Intervention de Bernard Cazeau

Réunion du 15 novembre 2007 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2008 — Article 35

Photo de Bernard CazeauBernard Cazeau :

Madame la ministre, les valeurs de solidarité et d'équité dans l'accès aux soins sont à la base du concept de l'assurance maladie. Elles en font le socle essentiel et incontestable.

Disons-le clairement : la franchise est une préconisation qui rompt avec le principe républicain.

Elle renvoie d'abord à l'univers de l'assurance, pas à celui de la solidarité : la voiture, ce n'est pas la même chose que la santé des malades !

De plus, le prélèvement en amont de la dépense présente un risque majeur, celui de restreindre l'accès aux soins.

Enfin, elle pose de nouveau la question de la solidarité, car, par un phénomène pervers, la franchise culpabilise le patient.

Les Français l'ont bien compris : selon un sondage Ipsos publié en octobre, ils sont 70 % à s'opposer à votre projet.

Notons que cette mesure ne se singularise pas en ce qui concerne la pénalisation des patients. Je vous rappelle les décisions nombreuses de vos prédécesseurs : la franchise de 1 euro sur les consultations et les actes médicaux ; la hausse du forfait hospitalier ; le moindre remboursement pour ceux qui n'ont pas fait le choix du médecin traitant ; le forfait de 18 euros sur les actes lourds de plus de 91 euros ; la diminution du taux des indemnités journalières, etc.

Ce qui change, c'est la justification. Certains malades doivent maintenant payer pour d'autres malades. La vignette automobile avait été conçue initialement pour les personnes âgées. Cette idée a été reprise pour justifier le financement du plan contre la maladie d'Alzheimer.

Or nous savons bien ce qu'il en a été s'agissant de l'affection de cette taxe.

En réalité, la mesure que vous mettez en oeuvre privilégie une approche de « tire caissière ». Elle sanctionnera les couches moyennes et les 5 millions de Français tout juste au-dessus de la CMU.

À ce sujet, pour faire bonne mesure et pour ne pas paraître trop inféodé aux intérêts des puissants, le Gouvernement nous avait promis, en mai 2007, une avancée majeure pour l'année 2008 : le bouclier sanitaire. Où est-il ?

La franchise médicale entraînera des effets pervers en risquant de pénaliser les patients. Pour partiellement les responsabiliser, elle aboutira à ce que certains malades, les moins informés, préféreront s'abstenir de se soigner pour des affections bénignes.

Cette décision dictée par des considérations financières de rafistolage ne pourra que déclencher des pathologies lourdes, dont les coûts financiers et humains sont autrement plus importants !

Selon un rapport rendu public pendant l'examen à l'Assemblée nationale du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, à savoir le jeudi 26 octobre 2007, la consommation médicale des Français les plus fragiles est plus faible que celle du reste de la population. Ils sont plus nombreux à ne pas avoir consulté un médecin l'année qui précédait l'enquête : 21 % des moins de cinquante ans, contre 17 %. L'écart est encore plus grand lorsqu'il s'agit d'enfants : 20 %, contre 16 %.

Ainsi, pour la prévention du cancer, 34 % des femmes de plus de quarante ans appartenant à des ménages modestes n'ont jamais réalisé de mammographie, contre 19 % pour les autres ; 12 % des femmes entre vingt et soixante-dix ans n'ont jamais réalisé de frottis gynécologique, contre 6 % pour les autres. On retrouve les mêmes écarts pour les tests de dépistage du VIH.

La prévention constitue un élément clef du suivi médical de chacun.

L'étude de l'Insee l'a clairement démontré : les personnes les plus pauvres, notamment leurs enfants, vont moins souvent chez le médecin que la moyenne des Français.

Ceci expliquant cela, certaines maladies graves - cancer du sein, dépression - sont récurrentes dans cette catégorie de la population.

Au final, elles fréquentent les hôpitaux plus que la normale, avec les coûts que nous savons. Est-ce ainsi que nous répondrons à la croissance des soins ?

En conclusion, la franchise est une mauvaise idée.

En faisant culpabiliser les Français, vous évitez de vous poser concrètement les vraies questions, celles du panier de soins, de la redéfinition du socle de solidarité, de l'efficience de la gestion de l'assurance maladie et de la réforme permanente du système.

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