoi donc discuter des compétences d’une commission qui n’existe plus ?

Pour moi, le débat est clos techniquement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Monsieur Portelli, autant des amendements peuvent « tomber », parce qu’ils n’ont plus d’objet, autant, s’agissant d’articles, il incombe au président de séance de les mettre aux voix.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Je tiens à dire à M. Hugues Portelli que l’article 2, tel qu’il est rédigé, nous donne des raisons supplémentaires de supprimer cette commission : ni le nombre de représentants, ni leur origine, c'est-à-dire ce qui fait la légitimité de la composition de cette commission, n’y sont en effet précisés.

Mme Nicole Bricq a cité à l’instant des exemples prouvant qu’il existe déjà un contrôle juridictionnel, puisque des tribunaux administratifs se sont déjà prononcés en la matière. En outre, certaines règles s’appliquent, je pense notamment à la règle de minimis, dont le respect est rigoureusement contrôlé.

C’est la raison pour laquelle la commission n’a pas adopté l’article 2 et souhaite que le Sénat suive cette position.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

À défaut d’aboutir au vote d’un texte, ces moments doivent au moins être l’occasion d’échanges ; le Parlement ne doit pas être le lieu où chacun vient présenter ses arguments sans prendre le temps d’écouter ceux des autres. Il nous faut donc tenter de faire un bout de chemin les uns avec les autres. Il va bien falloir, pour sortir de cette crise, un minimum de consensus !

C’est d’ailleurs le résultat auquel est parvenu un groupe composé de douze sénateurs et de douze députés représentant l’ensemble des formations politiques : ils sont parvenus à un diagnostic partagé – je parle sous le contrôle de M. Bernard Vera – et à des propositions consensuelles.

La crise internationale nous fait obligation de sortir de nos tranchées habituelles et de nos conventions. Sinon, je doute que nous puissions formuler les bonnes réponses aux questions douloureuses qui nous sont posées.

Monsieur Hue, s’agissant des municipalités, tout est conventionnel, et il est parfaitement possible de saisir le juge pour faire respecter les termes de la convention lorsque l’un des partenaires n’a pas assumé ses engagements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je ne dis pas que c’est facile, mais il ne faut pas oublier à quel point les municipalités se trouvent en concurrence les unes avec les autres : elles sont prêtes à faire de la surenchère pour attirer telle ou telle entreprise. Cela se vérifie également s’agissant des communautés de communes, les départements et les régions.

Cette surenchère ne pourra se poursuivre indéfiniment, puisque nous finançons cela avec des impôts qui deviennent autant d’activateurs de délocalisations et de pertes d’emplois.

Vous avez l’oreille, semble-t-il, de certains syndicats : j’aimerais donc que vous fassiez vivre ce genre de débat parmi les syndicats. Quelles réponses apportent-ils face aux enjeux de la globalisation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Il faudrait que le dialogue social s’établisse !

L'article 2 n’est pas adopté.

Outre sa mission générale de contrôle, la Commission nationale peut être consultée lors de l'institution de tout nouveau dispositif national d'aides publiques aux entreprises et aux banques et établissements financiers.

La Commission nationale peut se saisir elle-même ou être saisie par l'une des instances habilitées à désigner un représentant en son sein, un comité d'entreprise ou, à défaut, un délégué du personnel, une entreprise, un parlementaire, un maire ou le président d'un conseil général ou d'un conseil régional.

Chaque préfet de région lui transmet chaque année un rapport sur la mise en œuvre et l'utilisation de l'ensemble des aides aux entreprises.

La Commission nationale peut obtenir de tout ordonnateur d'une aide publique toutes précisions utiles à une parfaite transparence dans l'attribution et l'usage des aides définies à l'article 1er.

À la demande d'un parlementaire, d'un maire, d'un président d'un conseil général ou d'un conseil régional, ou de sa propre initiative, elle peut, en outre, interroger les représentants de l'État dans les régions ou les départements afin d'obtenir les informations permettant de mesurer l'ensemble des aides reçues par une entreprise déterminée. La commission communique ces informations à l'auteur de la saisine.

La Commission nationale établit un rapport annuel qui contient ses remarques et avis sur les politiques poursuivies. Elle peut formuler toute proposition quant aux critères d'allocation des aides publiques aux entreprises et aux établissements financiers.

Ce rapport est transmis au Parlement et rendu public.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 1, présenté par M. Rebsamen, Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa de cet article, remplacer les mots :

un comité d'entreprise ou, à défaut, un délégué du personnel

par les mots :

un comité central d'entreprise, un comité de groupe

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Nous avons écouté attentivement M. le rapporteur lors de la réunion de la commission des finances et avons pris en compte ses remarques dans cet amendement. Nous proposons en effet de modifier la composition de la commission de manière que ce soit « un comité central d’entreprise, un comité de groupe » qui puisse y être représenté et, ce faisant, nous allégeons la rédaction de l’article 2, ainsi que cela nous avait été demandé.

Le pas que nous avons fait en direction de la commission des finances prouve que nous pouvons nous entendre, nous comprendre, mais nous attendons qu’à son tour M. le rapporteur fasse un pas vers nous, en donnant un avis favorable sur cet amendement.

