Avec les franchises médicales, madame la ministre, vous avez réussi le triple exploit de proposer une mesure inefficace, intolérable et, de ce fait, contestée par tous. Syndicats, responsables mutualistes, économistes, associations de malades ou de victimes, organisations étudiantes : tous dénoncent votre projet.
Ainsi, le président de la Mutualité française a stigmatisé, en juin dernier, un projet qui met en danger l'idée même de solidarité et qui « n'est pas le moyen le plus intelligent pour rééquilibrer les comptes de la sécurité sociale ». Cela est incontestable, il n'y a plus que vous pour feindre de l'ignorer.
Les franchises que vous préconisez sont néfastes, car elles auront pour conséquence d'éloigner plus encore des soins les populations les plus fragiles et les plus pauvres, à l'image de ces 30 % de Français qui y renoncent aujourd'hui pour des motifs économiques. Pour ces populations, c'est clair, il faudra plus encore qu'aujourd'hui arbitrer entre les dépenses de tous les jours - loyer, alimentation, transports - et les dépenses de santé. Nous savons quelle est la tendance !
La question des franchises est, on le voit, indissociable du débat actuel sur le pouvoir d'achat. À cet égard, la démonstration est claire : si, lors de l'élection présidentielle, M. Sarkozy se présentait comme le candidat du pouvoir d'achat, il est, six mois après, le président de la vie toujours plus chère.
Mais vos franchises auront également un effet négatif sur la santé publique et les dépenses qui y sont liées. En effet, nous le savons, en retardant la prise en charge de la maladie, résultat auquel votre projet ne manquera pas d'aboutir, vous creuserez les dépenses. Oui, soigner une maladie à son début est plus facile et moins coûteux qu'appliquer un traitement sur le tard.
Le secrétaire d'État chargé des anciens combattants a dit le 8 novembre dernier, à l'Assemblée nationale, avoir obtenu de vous l'exonération des franchises médicales pour les anciens combattants titulaires d'une pension militaire d'invalidité, ce que vous m'avez confirmé lundi lors de la discussion générale. C'est bien la moindre des choses, car il y aurait, dans le cas contraire, atteinte au droit imprescriptible à réparation.
Nous souhaiterions, madame la ministre, que vous soyez très claire sur ce point, car ne pas accorder cette exonération serait plus que mesquin, et je note que, sauf erreur d'analyse de ma part, vous allez donc bien faire supporter des franchises à d'anciens résistants ou déportés âgés de plus de quatre-vingts ans !
Avant de conclure, je souhaiterais apporter dans le débat un peu de ce qui manque à la majorité, c'est-à-dire la prise en considération de la réalité.
Pour vous, le coût des franchises médicales est quasiment indolore. Naturellement, ce n'est pas le cas. Pis encore, cette affirmation est presque indécente - le mot est trop fort, je le reconnais - quand ces 50 euros viennent s'ajouter au reste à charge qu'acquittent bon nombre de malades. Nous aborderons plus en détail ce point tout à l'heure. Des sommes parfois très importantes sont en jeu, notamment en raison du phénomène d'extension des consultations en secteur 2.
Je ne prendrai ici qu'un exemple, celui d'une malade atteinte de la mucoviscidose. Alors qu'il s'agit théoriquement d'une pathologie prise en charge à 100 %, le reste à charge est, pour cette personne, de plus de 3000 euros par an. En fait, en raison de sa maladie, elle a été contrainte, comme tant d'autres, de travailler à temps partiel. Il lui est alors impossible, avec quelque 650 euros de revenus mensuels, de souscrire une assurance maladie complémentaire, et il lui revient donc de débourser 16 euros pour chaque journée d'hospitalisation, de financer à raison de plus de 2000 euros les frais dentaires indispensables avant d'envisager une transplantation pulmonaire, qui ne peut se faire que sur un patient exposé le moins possible au risque infectieux.
En fait, vos franchises médicales n'ont qu'une finalité, celle d'éloigner les Français de notre système de solidarité, en « détricotant » ce dernier, comme l'a dit tout à l'heure M. Cazeau. Déremboursements, franchises médicales, ce sont autant de moyens d'affaiblir la protection sociale et de faire miroiter l'illusion d'un système privé, individualisé et assurantiel.
D'ailleurs, M. Sarkozy, qui visiblement côtoie trop de courtiers en assurances, va jusqu'à transposer dans notre système de protection sociale des règles issues du monde des assurances, oubliant au passage le plus important : la sécurité sociale n'est pas une assurance, elle est un outil au service du plus grand principe qui soit, la solidarité.
C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de supprimer cet article 35.