Il ne nous paraît pas inutile, monsieur le président, de rappeler encore et encore qu'en matière d'assurance maladie le principe fondateur de notre protection sociale est que les bien-portants payent pour les malades. Avec cette taxe sur la maladie, c'est un pan du contrat social entre les Français qui est mis à mal.
Instaurer des franchises que paieront les malades, y compris ceux qui sont atteints du sida, d'un cancer ou de la maladie d'Alzheimer et le faire au nom de la « responsabilisation des patients » est choquant. Cela revient à dire que le malade est responsable de sa maladie et qu'il doit payer pour la prise en charge collective qui en résulte. Ce n'est pas de la responsabilisation, c'est, dans le meilleur des cas, de la culpabilisation, voire une accusation. D'ailleurs, les seules franchises que je connaisse jusqu'à présent sont celles que m'applique mon assurance automobile lorsque j'ai eu un comportement fautif et que je suis responsable de l'accident qui en résulte.
Symboliquement, cette démarche est grave, économiquement, elle est inefficace et, en matière de santé publique, elle est aberrante.
Aujourd'hui, 13 % des Français et un quart des jeunes de moins de vingt-cinq ans se privent d'ores et déjà de soins par manque d'argent. Avec l'instauration des franchises, nul ne doute que ce nombre augmentera. Or, cela a déjà été dit, je le répète, lorsque sont différés des soins nécessaires, souvent, les pathologies s'aggravent, entraînant des interventions bien plus lourdes et bien plus coûteuses.
La mise en place de ces franchises ne peut que renforcer le développement des inégalités en matière de santé. Elle est d'autant moins acceptable qu'elle pèse lourdement sur les plus fragiles, à savoir les malades. Dans le même temps, vous ne taxez qu'à la marge les stock-options et vous laissez courir les dépassements d'honoraires au-delà de toute mesure.
Aujourd'hui même, l'INSEE nous informe que, tandis que les 10 % des Français les plus riches ont vu leurs revenus progresser de 40 % au cours de ces six dernières années, les pauvres sont de plus en plus pauvres et de plus en plus nombreux : 7 millions de Français vivent avec moins de 800 euros par mois et les écarts d'espérance de vie recommencent à se creuser selon les classes sociales, notamment entre cadres et ouvriers.
Pour faire taire toutes les critiques relatives aux franchises, vous usez d'une ficelle d'autant plus voyante que vous ne vous souciez même pas de la rendre crédible. D'après vous, l'argent des franchises servira à financer le plan cancer, les soins palliatifs et le plan Alzheimer. Outre que ces franchises ne sauraient manifestement suffire, tant les besoins auxquels elles sont censées répondre sont lourds, elles viennent en réduction du déficit dans les tableaux comptables qui accompagnent ce PLFSS. Or, si elles participent à la réduction du déficit, elles peuvent difficilement financer dans le même temps des besoins nouveaux.
D'ailleurs, il me semble me souvenir que le candidat Sarkozy avait annoncé la mise en place des franchises pour réduire le déficit de la sécurité sociale, et ce n'est qu'après un tollé général, c'est-à-dire de tous bords, qu'est apparu l'habillage en question.
Franchement, les familles confrontées à la maladie, à la vieillesse et à la mort méritent mieux que cette instrumentalisation. Ne prenez pas prétexte du financement des nouveaux besoins pour justifier vos atteintes aux droits des malades !
Au fil du temps, le financement des soins glisse du cotisant et du contribuable vers le malade, de la prise en charge collective à la prise en charge individuelle, d'un régime solidaire à un régime assurantiel. L'instauration des franchises est un pas supplémentaire qui n'est probablement pas le dernier. Ce glissement est essentiellement idéologique ; vouloir le faire passer pour une démarche de santé publique est à la fois faux et inacceptable.
C'est pour ces raisons que nous demandons la suppression de cet article.