M. Alain Gournac sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Bien que mes collègues du groupe socialiste se soient montrés un peu plus raisonnables en prévoyant une saisine moins large qu’initialement, le problème de fond demeure : cette saisine reste d’une largeur excessive, puisque notre pays compte environ 2, 5 millions d’entreprises. Je rappelle que toutes les entreprises, tous les maires, pourraient saisir la commission nationale. Je laisse chacun imaginer la charge de travail d’une commission dont la saisine ne ferait l’objet d’aucun filtre.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Prévoir un tel fonctionnement est totalement irréaliste. Une commission nationale ne pourrait, à elle seule, répondre aux sollicitations d’un aussi grand nombre de personnes, physiques ou morales.

La commission, même si elle note que la démarche des membres du groupe socialiste est un peu plus raisonnable, émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Défavorable, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Monsieur le rapporteur, selon vous, le fait que 36 000 maires, 2, 5 millions d’entreprises puissent saisir cette commission nationale rendrait impossible son fonctionnement.

Je me permettrai de souligner que des instances susceptibles d’être saisies par de très nombreuses personnes, physiques ou morales, nous en avons pléthore dans notre paysage juridique et institutionnel !

Ainsi, le Médiateur de la République, qui dispose, d’ailleurs, de délégués départementaux, peut être saisi directement par tout citoyen, en propre ou par l’intermédiaire de n’importe quel élu local, national, ou n’importe quelle association. De même, la HALDE, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, peut, quant à elle, être saisie par toute personne qui s’estime victime de discriminations.

Ne sommes-nous pas, avec notre proposition de loi, dans la même logique, celle qui veut que nous soyons arrivés au point où notre société est suffisamment ouverte et démocratique pour examiner en toute transparence une question qui la concerne directement ?

Nos collègues du groupe socialiste ont déposé – nous les remercions de l’intérêt qu’ils ont ainsi manifesté pour notre proposition de loi – deux amendements visant à confier les dossiers les plus significatifs à la Commission nationale et les dossiers de portée plus locale aux différentes commissions régionales : c’est là la preuve, monsieur le président de la commission des finances, que le dialogue a lieu et que l’écoute est bonne.

Nous acceptons l’équilibre que ces deux amendements dessinent, tout en soulignant en dernière instance l’essentiel : ce que la majorité sénatoriale refuse profondément, et qui nous semble correspondre à sa position idéologique de fond, c’est de donner aux salariés des droits nouveaux dans la connaissance de la réalité économique et sociale qu’ils vivent tous les jours, celle de leur propre entreprise.

En effet, en dernier lieu, les fonds publics ne sont-ils pas, comme le disait si bien le Président de la République lui-même, le produit des impôts acquittés par tous les Français ?

Que vous le refusiez montre clairement votre conception du « contrôle » de l’argent public, implacable quand il s’agit des dépenses publiques ou sociales, laxiste, voire complice quand il s’agit des aides publiques, directes comme indirectes, dévolues aux entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

En tout état de cause, en retenant les termes de l’amendement de nos collègues, nous ne pouvons qu’inviter le Sénat à ne pas suivre la commission des finances.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 3 n’est pas adopté.

Il est créé, dans chaque région, une Commission régionale des aides publiques chargée d'évaluer et de contrôler l'utilisation des aides définies à l'article 1er dans la région.

La commission régionale est ainsi composée :

- de parlementaires de la Région ;

- de représentants de l'État dans la Région ;

- de représentants des collectivités territoriales ;

- des représentants des organisations syndicales représentatives de salariés ;

- des représentants des organisations professionnelles représentatives d'employeurs ;

- de personnalités qualifiées, à raison de leur compétence en matière économique et sociale. Une représentation du milieu associatif est prévue à ce titre.

La commission régionale émet un avis sur le rapport prévu au troisième alinéa de l'article 3. Elle peut, en outre, formuler toute proposition tendant à améliorer l'efficacité des politiques poursuivies.

Le secrétariat de la commission régionale est assuré par le représentant de l'État dans la région.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 2, présenté par M. Rebsamen, Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'avant-dernier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

La commission régionale peut se saisir elle-même ou être saisie par l'une des instances habilitées à désigner un représentant en son sein, un comité d'entreprise ou, à défaut, un délégué du personnel, une entreprise, un parlementaire, un maire ou le président d'un conseil général ou du conseil régional.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Il s’agit ici de la commission régionale, de son autosaisine et des entités susceptibles de la saisir.

Dans l’énumération de l’article 4 figurent les comités d’entreprise. En effet, selon nous, les comités d’entreprise, qui participent de la démocratie, doivent voir leurs droits étendus, alors que, très souvent, ils ne sont appelés à jouer un rôle qu’en fin de course, au moment des opérations de restructuration, à la différence de ce qui se fait dans des pays très avancés en ce domaine, aux Pays-Bas, notamment, où les comités d’entreprise sont bien compris dans le circuit de l’information et, en cas de restructuration, interviennent en amont de la procédure, grâce à un droit de veto et d’opposition.

