Le pacte social du Conseil national de la Résistance était très imparfait : il ne concernait que les salariés, les tickets modérateurs étaient extrêmement importants. Faut-il rappeler, pour vous citer un chiffre, que le taux de remboursement des indemnités journalières était, à l'époque, de 50 % d'un tarif salarial très inférieur à ce qu'il est aujourd'hui, alors qu'il atteint près de 80 % de nos jours ?
Il faut noter que les progrès médicaux de ces dernières années ont permis une amélioration constante de l'espérance de vie des Français, qui nous place d'ailleurs à l'un des niveaux les plus élevés du monde. Mais le vieillissement de la population qui en résulte entraîne également le développement de certaines maladies, comme la maladie d'Alzheimer ou les cancers, ainsi que des besoins renforcés en termes de soins palliatifs.
Il s'agit donc d'assurer le financement de ces besoins nouveaux. Dans le même temps, on ne peut que constater la dérive des comptes de l'assurance maladie. On ne peut sans arrêt stigmatiser, très justement, tout déficit et s'opposer à toute proposition.
Les franchises tendent à répondre à cette double exigence : dégager des recettes nouvelles pour progresser dans la prise en charge de ces besoins et faire preuve de responsabilité en évitant de reporter la charge de ce financement sur les générations futures.
Les franchises que nous proposons de créer dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 permettent une progression des dépenses de santé au service de tous, sans faire financer ces nouveaux besoins par nos enfants. Dans un contexte difficile, il y va de notre responsabilité.
Pour revenir sur les dérives alléguées, qui consisteraient en déremboursements et moindres prises en charge, madame Schillinger, je veux rappeler que, selon les comptes annuels de la santé, qui sont disponibles et que personne ne met en doute, la part de la sécurité sociale dans le financement des dépenses de santé n'a cessé de croître ! Il faut cesser de faire référence à un bon vieux temps mythique ! C'est faux !
Nous remboursons mieux les dépenses de santé : la part des dépenses de santé remboursées est passée de 50 % en 1950 - à une époque où ces dépenses n'atteignaient pas le niveau actuel - à 55 % en 1960, 74 % en 1970 et 77 % aujourd'hui ! La part des ménages, quant à elle, a décru dans le passé récent. Elle était de 9, 6 % en 1995, elle est aujourd'hui de 8, 6 %. Tout cela représente un effort collectif et solidaire considérable, d'autant que, sur la même période, la part des dépenses de santé dans le PIB est passée de 2, 5 % à 11 %, c'est-à-dire qu'elle a plus que quadruplé.
On constate donc une augmentation continue de la prise en charge solidaire dans un contexte où les dépenses de santé sont de plus en plus importantes. Parler d'un modèle des années quarante-cinq est vraiment une contre-vérité et une offense au bon sens !
Au sein de l'OCDE - comparons avec des pays qui ont des revenus comparables aux nôtres - la France se situe à un haut niveau de prise en charge.
La contribution des ménages aux dépenses de santé est de 7 % en France, alors qu'elle est de 20 % en moyenne dans les pays de l'OCDE. La part publique des dépenses de santé est de 80 % en France, contre 73 % en moyenne dans les pays de l'OCDE. Je donne ces chiffres en réponse à Mme Le Texier.
L'instauration des franchises ne modifiera pas ces grands équilibres. Avec un rendement estimé de 850 millions d'euros, elles ne représenteront qu'une très modeste inflexion du taux de remboursement des soins de ville, qui se situera alors à plus de 78 %.
L'effort demandé aux assurés sociaux ne fera que freiner l'accroissement tendanciel de la prise en charge collective des soins. En dix ans, le taux moyen de remboursement des soins de ville a augmenté de plus de 1, 5 point, passant de 77, 7 % en 1994 à 79, 3 % en 2004. Cette forte croissance est due principalement au développement dynamique des soins pris en charge au titre des affections de longue durée.
Sans intervention, cette tendance conduirait inexorablement vers un système à l'américaine où les plus pauvres et les plus âgés seraient pris en charge intégralement par la collectivité, mais où les contraintes financières publiques aboutiraient à laisser de façon croissante la protection contre les « autres risques » aux assurances privées. Cette évolution saperait peu à peu le caractère universel de notre sécurité sociale et l'adhésion de la population à ce système.
Il est donc légitime de vouloir contrer cette dérive. Dans ce cadre, les franchises constituent une participation raisonnable, même si, je le sais, elles peuvent représenter un effort pour certains ménages.