Je tiens à répondre à M. Gournac, qui prétendait que nous voulions priver les parlementaires de leur intervention. Au contraire ! Les parlementaires pourront, eux aussi, saisir la commission régionale, comme tout maire, tout président d'un conseil général ou d'un conseil régional.

Nous sommes là au cœur de l'expression démocratique des élus, qu'ils soient nationaux ou territoriaux, et des représentants des salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Je précise que, en France, la saisine du Médiateur intervient en dernier recours, après qu’auront été épuisées toutes les voies de recours.

Il s'agit d’une commission qui, qu’elle soit nationale ou régionale, peut être saisie sans filtre. Le problème de fond, que j'ai soulevé à propos de la commission nationale, reste donc ici posé : l’avis de la commission est évidemment défavorable.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.

Madame Bricq, entre la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, le livre IV, le livre V et l’obligation annuelle d’information sur l’évolution de l’activité économique de l’entreprise, le code du travail regorge, précisément, de dispositions prévoyant un certain nombre d’étapes pour inclure l’ensemble des acteurs dans la vie de l’entreprise. Loin de moi l’idée de les remettre en cause, car celles-ci sont légitimes et interviennent au bon moment.

Il est donc assez malvenu, me semble-t-il, de prétendre que les institutions représentatives du personnel ne sont pas impliquées dans la vie économique, surtout lorsque des modifications sont envisagées.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Par ailleurs, monsieur Hue, nos échanges, fort intéressants du reste, n’auront que plus de valeur si nous nous attachons à fournir une information à la fois transparente et complète.

Vous avez évoqué tout à l’heure les engagements que PSA doit respecter : soyez-en assuré, nous sommes très vigilants. Mais n’oublions pas de mentionner aussi ceux qui ont été pris par Renault, en particulier la « relocalisation » de l’assemblage de certaines Clio sur le site de Flins et la décision de produire un nouveau moteur tout près du site de Sandouville. Voilà des annonces très positives, de nature à développer l’emploi sur ces deux sites.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Vous avez également cité le groupe Trèves, spécialisé dans les textiles « intelligents » qui sont utilisés pour l’habillage de l’habitacle et, notamment, des sièges. Qu’auriez-vous dit si l’État, par l’intermédiaire du fonds de modernisation des équipementiers automobiles, lui-même abondé par le fonds stratégique d’investissement, n’était pas intervenu pour la soutenir ? Heureusement que nous l’avons fait ! Malgré tout, s’il est important de participer à la sauvegarde de l’entreprise et de lui permettre de continuer à fonctionner, cela ne signifie pas forcément que toute vie en son sein s’arrête et que la situation est pour ainsi dire gelée.

Au demeurant, il existe aussi dans cette entreprise des institutions représentatives du personnel et des organisations syndicales, et celles-ci disposent de tous les moyens que je viens d’évoquer, notamment en termes de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, pour mettre en place les consultations appropriées prévues en cas de modifications rendues nécessaires par l’évolution économique.

L’amendement n’est pas adopté.

L’article 4 n’est pas adopté.

Tout comité d’entreprise ou, à défaut, un délégué du personnel peut saisir l’ordonnateur d’une aide publique lorsqu’il estime que l’employeur ne respecte pas les engagements souscrits pour bénéficier des aides définies à l’article 1er. Il peut le faire à partir de la connaissance du montant et de l’utilisation des aides publiques que l’employeur est tenu de lui communiquer conformément à l’article L. 2323-8 du code du travail.

L’ordonnateur saisi peut décider, après avoir entendu l’employeur et les représentants du personnel, de suspendre ou de retirer l’aide accordée ; le cas échéant, il peut en exiger le remboursement. Il en apprécie l’utilisation en fonction notamment de l’évolution de l’emploi dans l’entreprise considérée, ou des engagements formulés par le chef d’entreprise pour bénéficier de ces aides, ou des objectifs avancés par les salariés et leurs organisations syndicales.

L’article 5 n’est pas adopté.

Après le premier alinéa de l’article L. 2323-55 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ce rapport porte notamment sur les aides publiques perçues par l’entreprise au cours de l’année écoulée. »

L’article 6 n’est pas adopté.

Le secrétariat de la Commission nationale est assuré par les services des ministres en charge de l’économie, des finances, du travail et des affaires sociales.

L’article 7 n’est pas adopté.

Les conditions d’application de la présente loi sont déterminées par décret en Conseil d’État.

L’article 8 n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Chacun des articles de la proposition de loi ayant été rejeté, il n’y a pas lieu de procéder à un vote sur l’ensemble.

La proposition de loi est rejetée.

Madame la ministre, au nom du Sénat, je vous remercie infiniment d’avoir été présente pour cette discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Roland Bernard, qui fut sénateur du Rhône de 1986 à 1995 et maire d’Oullins.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 12 mai 2009 :

À neuf heures trente :

1. Questions orales.

À seize heures et le soir :

2. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (290, 2008-2009).

Rapport de M. Alain Milon, fait au nom de la commission des affaires sociales (380, 2008-2009).

Texte de la commission (n° 381, 2008-2009).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.